Physiopathologie de l’amblyopie fonctionnelle et de l’amblyopie organique.
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Introduction
Amblyopie fonctionnelle et d’amblyopie organique sont des termes couramment utilisés en français et leurs traductions n’ont pas tout à fait les mêmes significations dans la nosologie anglophone. Ceci peut-être source d’ambiguïtés si l’on tient compte du fait que la plupart des résultats des recherches scientifiques sont rapportés en langue anglaise. Après avoir défini aussi précisément que possible ces deux entités, nous étudierons les données expérimentales susceptibles d’aider à la compréhension des mécanismes des amblyopies chez l’homme.
Définitions
L’étymologie du mot amblyopie est grecque : le mot est issu de αμβλψοσ, traduit par « faible », ou « blunt » en anglais (i.e. émoussé, peu tranchant) et οπια signifiant vue, vision.
L’amblyopie est par définition une vision faible au sens d’une acuité visuelle basse. On sait que d’autres propriétés fonctionnelles du système visuel sont également altérées de façon variable, comme par exemple la vision des contrastes ou la perception dans l’espace. La variété et la complexité des différents aspects de l’amblyopie fonctionnelle font que, pour des raisons de simplicité, la définition reste clinique et ne porte que sur la mesure de l’acuité visuelle.
NB : dans cet article nous ne traiterons que de l’amblyopie « unilatérale », c’est-à-dire de l’amblyopie définie comme une acuité visuelle diminuée d’un œil par rapport à l’autre. Les amblyopies « bilatérales » (liées aux nystagmus ou autres) ne seront pas traitées.
Terminologie francophone
Classiquement, l’amblyopie fonctionnelle est définie comme une acuité visuelle basse sans anomalie décelable sur les voies visuelles. Elle peut être de 3 types : réfractive, strabique ou par privation.
L’amblyopie organique est une acuité visuelle basse secondaire à une pathologie altérant l’anatomie des voies visuelles à un de ses différents étages. Ces étages sont schématiquement au nombre de trois : transmission, perception et intégration (1).
L’amblyopie mixte est l’association d’amblyopies organique et fonctionnelle touchant le même œil.
Terminologie anglo-saxonne
Les définitions données par von Noorden dans son manuel sont sensiblement différentes des définitions des francophones (2).
L’amblyopie (amblyopia) est définie comme une diminution de l’acuité visuelle due à une privation ou une interaction binoculaire anormale pour laquelle aucune cause ne peut être détectée lors de l’examen physique de l’œil (« Decrease of visual acuity by pattern vision deprivation or abnormal binocular interaction for which no causes can be detected by the physical examination of the eye »).
L’amblyopie organique (organic amblyopia) est définie comme une baisse de vision d’un œil due à une altération rétinienne indétectable à l’ophtalmoscope (« patients with loss of vision in one eye caused by retinal damage that is not detectable with the ophthalmoscope… »). Il est précisé que cette amblyopie organique est due à des modifications fines, « infra-ophtalmoscopiques » (« subtle, sub-ophthalmoloscopic morphologic changes »), et qu’elle serait à rapprocher de « l’amblyopie relative » décrite par Bangerter (3). von Noorden discute la nature exacte de cette amblyopie organique en évoquant des anomalies rétiniennes histologiques, des séquelles d’hémorragies rétiniennes du nouveau né, des aberrations optiques de haut degré ou une pathologie des cônes…
On constate des différences notables entre les deux langues : le terme d’amblyopie fonctionnelle que nous utilisons correspond au terme amblyopia alors que notre amblyopie organique est plus à rapprocher de visual impairment (déficit visuel), que d’organic amblyopia. Cette dernière serait une amblyopie organique due une atteinte anatomique infraclinique, mais les moyens d’investigations actuels : OCT, aberrométrie, électrorétinogramme multifocal, sont a priori capables de préciser les diagnostics dans les cas évoqués par von Noorden. On peut donc supposer que le terme d’organic amblyopia, qui semble une entité un peu historique, et qui nous fait penser à certains cas d’amblyopie supposée fonctionnelle où le traitement est un échec (la composante fonctionnelle n’étant a posteriori pas seule), soit amené à tomber en désuétude.
