Skiascopie : fente lumineuse et reflet Alexandre Damanakis
Si on projette la lumière d’un skiascope en fente sur l’œil d’un patient, pendant qu’on l’observe à travers l’ouverture du skiascope, on verra se former une fente lumineuse sur l’œil et ses contours. L’orientation de la fente (verticale, horizontale ou oblique) dépend de la direction du plan de la fente lumineuse qui se règle par la rotation du manche du skiascope. En même temps, dans le champ pupillaire de l’œil du patient, on observera un reflet en forme de fente. Ce reflet est la conséquence de l’illumination du fond de l’œil que produit le faisceau du skiascope (figure n° 1).
Si, par une rotation minime du skiascope, on déplace la fente lumineuse formée sur l’œil du patient dans une direction perpendiculaire à la fente lumineuse, on observera un mouvement simultané du reflet illuminé dans le champ pupillaire.
Le mouvement du reflet peut être soit de même sens que celui de la fente illuminée, soit en sens inverse (figure n° 2).
Si le punctum remotum de l’œil du patient coïncide avec la position du skiascope (par exemple la myopie de l’œil est d’une dioptrie et la distance entre le skiascope et l’œil est de un mètre) on n’observe pas de reflet en fente alors que tout mouvement dans le champ pupillaire disparaît. À chaque mouvement du skiascope la pupille apparaît naturellement soit tout à fait illuminée soit complètement obscure. Dans ce dernier cas il n’y a aucun mouvement (de même sens ou en sens inverse) et la position du skiascope et la position de la rétine de l’œil du patient sont des points conjugués. En skiascopie, cette position s’appelle le point neutre (figure n° 3).
Grâce à la skiascopie nous déterminons l’erreur réfractive de l’œil que nous neutralisons par des lentilles d’essai. En alternant les lentilles nous essayons de trouver celle, ou la combinaison de lentilles, qui met l’œil au point neutre. Cette procédure s’appelle la neutralisation.

Caractéristiques spécifiques du reflet


Le reflet, qu’on observe dans le champ de l’œil du patient, n’a pas de forme stable. Son aspect varie et dépend de plusieurs facteurs qui seront examinés ultérieurement. Il change incessamment durant la procédure de neutralisation. L’habitude de la forme du reflet aide à effectuer la skiascopie de la manière la plus précise et la plus rapide.
La forme du reflet dépend du type et du degré d’amétropie ainsi que de la distance entre le skiascope et l’œil du sujet examiné.
Les caractéristiques spécifiques du reflet sont :
  • Le sens du mouvement ;
  • La largeur ;
  • La luminosité ;
  • La vitesse.

Le sens du mouvement


Comme nous l’avons déjà dit, le mouvement du reflet peut se faire dans le même sens que la rotation du skiascope, ou en sens inverse. Il provoque le déplacement correspondant de la fente lumineuse sur l’œil.
Par rapport au sens du mouvement de la fente lumineuse, le sens du mouvement du reflet dépend de trois facteurs (figure n° 4) :
  • La condition réfractive de l’œil examiné ;
  • L’inclinaison du rayon incident, c’est-à-dire selon que le faisceau est convergent ou divergent ;
  • La distance entre le skiascope et l’œil examiné.
Prenons comme exemple la situation où le manche du skiascope est dans une position qui donne un faisceau divergent et la distance entre le praticien et le patient est de un mètre. Le faisceau divergent du skiascope arrive à l’œil du patient et illumine une aire du fond de l’œil. À la rotation ou à l’inclinaison légère du skiascope, la région illuminée du fond de l’œil se déplace dans le même sens (figures n° 5 & 6), alors que le mouvement apparent du reflet lumineux que nous observons se fait dans le même sens ou en sens inverse, en fonction de la situation réfractive de l’œil examiné.
Si on illumine une aire du fond de l’œil, cette aire se comportera comme une source lumineuse. Suivant le principe du cours inverse de la lumière, les rayons qui sortiront de l’œil seront parallèles chez l’emmétrope, divergents chez l’hypermétrope, et convergents chez le myope. C’est-à-dire que les rayons sortants vont se croiser au punctum remotum de l’œil.
Le mouvement du reflet sera dans le même sens ou en sens inverse en fonction précisément du point où se croisent les rayons sortants (figures n° 5 & 6).

La largeur du reflet


Quand le mouvement du reflet est de même sens et que le manche du skiascope est dans la position qui donne la plus grande divergence, la largeur du reflet dépend du degré d’amétropie. En pratique, ce qui est très important ce n’est pas tellement la détermination du degré précis de l’amétropie mais la distance du point neutre. Ceci permet l’alternance de lentilles plus rapidement quand on est loin du point neutre, et plus lentement quand on s’en rapproche. Pourtant la relation entre la largeur du reflet et le degré de l’amétropie n’est pas linéaire. Quand la distance qui nous sépare du point neutre est supérieure à trois dioptries, la largeur du reflet est grande ; elle augmente légèrement lorsque cette distance augmente. Au contraire, lorsque, durant la neutralisation, on s’approche du point neutre, la largeur diminue, et plus nous sommes près du point neutre, plus rapidement la largeur diminue. Peu avant l’arrivée au point neutre la largeur du reflet diminue de façon excessive, mais puisque l’aire environnante du fond de l’œil commence à s’illuminer, le reflet semble se diffuser. Il finit par recouvrir la pupille (figure n° 7).

