A chacun sa petite phrase (coupe du monde 2010-II)

Trouvé sur TVMag.com

Invité lundi matin de la matinale de Nicolas Demorand sur France inter, le philosophe Alain Finkielkraut est longuement revenu sur les scandales à répétition qui bousculent l’équipe de France de football. Anelka renvoyé, joueurs en grève, démission d’un membre du staff… La Coupe du monde 2010 des Bleus tourne au cauchemar. Pour le professeur de l’Ecole Polytechnique un seul coupable est à pointer du doigt : les joueurs.

Et Alain Finkielkraut ne mâche pas ses mots : « J’hésite devant ce grand naufrage entre les rires et les larmes. Ces joueurs ne sont pas seulement odieux, ils sont parfaitement grotesques. Et personnellement, je ne ferais pas cadeau du beau mot de mutineries (titre à la Une du quotidien Le Parisien / Aujourd’hui en France ce lundi, ndlr) si chargé d’histoire et d’intensité romanesques pour qualifier le putsch débile de voyous milliardaires » a déclaré le philosophe au micro de France Inter avant d’ajouter : « La mutinerie ça peut être justifiée, c’est une révolte. Là, il s’agit d’un caprice. Et puisqu’ils ont choisi de se solidariser du joueur qui a insulté le sélectionneur, ils doivent être exclus. La France doit déclarer forfait. Une bande de onze petites frappes, ça ne fait pas une équipe ».

Très remonté contre les joueurs de l’équipe de France, le philosophe a dénoncé le climat catastrophique qui règne à l’intérieur du groupe : « Souvenez-vous des propos de Patrice Evra : (samedi lors d’une conférence de presse exceptionnelle, le capitaine de l’équipe de France avait déclaré « Le problème ce n’est pas Anelka, c’est le traitre qui est parmi nous. Il faut l’éliminer », ndlr). On n’est plus dans l’univers mental du football, on est dans l’univers mental des Sopranos, de la mafia » a ainsi déclaré Alain Finkielkraut avant de lancer un cinglant « s’ils doivent jouer, si les instances fédérales et le gouvernement français continuent à abdiquer devant ce genre d’attitude, alors en tant que citoyen, que philosophe, que supporter et compatriote français, j’espère que l’Afrique du Sud va leur infliger une leçon ».

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La triple faute qui a ruiné la maison bleue (coupe du monde 2010-I)

Pendant, cette coupe du monde de football 2010, l’équipe de France de football s’illustre d’une manière parfaitement originale et multiplie les premières. En attendant de mieux connaitre les faits, j’ai sélectionné quelques articles de journaux. Voici le premier.

Trouvé sur Ouest-France.fr

Les Bleus avaient touché le fond sportivement face au Mexique, jeudi, ils ont aussi touché le fond moralement avec le « scandale Anelka ». Sur le terrain, des joueurs qui ne sont pas la hauteur, cela arrive, les raisons peuvent être multiples et parfaitement honorables. En revanche, ne pas être à la hauteur en coulisses est infiniment plus grave et dommageable. L’image de l’équipe de France est ruinée car, bien au-delà des polémiques futiles, beaucoup trop de gens ont confondu leur intérêt personnel avec ce que pouvait représenter le port du maillot national.

La faute de Domenech
Pas à la hauteur sur le terrain, Nicolas Anelka l’est depuis un moment, sans être le seul dans ce cas. Malgré cela, le sélectionneur lui a maintenu sa confiance, totale, sans jamais le critiquer en public, alors qu’il a d’autres joueurs à sa disposition pour jouer avant-centre et qu’il a écarté Karim Benzema de la sélection. Bref, un choix sportif et humain de la part de Raymond Domenech, fort peu judicieux quand on voit comment il a été payé en retour !

Car, si on a bien compris, à la mi-temps de France-Mexique, le sélectionneur ne comptait pas remplacer Anelka, il lui a seulement reproché de ne pas faire ce qu’il lui demandait, persuadé sans doute que celui-ci ne faisait pas exprès… Cruelle erreur ! Et s’il a choisi de mettre de côté Yoann Gourcuff au motif que ce garçon ne plaisait pas à certains (Anelka, Ribéry, Gallas, Henry ?), on frémit sur son manque de lucidité.

La faute d’Anelka
Nicolas Anelka s’était assagi avec l’âge, pensait-on. Le jeune prétentieux (« je ne suis pas payé pour sourire », avait-il cru bon de dire un jour) s’était mué en sorte de sage zen. Mais le naturel est revenu en Afrique du Sud. Après avoir joué les enfants gâtés à Arsenal, au Real Madrid et au Paris SG, après avoir toisé Jacques Santini, coupable en 2003 de ne pas l’avoir sélectionné en temps voulu, Anelka-le-mal-élevé s’est lâché sur le sélectionneur en pleine tempête sportive, alors que celui-ci le maintenait contre tous les avis dans l’équipe. Quelle classe ! Exclu des Bleus hier soir, il emportera dans son tombeau sportif cette honte avec lui. S’il est vrai qu’il a refusé de s’excuser, son attitude n’inspirera que du mépris. Dire que « cela n’aurait pas dû se savoir » n’efface en rien le comportement. Et sous-entendre qu’il est plus grave de dire que le sélectionneur a été insulté que les insultes ne le sont, est une énormité dont certains auraient pu se passer.