Remarques
Bien souvent en français, si l’on parle d’amblyopie sans autre précision, on évoque une amblyopie fonctionnelle, et pas une amblyopie organique. D’autre part, le terme d’amblyopie organique a probablement et choisi par simple analogie en face de l’amblyopie fonctionnelle, mais il semble assez mal choisi : on ne parle pas en effet d’amblyopie organique en cas de baisse d’acuité visuelle par cataracte sénile, alors que l’on est stricto sensu dans la définition. Il existe donc une connotation systématique dans le terme d’amblyopie organique, qui comporte une notion chronologique (acuité visuelle basse pendant ou depuis l’enfance). De notre point de vue, le terme anglais visual impairment est meilleur car sans ambiguïté.
Ces considérations peuvent passer pour des atermoiements sémantiques inutiles ; cependant si l’on veut comparer les différents mécanismes physiopathologiques des amblyopies fonctionnelles et organiques, on est pris au dépourvu si l’on cherche une source de réflexion dans la littérature scientifique récente : en effet les publications sur les mécanismes physiopathologiques de l’amblyopie (i.e. fonctionnelle) sont très majoritairement en anglais. Comme il n’y a pas dans cette langue d’équivalent de notre amblyopie organique, on ne trouve pas de travail mettant en parallèle les deux entités.
Pour des raisons de clarté, nous retiendrons dans la suite de cet article les définitions telles que consacrées dans la nosologie francophone.
Rappel d’anatomie du système visuel
Comme le fait Charles Rémy (1), on peut schématiquement retenir que les voies visuelles sont composées de 3 étages :
Transmission (du stimulus visuel par les milieux transparents) ;
Perception (transduction par la rétine du stimulus lumineux en message électrique) ;
Intégration (reste des voies visuelles) ; cet étage peut être subdivisé en 2 parties : une première de transmission (cette fois-ci du message visuel sous forme de potentiels électriques), une seconde de traitement au niveau des cortex visuels primaires et secondaires.
Les 2 premiers étages sont accessibles à l’examen ophtalmoscopique.
Amblyopie fonctionnelle
L’amblyopie fonctionnelle, telle qu’on l’a définie précédemment, est classiquement attribuée à 3 causes, qui peuvent être associées (figure n° 1) :
- La privation (occlusion d’un œil) quelle qu’en soit la cause, avec pour conséquence l’absence de stimulus visuel ;
- Les anomalies réfractives, et surtout l’anisométropie qui cause une diminution de la qualité du stimulus lumineux sur la rétine (diminution des hautes fréquences spatiales) ;
- Le(s) strabisme(s), causant diplopie et confusion.
Le résultat de ces situations se traduit en clinique par des anomalies sensorielles allant de l’absence de stéréopsie (perte de la fonction binoculaire) à l’amblyopie fonctionnelle (« monocularisation fonctionnelle »).
Le substrat neurologique de l’amblyopie a fait l’objet de multiples discussions mais il est communément admis aujourd’hui qu’il se situe au niveau du cortex visuel primaire (V1) et du cortex extra-strié (i.e. des aires de traitement de l’information visuelle, supérieures au V1). Les autres anomalies éventuellement constatées (corps géniculés latéraux, cellules ganglionnaires) sont discutées, et il semblerait que ces anomalies soient plus des conséquences des anomalies corticales (mécanismes de rétrocontrôle) que leur cause. Les mécanismes de l’amblyopie ont fait l’objet de nombreuses recherches fon-da-men-tales depuis les premières découvertes sur le cortex visuel de Hubel et Wiesel dans des années soixante. Ces mécanismes sont encore incomplètement élucidés.
Modèles animaux
Les données expérimentales
Les modèles expérimentaux utilisant une privation précoce et prolongée, par occlusion d’un œil chez le singe ou le chaton, ont été parmi les premiers étudiés par Hubel et Wiesel dès le début des années soixante (4). La principale conséquence anatomique observée était un rétrécissement des colonnes de dominance (de l’œil occlus) au niveau du cortex visuel primaire (5). Le concept de période critique a été introduit par Wiesel et Hubel : il s’agit de la période de la vie de l’animal pendant laquelle ces anomalies anatomiques sont sus-cep-tibles d’être induites, dans les conditions expérimentales décrites (en l’occurrence les premiers jours ou premières semaines de vie pour les modèles de privation).
