Amblyopie, acuité visuelle et rétine.
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L’histologie de la rétine
Il est classiquement décrit en 10 couches. Cependant d’un point de vue fonctionnel il est possible de n’en distinguer que 5, disposées de l’extérieur (partie accolée à l’épithélium pigmentaire rétinien) vers l’intérieur (face vitréenne) :
- La couche des photorécepteurs ;
- La couche synaptique externe (ou couche plexiforme externe) ;
- La couche nucléaire interne ;
- La couche synaptique interne (ou couche plexiforme interne) ;
- La couche des cellules ganglionnaires.
La rétine est un des capteurs permettant à l’homme de percevoir le monde extérieur. Elle réalise la transduction de l’énergie des photons en signal neural. Cette fonction est entièrement assurée par les 90 à 120 millions de photorécepteurs. À l’autre extrémité de la rétine, 1 à 1,25 million de cellules ganglionnaires transmet l’information lumineuse au cerveau. Le rôle des circuits neuronaux intrarétiniens est de réaliser un tri et une compression de l’information lumineuse, premiers traitements du signal lumineux avant son transfert à l’encéphale.
Ultrastructure de la rétine
Les photorécepteurs
Leur segment externe contient les pigments visuels, composés de deux parties : le chromophore (portion absorbant la lumière) et la partie protéique (molécule qui définit la sensibilité du photorécepteur au spectre visible). La rétine humaine contient 4 types différents de photorécepteurs. Trois types de cônes sont distingués en fonction de la partie du spectre lumineux à laquelle ils sont le plus sensibles : les cônes L (60 %, Low frequencies), M (30 %, Middle frequencies) et S (10 %, Supra frequencies). La probabilité d’absorption du photon est maximale aux longueurs d’onde de 560 nm pour les cônes L (axe protan), aux longueurs d’onde de 530 nm pour les cônes M (axe deuteran) et aux longueurs d’onde de 420 nm pour les cônes S (axe tritan). Les sensibilités des cônes L et M sont proches. À la différence des cônes, l’homme ne possède qu’un seul type de bâtonnets.Chaque type cellulaire présente une répartition spatiale spécifique, conditionnant sa fonction dans le traitement dans l’information visuelle. Les cônes L et M se regroupent au centre de la fovéa, zone où leur densité spatiale est maximale (jusqu’à 150 000 cellules par mm^2). Cette densité chute très rapidement à mesure que l’on s’éloigne du centre. Parallèlement la morphologie des cônes évolue, avec un segment externe qui s’élargit. Les cônes S et les bâtonnets sont totalement absents de la zone fovéolaire. La densité spatiale des cônes S augmente fortement dans la zone périfovéolaire, puis diminue rapidement en à peine 1 mm d’excentricité. La majorité de ces cônes se distribue ainsi de façon régulière autour de la fovéa. La densité spatiale des bâtonnets augmente rapidement en s’éloignant de la fovéa, atteint un maximum entre 5 et 7 mm du centre, puis diminue progressivement jusqu’à la périphérie.
Les cellules bipolaires
Les cellules bipolaires constituent le relais principal entre le lieu de la phototransduction (la couche des photorécepteurs) et la zone de transfert de l’information lumineuse à l’encéphale (couche des cellules ganglionnaires). Leurs dendrites s’étendent dans la couche synaptique externe, formant des synapses avec les axones des photo-ré-cep-teurs et les cellules horizontales. Le noyau se situe dans la couche nucléaire interne, et la terminaison axonale se situe dans la couche synaptique interne. Il est possible de distinguer différents sous-types cellulaires, en fonction de leurs connexions :
- Les cellules bipolaires des cônes sont soit des cellules bipolaires naines (liées à un seul cône), soit des cellules bipolaires diffuses (leurs dendrites entrent en contact avec 5 à 10 cônes). Leur terminaison synaptique entre en contact avec les cellules ganglionnaires et les cellules amacrines.
- Les cellules bipolaires des bâtonnets entrent en contact avec 30 à 50 bâtonnets. Leur terminaison synaptique ne se connecte qu’avec les cellules amacrines AII.
- Selon le mode d’activation, il est possible de réaliser une autre distinction fonctionnelle parmi les cellules bipolaires des cônes. En effet, chaque cône (L ou M) entre en contact avec deux cellules bipolaires naines :
- Une cellule bipolaire ON, activée par une augmentation de l’absorption de photons par le photorécepteur,
- Une cellule bipolaire OFF, activée par une diminution de l’absorption de photons par le photorécepteur.
