Réfraction de l'Enfant : les facteurs de risque Guy Clergeau
Introduction
Litt
érature
Les antécédents familiaux

Sous ce terme, la littérature se limite généralement au strabisme avec ou sans amblyopie, cette situation ayant un caractère héréditaire parfaitement reconnu.
Des recherches portant sur des familles sélectionnées ont été réalisées par plusieurs auteurs. Deux ordres de conclusions ont été tirés de ces études.

• Pour Sjöstrand et al (1990) [29], la recherche isolée d’un strabisme à un âge prédéfini chez un enfant ayant un antécédent strabique est d’un intérêt limité car le diagnostic n’est pratiquement jamais fait au moment de cet examen mais est le plus souvent déjà établi ou fortement soupçonné par la famille depuis un certain temps. Le meilleur moyen de dépistage serait pour les auteurs d’enseigner aux mamans les manifestations élémentaires d’un trouble oculomoteur et de leur demander de consulter au moindre doute.
Ingram (1977,1985,1989) [19,22,24] pense même que le dépistage organisé vis-à-vis du strabisme favorise l’amblyopie en retardant souvent la prise en charge d’une pathologie déjà connue.
Aurell et al (1990) [12], considèrent pour leur part qu’un dépistage basé sur la seule réfraction serait trop aléatoire si l’on n’est pas orienté par les antécédents. On notera toutefois que la base principale de ce raisonnement est de nature économique ce qui justifie le concept de dépistage à seulement 3,5 ans, propre aux pays nordiques.

En marge de ces constatations, il faut néanmoins souligner la réalité de liens statistiques évidents entre le risque strabique et les antécédents.
Tous les auteurs retrouvent que les enfants ésotropes ont au moins 1 antécédent strabique dans 50 à 60% des cas (à condition d’inclure les 3 degrés de parenté). Inversement, le risque strabique pour un enfant ayant des antécédents strabiques n’est que de 15 à 20%.
Cette situation a priori surprenante est liée au caractère multifactoriel du strabisme avec entre autres un élément fondamental qui est le trouble réfractif associé.

Abrahamsson et al (1999) [5], tout comme Aurell [12], en concluent d’ailleurs que ce sont essentiellement les enfants hypermétropes d’une fratrie strabique qui ont un risque élevé de faire un strabisme.

En définitive, ces informations dont certaines pourraient paraœtre contra-dic-toires conduisent de manière implicite à la démarche de dépistage de l’amétropie et par conséquent au concept de risque réfractif.

Les facteurs de risque réfractifs
En présence d’antécédents

Dans la suite logique des travaux précédents, la première approche a été réalisée chez des sujets présentant des antécédents strabiques et ou amblyopes. Un certain nombre de relations statistiquement significatives ont été mises en évidence.

Kramar (1973) [28] a trouvé pour 110 enfants vus à 1 an en skiascopie sous cycloplégie:
¬ Hypermétropie de base (SB) >
+2,00∂ =risque strabique de 87%.
¬ Anisométropie >
0,75∂ =risque strabique de 76%.
Ingram (1973) [18] trouve que l’astigmatisme isolé n’est pas un risque notable, mais qu’il existe une association très significative entre hypermétropie, anisométropie et amblyopie.
Aurell [12] en skiascopie cycloplégique à 6 mois (34 enfants) a trouvé:
¬ Hypermétropie >
+3,75∂ =17,6% d’ésotropies;
¬ Disparition du risque strabique si diminution de cette hypermétropie.
En l’absence d’antécédent

On peut distinguer 2 méthodes d’évaluation du risque amétropique qui sont en fait complémentaires et intriquées dans la plupart des travaux. La première approche est rétrospective puisqu’elle détermine les valeurs réfractives initiales à risque à partir des anomalies observées chez l’enfant plus âgé. La seconde approche est prospective, basée sur des critères d’anormalité pré définis dont on veut vérifier le bien-fondé statistique dans une étude longitudinale programmée.
Nous rappellerons tout d’abord, sans commentaire particulier les nombreuses recherches réalisées dans les années 70 à 80 chez le nourrisson pour la mise en évidence d’une relation de cause à effet entre l’astigmatisme congénital et l’amblyopie méridienne. À défaut d’aboutir à des conclusions réellement chiffrées, ces études ont eu le mérite d’attirer l’attention sur le risque amblyopique des amétropies précoces non traitées (Mitchell, Held, Atkinson, Gwiazda, Teller, Mohindra, Braddick…).

