La vision de l'enfant : surveillance et moyens diagnostiques Guy Clergeau et Mireille Morvan
Le développement normal de la fonction visuelle et les manifestations de sa déficience font logiquement partie d’une surveillance programmée, en plusieurs étapes, et qui demande l’intervention systématique ou facultative d’un certain nombre de professionnels.

Le carnet de santé


Le guide-line de ce suivi est d’abord représenté par le carnet de santé. En ce qui concerne les items de surveillance de l’appareil visuel, on a pu constater 3 présentations différentes au cours des 15 dernières années.

La version antérieure à 1 995


Elle préconisait essentiellement l’examen à la naissance de l’état anatomique, des réflexes- photo moteurs et de la recherche des troubles oculomoteurs, strabisme et nystagmus. Au cours du 4e mois le même bilan est proposé, ainsi que la capacité à suivre les objets. Il n’y a pas de mention particulière pour l’ophtalmologie à 9 et 24 mois et c’est à 3-4 ans qu’apparaît l’évaluation de l’acuité aux tests morphoscopiques.

Entre 1 995 et 2 005


Les mêmes indications ont été reconduites les mêmes indications, mais la nouveauté est représentée par la notion d’évaluation visuelle, ce qui à 9 et 24 mois impliquait un examen en regard préférentiel et en particulier l’utilisation du bébé vision tropique.

La version postérieure à 2 005


Elle a repris de façon plus explicite les différents éléments du bilan visuel classique, en insistant plus précisément sur l’état cornéen (taille et transparence) à la recherche d’un glaucome congénital, sur l’état de la pupille et surtout de la qualité de la lueur pupillaire à la recherche d’opacités cristalliniennes ou de tumeur rétinienne. La principale nouveauté est la suppression de l’évaluation de l’acuité visuelle à 9 et 24 mois parce que la méthode a été expertisée comme non fiable en tant qu’examen de dépistage. Cette suppression n’a été remplacée par aucune autre proposition permettant une quelconque évaluation de la vision. La notion d’acuité n’apparaît donc qu’à partir de la 3e année, la notion de réfraction étant toujours absente.

Les examens PMI


Ils s’inscrivent naturellement dans la suite logique du carnet de santé et ne méritent pas de commentaire particulier, sinon pour rappeler que jusqu’à 5 à 6 ans les tests utilisables comme les dessins, ne sont pas aussi performants que les tests angulaires et qu’il peut y avoir une surévaluation de l’acuité réelle. La difficulté la plus fréquente reste celle de la fiabilité des réponses, soit par manque de coopération, soit par tricherie involontaire dans l’examen séparé des 2 yeux.

Le dépistage réfractif


L’importance du risque réfractif a été soulevée et prise en compte au Royaume-Uni à partir des années 70. Il s’est toutefois posé rapidement un problème de méthodologie qui comporte 2 aspects principaux : celui du type d’examen et celui de la pharmacologie.

Les techniques


Les examens tels qu’ils ont été pratiqués depuis la seconde moitié du XXe siècle reposaient essentiellement sur la technique dite de skiascopie. Le principe repose sur l’observation par l’opérateur du déplacement d’un faisceau lumineux projeté dans l’œil du sujet examiné. Le principe en est simple mais son application chez le nourrisson nécessite un minimum d’expérience et les opérateurs plutôt spécialisés dans ce domaine ne peuvent être en nombre suffisant. C’est donc un des motifs pour lesquels sont apparues dans les années 80 les techniques de photoréfraction qui analysent de façon humaine ou automatisée des clichés de la lueur pupillaire provoquée par flash d’appareil photographique ou de caméra. Progressivement ces techniques ont elles-mêmes été supplantées par des appareils entièrement automatisés utilisant des rayons infrarouges et qui sont qualifiés d’autoréfractomètres.

La pharmacologie


Le second problème, qui est en fait le plus important, est celui de la cycloplégie, nécessaire pour supprimer l’accommodation et obtenue avec des produits pharmacologiques de classe A qui ne peuvent être utilisés que sous contrôle médical et qui peuvent potentiellement comporter un risque vital, même si celui-ci est infime. C’est la raison pour laquelle le dépistage réfractif systématique s’est orienté rapidement vers l’absence de cycloplégie.
Or toute stimulation lumineuse, ou effort de fixation, entraîne une réaction accommodative. En conséquence, lorsque l’examen est réalisé en skiascopie, il faut se mettre dans des conditions de quasi-obscurité, ce qui ne résout pas totalement la question de l’accommodation ni le problème de l’examinateur expérimenté. Actuellement les examens réalisés en l’absence de cycloplégie le sont essentiellement en autoréfractométrie avec leurs modèles portables adaptés à l’examen du jeune enfant, avec ou sans contact avec cet enfant. Ces techniques, même en infra-rouges, comportent néanmoins un minimum d’accommodation et dont l’évaluation est aléatoire car variable selon les sujets. La conséquence est donc une nécessité d’apporter des correctifs dans les valeurs re-tenues pour définir les normes physiologiques.
Références
La bibliographie et un développement du sujet pourront être trouvés dans les ouvrages suivants :
  1. ANAES/Service recommandations et références professionnelles/Dépistage précoce des troubles de la fonction visuelle chez l’enfant pour prévenir l’amblyopie/Octobre 2 002.
  2. INSERM/Expertise Déficits visuels – Dépistage et prise en charge chez le jeune enfant/2 002
  3. Clergeau G. La réfraction de l’enfant. A & J Péchereau, éditeurs. Cahiers de sensorio-motricité. Nantes : FNRO Éditions ; 2 008 ; 380p.
Ces documents sont en lecture et en enregistrement libres sur le site : http://www.fnro.net/ (domaines : http:/www.strabisme.net/documents/ et http://www.larefraction.net/).

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010