La Réfraction : évolution de la réfraction Alain Péchereau
Introduction

Le but de ce travail est de suivre une population d’enfants dont la réfraction a été étudiée pendant une longue période de manière longitudinale. Cette étude nous permettra d’étudier les grandes évolutions des amétropies chez les sujets strabiques.
Pour regrouper un aussi grand nombre de patients, un certain nombre de confrères et collaborateurs (Docteur G  Clergeau, Docteur M Cordonnier, Professeur Cl Speeg-Schatz, Professeur MA Quéré, Mme  H Tessier, Docteur F  Oger-Lavenant, M.  D Lassalle & Mlle  V Capart) m’ont aidé dans cette tache, qu’ils en soient particulièrement remerciés.

Population

Elle comprend 520 strabiques portant leur Correction Optique Totale pendant toute la période de suivi.
La provenance de ces patients est la suivante
:

• Bruxelles: 15 (3  %);
• Nantes
: 321 (62  %);
• Paimpol
: 161 (31  %);
• Strasbourg
: 23 (4  %).

Les caractéristiques de cette population:

• Âge moyen: 8,7 ans ± 5,1 (mini: 0; Maxi: 46,6);
• Âge de première consultation
: 3,6 ans ± 2,9 (mini: 0; Maxi: 38,6);
• Durée de surveillance
: 11,7 ans ± 4,0 (mini: 4,7; Maxi: 23,7).

Tous les yeux ont été regroupés dans un seul ensemble.

La réfraction

Il a été réalisé un examen initial puis tous les ans pendant 10 ans. Le dernier bilan connu a toujours été pris en compte.
Il a été réalisé 7
775 examens sur un total théorique de 12480 (62,3  %).
Les cycloplégiques utilisés sont
:

• L’atropine: 476 (6,5  %);
• Le cyclopentolate
: 6653 (91,3  %);
• Autres cycloplégiques
: 156 (2,1  %).

Les méthodes d’examen utilisées sont:

• La réfractométrie automatique: 3691 (48  %);
• La skiascopie manuelle
: 3804 (49,5  %);
• La réfraction subjective
: 194 (2,5  %).
La puissance du cylindre
La puissance moyenne

Sur les 536 yeux présentant un astigmatisme en début et fin de suivi, l’évolution a été faible et statistiquement non significative. La puissance de l’astigmatisme peut être considérée comme une variable stable (figure n° 1 & tableau n° 1).


L’astigmatisme moyen (+ astigmatisme = 0)

Si nous prenons la totalité de la population y compris les astigmatismes nuls en début et en fin de suivi, l’évolution a été plus importante, quoique discrète, mais statistiquement significative. Un élément explicatif peut être proposé. La population initiale est la plus jeune et la plus étudiée en skiascopie classique. Pour cette raison, on peut penser qu’il y a pu y avoir une sous-estimation de la puissance de l’astigmatisme initial qui explique cette évolution (figure n° 2 & tableau n° 2).

L’axe du cylindre

L’évolution est statistiquement significative mais faible. Le même correctif que pour la puissance du cylindre (cf. supra) peut être proposé. La permanence l’emporte sur l’évolution (figure n° 3 & tableau n° 3).

La sphère
Évolution en fonction des examens

Deux faits sont à souligner (figure n° 4 & tableau n° 4):

• La faible hypermétropie initiale de cette population strabique;
• La faible évolution de l’amétropie (une demi-dioptrie en 10 ans). Là encore, la stabilité l’emporte sur la variabilité, mais nous allons voir qu’il existe des évolutions différentes suivant l’importance de l’amétropie.
Évolution en fonction du bilan initial

L’évolution des amétropies suit une tendance négative pour tous les groupes étudiés. Cette évolution est peu ou pas significative pour les myopies et l’hypermétropie faible. Elle est significative et de plus en plus importante en fonction de l’importance de l’hypermétropie. Le port de la correction optique totale semble avoir deux effets bénéfiques et paradoxaux (figure n° 5 & tableau n° 5):

