Les nystagmus : nystagmus vestibulaire périphérique Catherine Calais

Nystagmus vestibulaire périphérique.


Introduction


Devant un nystagmus, dans quel cas l’ophtalmologiste doit-il penser à l’ORL ?
La description du nystagmus et des symptômes associés permettent le plus souvent de classer un nystagmus et de préciser le diagnostic topographique et étiologique.
On distingue en effet :
  • Le nystagmus vestibulaire périphérique lié à une atteinte de la partie vestibulaire de l’oreille interne et, ou du nerf vestibulaire
  • Le nystagmus vestibulaire central lié à une atteinte des noyaux vestibulaires du tronc cérébral et, ou des voies vestibulaires centrales
  • Le nystagmus ophtalmologique.

Rappel anatomique et physiopathologique


Le système vestibulaire périphérique comprend cinq organes sensoriels logés dans le labyrinthe membraneux.
Ce sont les macules du saccule et de l’utricule et les crêtes ampullaires des trois canaux semi-circulaires, logés au sein de cavités et canaux remplis de liquide.
Les macules du saccule et de l’utricule réagissent aux accélérations linéaires.
Les crêtes ampullaires des canaux semi-circulaires réagissent aux accélérations angulaires.
Les deux systèmes labyrinthiques droit et gauche fonctionnent en harmonie : activation de l’un, inhibition de l’autre, en fonction des mouvements de la tête.
Les nerfs vestibulaires droit et gauche cheminent à travers les conduits auditifs internes et les angles ponto-cérébelleux, et se distribuent aux noyaux vestibulaires du tronc cérébral.
Le contingent ascendant, des noyaux vestibulaires aux noyaux oculomoteurs, est à l’origine du réflexe vestibulo-oculaire.
Le contingent descendant, des noyaux vestibulaires aux motoneurones des cornes antérieures de la moelle, est à l’origine des réflexes vestibulo-spinaux posturaux.
L’asymétrie d’activité du labyrinthe ou du nerf vestibulaire induit une asymétrie d’activité des noyaux vestibulaires, ce qui produit la phase lente du nystagmus vestibulaire périphérique.
Cette asymétrie est physiologique lors des mouvements de la tête et est pathologique en cas de lésion du labyrinthe ou du nerf vestibulaire.
Le déséquilibre interlabyrinthique est à l’origine non seulement d’un nystagmus mais également d’un syndrome vestibulo-spinal.
On distingue les syndromes de destruction vestibulaire, avec nystagmus battant du côté sain et déviation corporelle du côté atteint, et les syndromes d’irritation vestibulaire, avec nystagmus battant du côté atteint et déviation corporelle du côté sain.
Les conséquences d’une destruction vestibulaire périphérique sont les suivantes :
  • Un grand vertige et des signes neurovégétatifs ;
  • Un nystagmus battant vers le côté sain ;
  • Une déviation posturale vers le côté lésé ;
  • Une « ocular tilt réaction  » liée à l’atteinte otolithique, avec :
    • Une inclinaison de la tête,
    • Une divergence verticale des axes oculaires,
    • Une torsion oculaire.

  • Le développement d’une compensation vestibulaire centrale.

Description des nystagmus vestibulaires périphériques


Il existe plusieurs types de nystagmus vestibulaires périphériques :
  • Le nystagmus présent à l’inspection avec fixation ;
  • Le nystagmus absent à l’inspection avec fixation, mais présent sans fixation sous lunettes de Frenzel (nystagmus spontané) ;
  • Le nystagmus révélé par :
    • Les changements de position de la tête : nystagmus positionnel,
    • Le head-shaking test,
    • Les épreuves vestibulaires rotatoires et caloriques.

Les caractéristiques du nystagmus vestibulaire périphérique sont les suivantes :
  • Les deux phases du nystagmus :
    • La phase lente d’origine vestibulaire (liée à l’asymétrie d’activité du labyrinthe puis du noyau vestibulaire) de vitesse constante pour une période donnée ;
    • La phase rapide qui est une saccade réflexe de recentration du globe oculaire.