Ingram et al (1977,1985,1990) [20, 21, 25] ont retenu comme facteurs de risque:
¬ Sphère de base >
+1,75∂ ou plutôt sphère méridienne >+3,25∂ à 1 an (ou >+3,75∂ à 6 mois);
¬ Anisométropie >
1,00∂.
Pour ces valeurs, on retrouve comme précédemment, les associations significatives entre tous les ingrédients de cette pathologie
: hypermétropie, anisométropie, astigmatisme >1,25∂, amblyopie et ésotropie. Dans ces conditions, le risque strabique est évalué à 45% et celui de l’amblyopie à 48% (à 6 mois le risque strabique est évalué à 26%).
• Atkinson, Anker et al (1996,1987,1993,1992,1995) [9,10,11 & 6,7], ont réalisé une large étude comportant 2 protocoles:
¬ En photoréfraction sous cycloplégie, il a été examiné 3
166 enfants de 6 à 8 mois. Sont apparues comme facteurs de risque: hypermétropie >+3,50∂, anisométropie >1,00∂, myopie >-2,00∂.
¬ En photoréfraction sans cycloplégie (réfraction manifeste), il a été examiné 5
091 enfants de 8 mois avec comme facteurs de risque: hypermétropie >+1,50∂, anisométropie >1,25∂, myopie >-2,75∂.

En conclusion de ces 2 études, il a été trouvé 5 à 6% d’hypermétropies significatives, moins de 3% de myopies et moins de 1% d’anisométropies. Surtout lorsqu’une telle hypermétropie est retrouvée, le risque strabique apparaœt multiplié par 13 et le risque amblyopique par 6.

Abrahamsson et Sjöstrand (1988,1990) [1,2,3] ont étudié l’évolution de 1 à 4 ans d’une population sélectionnée sur la présence d’un astigmatisme >0,75:
¬ Si l’astigmatisme persiste ou augmente, le risque amblyopique augmente
;
¬ Si l’hypermétropie (sphère méridienne) est >
+3,50∂ à 1 an, le risque amblyopique est augmenté;
¬ Si l’hypermétropie reste >
+2,00∂ à 4 ans, le risque amblyopique est multiplié par 2;
¬ Si une anisométropie persiste, le risque amblyopique est multiplié par 4.
Il n’apparaœt toutefois pas de relation simple entre amblyopie et mesure réfractive
: c’est surtout l’évolution qui détermine le risque et en particulier une nette asymétrie d’emmétropisation.
• Ingram et al (1991) [26], confirment totalement l’effet prédictif de l’évolution de l’hypermétropie initiale. Une étude portant sur des enfants de 6 mois présentant une hypermétropie >+3,75∂ a montré que:
¬ Sur 45 enfants ayant conservé cette hypermétropie, 64
% ont fait un strabisme;
¬ Sur 98 enfants ayant présenté une emmétropisation, 10
% seulement ont fait un strabisme.
Un constat similaire est fait pour l’amblyopie
: 55% à 3,5 ans en l’absence d’emmétropisation contre 9% pour les sujets emmétropisés.
Dans la seconde étude (1
994) [27], l’auteur confirme ces données en soulignant en outre le rôle prédictif des troubles accommodatifs.
• Howland et al (1987) [17] se sont justement intéressés à l’étude de la capacité accommodative au moyen de la vidéophotoréfraction. Cette technique permet de mettre en évidence le spasme qui peut fausser les résultats d’une réfraction statique sans cycloplégie alors que la cycloplégie masque de son côté d’éventuelles perturbations accommodatives. À partir de ces résultats, les auteurs ont déterminé des limites statistiques de la réfraction physiologique en choisissant comme critère l’intervalle de confiance de 95% pour chacun des paramètres réfractifs. Pour la sphère, sont donc considérées comme physiologiques (sans cycloplégie) les valeurs: -1,00 à +1,50∂ à 9 mois, -1,00 à +1,25∂ à 2 ans et -0,50 à +1,25∂ de 2 à 5 ans.
• Clergeau et al (1983,1990,2000,2001) [13,14,15,16], dans un objectif identique à celui de Howland ont proposé de définir les réfractions à risque, d’abord sur des bases purement statistiques, puis en tenant compte des éléments fonctionnels. Une dernière étude (2004) [17] a confirmé le rôle nettement strabogène des fortes hypermétropies et plutôt amblyogène des cylindres et anisométropies. La conclusion en était toutefois la nécessité de mieux différencier dans leur aspect quantitatif les différents facteurs de risque.
Conclusion

