La vision de l'œil amblyope. Comment les deux yeux coopèrent-ils ?
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Avant-Propos
La lecture des publications d’ophtalmologie ou d’orthoptie, montre que des professionnels chevronnés de la vision, arrivent très difficilement à reproduire dans leurs publications la vision réelle d’un sujet. En effet, celle-ci nous est présentée de façon constante sous la forme d’un rectangle uniformément net. La réalité est tout autre.
Pour la perception visuelle d’un œil amblyope fonctionnelle, nombre de professionnels s’imaginent qu’elle n’est qu’une dégradation sous la forme d’une vision floue de la perception fovéolaire. Il n’en est rien. La réalité montre que cette dégradation de la perception est beaucoup plus profonde et touche la totalité de la perception visuelle de l’œil atteint, modifiant de façon radicale les rapports du sujet avec son espace visuelle.
Le professeur Heimo Steffen a eu l’amitié de consacrer beaucoup de son temps à ce travail et a produit une présentation en tout point remarquable. Le texte qui suit est la reconstitution partielle de cette présentation à partir de ses diapositives.
Remarques générales
L’amblyopie fonctionnelle entraîne différentes anomalies de la perception. Celles-ci peuvent être classées en deux groupes :
Les anomalies de la vision monoculaire
Elles se divisent en deux catégories :
Les mal perceptions spatiales
Ce groupe comprend :
- Les incertitudes spatiales ;
- Les erreurs dans la géométrie spatiale ;
- Les distorsions spatiales.
Les mal perceptions temporelles
Les anomalies de la vision binoculaire
On les rencontre chez le strabique (et l‘amblyope).
Le concept d’amblyopie
Depuis 1 966 (début de la base de données de PubMed), on retrouve plus de 4 500 articles sur le sujet de l’amblyopie. Celle-ci est un modèle pour l‘influence précoce sur la structure et la fonction du cerveau.
5 principes sont à la base du concept « amblyopie » :
- La cause
Elle est une conséquence directe d’une expérience visuelle anormale précoce. - La période critique
Cette évolution n’est possible que pendant les premières années de vie. - La localisation
C’est essentiellement le cortex visuel primaire (V1) qui est atteint. - Le substrat neurologique
La perte de la binocularité entraîne un transfert de la dominance corticale en faveur de l’œil non atteint. - Le mécanisme
Il est la conséquence directe de la compétition entre les colonnes de dominance de l’œil droit et de l’œil gauche.
Publication de R Sireteanu
Sireteanu R, Lagreze WD, Constantinescu- DH. Distorsions in two-dimensional visual space perception in strabismic observers. Vis Res (1 993) ; 33 : 677-690.
Méthode
Étude de la localisation monoculaire (avec point de référence) par la création d’un cercle autour d’un point fixé. Le point de référence détermine le rayon du cercle à construire (rayons de 2°, 4° est 6°) puis localisation monoculaire sans point de référence. Le patient voyait une fois le cercle à construire avec l’œil dominant.
Population
La population se composait de 29 sujets dont 7 contrôles. Elle était divisée en :
- 19 amblyopes ;
- 2 anisométropes ;
- 8 microstrabismes ;
- 9 strabismes.
Résultats
Seules les amblyopes strabiques présentent des distorsions nettement plus accentuées que les sujets normaux.
La distorsion chez les normaux et les amblyopes anisométropes sont identiques.
Il n’y a pas de corrélation entre acuité visuelle et degré de distorsion.
Discussion
Il n’y a pas d‘explication pour la forme ellipsoïde des distorsions.
Il y a de nombreuses spéculations sur le rôle de la correspondance rétinienne anormale à la contribution de ces distorsions.
Publication de BT Barrett
Barrett BT, Pacey IE, Bradley A, Thibos LN & Morrill P. Nonveridical visual perception in human amblyopes ; IOVS (2 003) 44 : 1 555-1 567.
But de l’étude
Déterminer la prévalence et la nature des mal perceptions spatiales.
Méthode
Stimulus : grille sinusoïdale avec variation de la fréquence spatiale, de l‘orientation et de la sensibilité aux contrastes.
Sujets
- 30 amblyopes ;
- 14 strabismes ;
- 10 anisométropes ;
- 6 strabismes et anisométropies.
Publications de H Harms
Harms H. Ort und Wesen der Bildhemmung bei Schielenden. Albrecht v. Graefes Archiv für Ophthalmologie 138 : 149-210 (1 937).
