Les nystagmus : pratique quotidienne Charles Rémy

Le nystagmus en pratique quotidienne.


Introduction


Le nystagmus est une cause fréquente de malvision (acuité inférieure à 3/10). Parmi les multiples préoccupations des familles, deux se dégagent, l’avenir socioprofessionnel et l’obtention du permis de conduire.

Rappel


Le nystagmus, pathologie mystérieuse source de nombreux délires, est classable en deux catégories :
  • Organique avec détérioration profonde de la vision, de pronostic dramatique, lié à toutes les causes organiques de malvision : malformations, microphtalmie, cataracte congénitale bilatérale, vitré primitif… Une orientation scolaire spécialisée est à prévoir.
  • Fonctionnel : dont les pourcentages varient selon les modes de recrutement.
  • Associé au strabisme dont le devenir fonctionnel coïncidera avec celui du strabisme ; il est patent ou latent.

À une époque, le strabisme était considéré comme le mode de blocage du nystagmus, désordre oculomoteur primordial (théorie de Cüppers) ; la véritable association d’un nystagmus latent ou patent à un strabisme est à distinguer des salves rythmiques d’abduction fréquemment observées qui traduisent la difficulté de lever le spasme du droit médial.
Au pire, ces cas sont amblyopes unilatéraux, mais un œil garde toujours une acuité visuelle supérieure à cinq dixièmes et ils pourront conduire une voiture.
Essentiel, idiopathique, fonctionnel, ou encore congénital, sans lésion oculaire cliniquement décelable ; parmi les fonctionnels, de pronostic plus favorable car non évolutif, distinguons trois sous-groupes :
  • Les graves, acuité inférieure à un dixième de loin non améliorable ; même s’ils forment des élèves attentifs et suivent une scolarité quasi normale, ils ne pourront pas obtenir le permis de conduire.
  • Les bénins, dont l’acuité atteint parfois 8 à 9/10 avec une stéréoscopie, aucun problème.
  • Les intermédiaires, les plus fréquents, ceux qui nous intéressent, et dont l’acuité visuelle est comprise entre 1 et 4/10.

Leur problème : atteindre les 5/10 fatidiques pour obtenir le permis de conduire, dont l’intérêt socioprofessionnel qui n’est pas plus à démontrer.

Dispositions réglementaires du permis de conduire en France


Rappelons les dispositions réglementaires du permis de conduire (Journal officiel de la République Française du 29 mai 1 997) :
  • Groupe I : léger [catégories A, B et E (B)]
    • Acuités visuelles minimales de 1/10 + 5/10, ou 6/10 chez le monophtalme,
    • Quelle que soit l’amétropie,
    • Champ visuel d’au moins 120°,
    • Torticolis compatible avec la conduite automobile.

  • Groupe II : lourd [catégories C, D, E (C) et E (D)]
    • Acuités minimales de 5/10 + 8/10,
    • Amétropie < ± 8 dioptries,
    • Champ visuel normal,
    • Vision des couleurs et stéréoscopie indifférentes.

Conduite à tenir


Quels sont les moyens pour aider ces nystagmiques à atteindre une acuité visuelle de 5/10 en binoculaire ?

Le traitement sera immédiat


Il ne faut jamais différer la prise en charge d’un nystagmus en espérant une amélioration spontanée comme cela se dit quelquefois et ceci pour deux raisons :
  • Éliminer toute cause de nystagmus secondaire ;
  • Plus le traitement est précoce meilleur est le résultat.

La correction optique totale sera toujours prescrite


C’est une règle absolue comme dans tout désordre sensorio-moteur oculaire. Si l’astigmatisme passe pour le défaut réfractif le plus fréquent, en fait tous les vices de réfraction sont observables. La cycloplégie répétée est donc indispensable.
Cette correction se fera par verres de lunettes ou lentilles de contact selon les cas.

L’isoacuité doit être recherchée


Le nystagmique est un amblyope bilatéral, mais cette amblyopie est asymétrique ; comme le strabique, il présente un œil dominant. Il est nécessaire de traiter cette amblyopie relative afin d’égaliser les deux yeux pour deux raisons :
  • En cas de perte éventuelle du bon œil ;
  • Parce que l’amélioration de l’œil le plus faible « pousse  » le meilleur vers le haut. Ainsi un nystagmique présentant une acuité de 1/10 et 3/10 verra l’acuité du meilleur œil progresser si l’œil faible atteint 2/10 ; dans ces conditions il n’est pas rare que l’autre œil parvienne à 4/10, ainsi que l’avait déjà décrit MA Quéré.

Rappelons que l’acuité visuelle suit une progression logarithmique, elle double entre 1 et 2/10, elle n’augmente que de 25  % entre 4 et 5/10.
Tous les traitements classiques de l’amblyopie sont utilisables, y compris l’occlusion prolongée.

