Les nystagmus : nystagmus vestibulaires Caroline Tilikete

Nystagmus vestibulaire : central et périphérique.


Résumé


Un nystagmus est défini par une alternance de mouvements oculaires de va-et-vient, initié par un mouvement oculaire lent. Un nystagmus peut ainsi être constitué d’une phase lente et d’un retour rapide (nystagmus à ressort) ou d’une alternance de phases lentes (nystagmus pendulaire). Les sujets normaux présentent un nystagmus à ressort physiologique en réponse à des stimulations vestibulaires ou optocinétiques. Les nystagmus pathologiques correspondent à un déficit d’un des systèmes oculomoteurs participant à la stabilisation du regard sur l’environnement : le système de fixation visuelle lorsque la tête est immobile ; le système de maintien du regard excentré lorsque les yeux dévient en position excentrée ; les systèmes vestibulaire, optocinétique et de poursuite agissant en synergie lors des mouvements de la tête et/ou de l’objet. Les récentes avancées concernant la physiologie des systèmes assurant la stabilité du regard permettent de proposer une nouvelle classification en fonction de l’atteinte de l’un ou l’autre de ces systèmes.

Introduction


Un nystagmus est défini par l’alternance de mouvements oculaires involontaire de va-et-vient, initiés par un mouvement oculaire lent. Il peut s’agir d’une alternance de phases lentes et de phases rapides définissant le nystagmus à ressort. Il peut également être composé uniquement de phases lentes prenant un aspect d’oscillations sinusoïdales et définissant le nystagmus pendulaire. Bien que la convention exige de définir le sens du battement d’un nystagmus à ressort du côté de la phase rapide, la plus visible à l’œil nu, il est important de comprendre que la phase lente du nystagmus représente l’anomalie sous jacente à ce mouvement oculaire anormal. La phase lente correspond en effet à un déficit des systèmes qui fonctionnent normalement pour maintenir le regard stable. Certains nystagmus acquis sont caractéristiques de l’atteinte de l’un ou l’autre de ces systèmes. Ils seront abordés successivement : nystagmus vestibulaires, nystagmus par atteinte du système de maintien du regard latéral, nystagmus d’origine visuelle. Les autres nystagmus dont les mécanismes physiopathologiques sont moins certains seront regroupés dans un autre chapitre.

Rappel de l’organisation physiologique du système vestibulaire


Chaque appareil vestibulaire périphérique est constitué de 5 organes sensoriels : les crêtes ampullaires des 3 canaux semi-circulaires, sensibles aux rotations de la tête dans les 3 plans de l’espace et les 2 macules otolithiques, sensibles aux translations et aux inclinaisons statiques de la tête. Le réflexe vestibulo-oculaire issu des crêtes ampullaires a pour rôle de maintenir le regard stable pendant les rotations de la tête à haute fréquence. Idéalement, il induit une rotation des yeux de vitesse et d’amplitude égale à la rotation de la tête, de direction opposée, de manière à stabiliser le regard dans l’espace (figure n° 1). Lorsque le mouvement de la tête est de grande amplitude, les yeux arrivant en position excentrée dans l’orbite sont ramenés vers la position primaire par une saccade réflexe : c’est le nystagmus vestibulaire physiologique. Pour les rotations de la tête de basse fréquence, la stabilisation du regard est complétée par les systèmes visuels que sont le réflexe optocinétique et le système de poursuite.
L’ensemble des 6 canaux semi-circulaires sont organisés en 3 couples de canaux orientés dans le même plan et activés par la même rotation de la tête : les deux canaux semi-circulaires horizontaux, le canal semi-circulaire antérieur d’un côté et postérieur de l’autre côté et vice-versa. Les canaux semi-circulaires sont le mieux stimulés par les rotations de la tête correspondant à leur orientation : rotations horizontales pour les canaux horizontaux, rotations selon un axe intermédiaire entre le plan sagittal et frontal pour les canaux verticaux. Les neurones vestibulaires primaires issus d’un couple de canaux semi-circulaires, présentent une activité tonique permanente de repos symétrique. Considérant ce couple de canaux activé par une rotation de la tête, l’activité des neurones vestibulaires primaires s’accentue du côté de la rotation et diminue de l’autre côté (figure n° 1). Cette asymétrie d’activité constitue le signal révélateur d’une rotation de la tête et permet l’activation des neurones vestibulaires secondaires qui, issus des noyaux vestibulaires, se projettent sur les noyaux oculomoteurs du tronc cérébral. Ces neurones vestibulaires secondaires sont organisés en fonction de la direction horizontale, verticale ou torsionnelle des mouvements oculaires.
Ces notions de l’organisation physiologique du réflexe vestibulo-oculaire sont primordiales pour la compréhension des nystagmus vestibulaires pathologiques, notamment pour la distinction des nystagmus vestibulaires périphériques ou centraux.

