Les nystagmus : physiopathologie des nystagmus congénitaux Alain Péchereau

Epidémiologie et physiopathologie des nystagmus :
fréquence, étiologie, pathologie motrice, pathologie sensorielle et position primaire.


Épidémiologie des nystagmus congénitaux


Les données de la littérature


La fréquence


Les données de la littérature sur la fréquence des nystagmus dans la population générale sont rares. Ni D Thouvenin & O Malauzat dans leur article de l’EMC [19], ni D Goddé-Jolly & A Larmande [6] dans leur rapport, ni Speeg-Schatz C [17], ni Repka MX [16] et ni Spielmann A [18] ne mentionnent de données épidémiologiques. Seul, GK von Noorden [20] cite une référence, celle de Hemmes GD (1 927) [8] qui a trouvé une prévalence de 1/6 550., c’est-à-dire 116 (0,07  %) nouveaux cas par an en France (tab 1).
Par ailleurs, pour les strabismes précoces (nystagmus manifeste-latent), leur incidence varie de 1 à 10 suivant les auteurs : 0,1  % pour Nixon RB [13] à 1  % pour Friedman Z [5] et Graham PA [7]. Ces variations sont considérables et illustrent la difficulté d’obtenir des données épidémiologiques pertinentes pour une pathologie donnée et somme toute assez rare.

Les étiologies


Pour les étiologies, là encore les données sont rares. Repka MX (1 999) [16] trouve :
  • 90  % d’étiologies (patients ayant ou non une atteinte cérébrale) ;
      Hypoplasie & atrophie du nerf optique (1/3),
    • Albinisme (1/3),
    • Anomalies du segment antérieur et/ou postérieur (1/3).

  • 10  % sans étiologie.

Par ailleurs, Norn MS [14] (1 964) trouve une fréquence de patients ayant un nystagmus et une bonne acuité visuelle (nystagmus congénital idiopathique) de 1/350 à 1/20 000.

La répartition des différents types de nystagmus


À côté de ces séries générales, nous avons retenu deux séries particulières :
  • Celle d’Olivier Malauzat [19] (1 990, population du Professeur Quéré) qui avait recensé 722 cas (1 975-1 989) soit 51 cas annuels. 554 cas avaient pu être étudiés de façon exhaustive. La répartition dans cette population était :
      36  % de nystagmus congénitaux patents sans strabisme,
    • 11  % de nystagmus congénitaux patents avec strabisme sans composante latente (ce chiffre paraît très élevé),
    • 53  % de nystagmus congénitaux et de composante manifeste/latent.

  • Celle de Dell’Osso LF [4] (1 985) :
      80  % de nystagmus congénitaux (manifeste),
    • 15  % manifeste-latents,
    • 5  % mixtes.

En comparant ces deux séries, on voit bien que l’avis d’un auteur n’est que le reflet d’un recrutement particulier mais en aucune façon un point de vue épidémiologique général.

Comment expliquer ces différences ?


Ces différences et ces incertitudes proviennent du fait qu’il existe deux groupes de nystagmus :
  • Les strabismes précoces qui présentent, par définition, un nystagmus manifeste latent ;
  • Les nystagmus congénitaux ou patents qui ne présentent pas de strabisme.
    Malheureusement, et cela s’explique parfaitement par la concomitance temporelle des pathologies et par le développement du système oculomoteur chez le nourrisson, ces deux groupes se chevauchent créant une nouvelle population qui est mise par certain dans les strabismes et par d’autres dans les nystagmus gonflants, à notre avis, artificiellement ce dernier groupe ou rendant le terme de strabisme précoce caduc. Par ailleurs, classer les nystagmus par la seule observation clinique de la phase lente est une illusion que Dell’Osso LF [3 & 4] a dénoncé il y a de nombreuses années et que l’étude électrooculographique d’Olivier Malauzat [19] a parfaitement démontré.
    Que reste-il au clinicien sans moyen d’enregistrement pour classer les malades : une division en trois groupes (figure n° 1) en fonction des conséquences cliniques de l’association strabisme et nystagmus (c’est cette procédure que nous retiendrons) :
    • Le groupe des nystagmus congénitaux sans strabisme ;
    • Le groupe des strabismes précoces associant :
      • Un nystagmus latent,
      • Un nystagmus manifeste discret, spontanément peu ou pas visible mais dont la présence ne change pas significativement le tableau clinique (acuité visuelle satisfaisante, etc.) et l’éventuelle prise en charge chirurgicale :
        • Une ésotropie précoce avec un simple torticolis alternant,
        • Un nystagmus patent significatif n’ayant pas ou peu d’influence sur la prise en charge chirurgicale du strabisme.

