Les nystagmus : les mouvements oculaires pseudo-nystagmoïdes Monique Cordonnier

les pseudo-nystagmus :
flutter, opsoclonus, spasmus nutans, nystagmus retractorius, bobbing et myokimie.


Introduction


Le va-et-vient oculaire observé dans un nystagmus est initié par un mouvement pathologique lent qui dévie l’œil de sa cible. L’œil revient alors à sa cible par un mouvement le plus souvent rapide qui correspond à une saccade normale. Plus rarement, le mouvement de retour est aussi lent que le mouvement d’aller (nystagmus pendulaire). Le mécanisme sous-jacent qui initie ce mouvement pathologique lent à l’origine du nystagmus est lié soit à une instabilité primitive du système des mouvements oculaires lents, soit à un déséquilibre des afférences vestibulaires sur les noyaux oculomoteurs, soit à une incapacité du maintien du regard excentré.
D’autres mouvements de va-et-vient ou d’oscillation oculaire ne correspondent pas à cette description :

Les ondes carrées


Celles-ci interrompent la fixation oculaire et consistent en petites saccades horizontales de 1 à 5°, à droite ou à gauche (figure n° 1). Après un intervalle intersaccadique de 200 millisecondes, qui correspond au temps de réaction visuelle, l’œil opère une saccade inverse de refixation sur sa cible. Les ondes carrées ne sont pas pathognomoniques d’une affection en particulier. Elles se voient plus souvent chez les personnes âgées, dans les cérébellopathies, la paralysie supranucléaire progressive, la maladie de Parkinson ou la chorée d’Huntington. Elles peuvent également se voir dans la schizophrénie.
Rarement, leur amplitude peut atteindre 10 à 40° (sclérose en plaques, atrophie olivo-pontocérébelleuse), il s’agit alors de macro-ondes carrées (figure n° 1).

Le flutter et l’opsoclonus


Le flutter


C'est une salve de mouvements horizontaux aller-retour, sans intervalle intersaccadique (figure n° 1). Si les mouvements ne sont pas seulement horizontaux mais multidirectionnels, il s’agit alors d’un opsoclonus. Ces deux mouvements oculaires anormaux représentent la manifestation d ‘une instabilité oculomotrice qui proviendrait d ‘une altération des cellules pauses dans la formation réticulée pontine, d’où déclenchement inopportun de mouvements oscillatoires en salve. Ils peuvent se voir en cas de pathologie cérébelleuse, encéphalite, intoxication par le lithium ou le thallium, hydrocéphalie, traumatisme crânien, tumeur intracrânienne ou hémorragie thalamique. Dans certains cas, il s’agit d’un phénomène transitoire chez des nouveau-nés en bonne santé et résolutif après 6 mois.

L’opsoclonus


Il peut être une manifestation paranéoplasique. Dans ce cas, il est souvent associé à des myoclonies et de l’ataxie cérébelleuse.
Chez l’enfant, l’opsoclonus paranéoplasique est associé au neuroblastome et précède le diagnostic de la tumeur dans 50  % des cas. Son existence est un facteur de pronostic favorable, suggérant une réponse immune contre la tumeur.
Chez l’adulte, l’opsoclonus paranéoplasique peut se voir principalement dans le carcinome mammaire ou ovarien, et parfois dans le cancer pulmonaire à petites cellules.

Le spasmus nutans


Il s’agit d’une triade de signes cliniques associant :
  • Des oscillations intermittentes, monoculaires ou binoculaires très asymétriques, de haute fréquence, de petite amplitude, horizontales, verticales ou rotatoires ;
  • Un dodelinement de la tête ;
  • Un torticolis.

Son apparition se fait généralement dans la petite enfance, entre 6 mois et un an, et ce phénomène est souvent auto résolutif après quelques années. Il faut toutefois faire une imagerie pour exclure tumeur (gliome chiasmatique ou hypothalamique) ou une neuro-dégénerescence (encéphalopathie de Leigh, maladie de Pelizaeus-Merzbacher) et penser à la possibilité d’une rétinopathie (achromatopsie, héméralopie congénitale essentielle).
Le spasmus nutans est plus fréquent chez les sujets de race noire.

Le nystagmus retractorius


Il s’agit ici de saccades d’adduction des deux yeux qui font converger et rétracter les globes. Ce mouvement est souvent favorisé par le regard en haut, et est régulièrement associé à une parésie du regard conjugué vers le haut ou à d’autres signes d ‘atteinte du mésencéphale.
La rétraction du globe provient d ‘une co-contraction des muscles extra-oculaires, indiquant un dysfonctionnement de la loi d’innervation réciproque de Sherrington.