  • La direction : nystagmus horizonto-rotatoire, horizontal, rotatoire horaire, anti-horaire ;
  • L’aspect conjugué sur les deux yeux ;
  • Les degrés :
    • 1er degré : présent dans la direction de la phase rapide,
    • 2e degré : présent aussi dans le regard direct,
    • 3e degré : présent dans toutes les directions du regard.

  • La loi d’Alexander : le nystagmus augmente dans une direction du regard et diminue dans la direction opposée, mais ne change pas de sens.
  • L’influence de la fixation :
    • Diminution ou inhibition du nystagmus par la fixation,
    • Apparition ou augmentation du nystagmus sous lunettes de Frenzel, sans fixation.

Ces caractéristiques sont importantes afin de le distinguer d’un autre type de nystagmus, notamment vestibulaire central.
Le nystagmus vestibulaire périphérique positionnel peut apparaître lors de certains changements de position de la tête.
Il est recherché par la manœuvre de Hallpike ou la manœuvre du canal latéral, permettant le diagnostic d’une canalolithiase.
Il a également des caractéristiques précises afin de le distinguer d’un nystagmus positionnel central :
  • Un temps de latence de quelques secondes ;
  • Un nystagmus horizontal, rotatoire ou horizonto-rotatoire géotropique conjugué ;
  • Un vertige rotatoire associé ;
  • Une durée du nystagmus et du vertige, inférieure à 1 minute ;
  • Une fatigabilité si la manœuvre est reproduite.

Le nystagmus vestibulaire périphérique est présent si l’examen est réalisé dans les jours ou semaines qui suivent l’apparition de l’atteinte vestibulaire, ou la récidive du syndrome vestibulaire irritatif. Mais l’absence de nystagmus vestibulaire périphérique ne signifie pas l’absence d’atteinte vestibulaire périphérique, lorsque des mécanismes de compensation centrale se sont installés.

Importance de l’interrogatoire du patient


Lorsqu’il est suspecté à l’examen clinique un nystagmus vestibulaire périphérique, l’interrogatoire du patient a une grande importance sur la présence ou non de vertiges et, ou de troubles de l’équilibre, ainsi que de signes d’atteinte cochléaire.
Le vertige est une sensation erronée de mouvement rotatoire ou linéaire.
Le vertige est le symptôme d’appel, témoin d’une atteinte vestibulaire, le plus souvent périphérique.
L’interrogatoire du patient précise :
  • Ses antécédents (otite chronique, traumatisme crânien ou otologique, barotraumatisme, chirurgie de l’oreille, pathologie labyrinthique familiale, traitement ototoxique…)
  • Les circonstances d’apparition du vertige : spontané, positionnel, effort physique, mouchage…
  • Le type du vertige : rotatoire, tangage, attraction latérale…
  • La durée : secondes, minutes, heures ou jours ;
  • Le mode évolutif : par crises, en continu, par périodes ;
  • Le vertige isolé ou associé à des signes cochléaires :
    • Surdité unie ou bilatérale, symétrique ou asymétrique,
    • Acouphènes unis ou bilatéraux,
    • Plénitude auriculaire, Hyperacousie douloureuse,
    • Céphalée occipitale modérée à type de lourdeur et non intense.

Examen vestibulaire clinique


Certaines épreuves sont simples et rapides à réaliser, et peuvent confirmer à l’Ophtalmologiste qu’il existe en plus du nystagmus une déviation posturale orientant vers une atteinte vestibulaire.
Ce sont :
  • La recherche de la déviation des index ;
  • L’épreuve de Romberg ;
  • L’épreuve de Fukuda : marche sur place, 50 pas, les yeux fermés ;
  • L’épreuve de marche aveugle : 3 pas en avant, 3 pas en arrière, les yeux fermés.

Un syndrome vestibulaire complet et harmonieux, avec un nystagmus battant dans un sens (sens de la secousse rapide) et une déviation posturale dans l’autre sens, et un examen neurologique normal, sont en faveur d’une atteinte vestibulaire périphérique.