En réalité, les conséquences corticales des modèles expérimentaux d’amblyopie ne sont pas systématiquement la bascule de dominance « anatomique » observée par Hubel et Wiesel avec les modèles de privation (figure n° 2). Il existe dans d’autres situations, en cas de déviation oculaire ou d’anisométropie induite, des modifications fonctionnelles plus fines. Ces dernières modifications sont inductibles pendant une période qui s’étend au moins jusqu’à l’âge d’acquisition de la stéréopsie (plus longue que la période critique décrite avec les modèles de privation). Ces modifications sont d’abord la perte des neurones « binoculaires » (ou tout au moins d’une partie de leur activité ou de leurs connexions synaptiques), qui sont des neurones associatifs, substrats anatomiques de la stéréopsie, et situés à la frontière entre les colonnes de dominance issues de chaque œil. Ensuite est observée une perte de sensibilité aux fréquences spatiales élevées, codée par des neurones situés à la périphérie des colonnes de dominance (et donc à proximité de la zone des neurones « binoculaires » précédents) (6-10). La bascule de dominance, telle que décrite par Hubel et Wiesel, quant à elle, ne s’observe que dans les cas extrêmes, pouvant correspondre à des amblyopies sévères.
Il est assez simple d’imaginer que la privation visuelle entrave le développement des voies visuelles issues de l’œil occlus, d’où la bascule de dominance. Les mécanismes à l’origine des anomalies observées en cas de déviation oculaire ou d’anisométropie, pouvant aussi aller jusqu’à la bascule de dominance, sont moins intuitivement compréhensibles. Actuellement on attribue ces anomalies à un déséquilibre entre les quantités et/ou les qualités des informations vi-suelles issues des deux yeux, qui engendrerait un déséquilibre entre- des influx excitateurs et des influx inhibiteurs corticaux (11). Ces influx, « transversaux » d’une colonne de dominance à l’autre, ré-gulent le développement et de l’organisation fonctionnelle du cortex visuel. Même si les interactions binoculaires pendant la maturation du système sont incomplètement comprises, on peut retenir schématiquement qu’il existe des influx excitateurs qui seraient spécifiques des neurones ayant le même stimulus, alors que les influx inhibiteurs seraient beaucoup moins spécifiques, reliant des neurones répondant à des stimuli différents (figure n° 3). Ceci peut expliquer d’une part la variabilité des anomalies retrouvées en fonction des conditions expérimentales et du moment de l’expérience, et d’autre part la notion de « compétition » entre les stimuli des deux yeux qui est rencontrée en cas de déviation strabique.
Si nous revenons aux trois causes classiques d’amblyopie, on peut retenir grossièrement que la privation est une absence de stimulus, l’anisométropie un flou visuel (perte de stimulus dans les hautes fréquences spatiales) et la déviation oculaire une situation engendrant diplopie et confusion (et donc une compétition des messages adressés au cortex visuel). Les expériences animales proposent donc un mécanisme (anomalie fonctionnelle) et un substrat anatomique (ou histologique) à chacune des situations. Quel est le niveau d’intrication de ces différents phénomènes ? S’agit-il simplement d’une intensité différente d’un processus de développement anormal ? La réponse ne va pas de soit : en effet on est en droit de se demander si une amblyopie strabique, où les mécanismes pathologiques sont finalement les plus « actifs », n’est pas plus « grave » qu’une amblyopie par privation, où il n’y a pas de compétition ? Pourtant les amblyopies les plus difficiles à traiter ne sont pas, a priori, les amblyopies strabiques pures. A-t-on à faire face à des processus de natures différentes ? La question des mécanismes de l’amblyopie fonctionnelle n’est sûrement pas totalement résolue, et restera sans doute pendant des années encore un sujet de recherche fondamentale important (au moins au titre de modèle d’étude de la plasticité neuronale).
Limites des modèles animaux et données chez l’homme
Les modèles animaux, même s’ils apportent beaucoup d’informations inaccessibles chez l’homme, ne sont pas dépourvus de défauts. Le principal est d’abord la difficulté à extrapoler les données expérimentales à l’homme. Par exemple, en cas de privation précoce et prolongée, les animaux sont virtuellement aveugles de l’œil occlus, ce qui n’est pas une situation que l’on trouve chez l’homme, chez qui même en cas d’amblyopie majeure on n’observe pas de cécité. Les cas d’études anatomopathologiques (autopsies de patients amblyopes) retrouvent des colonnes de dominance de taille normale (9). Les modèles de privation sont donc intéressants au titre de modèles de développement neuronal, mais ne représentent peut-être qu’une forme extrême et caricaturale sans équivalent avec la pathologie humaine.
