La Réfraction : effets prismatiques de la correction optique Jean-Pierre Bonnac
Pièges ou remèdes

Prismes remède

Le prisme est un déviateur optique fort utile dans la mesure et le traitement de certains désordres oculomoteurs. Malgré tous ces avantages il est important de rappeler les propriétés physiques qui en limitent ses applications.

Puissance

Elle dépend de la position du prisme devant l’œil. La déviation minimum est obtenue quand les rayons incidents et réfractés se coupent dans le plan de la bissectrice de l’angle au sommet. Tous les prismes de mesure sont étalonnés par rapport au minimum de déviation (Jackson 1887) qui se vérifie quand la face arrière du prisme est parallèle au plan frontal orbitaire.
En pratique, lors de la réalisation d’une correction sphéro-prismatique, cette condition n’est jamais respectée pour des considérations esthétiques (figure n° 1) ce qui provoque une surcorrection prismatique. Pour des petites déviations prismatiques (< 8,00 ∆) l’erreur est négligeable par contre pour des valeurs supérieures, il est souhaitable de positionner le verre prismatique dans la lunette (figure n° 2) de façon à répartir l’épaisseur du verre de chaque côté de la monture. La répartition de 1/3 à l’extérieur de la monture et 2/3 à l’intérieur est en pratique un bon compromis.

Épaisseur

L’épaisseur à la base du prisme augmente avec l’effet prismatique et la grandeur du verre d’où l’intérêt de choisir des montures de petite dimension pour minimiser le poids des lunettes et l’effet disgracieux dû a l’épaisseur à la base du prisme.
Pour les déviations supérieures à 10  ∆ l’utilisation des prismes souples de Jampolsky est préférable malgré la perte d’acuité visuelle due à la transparence du matériau et la diminution du contraste des images occasionnée par la succession des microprismes.
Dans certains cas, il est possible d’associer les deux procédés
: correction sphéro-prismatique et prisme souple à condition de choisir des matériaux ayant des caractéristiques physiques voisines telles que le verre organique Orma indice 1,5 et constringence 58 et le prisme souple en PVC indice 1,52 constringence 59.

Distorsions

La variation de l’épaisseur d’un verre sphéro-prismatique et sa cambrure engendrent des distorsions des images (figure n° 3) qui déforment la perception de l’espace. Comparativement aux verres prismatiques conventionnels, Adams et collaborateurs (figure n° 4) ont étudié l’influence de ces différents facteurs et montrés tout l’intérêt de l’optique de Fresnel pour atténuer ces aberrations.

Chromatisme

Tout système optique prismatique possède la propriété de disperser les radiations lumineuses composant la lumière blanche. Il est donc déconseillé de réaliser des verres prismatiques dans des matériaux à haut indice et faible constringence pour ne pas altérer la perception des contrastes.

Réalisations

En optique lunetterie on réalise des effets prismatiques allant jusqu’à 12 dioptries prismatiques en verres unifocaux, multifocaux et progressifs.
Il est important de souligner que dans les verres multifocaux et progressifs l’effet prismatique est identique en VL et en VP. Pour obtenir une prismation différente en vision de loin et de près, il faut recourir à des verres bifocaux à la Franklin.

Prismes pièges

En optique aérienne, tout verre correcteur est un système prismatique associant deux prismes par la base dans les verres convexes et par le sommet dans les verres concaves.
Quand les lignes de regard d’un amétrope balayent la surface du verre correcteur, l’effet prismatique varie (figure n° 5). La valeur de l’effet prismatique en un point donné du verre correcteur est donnée par la formule de Prentice
:
∆ = dam * D.

•  ∆ = effet prismatique exprimé en dioptries prismatiques;
• D = puissance du verre
;
• dm = distance du point considéré au centre optique du verre.