    • Le groupe des formes mixtes pour lesquelles nous utiliserons le terme de tropie nystagmique (sa définition est plus restreinte que celle du Professeur MA Quéré ou celle d’Olivier Malauzat). Il comprend les patients présentant les deux éléments suivants :
      • Un strabisme,
      • Un nystagmus manifeste important, spontanément visible (nystagmus congénital) dont la présence change l’éventuelle prise en charge chirurgicale (une ésotropie précoce avec un torticolis d’abduction est une tropie nystagmique) ou indique une détérioration des fonctions visuelles.

Cette division en trois groupes a comme toute classification des limites toujours un peu floues. La zone frontière entre le strabisme précoce et le nystagmus patent est faite par trois éléments :
  • Un élément moteur : le type de la phase lente du nystagmus.
    Certes, dans les années à venir des moyens d’enregistrement performant seront proposés au clinicien, mais les enregistrements électrooculographiques du Professeur Quéré (travail d’Olivier Malauzat) ont déjà bien montré que cette frontière était pour le moins perméable. Par ailleurs, la subdivision en un grand nombre de sous-groupes [1 & 2] ne paraît pas non plus simplifiée la problématique.
  • Le torticolis.
    Si dans les torticolis non conformes, le problème est simple : la pathologie nystagmique l’emporte ; dans les torticolis conformes, le problème reste entier : ce torticolis est-il simplement lié à la dérive tonique d’adduction ou est-il lié à un « blocage  » de nystagmus ? Aujourd’hui, la réponse n’est pas obligatoirement simple.
  • La pathologie sensorielle.
    Là encore, si de bonnes performances de l’œil fixateur, laissent supposer une origine strabique ; de mauvaises performances sont-elles la preuve d’une origine nystagmique exclusive ?
    Comme nous venons de le voir, la frontière est floue. Il est fort probable qu’elle le reste. Ce sera toujours au clinicien sur les données de l’examen clinique et des examens paracliniques de faire les arbitrages.

Rappel sur le système oculomoteur


Les tâches du système moteur


Comme von Noorden GK [20] les a remarquablement définis, elles sont :
  • Agrandir le champ de vision en transformant le champ visuel en champ de fixation ;
  • Amener l’image de l’objet d’attention sur la fovéa et de la maintenir ;
  • Placer les deux yeux d’une telle façon qu’ils soient correctement alignés à tout moment, assurant ainsi le maintien de la vision simple binoculaire.

Les types de mouvements utilisés pour réaliser cette tache sont présentés dans le tableau n° 2.

La position primaire


La position primaire, les ophtalmologistes en parlent beaucoup mais souvent sans la définir. Elle l’est pourtant parfaitement :
  • «  C’est la position quand les axes visuels (lignes du regard) des yeux sont parallèles, lorsque le sujet regarde un objet situé très loin, et perpendiculaire au plan frontal de la tête tenue droite  » ;
  • «  C’est la position des yeux où les plans sagittal, frontal et horizontal des yeux sont parallèles aux mêmes trois plans de la tête quand ils passent par le centre de rotation des yeux (figure n° 2) [15]  » ;
  • C’est la position du «  garde à vous  » de P Broca.

On doit aux travaux de Jampel RS [9 & 10] d’avoir démontré que celle-ci était sous le contrôle du système nerveux central et qu’il s’agit bien de la position de référence du système oculomoteur dans l’orbite, dans la tête et dans l’espace pour les réseaux neuronaux qui contrôlent la position et l’équilibre des globes oculaire (figure n° 3).

La fixation visuelle


La fixation a pour objectif de maintenir l’image de l’objet fixé immobile sur la fovéola. L’immobilité des yeux n’est qu’apparente car l’enregistrement des mouvements oculaires avec des systèmes élaborés montre qu’il existe une instabilité permanente des yeux due à des mouvements infracliniques (figure n° 4) [15] :
  • Micronystagmus ;
  • Dérive de basse fréquence ;
  • Saccades miniatures.

Par ailleurs, il a été montré que la stabilisation de l’image sur la rétine entraîne une baisse progressive de la vision jusqu’à la disparition (temps de disparition d’une post-image ~ 1 minute). Les micromouvements sont donc indispensables pour la vision. La fixation visuelle n’est qu’apparemment stable. Le dérèglement clinique de la fixation s’appelle le nystagmus.