La faute de la Fédération
La Fédération française sort laminée de cette lamentable histoire. Parce qu’elle a tout fait pour qu’elle se produise : en laissant Raymond Domenech sans garde-fou, contrairement à tous les engagements qu’elle avait pris après l’Euro 2008. En laissant les joueurs dicter leur loi, au mépris de toutes règles sociales. Et en laissant se développer une communication minimaliste, propice à tous les grossissements d’incidents, à toutes les interprétations. Au lieu de parler franchement, d’ouvrir en grand les portes, mais surtout de s’intéresser vraiment à ce qui se passe. Bref, la FFF a laissé s’installer un climat pourri, délétère. Il est quand même scandaleux qu’Anelka n’ait pas été exclu dès le lendemain du match face au Mexique, mais hier soir seulement, sous la pression médiatique… Ce qui veut clairement dire que si cela ne s’était pas su, il serait toujours là !

Dépassés par les événements
Les dirigeants français ont été incapables de réagir avec promptitude à la situation, démontrant à quel point ils étaient dépassés par les événements. On les avait déjà vus incapables de s’excuser face à l’Irlande, après l’hideuse qualification de l’équipe de France sur un but entaché d’une main, ils n’ont pas fait mieux depuis. L’attaché de presse de la fédération n’a pas été en mesure de fournir la moindre information, de donner le moindre rendez-vous, hier avant 17 h 30. Et il a fallu supplier le président pour qu’il daigne venir s’expliquer, ne parlons même pas de sa démission. On se demande si quelqu’un sert encore à quelque chose dans une organisation pourtant pléthorique, faite de copains et de « gens sûrs », mais certainement pas de grands professionnels.

Jérôme BERGOT.

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Quand les médias établis se réveilleront …

Dans un article en-dessous, vous trouverez un avis de Francis Pisani sur l’évolution de la presse-papier. J’ai mis cet article sur le site parce que je partage tout à fait son point de vue.

Personnellement, je suis en train d’arrêter successivement  la plupart des mes abonnements papier mais je suis surpris de la politique des abonnements électroniques qui ne sont pas moins onéreux. Ce fait est d’autant plus important que l’on sait que la part du papier et de l’acheminement de ces revues est une part majeure du prix de ces revues. Ces revues ont la même attitude que les compagnies de CD. Le résultat sera le même.

Ce fait est à rapprocher des tarifs des livres électroniques : « ce problème au final ne devrait pas concerner la disponibilité des livres électroniques, mais plutôt leur attractivité vis à vis des livres papier, compte tenu du faible écart de prix entre les deux supports – comptez entre 12,99 € et 18,99 € en général » (voir le site : « www.macgeneration.com ». Avec l’arrivée de l’iPad, les éditeurs sont devant le même dilemme que les compagnies de disque ou les journaux, les échecs des précédents ne semblent ne pas servir de leçon aux éditeurs.

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Pourquoi modifier le site « www.strabisme.net » ?

Le site « www.strabisme.net » a été ouvert le 24 septembre 2006. depuis cette date, le succès a été grandissant mais aussi la taille du site. Le nombre de pages a très fortement augmenté mais également les informations disponibles se sont fortement diversifiées rendant son référencement difficile par les moteurs de recherche.
Par ailleurs, l’évolution des différents logiciels a fait que certains logiciels choisis se sont révélé obsolètes quelques années plus tard. De ce fait, une remise à plat du site était indispensable. Celle-ci s’est faite avec les objectifs suivants :

  • Choix de logiciels leaders dans leur domaine. C’est pourquoi le blog et les forums ont été modifiés avec pour conséquence  la perte des données antérieures. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour ce désagrément.
  • Division du site en un ensemble de sites mono-thématiques pour faciliter leur maintenance et leur référencement.
  • Choix d’un nouveau thème pour l’ensemble des sites.

Tout ceci a nécessité un travail considérable. Si, à la date d’aujourd’hui, la transition n’est pas arrivée à son terme, elle est terminée sur le plan de l’architecture du site : « www.fnro.net ».

Aujourd’hui, toutes les pages antérieures à l’exception des wiki, sont à nouveau disponibles dans un des domaines du site.

Bonne lecture

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Quand les médias établis se réveilleront, il sera trop tard, par Francis Pisani

Trouvé sur le blog de Francis Pisani (http://pisani.blog.lemonde.fr/)

Les professionnels ont remarqué que le Huffington Post, qui vient de fêter son cinquième anniversaire, est sur le point de dépasser le site du New York Times en trafic et devrait bientôt le rattraper en revenus. C’est une excellente illustration de comment fonctionnent les technologies perturbatrices…

