Introduction
L’aniséïconie est un trouble de la vision binoculaire de plus en plus fréquent en raison du développement de la chirurgie réfractive et de l’implantation. Elle est difficile à mettre en évidence car ses signes ne sont pas univoques. Source de procédures, elle doit être évitée autant que faire se peut, son traitement étant pratiquement inexistant.
Plan
Définition
Les différents types
Les méthodes de mesure
Aspect clinique
Les pièges de l’aniséïconie
Principes de traitement
Définition
Le terme d’aniséïconie (aniso = différent, eicon : image) a été défini par Lancaster en 1 932 comme un trouble de la vision binoculaire, au même titre que la correspondance rétinienne dans le strabisme, traduisant une différence de taille d’image perçue par chaque œil.
On distingue des aniséïconies :
• Naturelles : dues à la parallaxe ou à une anisométropie,
• Iatrogènes : après chirurgie de la cataracte ou réfractive.
Rappel physiopathologique
Plusieurs types d’aniséïconie sont à distinguer :
• De transmission : c’est l’aniséïconie des mathématiciens et des physiciens résultant de la construction géométrique des images sur la rétine ; on l’appelle encore objective.
• Les grandeurs caractéristiques de cette aniséïconie sont le grandissement transversal par affinité ou uniforme par homothétie, l’axe d’aniséïconie, dont l’obliquité donne l’effet de déclinaison.
• De perception, ou subjective, intéressant les neurophysiologistes ; elle dépend de la densité des photorécepteurs rétiniens ; c’est celle qu’évaluent les tests de mesure.
• D’intégration ou fonctionnelle ou corticale, intéressant les cliniciens ; c’est celle dont la correction fait disparaître la gêne fonctionnelle ; elle est tolérée jusqu’à 5 % ; en fait la tolérance des adaptations par lentille ou verre de lunette chez les anisométropes forts laisse supposer que des processus corticaux complexes interviennent dans le traitement des images à la manière des correspondances rétiniennes.
Les méthodes de mesure
Méthodes de mesure de laboratoire
Elles nécessitent une bonne vision binoculaire et une bonne coopération faisant appel à divers tests basés sur la comparaison de taille d’images (confrontation ou coïncidence) ou le déplacement apparent d’une image formée de deux mires haploscopiques avec artifice dissociant polarisé ou duochrome.
Parmi les plus connus nous citerons :
• Le logoscope de Gramont ;
• La chambre de Ames dans l’espace ;
• L’aniséïconomètre polarisé d’Essilor ;
• Le stéréoscope adapté au synoptophore de Weiss.
Méthodes simples et empiriques au cabinet
Les tests précédemment décrits sont délicats et d’application difficile en pratique courante ; aussi aura-t-on recours pour un examen rapide au test du prisme vertical de 4 à 6 dioptries dédoublant l’écran de projection en vision de loin avec diplopie verticale provoquée ; il s’agit d’une méthode par confrontation.
L’emploi des mires du synoptophore est toujours possible mais plus difficile.
Aspect clinique
Il existe deux situations dans lesquelles l’aniséïconie se rencontre :
L’aniséïconie constitutionnelle, telle qu’elle se manifeste dans l’anisométropie.
L’anisométropie résulte d’une différence réfractive entre les deux yeux ; sa valeur limite de définition d’une dioptrie mesurée sous cycloplégie, est arbitraire (il conviendrait de fixer une limite à deux écarts types d’une population standard).
Ses conséquences sont multiples sans avoir de caractère obligatoire :
• Sur le plan monoculaire, l’œil le plus amétrope peut développer une amblyopie ; il s’agit de la forme la plus bénigne des amblyopies privatives ; cette amblyopie, bien que découverte plus tardivement que les strabiques, sauf en cas d’examen systématique précoce, reste en général de bon pronostic dans les formes légères.
• Sur le plan binoculaire, la complication majeure est l’apparition d’une phorie (maintien de la stéréoscopie) qui peut se décompenser en tropie (perte de la stéréoscopie et apparition d’une CRA).
Ces deux complications devront toujours être prévenues.
Les troubles aniséiconiques ne sont pas obligatoires ; lorsque l’apprentissage binoculaire se fait progressivement grâce à la correction optique totale, il existe une adaptation cérébrale à la différence de taille des images ; cette adaptation se met également en place lorsque le mode de correction est alterné entre verres correcteurs et lentilles.
On a beaucoup discuté du différentiel réfractif supportable ; il n’est pas exceptionnel de constater une absence de trouble binoculaire pour des différences atteignant dix dioptries, corrigées tantôt par lunettes ou verres de contact, dans la mesure où la correction aura été alternée et précoce.