Alors que l’amblyopie en clinique humaine se définit par une acuité visuelle, l’acuité visuelle des animaux n’est pas réellement chiffrable et on doit se contenter d’études comportementales, d’études de fixation, qui sont beaucoup plus grossières (12).
Un autre sujet d’interrogation est le lien entre la sévérité de la baisse de vision et les anomalies histopathologiques associées. S’il semble exister une corrélation entre l’amblyopie et les anomalies neuronales constatées, elle est beaucoup moins importante que ne le laisseraient attendre les tests comportementaux des animaux. La rétinotopie et la surreprésentation de la macula au niveau du cortex jouent sûrement un rôle dans cette discordance, mais son importance est difficilement quantifiable et rend délicate les comparaisons par rapport à l’homme (13).
Chez l’homme, la fonction visuelle ne se limite pas à l’acuité visuelle et au champ visuel, mais associe entre autres des capacités d’exploration de l’espace, de discrimination temporelle, spatiale, de sensibilité au contraste, de vision des couleurs. Ces capacités peuvent être variablement altérées en cas d’amblyopie fonctionnelle, même après un traitement et restitution d’une isoacuité. Ces différentes capacités ont chacune une période critique spécifique, et leur trai-tement cortical se fait dans les zones extra-striées. Dans quelle mesure ces anomalies sont secondaires à des anomalies du cortex primaire (avec d’éventuels mécanismes d’amplification) ? On sait également que le développement neuronal du cortex primaire est en partie sous le rétrocontrôle des zones extra-striées. Des cortex primaire et extra-strié, lequel est le premier touché ? Une limite des modèles animaux est, au moins aujourd’hui, de se concentrer sur l’étude de l’aire visuelle primaire : les fonctions relevant du cortex extra-strié sont accessibles chez l’homme à des explorations neuropsychologiques, à l’imagerie fonctionnelle, mais leur étude chez l’animale est beaucoup plus difficile.
Pour conclure
On a vu que l’amblyopie fonctionnelle est attribuée à 3 causes classiques (privation, anisométropie, strabisme). Ces causes ont été étudiées chez l’animal, permettant probablement de mieux comprendre certaines situations pathologiques rencontrées chez l’homme. Les substrats neuroanatomiques de l’amblyopie sont localisés, jusqu’à preuve du contraire, au niveau du cortex primaire et du cortex extra-strié, même si leur nature est incomplètement identifiée.
Un des résultats plus inattendus des recherches fondamentales animales est paradoxalement non pas l’extrême complexité de la plasticité cérébrale, mais l’intrication des causes de l’amblyopie : l’amblyopie fonctionnelle peut occasionner une anisométropie (14) ou une déviation strabique secondaire chez l’animal (15) (comme chez l’homme, 16). Ceci ne nous surprendra peut-être pas outre mesure l’ophtalmologiste qui a l’expérience de la triade variable trouble réfractif-amblyopie-strabisme, sans que la cause initiale du trouble soit très évidente dans bien des cas. L’interaction de ces trois phénomènes, qu’on ne peut pas superposer simplement de l’animal à l’homme doit certainement nous amener à reconsidérer les schémas classiques d’amblyopie fonctionnelle (figure n° 1). Les nouveaux schémas (figure n° 4) nous permettront de mieux saisir l’interaction des mécanismes des amblyopies organiques et mixtes.
Amblyopie organique
Généralités
L’amblyopie organique, ou devrait-on plutôt dire les amblyopies organiques, consistent en une baisse de vision due à une altération du système visuel à un de ses étages (le plus souvent un des deux premiers). Un très vaste spectre de pathologies est possiblement responsable. La résultante sera une diminution de performance du système, qu’on peut se représenter comme un scotome, de topographie, d’intensité, de durée variable selon les cas. Ce scotome sera central (atteinte sur l’axe de la macula, soit sur la rétine elle-même, soit en amont, soit en aval). Trois des caractéristiques essentielles pour le pronostic seront :
- La réversibilité éventuelle du phénomène ;
- Son caractère « multifactoriel » éventuel ;
- La profondeur du déficit fonctionnel occasionné.
Ces éléments conditionneront :
- L’acuité visuelle finale ;
- La survenue d’une amblyopie fonctionnelle surajoutée (amblyopie mixte).