Principales entités cliniques


Ce sont :
  • Le vertige positionnel paroxystique bénin 39  % ;
  • La maladie de Ménière 9  % ;
  • La névrite vestibulaire 6  % ;
  • Le neurinome de l’acoustique et autres causes tumorales 2  % ;
  • Les autres étiologies 44  %.

Le vertige positionnel paroxystique bénin


Ce vertige est en rapport avec une pathologie des otolithes (cristaux de l’utricule) ayant migré anormalement dans les canaux semi-circulaires postérieurs et formant une canalolithiase.
Le vertige est violent, rotatoire, déclenché par le mouvement de la tête, de moins de 1 minute, sans signe auditif.
Le diagnostic se fait par la vidéonystagmoscopie : déclenchement par la manœuvre de Hallpike d’un nystagmus horizonto-rotatoire, de moins de 1 minute, s’inversant au redressement, reproductible mais fatigable.
Le traitement repose sur une manœuvre de Semont ou Epley.

La maladie de Ménière


Cette maladie est liée à un hydrops labyrinthique, entraînant une dilatation du labyrinthe membraneux, ce qui explique l’association de signes cochléaires et vestibulaires.
Il existe une triade symptomatique
  • Vertiges intenses et signes neurovégétatifs, d’apparition spontanée, durant plusieurs heures et répétitifs ;
  • Surdité de perception unilatérale ;
  • Acouphènes unilatéraux.

La clinique est confirmée par :
  • Audiogramme : surdité de perception sur les fréquences graves puis horizontales ;
  • Vidéonystagmoscopie : nystagmus spontané au cours et près d’une crise de vertige ;
  • Vidéonystagmographie hors crise : normal au début puis hyporéflectivité vestibulaire lors des épreuves caloriques.

Le traitement est le plus souvent médical, séquentiel, en fonction de l’évolution des vertiges, qui est toujours imprévisible.
En cas d’échec de ce traitement médical, un traitement chirurgical sur le sac endolymphatique sera proposé.

La névrite vestibulaire


C’est une atteinte vestibulaire périphérique, de type destructif, d’apparition brutale, probablement virale.
Le vertige est intense, rotatoire, durant plusieurs jours, avec des signes neurovégétatifs marqués, sans signe auditif.
La clinique est confirmée par :
  • Vidéonystagmoscopie : important nystagmus spontané ;
  • Vidéonystagmographie : aréflexie vestibulaire aux épreuves caloriques ;
  • Audiogramme normal.

Le traitement repose essentiellement sur une rééducation vestibulaire précoce et intensive, avec un kinésithérapeute spécialisé, et le minimum de traitement médical vestibuloplégique, afin de développer des mécanismes de compensation centrale.

Le neurinome de l’acoustique


C’est un schwanome du nerf vestibulaire, d’histologie bénigne, mais dont le diagnostic doit être précoce devant son extension possible à l’angle ponto-cérébelleux avec un risque vital.
Il existe une instabilité plutôt qu’un grand vertige, majorée dans l’obscurité, avec ou non une surdité unilatérale et ou des acouphènes unilatéraux.
Le diagnostic est confirmé par :
  • Audiogramme : surdité de perception unilatérale ;
  • Vidéonystagmographie : hyporéflectivité homolatérale compensée ;
  • Potentiels évoqués auditifs : augmentation des temps de latence des ondes ;
  • IRM.

Le traitement est une exérèse chirurgicale, avec un risque moins important au stade de petite tumeur.
Certains neurinomes de petite taille sont surveillés par IRM régulières et opérés en cas d’augmentation de taille.

Autres étiologies


Il existe des étiologies traumatiques, infectieuses, toxiques, dégénératives, par compression vasculaire, idiopathiques, pouvant être à l’origine d’une atteinte vestibulaire périphérique (44  %).

Conclusion


L’ophtalmologiste pensera à l’ORL lorsque le nystagmus visualisé a les caractéristiques d’un nystagmus vestibulaire périphérique, et lorsqu’à l’interrogatoire ciblé, le patient décrit des vertiges et ou une surdité et ou des acouphènes.
Il est alors essentiel d’adresser ce patient à l’ORL pour un bilan cochléo-vestibulaire, ce qui permettra de préciser le diagnostic et de proposer un traitement adapté.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010