La Réfraction : la méthode du brouillard & le test duochrome Marie-Andrée Espinasse-Berrod
Introduction

Méthode de brouillard et test duochrome sont deux techniques subjectives d’appréciation de la réfraction. La méthode du brouillard permet de déterminer une anomalie réfractive. Le test duochrome permet de vérifier et éventuellement d’affiner une correction.

La méthode du brouillard

L’accommodation représente un piège qu’il faut à tout prix éviter, surtout chez l’enfant mais aussi chez l’adulte. Car elle masque une hypermétropie et expose au risque de prescrire une correction inadaptée si on néglige son rôle au cours de l’examen.

En théorie

La méthode du brouillard a pour but de neutraliser la tendance à accommoder en myopisant par une correction dépassant de plusieurs dioptries la puissance présumée de l’œil examiné. Cette manœuvre brouille les optotypes et met l’accommodation au repos. Ainsi, chez un sujet supposé emmétrope, un brouillard avec un verre convexe de +2,50  ∂ introduit un flou et une acuité visuelle de 1/10e. (Catros recommande de dépasser la correction normale de +4 à +8  ∂).
La figure n° 1 représente un œil emmétrope avec la lumière jaune se projetant au niveau rétinien, la vision étant normale sans accommodation. Une interposition de +2,50  ∂ entraîne une convergence anormale de la lumière et une acuité visuelle de 1/10
e chez le sujet emmétrope (figure n° 2).

En pratique
• Il faut pratiquer un brouillard en tenant compte de la correction présumée du sujet. Il est indispensable d’évaluer l’ordre de grandeur de l’amétropie avec, par exemple, la règle de Swain.
¬ Si l’acuité visuelle est d’au moins 7/10e
:
ø Le patient peut être hypermétrope de +0,25  ∂ (ou d’avantage en fonction de l’accommodation),
ø Ou le sujet peut être myope de -0,25  ∂.
¬ Si l’acuité visuelle de loin est égale à 5/10e
:
ø Le patient peut être hypermétrope de +0,50  ∂ (ou d’avantage en fonction de l’accommodation),
ø Ou le sujet peut être myope de -0,50  ∂.
¬ Si l’acuité visuelle de loin est égale à 3/10e
:
ø Le patient peut être hypermétrope de +1,25  ∂,
ø Ou le sujet peut être myope de -1,50  ∂.
¬ Si l’acuité visuelle initiale sans correction est égale à 1/10e
:
ø Le sujet peut être hypermétrope de +2,50  ∂,
ø Ou le sujet peut être myope de -2,50  ∂.
• Le verre sur correcteur à mettre en place sur la monture d’essai est ainsi mesuré en fonction de l’amétropie supposée. Si le sujet est supposé emmétrope, on va mettre dans la monture d’essai un verre de (+2,50  ∂). Si le patient est supposé myope, on va mettre dans la monture d’essai un verre de (+2,50  ∂ moins la myopie supposée), ce qui aboutira bien sûr au même brouillard visuel. Si le patient est supposé hypermétrope, on va ajouter +2,50  ∂ au degré d’hypermétropie présumée.
• Le verre déterminé est placé dans la monture d’essai pendant quelques minutes, puis on le remplace par un verre de puissance inférieure que l’on a placé préalablement dans la monture. Il ne faut pas en effet laisser l’œil dépourvu de correction. Ceci déclencherait aussitôt l’accommodation et pourrait annuler le bénéfice de la méthode. La diminution progressive du verre de 0,50 en 0,50  ∂ doit être effectuée de façon lente et calme jusqu’à la correction optique permettant l’acuité optimale. Alors seulement., l’astigmatisme sera corrigé.
• Exemples
:
¬ Acuité visuelle monoculaire égale à 3/10e
: myopie supposée de -1,50  ∂: sur correction de (+2,50  ∂ à -1,50  ∂) soit (+1  ∂): diminution de 0,50  ∂ en 0,50  ∂: verre concave minimal donnant la meilleure acuité;
¬ Acuité visuelle monoculaire égale à 3/10e
: sujet hypermétrope de +1  ∂: verre sur correcteur (+2,50  ∂ à +1  ∂) soit (+3  ∂ ou +4  ∂): débrouille de 0,50  ∂ en 0,50  ∂: verre convexe maximal donnant la meilleure acuité;
¬ Acuité visuelle monoculaire égale à 10/10e (hypermétrope + accommodation)
: verre sur correcteur +2,50  ∂: acuité visuelle de 3/10e (brouillard insuffisant): rajout d’un verre convexe: acuité de 1/10e brouillard satisfaisant.
• Il faut vérifier la réfraction en binoculaire. Pour cela le brouillage binoculaire de +0,75  ∂ permet de trouver le maximum convexe donnant la meilleure acuité.