Au mois de mars le trafic du HuffPo, comme ils disent les initiés, se situait en dessous de la barre des 13 M de visiteurs uniques alors que celui du New York Times était au dessus mais pas très loin. Les autres grands : Washington Post, Wall Street Journal et Los Angeles Times sont totalement largués.
Au niveau mondial en avril : le HuffPo avait 22 millions de visiteurs uniques, derrière CNN.com (43 millions) et AOL News (31 millions).
Mais c’est la courbe qui compte. Il y a 2 ans et demi, le NYT (qui a plus de 160 ans) avait 11,2 M de visiteurs uniques et le HuffPo (comme l’appellent les initiés) un peu plus d’1 M.
Il n’y a pas que le trafic. Henry Blodget, un des analystes les plus fins des médias digitaux estime que le HuffPo devrait égaler le site du NYT en revenus en 2011 ou 2012.
Comme le HuffPo a commencé avec des blogueurs influents et la présentation d’articles provenant d’autres sites (agrégation), certains professionnels ont vite fait d’en conclure que la qualité est moindre. C’est une réaction courante face aux innovations.
On sait, grâce aux travaux de Christensen que les technologies innovantes sont souvent, au départ, inférieures à celles qu’elles perturbent et qui les méprisent parce qu’elles sont moins bonnes.
Mais les gens les adoptent parce qu’elles sont plus simples et moins chères et qu’elles ont une qualité « suffisante » (good enough) pour satisfaire leurs besoins.
Un exemple connu est celui des caméras Flip qui n’ont aucun réglage et valent autour de 150 dollars. Elles ont déjà gagné 20 % du marché américain.
Mais revenons aux médias.
La commodité : Le New York Times continue à nous abreuver, même sur ses applis pour mobiles, de superbes articles très long (pas très commodes) alors que le HuffPo nous propose sur son site de commencer par un « QuickRead » synthétique, suffisant pour la plupart des circonstances et ouvert sur le papier de fond pour ceux qui veulent.
Le coût : Alors que les médias traditionnels, entraînés par le paladin Murdoch, cherchent à faire payer l’accès à leurs sites, le Huffington Post reste totalement gratuit ce qui devrait lui permettre de gagner encore du terrain.
Ah, j’allais oublier (menteur), grâce à l’argent qu’il gagne le HuffPo peut maintenant améliorer sa qualité. Il engage plus de journalistes et vient de créer une fondation pour financer le journalisme d’investigation.
Quand les médias traditionnels se réveilleront il sera trop tard.
Qu’en pensent les utilisateurs ?…

Les professionnels ont remarqué que le Huffington Post, qui vient de fêter son cinquième anniversaire, est sur le point de dépasser le site du New York Times en trafic et devrait bientôt le rattraper en revenus. C’est une excellente illustration de comment fonctionnent les technologies perturbatrices…Au mois de mars le trafic du HuffPo, comme ils disent les initiés, se situait en dessous de la barre des 13 M de visiteurs uniques alors que celui du New York Times était au dessus mais pas très loin. Les autres grands : Washington Post, Wall Street Journal et Los Angeles Times sont totalement largués.Au niveau mondial en avril : le HuffPo avait 22 millions de visiteurs uniques, derrière CNN.com (43 millions) et AOL News (31 millions).Mais c’est la courbe qui compte. Il y a 2 ans et demi, le NYT (qui a plus de 160 ans) avait 11,2 M de visiteurs uniques et le HuffPo (comme l’appellent les initiés) un peu plus d’1 M.Il n’y a pas que le trafic. Henry Blodget, un des analystes les plus fins des médias digitaux estime que le HuffPo devrait égaler le site du NYT en revenus en 2011 ou 2012.Comme le HuffPo a commencé avec des blogueurs influents et la présentation d’articles provenant d’autres sites (agrégation), certains professionnels ont vite fait d’en conclure que la qualité est moindre. C’est une réaction courante face aux innovations.On sait, grâce aux travaux de Christensen que les technologies innovantes sont souvent, au départ, inférieures à celles qu’elles perturbent et qui les méprisent parce qu’elles sont moins bonnes.Mais les gens les adoptent parce qu’elles sont plus simples et moins chères et qu’elles ont une qualité « suffisante » (good enough) pour satisfaire leurs besoins.Un exemple connu est celui des caméras Flip qui n’ont aucun réglage et valent autour de 150 dollars. Elles ont déjà gagné 20 % du marché américain.Mais revenons aux médias.La commodité : Le New York Times continue à nous abreuver, même sur ses applis pour mobiles, de superbes articles très long (pas très commodes) alors que le HuffPo nous propose sur son site de commencer par un « QuickRead » synthétique, suffisant pour la plupart des circonstances et ouvert sur le papier de fond pour ceux qui veulent.Le coût : Alors que les médias traditionnels, entraînés par le paladin Murdoch, cherchent à faire payer l’accès à leurs sites, le Huffington Post reste totalement gratuit ce qui devrait lui permettre de gagner encore du terrain.Ah, j’allais oublier (menteur), grâce à l’argent qu’il gagne le HuffPo peut maintenant améliorer sa qualité. Il engage plus de journalistes et vient de créer une fondation pour financer le journalisme d’investigation.Quand les médias traditionnels se réveilleront il sera trop tard.Qu’en pensent les utilisateurs ?…

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Quand un bébé découvre l’iPad, par Francis Pisani (à voir +++)

Trouvé sur le blog de Francis Pisani (http://pisani.blog.lemonde.fr/)

Clémentine, un bébé de 20 mois, découvre l’iPad . J’ai rarement vu quelque chose d’aussi scotchant en matière de technologie et d’usages.