Exemples
Illustrons ces considérations par quelques exemples :
Cataracte
La cataracte de l’enfant est le type même d’atteinte de l’étage de « transmission ». La notion de période critique s’applique ici avec un résultat visuel d’autant plus mauvais que la cataracte est précoce. La fonction visuelle dépend aussi du caractère obturant de la cataracte (sans parler d’éventuelles malformations oculaires associées). Les conséquences visuelles sont en fonction des cas extrêmement variables. La cataracte infantile ne doit pas être considérée comme un modèle « pur » d’amblyopie fonctionnelle par privation : une fois l’obstacle visuel traité, s’ajoutent les troubles réfractifs (perte d’accommodation et forte amétropie éventuelle en fonction des traitements chirurgicaux et/ou optiques et implant intraoculaire, lentille de contact, lunettes, etc.), un strabisme fréquemment associé (figure n° 5).
Si l’on devait rechercher un exemple de privation plus « pur » peut-être devrait-on s’orienter vers le ptôsis congénital unilatéral avec occlusion totale, ce qui est une situation assez exceptionnelle.
Maculopathies
Les pathologies rétiniennes concernent l’étage de « perception ». Elles sont de sévérité variable, évolutives ou non, occasionnant une diminution de la quantité et/ou de la qualité (voire « distorsion » en cas d’ectopie maculaire par exemple) de l’information visuelle. L’acuité visuelle est classiquement fonction de la taille du scotome central (cicatrice de rétino-choroïdite toxoplasmique par exemple) et de l’excentricité du nouveau point de fixation qui se développe à la limite du scotome. Une composante fonctionnelle de l’amblyopie n’est pas systématique, et l’on est parfois surpris de l’acuité visuelle, ou des capacités de lecture (pas toujours corrélées à l’acuité visuelle), même en cas de lésion maculaire semblant étendue : soit que persistent quelques cellules rétiniennes en densité suffisante pour permettre ces performances, soit que la plasticité neuronale corticale traite de façon remarquable une information visuelle appauvrie et non redondante.
Atteinte du nerf optique
Notre dernier exemple sera l’hypoplasie des voies optiques, plus fréquente des malformations du nerf optique, concernant donc l’étage d’« intégration ». Les conséquences fonctionnelles sont extrêmement variables en fonction du respect ou non des voies optiques maculaires (pouvant aller de la cécité à 10/10). Notons que certaines amblyopies étiquetées fonctionnelles, rebelles au traitement, sont peut-être des hypoplasies optiques méconnues, 17 sans aspect classique de disque optique en double anneau. Cette étiologie pourrait s’ajouter à la liste d’étiologies de l’organic amblyopia de von Noorden, dont le fond d’œil est normal ; l’OCT ou l’imagerie cérébrale peuvent alors éventuellement en permettre le diagnostic.
L’amblyopie organique est donc le fait d’un processus limitant « inéluctablement » les capacités fonctionnelles du système visuel. La plasticité cérébrale de l’enfant peut, via une amblyopie fonctionnelle, ajouter un handicap fonctionnel supplémentaire (figure n° 6), pouvant justifier d’un traitement spécifique. Il est possible qu’il existe également des mécanismes compensateurs dans certains cas d’amblyopies organiques (Perception inconsciente dans certaines atteintes occipitales ? Rôle du cortex extra-strié ?), mais à notre connaissance ceci concerne plutôt des atteintes bilatérales, ce qui sort de notre sujet.
Conclusion
Amblyopies fonctionnelle et organique sont des entités de la nosologie francophone pour représenter un large spectre de situations cliniques. Leurs définitions sont à bien connaître, au moins pour ne pas commettre de contresens en lisant la littérature en langue anglaise. Les mécanismes conduisant à l’amblyopie fonctionnelle sont multiples, souvent intriqués, et leurs conséquences sur la plasticité neuronale corticale (substrat anatomique de l’amblyopie fonctionnelle) sont incomplètement élucidées. Les relations entre le cortex visuel primaire et les aires extra-striées restent en partie à préciser. Ceci semble difficile chez l’animal, mais le développement de nouveaux outils de recherche chez l’homme, combinant évaluations cliniques rigoureuses et imagerie fonctionnelle (cartographie cérébrale par IRM fonctionnelle par exemple), pourra peut-être fournir des éléments de réponse.
Références
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Date de création de la page : juin 2010
Date de dernière révision : novembre 2013