Dans le cas contraire, un changement brutal de correction peut placer le sujet dans le cas d’une aniséïconie acquise plus difficile à traiter.
L’aniséïconie acquise
Elle est donc très différente ; elle résulte en général d’une modification brutale de la réfraction telle qu’on l’observe dans :
• L’anisométropie dont le mode de correction est modifié sans préparation, tel qu’un passage d’un verre correcteur de myopie forte à une lentille de contact ;
• L’implantation cristallinienne après chirurgie de la cataracte ;
• Une chirurgie réfractive compliquée.
Dans ces cas, à la manière d’une diplopie soudaine par paralysie oculomotrice, le sujet est confronté brutalement à un trouble binoculaire mal supporté. Le traitement en est difficile et nous ne saurions assez insister sur sa prévention.
Notons que, comme dans l’hypermétropie ou les phories, l’importance du gène n’est pas proportionnelle à celle du trouble.
Plutôt que de proposer une étude anatomo-clinique complexe de l’aniséïconie, nous nous limiterons à en évoquer quelques pièges.
Les pièges de l’aniséïconie
1er piège
L’emmétropie n’est pas synonyme d’iséïconie ; la position des plans principaux de l’œil explique la géométrie de la taille des images rétiniennes.
La recherche d’une emmétropie, aussi louable soit-elle, peut comporter un piège dans la mesure où le sujet était antérieurement anisométrope.
Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de connaître l’état antérieur du patient ainsi que de la nécessité d’un examen sensori-moteur précis s’il est encore possible.
L’anisométropique emmétropisé devient un aniséiconique induit.
Les verres de contact sont d’une aide précieuse ; ils permettent, en rapportant les plans principaux au sommet de la cornée, d’anticiper les effets de certaines corrections. De plus les sujets habitués à jongler entre les deux types de correction seront mieux à même de supporter une anisométropie induite, source d’aniséïconie.
2e piège : l’asthénopie aniséiconique
Les signes fonctionnels dont se plaignent les patients atteints d’aniséïconie ne sont pas toujours explicites ; il faut savoir y penser devant ce qu’on appelle l’asthénopie aniséiconique qui englobe un syndrome comportant des céphalées, un inconfort binoculaire qui oblige à fermer un œil, voire une diplopie, plus rarement le patient dit voir plus gros.
Cette asthénopie est à distinguer des asthénopies fusionnelles, accommodative et anisométropique auxquelles elle peut s’intriquer.
Notons enfin que la gêne n’est pas proportionnelle à l’importance de l’aniséïconie.
3e piège
En cas de cas strabisme, ne pas inverser la dominance oculaire par une anisométropie induite lors d’une chirurgie de cataracte ou réfractive et toujours se souvenir que l’œil dominant était toujours l’œil primitivement le moins amétrope.
Donc là aussi connaître l’état antérieur.
4e piège
Ne pas induire une aniséïconie. La meilleure façon est de reproduire l’état antérieur.
Il ne faut pas trop s’éloigner d’une anisométropie ; d’où l’intérêt des lentilles de contact préopératoires et d’un calcul précis des implants, échographie, étalonnage du Javal, utilisation de plusieurs formules de calcul.
Conduite à tenir
• Avant toute intervention : il faut connaître l’état antérieur
¬ Chez le sujet normal : ne pas induire d’aniséïconie,
¬ Chez l’anisométropie : ne pas s’éloigner de l’état antérieur,
¬ Strabisme : respecter la dominance.
• Lorsqu’un œil est déjà opéré et que l’aniséïconie est constituée, il y a deux solutions :
¬ Un rattrapage est possible sur l’autre œil afin de supprimer l’aniséïconie induite,
¬ Ou une modulation sur l’œil opéré essentiellement par correction optique par lentille de contact, les verres iséïconisants étant mal supportés car trop épais.
• Lorsque les deux yeux ont été opérés, il est difficile d’influencer une aniséïconie constituée ; restent les lentilles de contact, une explantation en cas d’implant mal calculé, une reprise de chirurgie réfractive.
Conclusion
• Se méfier de l’aniséïconie de plus en plus fréquente ;
• Sensibiliser les ophtalmologistes et orthoptistes ;
• Demander un bilan sensori-moteur préopératoire ;
• Situation récupérable après un premier œil ;
• Beaucoup plus difficile après un deuxième œil ;
• Ne pas rechercher l’emmétropisation à tout prix ;
• Connaître l’état antérieur ;
• Avoir quelques notions de biométrie oculaire.
Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010