Le bobbing


Il s’agit d’une déviation rapide des yeux vers le bas, suivie d’un retour lent en position primaire. Le bobbing est un signe de dysfonction protubérantielle.

Les myokimies de l’oblique supérieur


Les myokimies du grand oblique sont un trouble moteur oculaire unilatéral secondaire à une anomalie acquise de l’innervation du grand oblique dont les contractions intermittentes entraînent des oscillations torsionnelles épisodiques de l’œil et par conséquent des plaintes d’oscillopsies et de diplopie intermittente. Ces oscillations oculaires de faible amplitude sont mieux visualisées à la lampe à fente : petits mouvements d ‘intorsion et d’abaissement de l’œil atteint. Ce trouble est secondaire à des décharges spontanées du nerf trochléaire. Certains auteurs citent une cause traumatique avec anomalie de régénération du nerf IV. Plusieurs études récentes, impliquent une compression vasculaire du tronc du IV, objectivée par la neuro-imagerie, impliquant une pathogenèse semblable à celle de l’hémispasme facial.
Le nerf trochléaire, à son émergence du tronc cérébral, est couvert de fibres de myéline de type central et non périphérique. La transition entre ces deux types de fibres de myéline se fait sur une zone variant de 0 à 1,2 mm selon les individus, appelée la zone d’émergence de la racine. C’est au niveau de cette zone particulièrement fragile qu’un contact vasculaire est susceptible d’entraîner des myokimies du grand oblique.
Au niveau physiopathologique, la composante compressive du contact vasculaire s’exerce par effet de pression pulsatile continue, induisant ainsi une lésion de démyélinisation focale du nerf. Ce phénomène de démyélinisation focale peut également résulter d’une compression tumorale, d’une irradiation, d’une récupération de parésie. Les myokimies constituent l’expression clinique d’un phénomène de décharge neuronale spontanée des fibres axonales focalement démyélinisées. En effet, les études électrophysiologiques de conduction nerveuse montrent que la démyélinisation focale induit un ensemble de transformations membranaires se traduisant par un état d’hyperexcitabilité. Ce dernier prédispose alors à l’apparition des décharges spontanées ectopiques et à des phénomènes de transmission éphaptique (transmission collatérale de l’excitation). Cliniquement, ceci est bien décrit dans la neuromyotonie après radiothérapie. Certains auteurs considèrent d’ailleurs que neuromyotonie et myokimies constituent une expression clinique différente d’un phénomène de décharge neuronale spontanée de fibres axonales focalement démyélinisées.
Le traitement médical utilisé avec un succès variable comprend les différentes classes d’antiépileptiques pour leur action de stabilisation membranaire, permettant ainsi de diminuer cette hyperexcitabilité : carbamazépine, phénitoïne, baclofène, clonazépam, gabapentine, bêtabloquants en usage topique ou oral.

La transmission des pulsations cérébrales à l’œil


En cas de défaut congénital ou acquis du plafond de l’orbite osseuse, il y a une transmission des pulsations cérébrales au globe oculaire. Il s’agit d’un mouvement rythmique de protrusion du globe oculaire, calqué sur le rythme cardiaque. L’exercice physique, en augmentant la fréquence du battement cardiaque, augmente également la fréquence des mouvements de l’œil.

Références
  1. Leigh J, Zee D. The neurology of eye movements. F.A. Davis Company, Philadelphia.
  2. Brodsky M, Baker R, Hamed L. Pediatric neuro-ophthalmology. Springer-Verlag, New- York, Berlin, Heidelberg.
  3. Dell’Osso L, Daroff R. Nystagmus and saccadic intrusions and oscillations. Duane’s Clinical Ophthalmology, Vol 2, Chap 11. Lippincott-Raven, Philadelphia, New-York.
  4. Cassidy L, Taylor D, Harris C. Abnormal supranuclear eye movements in the child : A practical guide to examination and interpretation. Surv. Ophthalmol 44 : 479-506, 2 000.
  5. Hildebrand J, Van Nechel C, Zanen A. Neuro-ophthalmological paraneoplastic syndromes : a review. Neuro-ophthalmology 26 : 67-78, 2 001.
  6. Ehongo A, Abi Farah H, Neugroschl C, Cordonnier M. Myokimies du grand oblique secondaires à une compression neuro-vasculaire. Bull Soc Belge Ophtalmol 2 003,287 : 79-83.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010