Il faut démasquer l’hypermétropie par tous les moyens. Seule la cycloplégie peut permettre de lever avec certitude tout spasme accommodatif et donner la valeur de l’hypermétropie totale.

Le test duochrome
En théorie

La théorie du test duochrome repose sur le phénomène d’aberration chromatique. Le test duochrome est en effet une application de la loi physique en vertu de laquelle la réfraction d’un faisceau lumineux traversant un dioptre varie selon la longueur d’onde de la source lumineuse.
La lumière blanche est composée de différentes longueurs d’onde. Les plus courtes longueurs d’onde (à partir de 400 nm
: violet, bleu et vert) seront plus freinées au passage d’un milieu réfringent et leur foyer sera donc plus proche du cristallin. Par contre, les longueurs d’onde plus longues (en particulier autour de 750 nm: rouge) seront moins déviées par la lentille, avec un foyer plus éloigné du cristallin. Ainsi, un œil adapté à la lumière a son maximum de sa sensibilité dans le jaune de longueur d’onde 550 nm.
Chez le sujet emmétrope, le foyer du vert est légèrement en avant de la rétine et le foyer du rouge légèrement en arrière de la rétine (figure n° 3). C’est pourquoi un œil myope distinguera mieux un contraste dans le rouge (figure n° 4). Par contre l’œil hypermétrope étant plus court, c’est à l’inverse le foyer du vert qui sera le plus proche de la rétine avec donc un meilleur contraste dans le vert (figure n° 5).
Ce chromatisme de l’œil humain est utilisé pour vérifier si une correction optique déterminée par l’examen est satisfaisante ou au contraire perfectible.

En pratique
• Le test duochrome est constitué par des optotypes correspondant à 3 ou 4/10e vus en monoculaire et présentés simultanément sur fond rouge et sur fond vert grâce à des filtres colorés incorporés à un projecteur de test. Le patient portant sa correction optique, on lui demande dans quelle couleur les optotypes sont les mieux contrastés:
¬ Si le patient répond « identique  », il est emmétrope ou amétrope bien corrigé
;
¬ Si le patient répond « mieux dans le rouge  », il est myope sous corrigé ou hypermétrope sur corrigé et on rajoute des verres concaves par pas de -0,25  ∂ jusqu’à égalité des plages
;
¬ S’il répond « mieux dans le vert  », il est myope sur corrigé ou hypermétrope sous corrigé et on rajoute des verres convexes par pas de +0,25  ∂ jusqu’à égalité des plages.
• Mais, attention au risque d’accommoder et donc de répondre mieux dans le rouge. Si un sujet jeune myope voit mieux dans le rouge, il faut absolument rajouter temporairement +0,50  ∂ pour lever l’accommodation et si, quand on enlève la sur correction, le patient voit mieux dans le vert, il s’agissait bien d’une sur accommodation et la sur correction a permis de relâcher l’accommodation.
• En pratique, on sait que l’équilibre rouge-vert est l’extrême limite à ne pas dépasser et comme l’important est d’éviter une sur correction il vaut toujours mieux laisser le myope « mieux dans le rouge  » et l’hypermétrope « mieux dans le vert  ». Et le test duochrome permet de vérifier que l’on est très proche de la valeur minimale qui permet le changement de couleur donnant le meilleur contraste.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010