Réfraction de l'Enfant : Les amétropies Guy Clergeau
Les amétropies représentent le contingent non physiologique de la réfraction. En termes d’optique physique il s’agit de toutes les situations ne correspondant pas à l’emmétropie stricte. Sur le plan pratique ophtalmologique elles sont en fait délimitées par les normes précédemment établies de la normalité fonctionnelle. Il est toutefois important de souligner que la limite entre physiologie et pathologie n’est pas tirée au cordeau. En raison des possibles variations individuelles et surtout d’un degré incompressible des incertitudes de mesures (~0,25  ∂ pour la sphère et 0,50  ∂ pour le cylindre) on doit plutôt parler de zone de transition.
Enfin et surtout la définition d’amétropie fonctionnelle peut elle-même être subdivisée en 2 aspects :
  • D’une part les « amétropies simples  » qui entraînent des perturbations sensorielles spontanément ou rapidement réversibles avec le seul port de la correction optique.
  • D’autre part les « amétropies amblyogènes et strabogènes  » correspondant aux facteurs de risque, et qui nécessitent généralement une correction précoce, souvent totale et avec au besoin un traitement optique en complément.
Dans le cadre du strabisme, la règle est de donner la correction optique totale, toute amétropie pouvant influer sur l’angle sans proportionnalité de degré. Il est alors habituel de parler d’amétropie significative et non significative en référence à la description précédente dont nous avons évoqué l’imprécision. En conséquence dans cette pathologie, hormis l’emmétropie stricte, toute réfraction est considérée comme une amétropie.
Si la limite entre réfraction physiologique et non physiologique fait pratiquement l’unanimité, il n’en est pas obligatoirement de même pour la classification des amétropies. Il est habituel de parler d’amétropies modérées, significatives, fortes ou très fortes mais à notre connaissance aucun auteur n’a proposé de référence chiffrée pour ces différentes dénominations. De plus il n’est pas tenu compte du fait que les référentiels en question puissent évoluer parallèlement au resserrement des données physiologiques en rapport avec l’emmétropisation. Pour essayer de résoudre ce problème nous avions proposé d’utiliser le caractère gaussien de la distribution des réfractions chez l’enfant (Clergeau [4]). Il se trouve en effet que la valeur supérieure de 1 écart-type correspond à 9 mois à la valeur critique de +3,50  ∂. La valeur de 2 écart-types correspond à une hypermétropie de +5,00  ∂ que l’on peut qualifier de forte et celle de 3 écart-types à une hypermétropie de +6,50  ∂, qui peut être considérée comme la frontière des très fortes hypermétropies. Mais 2 constats viennent contrarier cette description. Tout d’abord, dans le domaine général de la biologie et entre autres celui de la pédiatrie il est considéré que les limites des données physiologiques se situent aux percentiles 90 ou 95, soit environ 2 à 3 écart-types. Or il est évident que l’incidence fonctionnelle du poids ou de la taille d’un nourrisson n’est pas du même ordre qu’une variation notable de la réfraction. Le second point dérangeant est que la valeur inférieure d’un écart-type est de l’ordre de +0,40  ∂ et celle de 2 écart-types de seulement -1,25  ∂, valeurs que nous avons vu être considérées comme fonctionnellement physiologiques. Il existe donc une asymétrie flagrante pour l’interprétation de la courbe gaussienne. Celle-ci nous donne une description rigoureuse de l’anatomie optique (via la skiascopie) qui a son intérêt propre mais qui n’est finalement pas utilisable pour définir les amétropies fonctionnelles et en particulier leur épidémiologie (Clergeau [5]). Ces constats nous ont donc amenés à formuler de nouvelles normes. Les tableaux 3a, 3b, 3c comportent des valeurs à la fois empiriques et arbitraires mais qui nous ont paru être le meilleur compromis possible entre l’évolution du risque réfractif en fonction de la progression de l’emmétropisation et la valeur que l’on entend prêter aux différents qualificatifs des degrés d’amétropies. Une classification commune a été adoptée ici pour les paramètres sphériques, sphère de base et sphère méridienne. Toutefois dans nos chapitres concernant l’évolution réfractive nous avons exprimé un décalage de 0,75 dioptrie entre les 2 paramètres pour tenir compte de l’astigmatisme physiologique moyen. On remarquera par ailleurs que les fortes myopies commencent à -4,50  ∂, la valeur généralement adoptée étant plutôt de -6 dioptries. Nous verrons dans le chapitre de l’analyse gaussienne que ces fortes myopies doivent être en fait considérées comme pathologiques et à ce titre doivent être étudiées à part.
Tab 3a. Classification des amétropies sphériques.
9 mois2 ans3 ans5 ans 1/27 ans10 ans
Amétropie +3> +6,50 ∂> +6,50 ∂> +6,50 ∂> +6,50 ∂> +6,50 ∂> +6,50 ∂
Amétropie +2+5,25/+6,50 ∂+5,25/+6,50 ∂+5,00/6,50 ∂+4,75/+6,50 ∂+4,50/+6,50 ∂+4,25/+6,50 ∂
Amétropie +1+3,75/+5,00 ∂+3,75/+5,00 ∂+3,25/+4,75 ∂+3,00/+4,50 ∂+2,50/+4,25 ∂+2,25/+4,00 ∂
Physiologie-1,50/+3,50 ∂-1,00/+3,50 ∂-0,50/+3,00 ∂0/+2,75 ∂0/+2,25 ∂0/+2,00 ∂
Amétropie -1-3,00/-1,75 ∂-2,50/-1,25 ∂-2,25/-0,75 ∂-2,00/-0,25 ∂-2,00/-0,25 ∂-2,00/-0,25 ∂
Amétropie -24,50/-3,25 ∂-4,50/-2,75 ∂-4,50/-2,50 ∂-4,50/-2,25 ∂-4,50/-2,25 ∂-4,50/-2,25 ∂
Amétropie -3< -4,50 ∂< -4,50 ∂< -4,50 ∂< -4,50 ∂< -4,50 ∂< -4,50 ∂