À partir de ces études se confirme de toute évidence l’existence de seuils réfractifs pour un risque manifeste. Il existe toutefois des divergences sensibles sur la prévalence de ce risque et pour mieux cerner celle-ci, nous avons entrepris une nouvelle étude.

étude personnelle

Pour répondre à l’objectif précédemment défini, nous avons analysé une nouvelle série consécutive de 2921 examens systématiques réalisés sous cycloplégie entre les 8e et 13e mois. Le dernier recrutement a été fixé à mai2002 pour assurer un minimum théorique de suivi de 4 ans.

Méthodologie
Description

Les enfants ont été classés selon leur réfraction initiale en 3 degrés pour les amétropies (myopie, hypermétropie, astigmatisme et anisométropie maximale). La réfraction fonctionnellement physiologique a, elle-même, été divisée en 3 classes: hypermétropie modérée, hypermétropie faible (= emmétropie) et myopie faible (tableau1). Les hypermétropies ont été exprimées en sphères méridiennes et les myopies en sphères de base. Il n’a pas été tenu compte des cylindres et anisométropies physiologiques.

+6,50




























HypermŽtropie

Myopie

|Cylindre|

AnisomŽtropie

Amétropie 3

>< -4,50> 3,75> 2,50

Amétropie 2

+5,25 à +6,50-3,25 à -4,503,00 à 3,752,00 à 2,50

Amétropie 1

+3,75 à +5,00-1,75 à -3,002,00 à 2,751,25 à 1,75

Physiologie

+1,75 à +3,500 à +1,50-0.25 à -1,500 à 1,750 à 1,00
Tab1. Classification des amŽtropies.


Qualité du suivi

Dans toute étude longitudinale, il existe une déperdition croissante de dossiers en fonction de l’âge. Bien qu’étant en amélioration par rapport à notre série antérieure, cette étude n’échappe pas à cette règle-. Le pourcentage de dossiers non revus atteint globalement 33%, mais est sensiblement plus important pour les réfractions initialement physiologiques. Le taux de sujets revus est pour sa part suffisamment élevé pour les groupes à risque et leur interprétation est donc fiable (tableau2). Le problème est un peu plus délicat pour les réfractions initialement physiologiques, avec un risque de biais vers une estimation trop élevée des amétropies.
Étant donné qu’il n’est pas possible d’éliminer les dossiers non revus, nous avons opté pour une estimation d’évolution par rapport à l’existence des antécédents qui nous sont apparus avoir une corrélation intéressante avec les évolutions réellement observées.

Paramètres étudiés
Le risque amblyopique

Plutôt que le constat d’amblyopie, nous avons retenu de façon plus large le risque amblyopique. En effet depuis un certain nombre d’années les facteurs de risque étant parfaitement connus, font en principe l’objet dès leur découverte d’une prescription préventive et le nombre d’amblyopies réellement observées devient heureusement faible.