La position de blocage


Théorie des ondes stationnaires, place de la chirurgie.
Hypothèse : le nystagmus est un mouvement conjugué, symétrique et congruent des deux yeux ; en cas d’oscillations sinusoïdales simples, son amplitude et sa fréquence peuvent se résumer à une équation du type :

À = Ao*sin (wt + f) = Ao*sin (2pNt + f)

Où N est la fréquence et A l’amplitude ; des oscillations complexes se décomposeraient selon un polynôme trigonométrique de FOURRIER.
L’occlusion alternée montre que le nystagmus généré par un œil est rarement symétrique. Chaque œil possède une capacité nystagmogène propre fonction de son tonus lumineux ; il est d’autant plus marqué que l’œil occlus est dominant (c’est un bon moyen de repérer un œil plus amblyope que l’autre) ; le nystagmus global est la résultante des deux, selon la combinaison de deux fréquences ; le premier terme donne la fréquence de la résultante et le deuxième celle du fuseau :

A1 + A2 = 2sinp (N1 + N2) t*cosp (N1-N2) t

Lorsque les fréquences propres à chaque nystagmus sont dans un rapport propice, le calcul de la combinaison des deux ondes montre qu’il existe des nœuds et ventres de vibration en fonction de l’excentricité du regard ; un nœud de vibration correspond alors à une moindre vibration, donc une zone de blocage.
Ce blocage est d’autant plus facile à obtenir que les fréquences sont voisines, ce qui incite à identifier les capacités visuelles des deux yeux, donc à traiter l’amblyopie relative (figures n° 1 et 2).
La longueur du fuseau de vibration et la position relative du regard droit devant rendent compte de la présence ou non d’un nœud de moindre vibration (schémas 3 et 4). Lorsque cette distance est à moins de 25/30° d’excentration par rapport à la position primaire, un point de blocage en version latérale est possible.
Rappelons que la législation précise que la position de torticolis doit être compatible avec la conduite automobile.,
Si cette position de blocage se fait au prix d’un torticolis (le torticolis de l’œil dominant a toujours raison) celui-ci pourra bénéficier d’une chirurgie, transposition, de type Anderson-Kestenbaum, asymétrique selon le strabisme propre de chaque œil selon Quéré, ou double fil sur les droits médiaux si le blocage se fait en convergence.
Si l’effet de cette chirurgie est efficace sur le torticolis, son effet sur l’acuité visuelle serait plus discutable pour certains auteurs, mais néanmoins de légères améliorations sont possibles.

Les adjuvants médicaux


Les médicaments diminuant les effets des décharges adrénergiques de l’émotion, tels les bêtabloquants, ainsi que certains psychotropes diminuent le nystagmus.

Les verres colorés bleus ou jaunes


Ils sont à essayer
S’ils n’augmentent pas toujours objectivement l’acuité visuelle, ils apportent parfois une amélioration subjective.

Une scolarisation normale


Une scolarisation normale est envisageable, même avec des acuités visuelles de l’ordre d’un dixième ; cette question de la prise en charge scolaire et familiale de la maladie a déjà été remarquablement traitée par David Lassalle.

Le permis de conduire


Tôt ou tard cette question est soulevée par l’intéressé ou sa famille.
Les patients doivent être informés des dispositions légales à cet effet. Lorsque leur acuité est à la limite des cinq dixièmes, le conseil est d’aller passer une visite médicale à la Commission d’Aptitude Physique des Permis de Conduire qui siège dans toute Préfecture. Seule celle-ci est habilitée à donner un blanc-seing pour l’obtention du permis de conduire, portant selon les cas la mention « port de lunettes obligatoires  ».
Cette précaution évitera toute déconvenue lors du passage de l’examen après avoir reçu une formation coûteuse devenue inutile.
Lors de l’examen visuel, il est indispensable de signaler le nystagmus afin que l’acuité visuelle soit prise en binoculaire évitant ainsi la péjoration de la composante latente.
Le piège de la conduite temporaire sur deux ou cinq ans est redoutable en cas de non-renouvellement si l’acuité initiale était vraiment limite. Si la valeur de cinq dixièmes était acquise, l’aptitude est définitivement reconnue car il s’agit d’une pathologie non évolutive.

Conclusions


  • Le nystagmus idiopathique n’est pas une fatalité.
  • Éviter l’angélisme et savoir stimuler la coopération au traitement.
  • La scolarisation sera normale le plus souvent.
  • Le traitement est immédiat, avec des règles à respecter.
  • Tout mettre en œuvre pour obtenir 5/10, clef du permis de conduire.


Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010