La Réfraction : accommodation et examen orthoptique Nicole Jeanrot
Introduction

La majorité des troubles visuels ont à des degrés divers une composante accommodative hormis les paralysies oculomotrices ou les paralysies de fonction.
Quelle peut être la part accommodative dans les divers déficits oculomoteurs ou ceux de la vision binoculaire, à savoir l’insuffisance de convergence, l’asthénopie accommodative, les hétérophories, et les différents types de strabismes
?
Rappelons que l’élément de base dans l’examen de tout déséquilibre est la réfraction objective et subjective le plus souvent pratiquée sous cycloplégique.

Examen orthoptique

Dans le cadre de l’examen orthoptique la recherche d’une composante accommodative se pratique par le test de l’écran unilatéral puis alterné, ceci successivement sans et avec correction.
Dans ces différentes situations la déviation est mesurée avec des prismes.
Toute variation à l’écran unilatéral ou alterné et toute modification avec et sans correction peut faire penser à la présence d’une part accommodative.
Cet examen qui comprend également l’étude de la motilité et du PPC doit être complété suivant le cas par
:

• La recherche du punctum proximum d’accommodation - le parcours d’accommodation;
• L’observation aux écrans translucides et au test de l’éblouissement.
Déficits oculomoteurs ou sensoriels et composante accommodative

Quels sont les déficits oculomoteurs ou sensoriels qui présentent une composante accommodative?

L’insuffisance de convergence pure

À l’examen l’insuffisance de convergence pure, non liée à une hétérophorie, présente une orthophorie de loin et une légère exophorie de près dite « exophorie physiologique  ».
Il n’existe pas de variabilité au test de l’écran.
On note un simple déficit des vergences, notamment de l’amplitude de fusion en convergence. L’insuffisance de convergence pure ne comporte pas de composante accommodative.
Les causes déclenchantes, sont souvent une fatigue générale, des mauvaises conditions de travail, parfois des problèmes psychologiques.
L’insuffisance de convergence réagit très bien au traitement orthoptique.

L’asthénopie accommodative

L’examen orthoptique ne montre pas d’hétérophorie mais est caractérisé par un parcours d’accommodation réduit avec un punctum proximum éloigné.
L’asthénopie accommodative présente les mêmes signes fonctionnels que l’insuffisance de convergence. De plus, le sujet se plaint souvent de gêne dans le passage de la vision de loin à la vision de près. Il semble exister une lenteur d’accommodation ou mauvais ajustement ou « viscosité des vergences  ». On note parfois une baisse de l’amplitude de fusion.
Dans le cas de ces troubles accommodatifs il faut impérativement revoir la réfraction sous cycloplégique et compléter parfois par un traitement orthoptique.

Les ésophories

L’examen doit toujours être pratiqué avec et sans correction et à l’écran unilatéral ou alterné, pour juger d’éventuelles variations.
Il existe 2 types d’ésophorie que seul l’examen de la réfraction sous cycloplégique peut différencier
:

• L’ésophorie accommodative;
• La position de repos anormale.

Dans le premier cas l’examen sous cycloplégique fera ressortir une hypermétropie latente. Le seul traitement est alors le port de correction.
Dans le deuxième cas, un traitement orthoptique prudent peut aider. Mais dans l’ensemble ces traitements ne donnent pas de bons résultats et on en arrive parfois à une prismation.

Les exophories

De même l’examen doit être pratiqué avec et sans correction, en dissociation minimum puis maximum avec recherche de la possibilité et de la qualité de la restitution.
Il existe également 2 types d’exophorie
:

• L’exophorie accommodative, c’est le cas des sujets myopes. Rentrent également dans ce cadre, les exophories dites « prémyopiques  » que l’on constate chez certains enfants au départ hypermétropes et dont la réfraction se modifie jusqu’à l’installation d’une myopie.
• L’exophorie provenant d’une position de repos anormale mal compensée par une amplitude de fusion déficiente.

Dans le premier cas, la correction totale doit être portée, aussi bien dans les myopies que dans les hypermétropies importantes.
Un traitement orthoptique rétablissant une bonne amplitude de fusion aidera dans tous les cas.
Si nous considérons les strabismes, la part accommodative est extrêmement variable suivant le type de strabisme. Elle peut en être la cause primordiale ou simplement une composante.
L’examen comprend comme dans tout déséquilibre oculomoteur
:

• Le test de l’écran unilatéral et alterné, ceci avec et sans correction;
• L’étude de la déviation dans ces différentes situations
;
• L’étude de la motilité.

Il devra être complété par la recherche de la modification de l’angle sous écrans translucides et à l’éblouissement.
Il arrive en effet que l’angle disparaisse ou diminue sous écrans translucides ou à l’éblouissement. Avec ces tests la motilité perturbée peut devenir normale, il existait donc des « faux syndromes alphabétiques  » et de « fausses hyperactions  » secondaires à la déviation horizontale.
On retrouve ces réactions dans les strabismes accommodatifs, mais également dans des spasmes de convergence non accommodatifs.

Les ésotropies accommodatives

Les strabismes accommodatifs purs font partie des strabismes d’angle variable, avec disparition totale de la déviation avec correction ou examinés aux tests de détente. La motilité est alors normale.
Le traitement consiste en la correction optique totale, vérifiée périodiquement sous cycloplégique. La vision binoculaire étant normale, il est possible par un traitement orthoptique d’augmenter l’amplitude de fusion si elle est limitée.
Dans le cas des strabismes accommodatifs avec angle résiduel de près, une surcorrection soulageant l’accommodation de près permet souvent la réduction de l’angle résiduel. Prescrite en verres progressifs, cette surcorrection est bien supportée.
Les strabismes accommodatifs partiels, réagissent à la correction optique en fonction de l’importance de la part accommodative, la déviation restante constitue la part statique ou anatomique.

Les ésotropies avec participation accommodative minime

Les spasmes de convergence, ou excès de convergence, bien que faisant partie des angles variables, n’ont pas ou peu de composante accommodative.
Les ésotropies précoces ou « congénitales  », dont la part accommodative est le plus souvent minime.
De même, les ésotropies tardives normosensorielles, avec part accommodative pratiquement absente paraissent avoir pour étiologie une ésophorie décompensée.
Cependant dans tous les cas, la correction optique totale doit être prescrite.

Les exotropies

Les exotropies présentent souvent à l’examen un angle variable, suivant les situations avec ou sans correction, écran unilatéral ou alternée et suivant les possibilités de compensation fusionnelle.
La restitution doit toujours être recherchée et peut permettre un traitement orthoptique.
L’étiologie est parfois accommodative, notamment dans les myopies qui doivent être corrigées correctement. L’exotropie peut, dans d’autres cas, être provoquée par la décompensation d’une exophorie sans part accommodative. Les exotropies constantes ont peu ou pas de part accommodative.
Tout bilan orthoptique doit comporter, quel que soit le cas, hétérophories ou strabismes, la recherche de la part accommodative. Aucun bilan orthoptique ne peut être pratiqué sans réfraction et le plus souvent sans réfraction sous cycloplégique, même chez l’adulte.

Bibliographie

1. N. Jeanrot & F. Jeanrot: Manuel de strabologie pratique. Aspects cliniques et thérapeutiques. Masson Paris, Ed., 1994.
2. A. Spielmann
: Les strabismes. De l’analyse clinique à la synthèse chirurgicale. Masson, Paris, Ed., 1989.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010