Tab 3b. Classification des amétropies cylindriques.
Cylindre abs.9 mois2 ans3 ans5 ans 1/27 ans10 ans
Amétropie 3> 3,75  ∂> 3,75  ∂> 3,75  ∂> 3,75  ∂> 3,75  ∂> 3,75  ∂
Amétropie 23,00/3,75 ∂2,75/3,75 ∂2,50/3,75 ∂2,25/3,75 ∂2,25/3,75 ∂2,25/3,75 ∂
Amétropie 12,00/2,75 ∂1,50/2,50 ∂1,00/2,25 ∂0,75/2,00 ∂0,75/2,00 ∂0,75/2,00 ∂
Physiologie0/1,75  ∂0/1,25 ∂0/0,75 ∂0/0,50 ∂0/0,50 ∂0/0,50 ∂

Tab 3c. Classification des anisométropies.
Anisométropie9 mois2 ans3 ans5 ans 1/27 ans10 ans
Amétropie 3> 2,50  ∂> 2,50  ∂> 2,50  ∂> 2,50  ∂> 2,50  ∂> 2,50  ∂
Amétropie 22,00/2,50 ∂1,75/2,50 ∂1,75/2,50 ∂1,75/2,50 ∂1,75/2,50 ∂1,75/2,50 ∂
Amétropie 11,25/1,75 ∂1,00/1,50 ∂1,00/1,50 ∂0,75/1,50 ∂0,75/1,50 ∂0,75/1,50 ∂
Physiologie0/1,00  ∂0/0,75 ∂0/0,75 ∂0/0,50 ∂
0/0,50 ∂0/0,50 ∂

Références
  1. Abrahamson M, Fabian G, Sjöstrand J. A longitudinal study of a population based sample of astigmatic children : I. Refraction and amblyopia. Acta Ophthalmol (Copenh). 1 990 ; 68 : 428-34.
  2. Atkinson J, Braddick OJ, Bobier W & al. Two infant vision screening programmes : prediction and prevention of strabismus and amblyopia from photo-and-video refractive screening. Eye. 1 996 ; 10 : 189-98.
  3. Brown EVL. Net average yearly change in refraction of atropinized eyes from birth to beyond middle age. Arch Ophthalmol 1 938 ; 19 : 719-34.
  4. Clergeau G. Évolution des amétropies. In : A & J Péchereau, éditeurs. La réfraction. Cahiers de sensorio-motricité. Nantes : FNRO éditions ; 2 000, p. 57-63.
  5. Clergeau G. Épidémiologie des amétropies. Description et Évolution. In : La vision de l’enfant de la naissance à la lecture. Ed : AFPSSU Paris ; 2 001, p. 33-43.
  6. Ingram RM. Refraction as a basis for screening children for squint and amblyopia. Br J Ophthalmol. 1 977 ; 61 : 8-15.
  7. 7. Slataper FJ. Age norms of refraction and vision. Arch Ophthalmol. 1 950 ; 43 : 466-481.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010