Fixation et intégrateur neuronal


D’après Leigh RJ et Zee DS [11], lors des mouvements oculaires conjugués normaux, les motoneurones oculaires reçoivent un signal neuronal de position et de vitesse :
  • Un signal nécessaire pour maintenir les yeux stables dans une position excentrique dans l’orbite ;
  • Un signal codé de la vitesse par un processus d’intégration mathématique.

C’est ce réseau neuronal qui sert d’intégrateur tant pour les mouvements horizontaux que pour les mouvements verticaux. C’est ce réseau de neurones interconnectés qui réalise une véritable intégration mathématique des signaux oculomoteurs.
En cas d’intégration neuronale inadéquate, il se produit un décalage dans le signal de position qui entraîne une importante dérive de la position excentrique vers la position neutre. Cliniquement, le nystagmus devient dépendant de la position de fixation. La conséquence de ce dérèglement est la loi d’Alexander sur le nystagmus : la vitesse de la phase lente augmente quand les yeux sont dirigés vers une position dans l’orbite dans le sens de la phase rapide.
Par ailleurs, si le système nerveux est privé de vision ou s’il reçoit une information visuelle de mauvaise qualité (pathologie rétinienne, cataracte, etc.), l’intégrateur neuronal perd son calibrage et sa capacité de maintenir le regard fixe stable. Un nystagmus apparaît. L’équilibre oculomoteur est dépendant de la qualité du signal visuel reçu pendant les premiers mois de vie.

Le temps de fovéation


C’est le temps pendant laquelle la fovéola fixe réellement l’objet de fixation et ceci pour un cycle. On a montré [12] que le niveau d’acuité visuelle de ces patients peut être directement corrélé avec le temps moyen de fovéation, la fovéation étant la partie de la phase lente pendant laquelle la vitesse du glissement sur la rétine est suffisamment lente (moins de 5 °/s) pour permettre une visualisation plus précise de la cible.

Définition et types de nystagmus


Le nystagmus est un tremblement associé des globes oculaires modifiant l’équilibre stato-cinétique du regard. Il est caractérisé par une succession rythmée, plus ou moins régulière, de mouvements conjugués changeant alternativement de sens [6].

Les divers types


Il existe divers types de nystagmus (figure n° 5) :
  • Les nystagmus spontanés :
    • Le nystagmus pendulaire,
    • Le nystagmus patent,
    • Le nystagmus manifeste-latent,
    • Le nystagmus optocinétique.

  • Les nystagmus provoqués ou instrumentaux :
    • Le nystagmus optocinétique,
    • Le nystagmus vestibulaire.

    Cependant plusieurs associations sont possibles :
    • Nystagmus pendulaire et nystagmus manifeste-latent ;
    • Nystagmus patent et nystagmus manifeste-latent (tropie nystagmique).
      D’un point de vue clinique et instrumental, il est important de comprendre que le nystagmus optique l’emporte sur le nystagmus optocinétique qui l’emporte sur le nystagmus vestibulaire.

    Les nystagmus ophtalmologiques


    Ils sont au nombre de deux.

    Le nystagmus patent ou manifeste


    Il présente deux expressions cliniques (figure n° 6) :
    • Le nystagmus pendulaire ou patent ;
    • Le nystagmus à ressort ou manifeste.
      Il a les caractéristiques suivantes :
      • Vitesse croissante,
      • L’œil quitte la fovéola (l’œil quitte avec regret la fovéola [18]),
      • Il peut être associé avec le nystagmus manifeste/latent : 20  % (Dell’Osso [3]),
      • Il respecte la loi d’Alexander : dans un nystagmus à ressort, le nystagmus spontané diminue quand le regard s’oriente vers la phase lente. C’est dans cette forme clinique qu’il peut présenter un syndrome de Kestenbaum-Anderson.

    Le nystagmus manifeste-latent


    Ce terme est un oxymore (figure de rhétorique où deux mots désignant des réalités contradictoires ou fortement contrastées sont étroitement liés par la syntaxe [21]). Sur le plan clinique, il est composé par (figure n° 6) :
    • Un nystagmus à ressort ;
    • À vitesse décroissante ;
    • L’œil rejoint la fovéola (l’œil quitte brutalement la fovéola [18]).

