Nystagmus patent :
clinique, examen, bilan, étiologie, physiopathologie, traitement médical et chirurgical.
Un nystagmus patent se distingue d’un nystagmus latent par son caractère manifeste en vision binoculaire et peu modifié par l’occlusion monoculaire.
L’examen d’un nystagmus patent doit être assez long pour mettre en évidence ses éventuelles variations.
Son étude clinique cherche à déterminer s’il s’agit d’une forme congénitale ou acquise, s’il existe une étiologie sensorielle diagnostiquée dès l’examen clinique ou si un bilan complémentaire s’impose.
Interrogatoire
Interrogatoire général
- Antécédents familiaux de nystagmus, strabisme, torticolis, malvoyance ou albinisme ;
- Affection générale associée importante à rechercher, en particulier une affection neurologique, métabolique ou un albinisme ;
- Qualité du développement général ;
- Éveil visuel (à l’âge préverbal) ;
- Prise de traitement ;
- Vertiges ou nausées.
Description du nystagmus
- Âge d’apparition (infantile ou acquis après l’âge de 6 mois) ;
- Évolution dans le temps ;
- Variabilité dans la journée et en fonction de l’activité.
Signes associés
- Torticolis (toujours identique ou variable, facteur déclenchant, voir photos actuelles et anciennes) ;
- Nystagmus ou secousses de la tête ;
- Signes fonctionnels à type d’oscillopsies ou de diplopie ;
- Photophobie.
Bilan d’un torticolis
Une position anormale de la tête doit être recherchée dès l’inspection lors de l’interrogatoire.
Le torticolis se majore souvent en vision de loin et particulièrement à la fixation, n’apparaissant parfois qu’à la fixation de petits optotypes.
Il peut être horizontal, oblique ou vertical et parfois double d’où la nécessité d’un temps d’examen assez long.
Le torticolis est parfois d’importance variable. Son importance moyenne peut être appréciée à l’aide d’un goniomètre ou d’autres systèmes plus sophistiqués.
La position nécessaire des yeux pour fixer droit devant permet alors d’utiliser une zone de moindre nystagmus qui améliore l’acuité visuelle.
Ce torticolis peut avoir des répercussions sur le rachis cervical et les relations sociales.
Acuité visuelle
L’acuité visuelle doit impérativement être appréciée d’abord en binoculaire et en respectant un éventuel torticolis de fixation, puis en binoculaire tête droite, et enfin en monoculaire en privilégiant une occlusion par pénalisation (+3 ∂) ou écran translucide, pour ne pas majorer le nystagmus avec une éventuelle part latente. L’examen se fait en vision de loin puis en vision de près.
Le niveau d’acuité visuelle est très variable, dépendant d’une éventuelle anomalie sensorielle associée, du temps de fovéation permis par le nystagmus et d’une possible amblyopie strabique surajoutée. L’amblyopie peut donc être asymétrique.
L’acuité visuelle définitive n’est parfois estimée qu’à partir de 8 à 9 ans.
Étude clinique du nystagmus
L’observation clinique du nystagmus s’effectue d’abord en binoculaire et en faisant fixer un optotype, en vision de loin puis de près, dans les différentes directions du regard et en convergence.
Le nystagmus est décrit selon différents critères : morphologie, direction, fréquence et amplitude.
Puis sont recherchées d’éventuelles modifications du nystagmus lors de la fixation monoculaire ou chaque œil fixant.
L’examen d’un nystagmus est donc nécessairement assez long.
Morphologie
Un nystagmus se caractérise par un mouvement de va-et-vient des yeux comportant au moins une phase lente qui est le processus pathologique initial.
Un nystagmus pendulaire se définit par des mouvements de va-et-vient d’égale vitesse (figure n° 1).
Un nystagmus à ressort induit un déplacement plus rapide dans une direction (figure n° 2).
Un nystagmus mixte associe les deux formes.
Direction
La direction du nystagmus est donnée par la phase rapide.
Elle est le plus souvent horizontale, parfois verticale, oblique ou rotatoire. Le nystagmus peut être bi-directionnel et présenter parfois un changement périodique de sa direction (caractéristique du nystagmus périodique alternant).
Plus exceptionnel est le see-saw nystagmus, un nystagmus pendulaire associé sur un œil à des mouvements d’élévation intorsion et sur l’autre œil des mouvements d’abaissement et d’extorsion, avec par moments inversion des mouvements.
Rythme et fréquence
La fréquence est plus ou moins rapide. Et le nystagmus peut être régulier ou apparaître par bouffées.
Amplitude et intensité
L’intensité est égale au produit de la fréquence par l’amplitude. Parfois le nystagmus est d’amplitude si faible qu’il n’est visible qu’à l’examen du fond d’œil.
Étude des variations du nystagmus
Selon le caractère binoculaire ou monoculaire de la fixation
Un nystagmus patent est manifeste en vision binoculaire à la différence d’un nystagmus latent qui n’apparaît qu’en monoculaire. Mais il peut exister une part latente surajoutée qui apparaîtra en monoculaire en majorant le nystagmus.
