Réfraction de près (étude du PPA) Charles Rémy
Position du problème

L’œil est un appareil d’optique (dans sa partie transmission) qui permet de voir à différentes distances grâce à un processus appelé accommodation.
Ainsi la vision s’effectue entre un point net éloigné (punctum remotum) et un point net rapproché (punctum proximum)
; entre les deux s’étend l’amplitude accommodative ou profondeur de champ (figure n° 1).
La position des punctums proximum et remotum varie selon l’âge et l’amétropie de l’œil.
Le remotum normalement situé à l’infini est vu sans effort accommodatif
; sa position varie en cas d’amétropie, rapprochée chez le myope, virtuelle chez l’hypermétrope en arrière de l’œil.
Le proximum est vu après l’effort accommodatif maximal développé par l’œil. Il s’éloigne naturellement avec l’âge, c’est la presbytie (πρεσβυσ
: vieux, οψισ: vue).
L’accommodation comprend l’accommodation vraie liée à une véritable variation de la puissance optique de l’œil (figure n° 2), et la pseudo-accommodation liée à des « astuces optiques  ».

La pseudo-accommodation est secondaire
Le déplacement transversal

Le déplacement transversal de l’image est lié au grain, c’est-à-dire au pouvoir de définition de la plaque sensible, pellicule photographique ou rétine (figure n° 3).
La tolérance de netteté est une tache de diffusion sur la rétine qui doit être inférieure au grain.
Le gain d’accommodation pour une distance de visée d’un mètre, un myosis de 2 mm, chez un sujet emmétrope, serait de 0,37 dioptrie.

Le déplacement longitudinal

Le déplacement longitudinal de l’image obéit à la loi de Newton et est lié au déplacement de l’image dans l’épaisseur de la rétine.
La variation de pseudo-accommodation serait dans ces conditions de 0,20 dioptrie.
Au total la pseudo-accommodation fournit une bonne demie dioptrie.

L’accommodation vraie proprement dite

Chez l’homme, elle est en rapport avec la contraction du muscle ciliaire. Elle est un phénomène réflexe mais partiellement dissociable. Elle est déclenchée par le flou rétinien, entraînant une modification de la puissance du cristallin (Helmholtz).
Ainsi, la triade accommodative, sous la dépendance du parasympathique et la troisième paire crânienne, assure la vision de près avec myosis (optimum 2 mm), la convergence (aspect binoculaire, stéréoscopie) et augmente la puissance cristallinienne par contraction du muscle ciliaire.
Le déclenchement de l’accommodation est lié au flou rétinien.
Le « flou  » rétinien, source d’inconfort visuel, provoque un réflexe de mise au point par l’accommodation, en cas de vision de près ou d’hypermétropie
; chez l’astigmate, la recherche de la focale verticale provoque la moindre accommodation.

Les variations physiologiques de la position du PPA

Elles sont secondaires à l’âge, c’est la presbytie.
La réserve accommodative, capacité du sujet à accommoder, se définit en dioptries comme la différence entre les proximités du remotum et du proximum; elle diminue avec l’âge (tableau n° 1). La proximité du remotum étant nulle chez l’emmétrope (car à l’infini), la réserve accommodative se réduit à la proximité du proximum.
NB. On appelle proximité exprimée en dioptries l’inverse d’une distance exprimée en mètres (Monoyer).
Des appareils, comme la barre de Behrens, mesurent ces trois variables. La confrontation entre âges accommodatif et chronologique révèle parfois une hypermétropie latente.
Pour être confortable, un effort naturel ne doit pas dépasser le tiers de sa capacité maximale. En conséquence, tout effort accommodatif ne doit pas être supérieur au tiers de la réserve accommodative, sinon il se déclenche une
asthénopie ou fatigue visuelle.
Ainsi un enfant de dix ans (RA = 12  ∂) lira à 25 cm (PPA = 4  ∂) sans fatigue tandis qu’un adulte de quarante ans (RA = 5  ∂) fatiguera en lecture prolongée à 40 cm (PPA = 2,5  ∂).
Ce surcroît d’effort accommodatif avec l’âge rend compte de la survenue des strabismes accommodatifs par la décompensation de la relation accommodation convergence.

Les variations pathologiques de la position du PPA

Elles sont secondaires à l’amétropie et à son mode de correction (figure n° 4).