    Le diagnostic différentiel se ferait donc sur la vitesse de la phase lente du nystagmus, ce qui, en clinique et dans la majorité des cas, est impossible même pour un examinateur entraîné (voir infra).

    Les nystagmus provoqués


    Ils sont physiologiques. C’est la perception d’une mouvance de l’espace par rapport au sujet qui déclenche un nystagmus. Ils sont de deux types et toujours à ressort :
    • Le nystagmus vestibulaire. Il est provoqué par des stimuli otolithiques déclenchés par les mouvements de la tête et du corps.
    • Le nystagmus optocinétique. Il est provoqué par des stimuli visuels de mouvance.

    Ces nystagmus provoqués sont physiologiques mais ils peuvent être altérés par des processus pathologiques. C’est ce que nous retrouverons dans l’inexcitabilité optocinétique liée à l’existence d’une composante latente de nystagmus.
    Le nystagmus optocinétique représente le troisième type de mouvements conjugués de version :
    • La saccade, c’est l’attraction visuelle ;
    • La poursuite, c’est la fixation en mouvement ;
    • Le nystagmus optocinétique, c’est l’adaptation à un espace mouvant.

    Les nystagmus spontanés


    Caractéristiques cliniques


    Ils comprennent deux formes cliniques :
    • Le nystagmus pendulaire (2 phases égales, le plus souvent lentes) (figure n° 8) ;
    • Les nystagmus à ressort (phase rapide dans un sens - phase lente dans l’autre) qui se divise en deux formes cliniques :
      • Le nystagmus manifeste (figure n° 9),
      • Le nystagmus manifeste-latent (figure n° 10).

    Ils peuvent être congénitaux ou acquis. Ils peuvent être dus à une multiplicité de causes et de lésions situées au niveau des structures les plus diverses du système oculogyre. Ils n’ont aucune valeur étiologique et aucune valeur localisatrice (il existe des exceptions)
    Ils sont toujours pathologiques et traduisent un grave trouble de la statique oculaire. Ils traduisent une altération organique ou fonctionnelle d’un ou de plusieurs éléments du système oculogyre qui contrôle l’équilibre statique des globes.

    Deux faits importants


    Chez l’adulte

    Les lésions organiques acquises (œil, voies optiques et cortex strié) ne provoquent pas d’apparition d’un nystagmus spontané. Il est nécessaire d’avoir une atteinte du système oculogyre. Il s’agit principalement d’un nystagmus toujours à ressort.
    Chez l’enfant

    Les impotences périphériques majeures (paralysies congénitales, syndrome de Duane, syndrome de Brown, etc.) ne provoquent pas de nystagmus. En d’autres termes, le système oculomoteur périphérique n’induit pas une telle dysmaturation.

    Pathogénie de la séméiologie des nystagmus congénitaux


    Le nystagmus pendulaire et le nystagmus manifeste-latent entraînent une séméiologie sensorielle commune :
    • Une amblyopie bilatérale ;
    • Une absence de perception des oscillopsies.

    Cette symptomatologie est logique car les nystagmus spontanés entraînent une dysmaturation simultanée de la fonction d’acuité. Classiquement on disait qu’il y avait une absence de corrélation directe entre le niveau d’acuité et l’amplitude du nystagmus. Nous savons maintenant que l’acuité visuelle est fonction du temps de fovéation.

    Valeur localisatrice des nystagmus congénitaux ?


    La morphologie du nystagmus ne permet ni de préciser la localisation ni la nature du processus pathologique. Seule, la présence d’une composante latente permet de fortement soupçonner une origine précoce et ophtalmologique.

    Le nystagmus pendulaire


    La symptomatologie motrice


    Il est congruent et non dissocié. Les secousses sont égales sur les deux yeux. Le nystagmus est identique en fixation ODG, OD et OG. Cependant, il peut présenter des variations spatiales :
    • Dans 30  % des cas, il est inchangé quelle que soit la direction du regard.
    • Dans 70  % des cas, il présente d’importantes variations spatiales de son intensité et de sa morphologie dans les versions :
      • Il est très réduit dans une direction, il se « bloque  » (ce terme consacré par l’usage est pour le moins malheureux, car, à l’exception du « blocage  » en convergence, la force « bloquante  » (cf. supra & infra) manque à l’appel) ;
      • Il est très ample et pendulo-ressort dans le sens opposé ;
      • Il présente un torticolis dit compensateur dans le sens opposé au « blocage  » ;
      • Il s’accompagne d’une amélioration de l’acuité visuelle dans la zone de « blocage  ».