- Une cellule bipolaire ON, activée par une augmentation de l’absorption de photons par le photorécepteur,
Les cellules horizontales
Le rôle des cellules horizontales est de filtrer le signal lumineux au niveau de la première synapse, régulant le potentiel de membrane du photorécepteur. Il existe deux types de cellules horizontales
Les cellules HI sont organisées en 2 pôles fonctionnels situés à chaque extrémité et séparés par un axone. Du côté de leur corps cellulaire, ces cellules présentent de nombreuses dendrites qui réalisent des synapses avec les cônes (L et M) et les cellules bipolaires. À l’autre extrémité, ces cellules développent un arbre télodendritique qui recouvre les synapses de plusieurs centaines de bâtonnets. L’axone qui sépare ces deux pôles fonctionnels peut mesurer jusqu’à 1 mm, mais ne conduit jamais de potentiel d’action. Ainsi, les activités dendritiques et télodendritiques sont totalement indépendantes.
Les cellules HII ne possèdent pas d’axone long. Leurs dendrites entrent en contact avec les synapses des cônes S. Elles réalisent parfois des contacts avec les autres types de cônes.
Rôle de la première synapse
Les principales synapses de la couche plexiforme externe contiennent toujours trois éléments :
- La terminaison axonale du photorécepteur ;
- Les dendrites d’une ou plusieurs cellules bipolaires ;
- Les dendrites (ou télodendrites) d’au moins deux cellules horizontales.
Les cellules amacrines
Il existe au moins 20 types différents de cellules amacrines. Elles reçoivent des informations des cellules bipolaires et des autres cellules amacrines. Elles transmettent des signaux aux cellules bipolaires, aux cellules amacrines et aux cellules ganglionnaires. Leur rôle reste mystérieux en dehors de quelques exceptions.
Les cellules amacrines AII jouent un rôle particulier dans la vision scotopique. Les bâtonnets qui détectent une augmentation de photons captés transmettent leur message aux cellules bipolaires de bâtonnets, puis aux cellules amacrines AII. Celles-ci se connectent aux cellules bipolaires ON des cônes par des jonctions serrées et aux cellules bipolaires OFF des cônes par des synapses inhibitrices. Les cellules bipolaires des cônes combinent les signaux en provenance des cônes (adaptés à la vision diurne) et des bâtonnets (adaptés à la vision nocturne) avant de les transmettre aux cellules ganglionnaires.
Les cellules ganglionnaires
Ce sont les seules cellules de la rétine à émettre des potentiels d’action. En général elles sont activées par les cellules bipolaires et inhibées par les cellules amacrines. Nous distinguons les cellules ganglionnaires ON et OFF en fonction des connexions réalisées avec les cellules bipolaires. Ces cellules présentent déjà une sélectivité neuronale, fonction des paramètres de la vision : sélectivité directionnelle (réponse au mouvement dans une direction, absence de réponse dans la direction opposée), sélectivité au contraste, aux couleurs…
Il existe au moins 20 types différents, dont les axones s’étendent dans 6 régions cérébrales différentes :
- Les cellules ganglionnaires naines représentent 70 % de l’en-semble du groupe. Elles sont l’élément rétinien terminal d’un circuit contenant un faible nombre de neurones, la voie Parvocellulaire : un cône est lié à 2 cellules bipolaires naines, elles-mêmes liées à deux cellules ganglionnaires naines. Ces cellules (dites « P ») possèdent ainsi un petit champ dendritique. La voie Parvocellulaire intervient dans l’acuité visuelle fine, l’analyse des formes et la sensibilité des couleurs.
- Les cellules ganglionnaires parasols (10 % de l’ensemble) possèdent au contraire un large champ dendritique, contenant jusqu’à 500 cellules bipolaires. Elles appartiennent à la voie Magnocellulaire, spécialisée dans l’analyse du mouvement et de la luminance.
Le champ récepteur
Le champ récepteur est défini pour les cellules ganglionnaires comme la zone géographique rétinienne qui lorsqu’elle est stimulée par un faisceau lumineux provoque une modification du taux de décharge de la cellule. Les cellules ganglionnaires naines et parasols ont un champ récepteur constitué d’un centre entouré d’un pourtour. Prenons l’exemple d’une cellule ganglionnaire ON : quand un mince faisceau tombe au centre du champ récepteur, il provoque une augmentation du taux de décharge de la cellule ganglionnaire ; à mesure que ce faisceau s’élargit, il majore cette réponse ; puis lorsque sa largeur dépasse la zone couverte par les photorécepteurs du centre, la réponse diminue ; enfin si nous ne stimulons par un anneau lumineux que le pourtour du champ récepteur, la réponse ganglionnaire s’inverse en passant sous son niveau de base. Cette organisation permet de définir les cellules ganglionnaires à centre ON et celles à centre OFF. Dans tous les cas la réponse à l’illumination du centre provient de la somme des contributions des photorécepteurs (reliés entre eux par les mêmes cellules bipolaires), alors que celle du pourtour provient de l’action antagoniste des cellules horizontales du même groupe de photorécepteur (reliées entre elles par des gaps junctions).