Sébastien Raynal de Cnet-France, qui semble être l’heureux papa, explique:
“Avec l’avènement du tactile, l’outil informatique a pris une dimension universelle : il suffit de toucher de son doigt ce que l’on voit à l’écran pour faire réagir les programmes.
“Il n’y a plus l’obstacle du langage (avec des icônes) ni celui de la souris par exemple. On a donc un outil qui est à la portée de tous.”
Mais ce ne sont pas les explications qui comptent (même celles qui sont un peu plus techniques ). C’est la vidéo.
Stadire de Doctissimo semble favorable .
Les commentaires sur le site de Cnet-France sont, pour la plupart, réservés.
Et les vôtres?

Clémentine, un bébé de 20 mois, découvre l’iPad (http://www.cnetfrance.fr/cnet/news/quand-un-bebe-decouvre-l-ipad-39751831.htm) . J’ai rarement vu quelque chose d’aussi scotchant en matière de technologie et d’usages.Sébastien Raynal de Cnet-France, qui semble être l’heureux papa, explique:“Avec l’avènement du tactile, l’outil informatique a pris une dimension universelle : il suffit de toucher de son doigt ce que l’on voit à l’écran pour faire réagir les programmes.“Il n’y a plus l’obstacle du langage (avec des icônes) ni celui de la souris par exemple. On a donc un outil qui est à la portée de tous.”Mais ce ne sont pas les explications qui comptent (même celles qui sont un peu plus techniques ). C’est la vidéo.Stadire de Doctissimo semble favorable .Les commentaires sur le site de Cnet-France sont, pour la plupart, réservés.Et les vôtres?

Commentaire personnel : vidéo extraordinaire.

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Éthique du soin ultime, par Jacques Ricot

Trouvé sur Nantes.Maville.com (Ouest-France)

Dans son nouvel ouvrage, Éthique du soin ultime, le philosophe nantais Jacques Ricot met en garde sur les dérives de l’émotion face à la souffrance et la mort.

Entretien

Comment meurt-on aujourd’hui en France ?

On meurt de plus en plus seul, dans une société où la communauté rurale est en déclin. L’individualisation a entraîné des situations de grande solitude avec des gens qui n’ont plus de réseau familial. Ces personnes-là meurent seules, même si elles sont entourées par le personnel soignant.

Les soins palliatifs sont devenus une aide précieuse pour accompagner les mourants… Cela suffit-il ?

Soigner, c’est se préoccuper de la personne. On peut vivre très longtemps avec une maladie incurable quand on est convenablement soulagé. Le soin signe notre appartenance à l’humanité. Il ne permet pas de réussir sa mort. Chacun meurt comme il peut. Mais le soin donné aide, effectivement, au passage vers la mort. Les paroles que j’ai recueillies à ce sujet sont souvent très émouvantes et très éloquentes.

La mort est-elle une acceptation ?

Par définition, la mort nous échappe. Nous ne savons pas ce qui se passe de l’autre côté. Pour certains, on passe d’un état à un non-état. Pour d’autres, c’est différent. Ça dépend des consciences. Je laisse la question aux croyants et aux soignants qui s’occupent de spiritualité. Dans mon livre, je me suis centré sur l’aspect moral et politique.

Vous parlez notamment de compassion. Vous dites que la vraie compassion n’est pas du côté de l’émotion…

Bernanos disait qu’il y a une fausse compassion de l’ordre de la tripe sensible. Précisément, il dit, et en cela, c’était un visionnaire : « L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible. » Les victimes nous émeuvent. Mais au nom de l’émotion, on peut tout faire et son contraire. Nous croyons que le seul fait d’éprouver de la pitié suffit à trouver l’attitude juste. Nous oublions que le cœur doit être intelligent et que, de ce fait, la pitié doit être intelligente.

Il y aurait, selon vous, confusion entre le compassionnel et le compatissant.

L’homme compassionnel est à l’opposé de l’homme compatissant : le premier veut supprimer le souffrant, le second veut supprimer la souffrance. Nous ne supportons pas la souffrance, nous ne supportons pas le souffrant. Pourquoi ? Il faut regarder ça de plus près. Quand on dit à une personne handicapée, il aurait mieux valu que tu n’existes pas, d’ailleurs toi-même tu le dis, et qu’on va jusqu’à l’éliminer, on peut s’interroger. Notre époque a tendance à dire qu’il s’agit d’un geste d’amour. Euthanasier est en réalité un acte d’impuissance. Car est-ce aimer que d’ôter la vie de ceux qu’on aime ?

Éthique du soin ultime, Jacques Ricot, philosophe nantais, Presses de l’EHESP

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Du danger des présentations Power Point, par Francis Pisani

Trouvé sur le blog de Francis Pisani (http://pisani.blog.lemonde.fr/)

