Les nystagmus : la chirurgie du nystagmus latent Françoise Oger-Lavenant

Chirurgie du nystagmus latent :
torticolis, œil directeur en abduction, œil directeur en adduction, second temps chirurgical.


Introduction


Le nystagmus latent est observé au cours des strabismes précoces qu’ils soient convergents ou divergents. Ces strabismes prennent alors le nom de tropies nystagmiques. On observe un nystagmus latent dans 70  % des tropies nystagmiques.

Les torticolis


La conduite chirurgicale


Elle est conditionnée par l’existence d’un torticolis associé. Le torticolis est variable : il peut être unidirectionnel comme un tableau de type Kestenbaum Anderson mais avec le strabisme en plus (44,8  %) ou alternant dissocié (55  %) (figure n° 1). Quand il y a un nystagmus latent, le torticolis est présent en fixation bi-oculaire dans 82  % des cas et dépend de l’œil directeur. Dans le cas contraire le torticolis n’apparaît qu’à l’occlusion monolatérale et la chirurgie sera celle d’un strabisme standard.
Les torticolis sont le plus souvent horizontaux et s’ils sont obliques il faut rechercher la composante horizontale masquée par les conséquences de l’anatomie du rachis cervical sur la position de torticolis : les vertèbres cervicales ne constituent pas un empilement de disques horizontaux mais de structures à facettes obliques qui positionnent la tête horizontalement grâce à l’action de nombreux muscles cervicaux superficiels et profonds antérieurs et postérieurs. Ainsi, on ne peut maintenir une position pure tête tournée à gauche que quelques minutes. Au bout de ce laps de temps une inclinaison de la tête est nécessaire car la position horizontale devient douloureuse. Les torticolis obliques sont le plus souvent la conséquence de cette particularité des vertèbres cervicales. Une chirurgie horizontale suffira à faire disparaître la composante oblique.
La déviation strabique est le plus souvent une convergence mais dans 30  % des cas il s’agit d’une divergence.

Les différents types de torticolis


Le torticolis dépend de l’œil directeur gérant la vie quotidienne en bi-oculaire. Le torticolis de l’œil directeur a « toujours raison  ». L’œil directeur est cependant parfois difficile à déterminer avec l’importance du nystagmus, l’acuité visuelle basse sur les 2 yeux et un angle de faible importance. En effet le torticolis est parfois considérable alors que la déviation est minime (non chirurgicale par elle-même) et inversement.
Dans les nystagmus manifestes latents (tropies nystagmiques à composante latente) on peut constater un torticolis d’adduction de l’œil directeur ou un torticolis d’abduction de l’œil directeur.

Le torticolis d’adduction de l’œil directeur


Il est dit conforme dans les ésotropies et non conforme dans les exotropies (figures n° 2 & 3).

Le torticolis d’abduction de l’œil directeur


Il est dit conforme dans les exotropies et non conforme dans les ésotropies.

La stratégie chirurgicale


L’indication chirurgicale


Elle dépend de la déviation strabique et du torticolis (supérieur à 10 degrés) s’il existe. Mais un torticolis important avec une déviation strabique non chirurgicale nécessite une intervention pour redresser la tête aussi il est important de gérer cette stratégie en fonction de l’œil directeur. En effet, lorsque le torticolis n’est pas conforme, opérer l’œil dominé entraîne une accentuation du torticolis.
Le traitement chirurgical aura donc deux objectifs : la chirurgie du torticolis provoqué par l’œil directeur et la chirurgie du strabisme résiduel. Un opérateur entraîné peut parfois gérer ces deux objectifs dans le même temps opératoire mais par prudence il est parfois nécessaire de gérer cette situation en deux étapes.

La chirurgie du torticolis


Œil directeur en adduction


L’œil directeur doit donc être translaté en abduction en affaiblissant le droit médial par un recul et en renforçant le droit latéral par une plicature ou une résection (figure n° 4).

Œil directeur en abduction


L’œil directeur doit donc être translaté en adduction en renforçant le droit médial par une plicature ou une résection et en affaiblissant le droit latéral par un recul (figure n° 5).
Plus le torticolis est important, plus le geste chirurgical doit être généreux. Un torticolis majeur peut nécessiter des actions couplées droit médial droit latéral de 9 ou 10 mm et il persiste souvent un torticolis.

Ésotropie de l’œil droit directeur tête tournée à droite


Torticolis d’adduction
  • Premier temps chirurgical (pour diminuer le torticolis) sur l’œil droit considéré en convergence : recul généreux du droit médial et plicature généreuse du droit latéral. Pour un torticolis de 30 degrés action de 10 mm sur chacune des muscles.
  • Second temps chirurgical sur l’œil gauche si une ésodéviation persiste (quand déviation initiale très grande) avec un protocole standard de chirurgie de strabisme. Par contre, si la convergence était peu importante, le premier temps a provoqué la disparition du torticolis mais la survenue d’une divergence. Celle-ci est à traiter dans ce second temps.

Ésotropie de l’œil droit directeur tête tournée à gauche


Torticolis d’abduction
  • Premier temps chirurgical (pour diminuer le torticolis) sur l’œil droit considéré en divergence : plicature généreuse du droit médial et recul généreux du droit latéral.
  • Second temps chirurgical sur l’œil gauche qui est parfois passé en convergence majeure.

Si le premier temps chirurgical s’effectue sur l’œil droit en ne tenant compte que de l’ésodéviation le torticolis augmentera : l’œil droit qui fixe déjà en abduction aura été placé encore plus en abduction par la chirurgie de l’ésotropie et le torticolis en augmentera d’autant.
Cette stratégie chirurgicale s’applique au syndrome du monophtalme congénital si les parents ou le patient acceptent que l’on opère son meilleur œil. En effet si la chirurgie d’une ésotropie de 30 dioptries avec un torticolis d’adduction de 30 degrés OD directeur s’effectue sur l’œil amblyope, la déviation peut disparaître mais le torticolis persistera, la microtropie n’existera que dans la position de torticolis qui sera identique puisque l’œil responsable du phénomène n’aura pas té déplacé.
Cette stratégie s’applique de la même manière en cas d’exodéviation et de torticolis, le raisonnement se fait par rapport à la position de l’œil directeur.

Conclusion


Dans les troubles oculomoteurs précoces avec nystagmus latent et torticolis l’œil directeur est responsable du torticolis, il est donc capital de bien le déterminer. Il faut d’autre part s’assurer qu’en bi-oculaire il n’existe qu’une seule position de torticolis. Le patient ou ses parents seront informés que le premier temps chirurgical doit obligatoirement porter sur l’œil directeur.
La chirurgie du torticolis est une chirurgie de translation des globes oculaires et nécessite donc des gestes chirurgicaux généreux inhabituels pour qu’à long terme le torticolis reste inférieur à 10 degrés.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010