Du point lumineux à son image
En raison de facteurs optiques, l’image d’un point lumineux est un halo sur la rétine. Selon Rodieck, quand nous regardons l’étoile polaire pendant une fraction de seconde, 98 % des photons atteignent la rétine dans ses 4 mm centraux, 70 % dans les 50 µm centraux et 25 % sur les 20 cônes centraux. Cette image n’est pas fixe sur la rétine, mais se déplace en permanence, même quand nous essayons de maintenir les yeux le plus immobile possible. Un œil totalement immobile est un œil que ne voit plus.
Tous les photons qui atteignent la rétine ne sont pas tous captés par les photorécepteurs. La probabilité d’absorption dépend de trois facteurs :
- La direction de l’impact (sensibilité directionnelle) ;
- La fréquence du photon ;
- La sensibilité du photopigment.
L’isomérisation du pigment visuel par le photon entraîne une hyper-po-la-ri-sa-tion de la membrane du photorécepteur. Ce nouveau potentiel se propage à l’ensemble de la membrane, jusqu’à la synapse. Il existe à ce niveau un relargage permanent de Glutamate dans la fente synaptique, dépendant du potentiel de membrane :
- Une hyperpolarisation diminue le relargage ;
- Une dépolarisation augmente le relargage.
Une cellule bipolaire ON est activée lorsque la quantité de photons captés par le cône augmente. Elle active à son tour une cellule ganglionnaire ON.
Une cellule bipolaire OFF est activée lorsque cette quantité di-minue. Elle transmet cette information à une cellule ganglionnaire OFF.
Les cellules ganglionnaires présentent des décharges permanentes de potentiel d’action. Les messages neuronaux sont codés en fonction des variations de fréquence de ces potentiels.
Le champ dendritique correspond à la zone rétinienne sur laquelle les dendrites d’une cellule ganglionnaire sont étendues. L’organisation rétinienne est agencée de telle façon que n’importe quel point de la rétine se situe à la fois dans un champ dendritique ON et dans un champ dendritique OFF : il peut être à la fois dans le centre de l’un et en périphérie de l’autre.
L’image du point lumineux est un halo qui se déplace en per-ma-nence sur la rétine. La voie « ON » est activée quand la quantité de photons captés par un cône augmente de façon significative : le champ dendritique « ON » fournit ainsi l’information de localisation du bord antérieur du halo. La voie « OFF » est activée quand la quantité de photons captés par un cône diminue de façon significative : le champ dendritique « OFF » fournit simultanément la localisation du bord postérieur du halo. En se basant sur l’écart entre ces deux champs dendritiques, le cerveau peut reconstruire l’image du point.
La résolution du système
Elle semble en partie liée à la taille des champs dendritiques, et surtout à l’écart entre deux champs dendritiques distincts. Or la surface occupée par un champ dendritique varie en fonction des types cellulaires et de leur localisation sur la rétine :
- Au niveau de la fovéa, le système parvocellulaire utilise une voie composée d’un petit nombre de cellules (un photorécepteur, 2 cellules bipolaires, 2 cellules ganglionnaires naines). Au contraire, le système magnocellulaire comprend un plus grand nombre de neurones dans sa voie de transmission (en moyenne, une cellule ganglionnaire parasol est liée directement à 5 cellules bipolaires diffuses, ce qui représente indirectement 25 cônes différents).
- Le champ dendritique des cellules ganglionnaires naines est ainsi beaucoup plus petit que celui des cellules ganglionnaires parasols : le système parvocellulaire possède ainsi une meilleure résolution spatiale que le système magnocellulaire. Le premier est impliqué dans la vision fine, le second dans la vision du mouvement.
L’ultrastructure de la portion de rétine qui reçoit le faisceau de photons conditionne le traitement de l’information visuelle. Pour le système parvocellulaire, l’unité réceptrice correspond à la taille du champ dendritique des cellules ganglionnaires naines. Au niveau fovéolaire, ce champ dendritique ne comprend qu’un unique cône. La distance séparant deux cônes adjacents est alors la limite physique de la résolution spatiale du système, correspondant à une acuité visuelle maximale de 20/10e. En dehors de la zone fovéolaire, le champ dendritique de la cellule ganglionnaire naine comprend de plus en plus de cônes, répartis sur une surface de plus en plus grande. La résolution du système parvocellulaire diminue ainsi en fonction du degré d’excentricité. Ces facteurs anatomiques expliquent en partie l’effondrement de l’acuité visuelle à mesure que l’on s’éloigne de la zone centrale de la rétine (4/10e à 1° d’excentricité, 2/10e à 4° d’excentricité).
Références
- Rodieck R W. La Vision. 1 ed. Paris : Éditions De Boeck Université ; 2 003.
- Ryan S, Hintin DR, Schachat AP, Wilkinson P. Retina. Elsevier ; 2 006.Acuité visuelle et Rétine
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Date de création de la page : juin 2010
Date de dernière révision : novembre 2013