Dans le cas d’anisométropie, la disparité des effets prismatiques provoque une anisophorie variable selon la direction du regard.
En vision de loin ces effets prismatiques sont peu gênants. Le sujet prend rapidement l’habitude de tourner la tête plus que les yeux. Par contre en vision de près la différence des effets prismatiques risque d’entraîner une fatigue visuelle pouvant aller jusqu’à l’apparition d’une diplopie ou d’une suppression.
Toutes ces perturbations motrices sont mises en évidence à l’aide du coordimètre de Hess-Weiss. C’est ainsi que l’on vérifie le degré d’adaptation du sujet à l’anisophorie induite par sa nouvelle correction.
Pour minimiser ces phénomènes prismatiques il est conseillé d’appareiller l’anisométrope avec des petites lunettes comportant une surface de verre réduite afin qu’il soit incité à n’utiliser que la zone centrale des verres où les effets prismatiques sont minimes.
Chez les sujets anisométropes presbytes, corrigés avec des verres multifocaux, l’étude de la différence des effets prismatiques verticaux induits dans le regard vers le bas est très importante.

Verres bifocaux

On assimile un verre double-foyer à deux verres correcteurs accolés et décentrés l’un par rapport à l’autre. En vision de près l’effet prismatique vertical est égal à la résultante des effets prismatiques verticaux du verre de vision de loin et du lenticule de vision de près. La grandeur de l’effet prismatique dépend de la forme du segment de vision de près. Ainsi, le verre bifocal segment courbe est préférable pour l’hypermétrope (figure n° 6) d’où son utilisation chez l’enfant. Le double-foyer segment droit (figure n° 7) convient mieux dans les cas de myopie résiduelle en vision de près.
Pour l’anisométrope astigmate, le choix du verre est plus complexe sachant qu’il faut rechercher le double-foyer procurant le minimum de disparité d’effet prismatique dans le passage vision de loin et de près. Si l’anisophorie loin-près est trop importante il faut recourir soit au verre bifocal à la Franklin soit neutraliser l’effet prismatique à l’aide d’un demi-prisme souple.
En règle générale, le choix du type de double-foyer doit s’effectuer en fonction de l’amétropie du sujet.

Verres progressifs

Dans un verre progressif la zone de vision de près se trouve excentrée à 15 mm environ en dessous du centre géométrique de vision de loin (figure n° 8). La valeur de l’effet prismatique au niveau de la zone de vision de près est approximativement égale à:
∆ = 1,5 * D.

• Exemple:
¬ OD
: +1,50 (+1,50 à 0°) Addition 2,00;
¬ OG
: +0,50 (+0,50 à 0°) Addition 2,00.
• Les puissances sphériques dans les méridiens verticaux sont respectivement
:
¬ OD
: +3,00;
¬ OG
: +1,00.

Soit une anisométropie verticale de 2,00 dioptries (figures n° 9 et 10) qui provoque une anisophorie de prés égale à:  ∆ = 1,5 * 2,00 = 3,00 dioptries prismatiques base supérieure.
Cet effet prismatique en vision de près explique certaines intolérances aux verres progressifs suite à un changement de puissance d’où l’intérêt, d’analyser chez le presbyte anisométrope ses capacités fusionnelles en vision de prés et dans le regard vers le bas.
Il existe d’autres cas où le choix du procédé de correction revêt une importance toute particulière si on veut préserver les possibilités fusionnelles de ces patients. Par exemple
:

• Soit un sujet non presbyte implanté unilatéralement suite à une cataracte traumatique que l’on souhaite appareiller avec un verre progressif sur l’œil opéré et un verre unifocal sur l’œil phake.
• Exemple
: OD Pseudophake: Plan/Addition 2,50 dioptries. OG: Phake + 2,00.

Les effets prismatiques de près sont de même sens et l’anisophorie est égale à 0,5 dioptrie prismatiques base supérieure ce qui est négligeable (figure n° 11) par contre, si l’œil phake est myope de -2,00 dioptries l’anisophorie verticale est supérieure à 4,00 dioptries (figure n° 12) prismatiques ce qui risque de s’avérer intolérable.
Le choix du procédé de correction de l’œil opéré doit se faire en fonction de l’amétropie de l’œil phake et nécessite chaque fois une étude particulière des effets prismatiques verticaux induits en vision de près.

Conclusion

Si le prisme est un instrument très utile pour les mesures, son application comme procédé de correction se limite à des déviations inférieures à 12  ∆ à cause des aberrations engendrées.
Enfin, il faut toujours se méfier des effets prismatiques « parasites  » occasionnés par les verres correcteurs lors d’un changement de réfraction et plus spécialement en présence d’une anisométropie car ils peuvent être à l’origine de l’apparition d’un désordre binoculaire en vision rapprochée.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010