L’amétropie modifie la position du remotum et du proximum

La position du remotum reflète la nature de l’amétropie: réelle et située devant l’œil chez le myope, virtuelle en arrière de la rétine chez l’hypermétrope.
Un œil myope de deux dioptries voit flou au-delà de cinquante centimètres
; sa réserve accommodative restant identique, son PPA en sera d’autant plus rapprochée: le myope voit très bien de près quel que soit son âge.
Exemple
: un myope de quatre dioptries âgé de 40 ans à un PR à 25 cm, conserve une RA de 5  ∂ donc un PPA à 9  ∂ ou 11 cm.
Un hypermétrope de 40 ans sera par contre plus gêné
: une hypermétropie de 2  ∂ place son PR à 50 cm en arrière de l’œil, sa RA étant de 5  ∂, il ne pourra accommoder que de 3  ∂ en vision de près et son PPA ne descendra pas en dessous de 33 cm. En vieillissant le PPA rejoignant le PR, il n’aura plus aucune zone de vision nette.
NB. Le maintien de la RA est subordonné au port de la correction; le myope paresseux qui ne porte pas ses lunettes en vision de près, ruine sa réserve et éprouvera des difficultés à lire de près dès qu’il portera ses lunettes, tel un hypoaccommodatif. Par contre l’hypermétrope non corrigé, toujours sollicité davantage pour accommoder, aura un muscle ciliaire plus développé que la normale (hyperaccommodatif).

Les variations de position du punctum proximum

Elles sont liées au mode de correction optique induit par la distance verre/œil.
D’après la figure n° 5, l’amplitude d’accommodation d’un œil myope non corrigé se fait entre son punctum proximum et son punctum remotum, tous deux à une distance finie.
Après correction, le punctum remotum est toujours repoussé à l’infini et il coïncide avec le foyer image de la lentille.
La position du punctum proximum varie selon le type de correction. Avec une correction de contact qui supprime la distance verre œil, il est en A
2; après correction aérienne, il se rapproche en A1.
La distance A
1A2 se calcule:
A1A2 = (2×A×d)/RA
Où A est l’amétropie, d la distance verre œil, et RA la réserve accommodative.
La réserve accommodative est égale à (1/PP) -A, 1/PP étant la proximité du punctum proximum (inverse de sa distance métrique).
La puissance réelle du verre s’écrit
: A/(1 -A×d).
La position du punctum proximum varie en fonction de l’éloignement de la correction
: une application immédiate est l’éloignement de la correction optique de loin, positive ou négative, que réalisent spontanément les amétropes forts pour lire de près sans addition.
La figure n° 6 montre la position de l’image sur la rétine d’un objet à l’infini chez un aphaque équipé d’une correction aérienne de +10  ∂.
La figure n° 7 montre que si le verre correcteur s’éloigne de l’œil, l’image se décale en avant de la rétine « myopisant  » l’ensemble verre/œil. Dans ce cas, il est nécessaire de rapprocher l’objet pour que celui forme son image sur la rétine.
L’efficacité est très forte puisque dans une aphaquie non implantée, le punctum proximum (qui est également un PR) peut s’avancer à 15 cm de l’œil pour un éloignement de 2 cm d’un verre correcteur de 10  ∂.
Le foyer F’
2 glisse en avant en F˝2, et la distance de vision D, après simplification, est telle que:
D = 1/PL×PK× ∂d
Avec PL puissance de la lentille et PK puissance de la cornée,  ∂d est la variation d’éloignement.
Ainsi l’image se rapproche si le verre correcteur s’éloigne (figure n° 7).
Rappelons qu’en matière de distance verre œil, il faut bien distinguer:

• La modification de la puissance apparente d’un verre de puissance P lors d’un éloignement  ∂d:

∂P = -P2× ∂d (différentielle de d = 1/P);

• De la modification de l’espace accommodatif, c’est-à-dire le déplacement du punctum proximum:

∂PP = 2A×d/RA.

PPA et vision binoculaire

Le sujet, qui utilise une vision binoculaire normale, fait converger ses yeux sur l’objet fixé. Là encore cet effort de convergence ne doit pas excéder le tiers de sa capacité globale; il est très pénible de converger longtemps à 15 cm pour un myope de six dioptries même s’il n’accommode pas. Ainsi pour lutter contre cette asthénopie accommodative, il renonce à toute convergence et se met à diverger.