Buts de l‘étude
Déterminer quelles parties du champ visuel de l‘œil droit et du champ visuel de l‘œil gauche contribuaient au champ visuel binoculaire.
Méthode
- Périmétrie binoculaire proportionnelle ;
- Périmétrie binoculaire avec lunettes rouge/vert et écran de Bjerrum ;
- Stimulus lumineux de 2 cm de diamètre (perçu seulement par l‘œil avec verre rouge) ;
- Le patient doit indiquer la couleur du stimulus perçu (rouge, vert, mélange, changement de couleur ou deux marques).
Publication de V Herzau
Herzau V : Untersuchungen über das binokulare Gesichtsfeld Schielender-. Documenta Ophthalmologica 49 : 221-284 (1 980).
Buts de l’étude
Déterminer quelles parties du champ visuel binoculaire n‘étaient pas perçues par un œil (dans quelle(s) partie(s) du champ visuel binoculaire y a-t-il suppression ?).
Synthèse
Par Alain Péchereau
Cette remarquable synthèse du professeur Heimo Steffen nous apprend trois éléments fondamentaux et nous permet de tirer une conclusion.
La perception monoculaire dans l’amblyopie
Elle est profondément altérée à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. C’est l’ensemble de la perception par l’œil amblyope qui est pervertie à la fois dans sa performance, relativement bien mesurée par l’acuité visuelle, mais aussi dans la structure des champs récepteurs. Ce fait explique les altérations de la perception du mouvement. Comme l’avait noté le professeur MA Quéré il y a bien longtemps, l’amblyopie entraîne une véritable perversion de la hiérarchie spatiale de l’œil amblyope. Celle-ci est totalement déstructurée. Le niveau de l’acuité visuelle doit être considéré comme le meilleur marqueur de la déstructuration de la perception globale de l’œil amblyope plutôt que le témoin de la seule atteinte du pouvoir de discrimination.
La neutralisation de l’œil amblyope
Celle-ci n’est pas le petit scotome s’étendant du point zéro et s’arrêtant comme au couteau sur la fovéa dont on voit trop souvent la représentation mais un ensemble dynamique à la géométrie variable qui se modifie en fonction de l’acuité visuelle de l’œil amblyope, de la déviation et de l’œil fixateur. Là encore, les cliniciens ont une vision trop simpliste de la complexité de la pathologie sensorielle.
La coopération binoculaire
Là encore, les arbitrages du cerveau sont complexes et dynamiques. Chaque patient crée une relation binoculaire qui lui est propre. Le cerveau semble en permanence faire des arbitrages entre les informations visuelles qui lui proviennent de chaque œil. Pour chaque zone de l’espace visuel, il semble choisir l’information visuelle la meilleure. À tout instant, il arbitre entre l’information visuelle des deux yeux et choisit la plus pertinente. À ce jeu-là, l’œil amblyope est le grand perdant et ceci, d’autant plus, que l’amblyopie est profonde.
L’amélioration de l’acuité visuelle
Elle est le cœur du projet thérapeutique. En effet, si elle indique une restauration de la fonction de discrimination, elle montre surtout la reconstitution d’une structuration normale de la perception visuelle. La guérison de la fonction de discrimination s’accompagne de la normalisation des autres fonctions, en particuliers la restauration d’une oculomotricité normale. Elle est le préalable à toute rééducation spécifique qui, dans l’immense majorité des cas (dans la réalité concrète, ce besoin est exceptionnel), n’est pas nécessaire quand la structuration de la perception visuelle de l’œil amblyope (la guérison de l’amblyopie) est reconstituée par la guérison de l’amblyopie.
Une fois de plus et de façon magistrale, on peut observer que les deux objectifs fondamentaux de la prise en charge d’un strabisme sont :
- La guérison de l’amblyopie
Elle est le préalable à tout. Rappelons l’aphorisme de Charles Rémy : « le monoculaire précède le binoculaire ». Tout dixième non-récupéré a des conséquences extrêmement graves sur la fonction visuelle en général. La récupération de l’acuité visuelle est le préalable à tout et tout (la motricité et la sensorialité) en dépend. - La réduction angulaire
Elle est le deuxième élément de la prise en charge. Rappelons l’aphorisme d’André Roth : « la vision binoculaire est angle dépendant ». L’analyse de ce travail l’a bien montré.
Ces deux éléments associés à la correction optique totale portée en permanence sont le trépied du « strabique heureux » comme l’a défini Charles Rémy.
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Date de création de la page : juin 2010
Date de dernière révision : novembre 2013