Luminosité du reflet


Dans les amétropies fortes le reflet a une basse luminosité. Il semble être grisâtre et lointain. Inversement, en cas d’amétropies faibles la luminosité du reflet augmente. Lors de la procédure de neutralisation l’alternance de lentilles diminue l’amétropie résiduelle tandis que la luminosité du reflet augmente progressivement en fonction de l’approche du point neutre. La luminosité du reflet, en dehors du degré d’amétropie, ne peut être utilisée afin d’estimer le degré de l’amétropie parce qu’elle dépend d’autres facteurs, tels que l’intensité de l’éclairage du skiascope, la coloration du fond d’œil et la transparence des milieux de l’œil. Néanmoins, l’augmentation progressive de la luminosité pendant l’alternance des lentilles montre que l’on s’approche du point neutre.
L’augmentation progressive de la luminosité du reflet que l’on observe quand on s’approche du point neutre, est évidente pendant le mouvement, que ce soit dans le même sens ou en sens inverse.
Sur la figure n° 7, les modifications de la largeur et de la luminosité du reflet sont évidentes. On les observe quand le mouvement se fait dans le même sens et quand la distance par rapport au point neutre diminue progressivement.

Vitesse du reflet


Dans les cas d’amétropies fortes la vitesse du reflet est faible, tandis que dans les amétropies faibles la vitesse est élevée. La relation entre la vitesse du reflet et l’amétropie n’est pas linéaire. Pendant la neutralisation, avec l’alternance des lentilles, l’amétropie résiduelle diminue progressivement, mais plus on s’approche du point neutre, plus la vitesse du reflet augmente rapidement (figures n° 8 & 9).

Estimation approximative de l’amétropie


Elle résulte de la description de la morphologie du reflet. Malgré le fait que sa forme varie selon le degré d’amétropie, le reflet ne peut pas être utilisé pour déterminer le degré d’amétropie du méridien examiné avec précision. Il est plutôt utile à l’estimation approximative de la distance qui nous sépare du point neutre. Bien évidemment, l’appréciation simultanée des caractéristiques spécifiques du reflet par un spécialiste de la skiascopie, peut donner lieu à une estimation assez satisfaisante du degré d’amétropie. Or cette capacité ne s’enseigne pas. Elle n’est acquise que par l’expérience. Il existe néanmoins deux techniques qui peuvent être d’un apport considérable pour l’estimation approximative de l’erreur réfractive du méridien examiné et ce sans qu’il y ait besoin de poser des lentilles d’essai devant l’œil. Ces techniques sont l’augmentation du reflet en cas d’hypermétropie et la localisation du punctum remotum en cas de myopie.

Renforcement du reflet (en cas d’hypermétropie)


Comme nous l’avons déjà dit, plus l’hypermétropie est forte plus la luminosité du reflet est basse ; quant à la largeur du reflet, elle est plus grande en cas d’hypermétropie forte. Cette description correspond à l’image pour un faisceau du skiascope se trouvant en position de la plus grande divergence. Si, lorsque nous observons le reflet, nous commençons à lever le manche du skiascope, nous nous apercevons que le reflet devient plus lumineux, plus net et plus étroit. Plus l’hypermétropie du méridien sous examen est forte, plus la position du manche, qui donne le reflet le plus étroit et le plus lumineux, est élevée. La diminution de la divergence du faisceau du skiascope par le déplacement du manche provoque une diminution de la largeur de la fente illuminée de l’œil et de ses contours (figure n° 10). Puisque la largeur de la fente lumineuse, en position de renforcement, est inversement proportionnelle au degré de l’hypermétropie, elle peut être utilisée pour une estimation approximative.

Localisation du punctum remotum (en cas de myopie)


La technique du renforcement ne peut être utilisée pour l’estimation du degré de myopie. Or une estimation satisfaisante peut être obtenue par une autre technique, fondée sur la localisation du punctum remotum de l’œil.
Rappelons que le punctum remotum d’un œil myopique se situe à une certaine distance devant l’œil, et celle-ci est inverse au degré de la myopie. Par exemple : le punctum remotum à 2 mètres désigne une myopie de 1/2 = 0,50 ∂. Un punctum remotum à 1 mètre désigne une myopie de 1/1 = 1,0 ∂. Un punctum remotum à 0,50 mètre désigne une myopie de 1/0,50 = 2,0 ∂ etc. C’est d’ailleurs un fait que la myopie artificielle provoquée lorsque, pendant la procédure de neutralisation, nous atteignons le point neutre, est égale à l’inverse de la distance de travail. Puisque la neutralisation est observée au punctum remotum de l’œil, on peut localiser ce point en approchant ou en éloignant de l’œil le skiascope (sans lentilles), par la recherche du point où on obtient la neutralisation.
Si, lorsqu’on commence la skiascopie on voit un mouvement en sens inverse, on doit s’approcher de l’œil jusqu’à l’obtention de la neutralisation. Si on observe un mouvement de même sens il faut s’en éloigner.
Le schéma de la figure n° 11, donne la relation entre le punctum remotum et le degré de myopie. Il est évident que cette relation de distance n’est pas linéaire et que la distance du punctum remotum diminue rapidement au fur et à mesure que la myopie augmente. Ceci rend inexacte par cette méthode, la localisation du punctum remotum en cas de forte myopie.
L’astigmatisme myopique est calculé approximativement en s’approchant ou en s’éloignant de l’œil et par la rotation simultanée du faisceau du skiascope. L’un des deux axes sera neutralisé en premier. Celui-ci est l’axe principal de l’astigmatisme. L’autre axe sera neutralisé à une distance différente. En calculant ainsi la myopie pour chacun des axes séparément on peut aussi estimer approximativement le degré d’astigmatisme.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010