Chez le sujet emmétrope

Chez le sujet emmétrope qui a la chance de posséder une bonne vision binoculaire, il s’établit une relation harmonieuse entre l’accommodation (vision nette de près) et la convergence (vision simple et stéréoscopique de près): c’est la base de la relation accommodation convergence.

Chez l’amétrope

Chez l’amétrope, cette relation est modifiée par le mode de correction, aérienne ou de contact, par les effets prismatiques et la distance verre/œil.
Le presbyomètre de Bonnac, dissociant en partie la vision binoculaire de près par une barre verticale interposée entre le texte de lecture et les yeux, apprécie l’équilibre de lecture binoculaire en vision de près.

Chez l’anisométrope

Chez l’anisométrope, la correction de près se double de l’aniséïconie et de l’effet prismatique du verre.
L’aniséïconie a été traitée au chapitre
L’effet prismatique du verre est lié au décentrement
; à addition égale, lorsque la correction de base est trop différente d’un œil à l’autre, l’effet prismatique induit par le décentrement de la ligne de visée est inégal et induit une phorie verticale, source d’asthénopie fusionnelle.
Dans les verres à double foyer, une solution est apportée par l’adjonction d’un prisme évitant de surcroît le sursaut lors du passage de la ligne de jonction (cf. schéma).

La relation accommodation convergence
• Syncinésie complexe partiellement dissociable: on peut accommoder sans converger (verres négatifs), et converger sans accommoder (prismes); la fusion et la stéréoscopie restaurent la rectitude.
• Les méthodes de mesure du rapport AC/A (ou mieux de la relation convergence/accommodation, car cette fonction n’est pas une constante) nécessitent le plus souvent une CRN
; citons pour mémoire:
¬ La courbe de Donders,
¬ L’hétérophorie loin/près,
¬ La méthode du gradient,
¬ La disparité de fixation de Ogle,
¬ L’ACA mètre de Bérard.
La variation des résultats s’explique par des conditions expérimentales de mesure différentes ainsi que par l’inconstance du rapport AC/A.
L’« angle métrique  » ou inverse d’une distance, est une unité discutable qui exprime l’angle de convergence en fonction de l’écart interpupillaire.
• Le « cran accommodatif  » traduit l’adaptation de la relation C/A chez l’amétrope et chez le presbyte selon leur correction
;
• Les variations du rapport C/A
:
¬ Physiologiques
:
ø Chez l’amétrope en fonction de la correction
ø Les myotiques le diminuent et les cycloplégiques brefs l’augmentent, l’orthoptie ne le modifie pas
;
¬ Pathologiques
:
ø Les hypercinétiques correspondent à une hyperstimulation de la convergence pour une accommodation donnée
; leur rapport AC/A est augmenté par augmentation de la quantité AC,
ø Les hypoaccommodatifs comportent, dans la genèse du strabisme qui apparaît, comme une inadaptabilité du cran accommodatif à la convergence
; leur rapport AC/A est augmenté par diminution de la quantité A; une mesure de la distance de leur punctum proximum accommodatif à la barre de Behrens peut les dépister.
Cette distinction peut relever du sophisme pour certains dans la mesure où tout presbyte devenant par définition hypoaccommodatif devrait loucher en vision de près.

La notion de proximité égocentrique (Hofmann) rend compte des convergences de près en dehors de toute perturbation accommodative.

Détermination de la réfraction de près

Pour ceci, il faut:

• Connaître la réfraction de loin
• Connaître la qualité binoculaire, stéréoscopie et amplitude de convergence.
• Déterminer l’addition en fonction de plusieurs paramètres (tableau n° 2)
:
¬ L’âge
: +1,5  ∂ à 45 ans, +2  ∂ à 50 ans, +2,50  ∂ à 60 et +3  ∂ à 65 ans. Ces chiffres ne sont qu’indicatifs. Une addition de +3  ∂ fait lire à 33 cm donc converger à cette distance; l’effort de convergence ne doit pas être trop important pour reste confortable (ne pas demander plus d’un tiers de la capacité totale) donc connaître l’amplitude de convergence serait l’idéal.
Une addition de +2,50 fait lire à 40 cm dont converger à cette distance.
¬ Le besoin de l’addition, simple lecture, travail de précision (couture, bijouterie)
; dans ce cas l’addition sera plus importante.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010