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135

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921

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67,2%

71,0%

AmŽtropie

Nombre

ÄpidŽmiologie

% revus

% normaux

M2-M3

8

0,31000,0
M1

15

0,573,360,0
M0

213

7,372,858,7
E

826

28,362,085,1
H0

138,961,282,5
H1

287

9,882,256,8
H2

63

2,287,319,0
H3

29

1,093,06,9
C1

213

7,272,839,9
C2

64

2,282,818,8
C3

11

0,490,99,1
A1

36

1,269,466,7
A2

11

0,490,927,3
A3

10

0,31000,0
Total

2100M. =M. =
Tab2. DonnŽes mŽthodologiques.


Sous la dénomination de risque amblyopique, nous avons pris en considération les anomalies réfractives mais aussi le risque global lié à la situation strabique. Les études antérieures ayant montré qu’environ la moitié des strabismes présentaient une amblyopie à un moment donné de leur évolution, nous avons donc ajouté systématiquement 50% du nombre de strabismes observés au risque réfractif isolé pour évaluer un risque global.

Le risque strabique

Il correspond uniquement aux strabismes effectivement constatés. La valeur retenue sera donc logiquement inférieure à celle que l’on aurait trouvée s’il n’y avait pas eu de correction préventive (le rôle de cette correction préventive est lui-même discuté page277).

La correction optique З simple è

Nous avons également pris en considération le nombre de corrections prescrites en dehors du risque strabique et amblyopique. Ces corrections ne concernent pas les amétropies myopiques données à partir de l’âge de 7 ans. Nous avons également exclu les faibles amétropies ≤0,50∂, qui concernent essentiellement les petits astigmatismes responsables de troubles fonctionnels souvent précoces.

Résultats

L’analyse des tableaux2 et3 montre que quel que soit le paramètre étudié, l’évolution réfractive est très dépendante du degré d’amétropie initiale.

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6,5%

8,3%

3,6%

18,9%

AmŽtropie

Amblyopie rŽfractive

Amblyopie totale

Strabismes

Lunettes

M2-M3

1001000,00,0
M1

0,00,00,040,0
M0

6,16,81,433,8
E

0,61,21,113,2
H0

2,03,63,212,3
H1

10,513,86,626,1
H2

17,530,225,438,1
H3

13,836,244,834,5
C1

20,220,70,939,0
C2

42,243,83,135,9
C3

45,554,518,227,3
A1

11,112,52,719,4
A2

72,772,70,00,0
A3

80,085,010,010,0
Moyenne

M. =M. =M. =M. =
Tab3. Ävolution selon l'amŽtropie.


Les fortes myopies (M3 -M2)

Elles constituent essentiellement un fort risque amblyopique. Celui-ci n’est d’ailleurs pas lié exclusivement à la myopie mais aussi au fait que dans la quasi-totalité des cas il existe une association cylindrique et/ou anisométropique. Il n’a pas été noté de strabisme dans cette petite série, mais il est évident que l’association d’une amblyopie et d’un éventuel antécédent strabique en constitue un risque manifeste.

Les myopies modérées (M1) et faibles (M0)

Elles aboutissent surtout à la prescription précoce d’une correction optique simple, qui n’est pas obligatoirement de nature myopique mais souvent plutôt liée au cylindre qui là encore est souvent associé (page137). Ces résultats confirment également que l’emmétropisation des petites myopies initiales est loin d’être la règle.

Les hypermétropies physiologiques

Les groupes E et H0 ont naturellement le meilleur pronostic avec un risque amblyopique et strabique faible mais non nul. Si l’on considère que 20% au moins des strabismes ont une hypermétropie inférieure à +3,50∂, il faut en conclure que l’hypermétropie n’est pas la seule concernée. Par contre on note un risque d’évolution non négligeable vers une amétropie à corriger (12 à 13%) ce qui confirme nos résultats antérieurs.

Les hypermétropies significatives

Elles cumulent des risques amblyopiques et strabiques logiquement associés. Il est surtout intéressant de noter que le risque strabique augmente de façon quasi exponentielle avec l’augmentation de l’amétropie.