Parmi mes phobies (je me limite au monde des TIC) il y a les documents PDF et les présentations power point. Sachant cela, vous n’aurez aucune peine à imaginer ma joie en lisant un article du New York Times sur l’utilisation de power point par les militaires américains. Il s’intitule : Nous avons rencontré l’ennemi et il s’appelle PowerPoint.
Tout part d’un graphique qui essaye de montrer les principaux éléments de la problématique afghane : depuis les conditions de vie de la population et son éventuel soutien aux Talibans jusqu’aux ressources du gouvernement et aux relations au sein de l’OTAN.
Vu d’un peu loin l’image ressemble à un plat de spaghetti.
En la voyant, Stanley McChrystal, le commandant en chef a déclaré « quand nous aurons compris cette diapo nous aurons gagné la guerre ».
Ce qui est fascinant c’est de voir qu’il doit subir 2 présentations PowerPoint par jour (plus quelques extras) et que plusieurs témoignages montrent qu’un grand nombre d’officiers passent une bonne partie de leur temps à les préparer.
En fait, tous les briefing et toutes les discussions se font autour d’une présentation PowerPoint
Mais, la rébellion gagne du terrain (certains parlent de « mort » par PowerPoint) et il y a même un général qui les interdit.
D’après le général en question le danger tient à « l’illusion » qu’on peut comprendre quand c’est sur une diapo et qu’on peut contrôler la situation.
L’exposition linéaire (une diapo à la suite de l’autre) n’encourage ni les discussions ni la réflexion critique. Elles permettent aussi d’éviter d’attribuer clairement les responsabilités. Il suffit pour le comprendre de voir celle qui a été utilisée pour convaincre de la facilité avec laquelle serait gagnée la guerre en Irak.
Un autre général a déclaré « PowerPoint nous rend idiots »
Mais l’auteur de l’article du NYT insiste pour dire que de telles pratiques ne sont pas sur le point de disparaître.
J’ajouterai que ça n’est pas le PowerPoint de Microsoft qui est en question. Keynote d’Apple a exactement le même effet. Ce qui est en question c’est l’usage que nous en faisons.
La force du procédé tient au fait que les gens réagissent particulièrement à l’image, à ce qu’ils voient. Ses limitations proviennent du fait que nous les utilisons mal et ne savons pas nous en détacher.
J’oubliais… les militaires américains semblent d’accord pour dire que les présentations power point marchent très bien lors de leurs briefing pour journalistes. C’est-à-dire quand leur objectif n’est pas de donner des infos. Ils en apprécient alors le pouvoir hypnotique.
Mais peut-être aimez-vous les présentations power point…

Parmi mes phobies (je me limite au monde des TIC) il y a les documents PDF et les présentations power point. Sachant cela, vous n’aurez aucune peine à imaginer ma joie en lisant un article du New York Times sur l’utilisation de power point par les militaires américains. Il s’intitule : Nous avons rencontré l’ennemi et il s’appelle PowerPoint.Tout part d’un graphique qui essaye de montrer les principaux éléments de la problématique afghane : depuis les conditions de vie de la population et son éventuel soutien aux Talibans jusqu’aux ressources du gouvernement et aux relations au sein de l’OTAN.Vu d’un peu loin l’image ressemble à un plat de spaghetti.En la voyant, Stanley McChrystal, le commandant en chef a déclaré « quand nous aurons compris cette diapo nous aurons gagné la guerre ».Ce qui est fascinant c’est de voir qu’il doit subir 2 présentations PowerPoint par jour (plus quelques extras) et que plusieurs témoignages montrent qu’un grand nombre d’officiers passent une bonne partie de leur temps à les préparer.En fait, tous les briefing et toutes les discussions se font autour d’une présentation PowerPointMais, la rébellion gagne du terrain (certains parlent de « mort » par PowerPoint) et il y a même un général qui les interdit.D’après le général en question le danger tient à « l’illusion » qu’on peut comprendre quand c’est sur une diapo et qu’on peut contrôler la situation.L’exposition linéaire (une diapo à la suite de l’autre) n’encourage ni les discussions ni la réflexion critique. Elles permettent aussi d’éviter d’attribuer clairement les responsabilités. Il suffit pour le comprendre de voir celle qui a été utilisée pour convaincre de la facilité avec laquelle serait gagnée la guerre en Irak.Un autre général a déclaré « PowerPoint nous rend idiots »Mais l’auteur de l’article du NYT insiste pour dire que de telles pratiques ne sont pas sur le point de disparaître.J’ajouterai que ça n’est pas le PowerPoint de Microsoft qui est en question. Keynote d’Apple a exactement le même effet. Ce qui est en question c’est l’usage que nous en faisons.La force du procédé tient au fait que les gens réagissent particulièrement à l’image, à ce qu’ils voient. Ses limitations proviennent du fait que nous les utilisons mal et ne savons pas nous en détacher.J’oubliais… les militaires américains semblent d’accord pour dire que les présentations power point marchent très bien lors de leurs briefing pour journalistes. C’est-à-dire quand leur objectif n’est pas de donner des infos. Ils en apprécient alors le pouvoir hypnotique.Mais peut-être aimez-vous les présentations power point…

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Steve Jobs en 1994, par Arnauld de La Grandière

Trouvé sur MacGeneration.com (http://www.macgeneration.com/)

Jeff Goodell ressort de derrière les fagots une interview qu’il a obtenue de Steve Jobs en 1994. Il est assez intéressant de voir le regard que portait Steve Jobs, alors à la tête de NeXT, sur le monde informatique.