• Pour les fortes hypermétropies, ce port n’a pas empêché une évolution favorable et d’autant plus favorable que l’amétropie était forte;
• Pour les myopies, le port de la correction optique totale semble avoir entraîné une évolution très faible de celle-ci.
En fonction du bilan final

L’évolution des amétropies en fonction du bilan final montre un tableau plus contrasté (figure n° 6 & tableau n° 6):

• Une variation dans la répartition des amétropies (Chi-Carré: 21,6; P-Value: 0,0006);
• Une tendance a l’aggravation des amétropies. Plus les amétropies sont importantes, plus elles se sont aggravées
;
• Une augmentation relative des amétropies fortes probablement liée à deux phénomènes
:
¬ L’augmentation de la population myopique est probablement d’origine génétique
;
¬ L’augmentation des hypermétropies fortes est liée à la difficulté de dégorger l’hypermétropie latente malgré les cycloplégies répétées et le port de la correction optique totale.
Évolution de la sphère en fonction de l’âge
Population globale

L’évolution de l’amétropie suit une évolution qui avait été décrite, il y a de nombreuses années: augmentation jusqu’à l’âge de 5 à 6 ans puis diminution progressive. Cependant, notre étude montre une amplitude d’évolution beaucoup plus réduite (écart maximum entre les moyennes de 5 à 6 ans et de 20 ans d’une dioptrie trois-quarts) (figure n° 7 & tableau n° 7).

Évolution en fonction de l’âge (inférieur ou supérieur à 4 ans)

Sur le graphique, on peut voir la symétrie des courbes d’évolution de l’amétropie en fonction de l’âge lors du bilan initial: avant et après 4 ans (figure 8).
Cette superposition des courbes laisse supposer que le port de la correction optique totale n’a pas ou peu d’influence sur l’évolution de l’amétropie.

Évolution de la population d’âge inférieur à 2 ans (bilan initial)
En fonction du bilan initial

On peut constater (tableau n° 8) une amélioration de l’amétropie de tous les groupes. Les myopies et les hypermétropies diminuent. Cette évolution est d’autant plus importante que l’amétropie est forte.

En fonction du bilan final

Ici, l’évolution est inverse (tableau n° 9). Plus l’amétropie finale est importante, plus l’évolution dans le sens de l’aggravation est importante.

Évolution de la population d’âge inférieur à 1 an (bilan initial)
En fonction du bilan initial

(Tableau n° 10)

En fonction du bilan final

Les conclusions, pour le groupe des moins de 1 an sont parfaitement superposables au groupe des moins de 2 ans et à la population générale (tableau n° 11).

En fonction de l’Angle

Sur ce tableau, on pourrait croire que, dans la population globale, les strabismes divergents voient leurs amétropies évoluées de façon plus importantes que les strabismes divergents. Cependant, l’étude de l’âge montre que les strabismes convergents sont plus jeunes que les strabismes divergents et de façon statistiquement significative. De ce fait, la comparaison n’est plus possible.
C’est pourquoi nous avons créé deux populations d’âge et de nombre identiques par tirage au sort. L’étude statistique montre que l’évolution de l’amétropie est identique dans les deux groupes (figure n° 9).

Conclusion

Dans cette population de 520 patients dont la durée de surveillance (11,7 ans) est une des plus longue connue, un certain nombre de faits doivent être soulignés:

• Une hypermétropie moyenne faible: 2,00  ∂;
• Une évolution faible
: 0,45  ∂;
• Une amétropie moyenne maximum vers 5 à 6 ans
;
• Une décroissance lente régulière
;
• Une évolution identique quel que soit l’âge de prise en charge (Effet de la COT
?);
• Une évolution différente suivant l’amétropie finale
;
• Une différence d’amétropie suivant la déviation
;
• Une évolution identique suivant la déviation.

Cet ensemble semble indiquer que le poids des facteurs génétiques est l’élément le plus important et que les facteurs d’environnement semblent n’avoir qu’une influence aux marges. Par ailleurs, à la question si souvent posée par les parents: « Portera-t-il des lunettes toute sa vie?  » L’ophtalmologiste et l’orthoptiste doivent insister sur la permanence de l’amétropie plutôt que sur sa variabilité.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010