    Dans les deux formes cliniques, il peut présenter un blocage en convergence.

    La fonction binoculaire


    En absence de strabisme associé, la fonction binoculaire est épargnée. La correspondance rétinienne est normale. La stéréoscopie de près (acuité suffisante) peut être excellente.
    La relation entre avec l'acuité visuelle et stéréoscopie n'est pas toujours simple.

    Le nystagmus manifeste/latent


    Le nystagmus manifeste/latent, du fait de sa physiopathologie, doit s'accompagner d'un strabisme convergent. La présence d'un strabisme divergent associé à une malformation papillaire doit être un signe d'alerte pour l'ophtalmologiste (syndrome de la ligne médiane) qui doit envisager des explorations neuroradiologiques.

    Les tropies nystagmiques


    Les tropies nystagmiques représentent l'association d'un nystagmus patent et d'un strabisme précoce.

    Les conséquences sensorielles


    Cette association a des conséquences sensorielles logiques :
    • Une amblyopie bilatérale nystagmique ;
    • Une amblyopie encore plus forte de l’œil dominé (amblyopie relative) dans plus de 50  % des cas ;
    • Une perte totale de la vision binoculaire.

    Les conséquences motrices


    • Le nystagmus pendulaire se transforme en un nystagmus à ressort : nystagmus manifeste-latent ;
    • Il y a une exagération plus ou moins forte à l’occlusion monolatérale (nystagmus latent) ;
    • Le nystagmus bat vers l’œil découvert.

    Le torticolis


    Il est présent dans 70  % des cas. Il est important de bien l’analyser cliniquement. Il peut prendre deux formes :
    • Un torticolis conforme (alternant d’adduction) en fonction de l’œil fixateur :
      • Un torticolis d’adduction de l’œil fixateur dans les ésotropies,
      • Un torticolis d’abduction de l’œil fixateur dans les exotropies.

    • Un torticolis non conforme en fonction de l’œil fixateur :
      • Un torticolis d’abduction de l’œil fixateur dans les ésotropies,
      • Un torticolis d’adduction de l’œil fixateur dans les exotropies.

    Les conséquences chirurgicales de ce torticolis sont importantes d'où l'importance de son analyse par le clinicien.

    Physiopathologie et chirurgie


    Blocage latéral


    Deux hypothèses peuvent expliquer la diminution des secousses nystagmiques dans le regard latéral :
    • Une saturation du nystagmus par les influx de version. Ce serait un vrai « blocage  » latéral.
    • Un déplacement latéral de la position primaire. Nous avons vu que c’était l’hypothèse la plus probable avec des conséquences chirurgicales significatives.

    Quelles vont être les conséquences d’une telle hypothèse sur l’acte chirurgical ? La chirurgie va créer un leurre par le déplacement dans le sens opposé des globes oculaires. Les influx de version sont « épuisés  » par la version compensatrice au déplacement opposé de l’œil. Le résultat en est un recentrement de la position primaire. Mais il faut bien comprendre que l’acte chirurgical a créé une situation ou des facteurs statiques (chirurgie) s’opposent à des facteurs dynamiques (pathologie), d’où le risque réel d’un épuisement partiel de la chirurgie, ce que l’expérience clinique montre régulièrement.

    Blocage en convergence


    Dans cette situation, il y a une saturation du nystagmus par les influx de vergence. La chirurgie va créer un leurre par le déplacement des globes oculaires en divergence. Le risque est l’épuisement de la vergence avec le temps. Nous nous retrouvons devant une situation classique d’exophorie-tropie avec toutes les plaintes fonctionnelles que nous connaissons bien. Nous savons aussi que la fonction tonique de vergence diminue avec le temps et que le risque d’une rupture de la binocularité augment avec le temps.

    Conclusion


    Il existe deux grandes formes cliniques de nystagmus précoce :
    • Le nystagmus pendulaire ;
    • Le nystagmus manifeste-latent.

    Le nystagmus acquis de l’adulte est essentiellement un nystagmus à ressort sans aucune valeur localisatrice (les causes en sont les plus diverses).
    Chez le nourrisson, comme le système sensori-moteur est immature, les facteurs organiques ou fonctionnels perturbent, en général de façon simultanée, la maturation des diverses fonctions visuomotrices : association d’un nystagmus pendulaire à un strabisme précoce, c’est la tropie nystagmique.

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