Steve Jobs fait montre de sa légendaire impatience : à ceux qui pensent que le monde des nouvelles technologies va trop vite, il répond au contraire qu’il est plus lent que tout autre. Il aura fallu une vingtaine d’années pour que les idées mises en place au Palo Alto Research Center de Xerox sur l’interface graphique deviennent monnaie courante. Selon lui, pour provoquer un changement significatif dans cette industrie, il faut un savant mélange de technologie, de talent, de chance, et de sens des affaires et du marketing. Ce qui n’arrive pas très souvent.

L’autre élément important selon lui, c’est qu’il faut que les entreprises s’en mêlent pour donner assez d’élan à une technologie pour décoller, parce que seules les entreprises ont suffisamment d’argent pour y parvenir. Jobs prend alors le cas du Newton en exemple, le PDA d’Apple auquel il mettra fin quelques années plus tard une fois de retour aux commandes d’Apple :

« Je ne suis pas très optimiste à son sujet, et voilà pourquoi : la plupart de ceux qui ont développé ces PDA les ont développés parce qu’ils pensaient que les gens allaient les acheter et les donner à leurs familles. Des amis à moi ont lancé General Magic. Ils pensent que vos enfants, votre grand-mère vont vouloir leur appareil, et vous vous enverrez tous des messages. À $1500 pièces avec un modem cellulaire, je ne pense pas que beaucoup de gens en achèteront trois ou quatre pour leurs familles. Les gens qui voudront l’acheter durant les cinq premières années sont les professionnels itinérants. » (voir notre article Une histoire du Newton).

« Et le problème, c’est que la psychologie des gens qui développent ces choses ne leur permettra pas d’enfiler un costume et de sauter dans un avion pour aller vendre leur produit chez Federal Express. Pour parvenir à des changements révolutionnaires, il faut combiner la perspicacité technique et le sens des affaires et du marketing — et une culture qui peut faire coïncider d’une manière ou d’une autre la raison pour laquelle vous avez développé votre produit et la raison pour laquelle les gens voudront l’acheter. J’ai beaucoup de respect pour l’amélioration par paliers, et j’ai fait ce genre de choses dans ma vie, mais j’ai toujours été attiré par les changements plus révolutionnaires. Je ne sais pas pourquoi. Parce qu’ils sont plus difficiles. Ils sont bien plus stressants d’un point de vue émotionnel. Et vous passez en général par une période durant laquelle tout le monde vous dit que vous avez complètement échoué. »

Jobs sait de quoi il parle, après s’être fait remercier d’Apple en 1985, il repart de zéro, il fonde NeXT, puis rachète à George Lucas la division informatique de LucasFilms et la renomme Pixar. En 1993, après avoir vendu 50.000 machines, et malgré un succès d’estime, il finit par fermer la branche hardware de NeXT et licencie 200 personnes pour recentrer sa société sur l’aspect purement logiciel.

« Quand vous demandez aux gens de sortir des chemins battus, ils prennent un risque. Donc il faut qu’il y ait un résultat important à la clé pour qu’ils prennent ce risque, ou ils ne le prendront pas. Ce que nous avons appris c’est que le résultat ne peut pas être seulement une fois et demie ou deux fois meilleur. Ça ne suffit pas. Il doit être au moins trois, quatre, ou cinq fois meilleur pour prendre le risque de quitter le courant dominant. En matière de matériel vous ne pouvez plus construire un ordinateur qui soit deux fois meilleur que les autres. Trop de gens savent comment faire. Vous aurez de la chance si vous arrivez à en faire un qui soit une fois et demie meilleur. Et après il ne faut que six mois aux autres pour rattraper le retard. Mais vous pouvez y arriver au niveau du logiciel. »

Mais Jobs poursuivait à l’époque d’autres objectifs qu’aujourd’hui. Souhaitant mettre en avant les spécificités de NeXT, à commencer par l’architecture orientée objet d’Objective-C, Jobs en vantait les mérites comme d’une nouvelle révolution, à la hauteur de l’interface graphique. En outre, il faisait encore largement part de son dédain pour le manque d’inspiration de Microsoft, et la manière dont ses activités brimaient l’innovation. Alors que le géant de Redmond était en proie à une procédure antitrust, Jobs indique qu’il souhaiterait voir la société coupée en trois parts indépendantes : l’une s’occuperait des systèmes d’exploitation, l’autre des logiciels, et la troisième des produits grand public.

Selon Jobs, Apple n’est pas innocente non plus : « [Microsoft] a pu copier le Mac parce que le Mac était gelé dans le temps. Le Mac n’a pas beaucoup changé durant les 10 dernières années. Ils ont modifié quelque chose comme 10 pour cent. C’était une cible facile. Apple, malheureusement, ne mérite pas beaucoup de sympathie. Ils ont investi des centaines et des centaines de millions de dollars en recherche et développement, mais il n’en est pas sorti grand-chose. Ils n’ont produit quasiment aucune innovation depuis le Mac original en lui-même. »

Ça ne l’empêche pas de conserver son estime pour Bill Gates : « Je pense que Bill Gates est quelqu’un de bien. Nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde, mais nous nous parlons à peu près une fois par mois. Je pense que Bill et moi avons des systèmes de valeurs très différents. J’apprécie beaucoup Bill, et j’admire sans aucun doute ses réussites, mais les sociétés que nous avons créées sont très différentes les unes des autres. »