Les astigmatismes

Le risque est essentiellement amblyopique. Néanmoins les forts cy-lindres sont aussi en corrélation importante avec les strabismes.

Les anisométropies

On rappellera tout d’abord que la prévalence des anisométropies i-ni-tiales est faible. Là encore le risque est très principalement amblyopique mais s’associe par conséquence au risque strabique.

Discussion
Les critères paramétriques

Il existe une quasi-unanimité chez les auteurs ayant exprimé des valeurs seuils pour les facteurs de risque. Il apparaœt toutefois que la globalisation des cas observés au-delà des valeurs seuils manque profondément de nuances, ce qui contribue sans doute à expliquer certaines disparités importantes (tableau4).

+3,50¦

+3,25¦

¦

¦

¦

?

45%

1,6%

21%

2,2%

12,7%

6,6%

25,4%

44,8%

?

48%

11%

68%

2,6%

18,2%

13,8%

30,2%

36,2%


H <

H >+3,50 ö +5,00+5,25 ö +6,50>+6,50
Ingram

T =T =-

-

-

Atkinson

T =T =-

-

-

Clergeau

T =T =T =T =T =
Ingram

A =A =-

-

-

Atkinson

A =A =-

-

-

Clergeau

A =A =A =A =A =
Tab4. Risque strabique et amblyopique (hypermŽtropie).


En dépit de critères identiques, certaines disparités restent néanmoins mal explicables. Une des inconnues est en particulier dans les résultats d’Atkinson le nombre de dossiers non revus dont il n’est fait aucune mention. Comme nous l’avons rappelé, cette situation conduit inéluctablement à sélectionner les cas pathologiques. Par ailleurs les enfants de cette série prospective ne semblent pas avoir reçu de correction préventive avant l’apparition des troubles moteurs ou visuels. Le résultat d’un risque de strabisme multiplié par 13 est donc à interpréter de façon très relative, ce qui ne modifie pas toutefois la conclusion d’un risque élevé. Nous retrouvons également cette valeur de multiplication, mais exclusivement pour les fortes hypermétropies supérieures à +6,50∂. Comme l’indique le tableau4, le taux de confirmation du risque estimé reste nettement lié au degré des amétropies initiales. Le tableau 4b traduit plus précisément le rapport du risque estimé et de la pathologie observée (en tenant compte de l’ensemble des paramètres).

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Amblyopie rŽfractive

Amblyopie totale

Strabisme

Amétropies 1 à 3

19,823,67,5
Amétropies 2 et 3

36,250,027,6
Physiologie

1,82,92,2
Tab4b. Facteurs de risque et pathologie (totalitŽ).


Nous avons également soulevé à propos des fortes myopies le problème des associations amétropiques. Or si nous avons choisi de classer les enfants en fonction de l’amétropie qui paraissait dominante, au moins par son degré, l’imputation du risque à un seul paramètre est to-ta-lement aléatoire et il est probable que c’est bien l’association globale qui constitue le risque. L’examen du tableau5 montre d’ailleurs que les associations sont d’autant plus importantes et multiples que les amétropies sont élevées.

AmŽtropie

Nb dossiers

Nb associations

Cylindre



AnisomŽtropie

H3

29

14

10

-

9

H2

63

24

17

-

12

H1

287

53

40

-

19

M3

3

3

3

-

2

M2

4

4

3

-

1

M1

15

0

-

-

-

C3

11

9

-

8

6

C2

64

57

-

40

14

C1

214

36

-

28

10

A3

10

9

5

8

-

A2

11

9

7

6

-

A1

36

13

5

13

-

Tab5. Les associations paramŽtriques.


Réfraction du strabique et de l’amblyope

La notion de risque a été développée à partir de la réfraction initiale. Ce statut peut également être confirmé à partir de situations pathologiques confirmées.

LХamblyopie

Nous avons comparé le profil de 171 enfants amblyopes âgés en moyenne de 5 ans 1/2 à un groupe normal de même âge (tableau6 et 6bis).