Nystagmus vestibulaires périphériques


Un nystagmus vestibulaire périphérique est expliqué par une asymétrie d’activité dans les neurones émanant d’un (ou plusieurs) couple(s) de canaux semi-circulaires (figure n° 1). Cette asymétrie est interprétée par le système nerveux central comme un mouvement de rotation de la tête. Le neurone vestibulaire primaire étant commun aux voies vestibulo-oculaires, vestibulo-spinale et vestibulo-thalamique, l’asymétrie d’activité des voies périphériques conduit à un nystagmus, des troubles posturaux et un vertige, réalisant un syndrome vestibulaire harmonieux. Le nystagmus vestibulaire périphérique est un nystagmus à ressort dont la phase lente est linéaire, c’est-à-dire de vitesse constante pour une période donnée. Elle correspond à une phase lente compensatrice d’un faux signal de déplacement de la tête et dirigée du côté de l’activité la plus basse. Les phases rapides sont des saccades réflexes de recentration du globe oculaire. Le nystagmus vestibulaire périphérique bat généralement du côté sain.
Un nystagmus vestibulaire périphérique est atténué ou inhibé par la fixation visuelle. Celle-ci stimule les autres systèmes de stabilisation du regard (fixation, optocinétique et poursuite). Un nystagmus vestibulaire périphérique peut n’être révélé qu’en l’absence de fixation visuelle. L’effet de la fixation visuelle peut être évalué en examinant les yeux du patient sans et avec lunette de Frenzel (supprimant la fixation visuelle). Un ophtalmoscope peut remplacer les lunettes de Frenzel : l’examen du fond d’œil peut révéler un nystagmus inhibé par la fixation, dès lors que l’observateur cache la vision du deuxième œil pendant son examen 1.
Un nystagmus vestibulaire périphérique est expliqué par une atteinte unilatérale ou bilatérale asymétrique du labyrinthe ou du nerf vestibulaire. Sa direction est dépendante du ou des canaux semi-circulaires, ou des fibres vestibulaires primaires atteintes. Lors d’une atteinte déficitaire unilatérale du labyrinthe ou du nerf vestibulaire, un nystagmus horizonto-rotatoire est le plus communément observé. Dans le vertige paroxystique positionnel bénin, le nystagmus est vertico-rotatoire par hyperstimulation du canal semi-circulaire postérieur. Par contre, un nystagmus vestibulaire périphérique n’est jamais purement vertical ou purement torsionnel.
La vitesse de la phase lente d’un nystagmus vestibulaire périphérique varie en fonction de la position des yeux dans l’orbite : elle est plus importante quand les yeux sont tournés dans la direction de la phase rapide. Cet effet (loi d’Alexander) est lié à la superposition d’un nystagmus des regards latéraux au nystagmus vestibulaire qui tend à s’opposer au mouvement oculaire lent et à maintenir une vision claire en position primaire 2. Cet effet de la position des yeux dans l’orbite sur l’intensité du nystagmus constitue la base de classification du nystagmus vestibulaire périphérique : il est appelé de 1er degré lorsqu’il est uniquement présent du côté de la phase rapide, du 2nd degré lorsqu’il est aussi présent en position primaire et du 3e degré lorsqu’il est présent dans toutes les directions du regard.
Le nystagmus vestibulaire périphérique tend à disparaître en quelques jours par des phénomènes de compensation. Il n’est alors plus visible à l’inspection, même en l’absence de fixation visuelle. Dans ce cas, plusieurs épreuves cliniques de facilitation peuvent révéler un nystagmus témoignant d’une atteinte vestibulaire périphérique partiellement compensée.

Nystagmus vestibulaires centraux


Un nystagmus vestibulaire central est expliqué par une asymétrie d’activité dans les voies centrales vestibulo-oculomotrices et/ou vestibulo-cérébelleuses. Il est souvent associé à une atteinte des systèmes de stabilisation oculaire visuelle et de maintien du regard latéral. Cette atteinte peut être indépendante des voies vestibulo-spinales et vestibulo-thalamiques et ne s’accompagner d’aucun trouble postural ou de vertige, ou de manière non congruente, réalisant un syndrome vestibulaire dysharmonieux. En l’absence de vertige, le patient ressent le plus souvent des oscillopsies.
La phase lente du nystagmus vestibulaire central est linéaire ou de décroissance exponentielle. Il s’agit essentiellement de nystagmus à ressort (la seule exception étant le nystagmus à bascule). Un nystagmus vestibulaire central n’est habituellement pas inhibé par la fixation oculaire ; il persiste dans le temps. En raison de l’organisation des voies vestibulo-oculaires centrales, un nystagmus vestibulaire central pourra être purement vertical ou torsionnel, changeant de direction spontanément ou en fonction de la position des yeux dans l’orbite. Il nous a semblé inutile de dresser l’inventaire de toutes les formes possibles de nystagmus centraux. Cependant, la compréhension du mécanisme physiopathologique de certains d’entre eux et les implications étiologiques, topographiques et pharmacologiques qui en découlent, justifient à nos yeux de les détailler (tableau n° 1). Il s’agit des nystagmus verticaux, torsionnels, de position centraux, alternant périodiques et à bascule.
Les étiologies des nystagmus vestibulaires centraux sont répertoriées dans la figure n° 2. Certaines de ces étiologies sont illustrées dans les figures n° 3 à 5.
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Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010