Pour Jobs, le but n’est pas d’arriver à être le plus riche du cimetière. Quel est-il, alors ? « Dans le contexte le plus large, je dirais que le but c’est l’élévation personnelle — quelle que soit la façon dont vous la définissez. Mais il s’agit là de choses privées. Je ne veux pas parler de ce genre de choses. » Précisément, comment vit-il son image publique ? « Je la vois comme mon frère jumeau célèbre. Ça n’est pas moi. Parce que sinon, vous devenez fou. Vous lisez un article négatif, qu’un imbécile écrit sur vous — il ne faut tout simplement pas le prendre trop personnellement. Mais ensuite ça vous apprend à en faire autant sur les articles très positifs. Les gens aiment les symboles, et ils écrivent sur des symboles. »

Pour en revenir à Microsoft, beaucoup estimaient que sa mainmise sur l’informatique empêcherait NeXT de sortir d’un marché de niche. « Apple est un produit de niche, le Mac était un produit de niche et pourtant voyez ce qu’il a accompli. Apple c’est, quoi, une société de neuf milliards de dollars. Elle n’en faisait que deux lorsque je suis parti. Ils s’en sortent bien. Est-ce que je serais content si j’avais 10 pour cent de part de marché des systèmes d’exploitation ? Oui, je serais heureux. Très heureux. Et puis j’irais bosser comme un fou pour en avoir 20. »

Interrogé au sujet de l’arrivée d’Internet, Jobs donne une opinion surprenante au sujet de ce qui deviendra un jour son futur « hobby » : « Enfin la vague d’Internet va déferler sur l’utilisateur lambda de l’informatique. Et ça me plaît beaucoup. Je pense que le bureau du particulier, sa « tanière », est bien plus intéressant que son salon. Mettre Internet dans les foyers, c’est vraiment de ça dont il s’agit pour les « autoroutes de l’information », pas la convergence numérique dans les set-top box. Tout ce que ça fera c’est de mettre sur la paille les magasins de location de vidéo et m’épargner un aller-retour pour louer un film. Ca ne m’enthousiasme pas vraiment. Le shopping depuis chez soi ne me passionne pas. Je suis bien plus intéressé par l’idée d’avoir Internet dans ma tanière. »

Le journaliste demande une prédiction de visionnaire à Steve Jobs, sur la manière dont le net va changer la vie de chacun. Le dirigeant de NeXT botte en touche : « Ça ne sert à rien de parler de ça, vous pouvez ouvrir n’importe quel bouquin et trouver tout ce que vous voulez sur ces bêtises. Je ne vois pas le monde en ces termes-là. Je suis un fabricant d’outils. C’est comme ça que je me perçois. Je veux construire de très bons outils dont je puisse sentir dans mes tripes et dans mon cœur qu’ils auront de la valeur. Ensuite, ce qui arrivera… vous ne pouvez jamais prédire exactement ce qui va se passer, mais vous pouvez sentir la direction vers laquelle on s’oriente. Et c’est à peu près tout ce que vous pouvez prévoir. Ensuite vous prenez du recul et ces choses suivent leur vie propre. »

Mais Steve Jobs ne donne pas de valeur particulière à la technologie en tant que telle, il accorde bien plus d’intérêt à ce que les gens en font, et montre des dispositions optimistes quant au genre humain. « La technologie, ça n’est rien. Ce qui est important, c’est d’avoir foi en l’être humain, savoir qu’il est fondamentalement bon et intelligent, et que si vous lui donnez des outils, il en fera des choses merveilleuses. Ca n’est pas dans l’outil que vous croyez — les outils ne sont que des outils. Ils fonctionnent, ou ne fonctionnent pas. Ce sont les gens en qui vous avez foi ou non. » Un discours très similaire à celui que Jobs tint lors de la présentation d’iLife.

Deux ans et demi plus tard, Apple rachetait NeXT pour 429 millions de dollars, et replaçait Steve Jobs à sa tête. Seize ans après l’interview, Steve Jobs a repris le devant de la scène, sa société se porte comme jamais, et s’installe dans de nouveaux marchés avec un succès insolent. On mesure le chemin parcouru depuis.

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La société française refuse le risque, par Eric Le Boucher