∂ ±2,25

∂ ±3,11

∂ ±1,11

∂ ±2,27

∂ ±2,82

∂ ±1,10

∂ ±1,05

∂ ±1,35

∂ ±0,54


Ïil dominant

Ïil amblyope

RŽfraction rŽfŽrence

Sphère de base

+1,23+1,17+1,30
Sphère méridienne

+2,08+3,14+1,70
|Cylindre|

0,841,960,40
Tab6. RŽfraction de l'amblyope.


∂ ±1,38



∂ ±1,44



∂ ±1,44




Amblyope

RŽfŽrence

Anisométropie SB

1,280,20
Anisométropie SM

1,270,20
Anisométropie |C|

1,610,20
Tab6b. RŽfraction de l'amblyope.


Il apparaœt que la sphère de base ne présente pas d’anomalie particulière ni entre l’œil dominant et l’œil dominé, ni par rapport à la réfraction de référence. Il existe par contre une différence nette dans l’écart-type traduisant un excédent de fortes hypermétropies et de myopies.
La différence devient par contre très importante pour la sphère méridienne, à la fois pour les moyennes et les écart-types. Cette différence est essentiellement liée à l’apparition d’un cylindre nettement anormal sur l’œil amblyope.
La dernière anomalie nettement significative est l’anisométropie qui porte sur tous les paramètres.
Ces constats portent sur l’amblyopie installée et les valeurs trouvées sont amplifiées par rapport à celles qui constituent les facteurs de risque initiaux.

Le strabisme

L’analyse a été réalisée sur 236 ésotropes présentant une amblyopie et 308 ésotropes non amblyopes.

∂ ±2,36

∂ ±2,78

∂ ±1,95

∂ ±2,55

∂ ±2,78

∂ ±2,09

∂ ±0,98

∂ ±1,12

∂ ±0,88


Ïil dominant Et

Ïil amblyope Et

Et non amblyope

Sphère de base

+2,64+2,79+2,72
Sphère méridienne

+3,51+3,96+3,46
|Cylindre|

0,871,160,74
Tab7. RŽfraction du strabique.


∂ ±0,97

∂ ±0,60

∂ ±1,01

∂ ±0,51

∂ ±0,67

∂ ±0,44


Et Amblyopie +

Et Amblyopie -

Anisométropie SB

0,780,41
Anisométropie SM

0,940,39
Anisométropie |C|

0,550,33
Tab7b. RŽfraction du strabique.


Le profil réfractif confirme une moyenne hypermétropique significative. On constate relativement peu de différence avec l’ésotrope non amblyope. La différence entre œil dominant et œil dominé est essentiellement liée au cylindre.

Conclusion

L’amblyopie réfractive et l’amblyopie strabique présentent un profil nettement différent. Le strabique est caractérisé par une hypermétropie nettement significative. Les composantes cylindriques et anisométropiques bien qu’également significatives restent modérées. L’amblyope réfractif est pour sa part représenté par l’importance des facteurs cylindriques et anisométropiques.
Cette situation confirme totalement la prévision établie dans les facteurs de risque constatés lors de l’examen systématique.

Rôle des antécédents strabiques
Antécédents des enfants devenus strabiques

Sur 82 enfants ayant présenté un strabisme au cours du suivi, 39 présentaient un antécédent strabique (47,5%) pour les 3 degrés de parenté. Aucun antécédent n’était signalé pour 25 d’entre-eux (30,5%). Les 22% restants présentaient des antécédents réfractifs et en majorité des astigmatismes.

Devenir des enfants présentant un antécédent strabique

Sur la même série de 1962 enfants, il a été noté 378 antécédents de strabisme (19,3%). Sur ces enfants, 39 seulement ont présenté un strabisme (10,3%) et 60% n’ont présenté aucune anomalie réfractive.

Conclusion

Ces résultats confirment donc les constats antérieurs à savoir que le dépistage du strabisme effectué à partir de la seule notion de strabisme n’a aucun intérêt réellement préventif.

Conclusion
Références
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Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010