Selon la direction du regard
Le nystagmus peut changer de morphologie, ou augmenter en intensité ou en fréquence. Le sens de battement va varier (battement vers la droite dans le regard à droite et vers la gauche dans le regard à gauche).
Ces variations peuvent être reportées sur un schéma avec différentes flèches de forme, de longueur et d’épaisseur variable (figure 3).
Mais l’intérêt de l’enregistrement vidéographique est majeur dans la pathologie nystagmique.
La diminution d’intensité du nystagmus peut aboutir dans une direction du regard à une zone d’équilibre avec un éventuel torticolis associé. La zone d’équilibre peut se situer dans une zone intermédiaire ou en version extrême et elle peut être unique ou non.
Selon l’œil fixateur
Un nystagmus d’intensité égale quel que soit l’œil fixateur est dit congruent (à l’inverse du non congruent).
Un nystagmus de direction égale quel que soit l’œil fixateur est dit concordant (à l’inverse du discordant).
Étude de la réfraction
La cycloplégie est obligatoire pour une réfraction parfois rendue difficile par l’importance du nystagmus. Elle peut être réalisée lors d’un examen sous anesthésie générale. La correction optique totale de défauts réfractifs même minimes est importante dans le but d’optimiser l’acuité et de soulager l’effort visuel. Une addition pour la vision de près est parfois bénéfique.
Un centrage des verres dans l’axe du regard a pu être proposé en cas de torticolis constant.
Mais surtout la correction par lentilles cornéennes est préférée dans ce cas. Et de façon générale, les lentilles peuvent permettre une meilleure stabilité et une amélioration de l’acuité visuelle.
Complément du bilan oculomoteur
Un strabisme associé à un nystagmus définit une tropie nystagmique. Il peut s’agir d’une microtropie alors difficile à mettre en évidence. Des signes de strabisme précoce (DVD, fixation en adduction, élévation en adduction) associés font évoquer un nystagmus latent ou manifeste latent plutôt qu’un nystagmus patent.
En absence de strabisme, la qualité de la vision binoculaire et de la fusion est importante à connaître en particulier avant de poser une indication chirurgicale.
Examen ophtalmologique complet
L’examen des pupilles et du réflexe photomoteur est réalisé avant la dilatation pupillaire.
L’examen des milieux oculaires, recherche toute anomalie et en particulier une rétro-illumination irienne évoquant un albinisme.
L’examen du fond d’œil recherche des anomalies expliquant une origine sensorielle du nystagmus et parfois difficiles à voir comme une hypoplasie papillaire ou une non-différenciation maculaire. L’ophtalmoscopie indirecte aide à la réalisation de l’examen.
Au terme de l’examen clinique d’un nystagmus patent
Distinction clinique entre nystagmus congénital et acquis
Nystagmus congénital
- Apparu avant 6 mois ;
- Antécédents familiaux fréquents ;
- À ressort ou pendulaire ;
- Le plus souvent essentiellement horizontal ;
- En bouffées ;
- Fréquente position d’équilibre avec torticolis ;
- Diminution en convergence ;
- Concordant ;
- Aggravé avec la fixation, le stress…
Nystagmus acquis
- Apparu après 6 mois de vie ;
- Plus souvent vertical ou torsionnel ;
- Fréquents signes fonctionnels (oscillopsies…) ;
- Vertiges, nausées ;
- Signes neurologiques ou cochléaires.
Face à un nystagmus patent congénital
Ou le contexte clinique associe un trouble neurologique associé au nystagmus (souffrance périnatale, leucomalacie, malformation type hypoplasie ponto-cérébelleuse ou syndrome de Joubert…) ;
- Ou l’examen ophtalmologique clinique révèle une étiologie sensorielle au nystagmus (albinisme, anomalie du nerf optique, cataracte, glaucome, forte myopie ou astigmatisme important, aniridie…) ;
- Ou l’examen clinique semble normal et le diagnostic de nystagmus congénital idiopathique est évoqué. Mais ce diagnostic ne doit être posé qu’avec certitude et, en particulier, après vérification de la normalité des examens complémentaires :
- ERG-PEV et vision des couleurs : si on a un doute sur la qualité de la vision ou la normalité du fond d’œil, s’il existe une photophobie,
- Bilan neuropédiatrique : s’il existe le moindre signe d’appel neurologique, un doute sur l’état des papilles avec une mauvaise acuité visuelle inexpliquée, un doute sur le caractère congénital du nystagmus, des oscillopsies ou un nystagmus atypique, vertical pur, rotatoire pur, unilatéral, non modifié par la fixation ou périodique alternant.
Face à un nystagmus acquis
La recherche d’une étiologie en particulier neurologique ou vestibulaire est indispensable et va nécessiter un bilan clinique et complémentaire élargi vers ces spécialités.
L’examen clinique d’un nystagmus patent est donc primordial puisqu’il va permettre d’une part de savoir si le bilan peut rester clinique ou s’il doit être complété d’examens complémentaires, et d’autre part d’apprécier le retentissement fonctionnel, le pronostic et la tolérance et éventuellement de proposer un acte chirurgical.
Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010