Trouvé dans Slate.fr (http://www.slate.fr)
Le débat autour des déboires du gouvernement [2] dans sa campagne de vaccination contre le virus H1N1 est absolument central parce qu’il révèle un syndrome majeur de la France d’aujourd’hui : son extrême difficulté à aborder l’un des aspects de la modernité, la complexité et ses risques. L’époque est technologique, c’est banal de le dire, aussi bien pour la communication que pour la santé, l’environnement mais bientôt tous les aspects de notre vie sans exception, avec les biotechnologies, les nanotechnologies et l’intelligence artificielle. Or, le débat français, politique, médiatique et même au sein des communautés scientifiques, a beaucoup de mal à intégrer que cette hyper-technologie rend les choses, donc les réponses, hyper-complexes.
Le monde n’est pas déterminé, il est ouvert au hasard et ce hasard nous place dans des incertitudes, des possibles, des cas rares-mais-pas-impossibles, bref il nous force à un examen « dans le détail ». Ce n’est pas nouveau dira-t-on. C’est vrai, le hasard est là depuis l’origine, il a fait que la Terre est Terre, il est au départ de chaque naissance. Mais ce qui a changé est double : 1) l’ouverture énorme des champs du hasard, avec le développement d’une science de plus en plus diverse et de plus en plus capable de résultats positifs ; 2) la croyance publique que la science et donc la politique peuvent supprimer le hasard, le « coup du sort » et qu’elles doivent donc nous « protéger » TOUS contre TOUS les aléas. C’est là, entre les Français et la science, un malentendu fondamental.
Pour simplifier, hier on guérissait peu et on mourrait souvent et on s’accommodait de çà. Aujourd’hui on guérit beaucoup plus souvent mais avec des degrés de guérison, des nuances, mais ces nuances sont encore mal maîtrisées, elles restent aléatoires, elles sont donc difficiles à expliquer et in fine elles sont mal acceptées. On meurt moins mais, en somme, on s’en plaint. Avant c’était plus courant et plus facile ! Que ce soit aujourd’hui encore « le sort » qui met votre conjoint ou votre enfant dans la tombe est devenu inacceptable : ce ne peut-être qu’une faute médicale ou politique, le « sort » n’existe plus, il y a forcément un « coupable », mieux, « un complot ».
Le malentendu fondamental a fait mal tourner le débat sur la santé publique et la précaution. Comme le notent fort bien Patrick Peretti-Watel et Jean-Paul Moatti, la société surdimensionne ses attentes de la médecine et crée « une utopie de la santé parfaite » qui serait issue de la prévention (Le principe de prévention [3], La République des idées, Seuil). Cet Homo medicus allait forcément être déçu, il l’a été systématiquement et dramatiquement par les crises de la vache folle, du sang contaminé et de la canicule. Mais plutôt que d’expliquer que le risque zéro n’existe pas, qu’il faut apprendre à appréhender un monde probabiliste, la classe politique a poussé les attentes de l’opinion jusqu’au bout avec l’inscription du « principe de précaution [4] » dans la Constitution. Moi Etat, moi Jacques Chirac (le président qui l’a voulu), je vais vous protéger du moindre risque en utilisant un moyen radical : l’exclure dès le départ. Pas d’OGM ! On interdit les recherches à risques et ainsi, l’Etat garantit la santé de tous. Les Français ont cru à cette utopie du bouclier sanitaire. Les échecs, inévitables dans une société complexe, ont débouché sur un doute incurable envers les politiques et leurs « experts » en tout genre. L’opinion a qui on avait promis la guérison, assaille le gouvernement « responsable et coupable ».
Le cas d’une vaccination contre « un virus H1N1 qui peut mute » est évidemment un cas d’école. Nous sommes dans la statistique, il n’y a pas de réponse blanche ou noire, il y a des « chances » d’être contaminé, des « chances » de développer la maladie, des « probabilités » de guérison, des « espérances » de coûts etc. Le cas est complexe au carré avec un virus qui change et donc des « probabilités » qui évoluent elles-mêmes au fil du développement de la pandémie, des efforts des médecins et des laboratoires et des réactions humaines. Bigre !
Comment faire comprendre tout cela aux Français ?
« On ne peut pas ! » Telle a été la décision du gouvernement Fillon. Tandis que d’autre pays choisissaient la politique du pragmatisme : « on va se protéger un peu puis on jugera au fil du temps », la France, marquée par les « scandales » passés et le fameux principe de précaution a mis le curseur à bloc : « zéro risque », on vaccine tout le monde. La « précaution » fixait le « devoir » du gouvernement « d’en faire le maximum ». D’où les 90 millions de doses commandées, la mise en rang par quatre de la population, répondez à l’appel de votre nom, relevez votre chemise et pique et pique et pique… D’où le côté « administrativo-militaire [5] » de l’opération.
Or, il se trouve que la statistique qu’on a voulu militairement écraser a refait surface subrepticement. La population a « découvert qu’un vaccin, au lieu de toujours protéger, peut donner la maladie dans des cas rares, que certains médecins eux-mêmes (furieux d’avoir été écartés du dispositif) hésitent à se faire vacciner, que certains adjuvants ont des effets secondaires mal connus, que certaines couches de la population « plus larges que les experts pensaient » sont « naturellement » immunisées etc.
Bref, la société civile découvre la complexité d’une grippe et se met à douter du bien-fondé de la politique « tous dans le même bateau » du gouvernement. Puis, le doute grossit en se nourrissant de l’incrédulité des Français vis-à-vis des gouvernements et des experts, et l’on aboutit à un effet exactement contraire à l’objectif gouvernemental : les Français se mettent à craindre plus le vaccin que la grippe !
Résultat : on aura rarement vu un tel décalage entre une politique massive, nationale, et d’un coût astronomique, et un résultat si faible : 5 millions de Français vaccinés.
Aujourd’hui, la grippe semble moins dangereuse que prévu, le gouvernement replie son dispositif. On ne peut pas lui en vouloir. Mais l’épisode devrait être examiné à la loupe. Il est temps de cesser de faire croire aux utopies précautionnistes. La science n’éradiquera jamais ni la maladie, ni l’accident, ni la mort. Elle va très vite mais elle ouvre un monde complexe de nuances et de probabilités, il faut apprendre à aller « dans le détail ».
Eric Le Boucher
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