Introduction
L’environnement est souvent accusé des pires maux, qu’en est-il vis-à-vis de l’amétropie ? Nous devons d’abord essayer de définir l’environnement de l’homme : d’après le Larousse l’environnement est l’ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques, naturels ou artificiels qui entoure un être humain. Nous éliminerons de nos propos les conséquences de la chirurgie réfractive et des diverses pathologies iatrogènes.
La revue bibliographique nous renseigne presque exclusivement sur la myopie mais elle est souvent peu exigeante sur les critères que l’on serait en droit d’exiger pour affirmer ou soupçonner le rôle de l’environnement sur l’amétropie. Les critères objectifs sont les variations de la longueur axiale du globe et/ou les variations de la réfraction sous cycloplégiques.
Enfin nous n’avons constaté presque exclusivement que des effets négatifs de l’environnement sur l’amétropie.
Nous avons retenu comme facteurs environnementaux : les médicaments, la vie scolaire et ses contraintes (vision de près et éclairage), la vie professionnelle (vision de près et lumière artificielle), le stress et le psychisme, le niveau social et la nutrition. Ces facteurs ont souvent en commun l’utilisation intensive de la vision de près.
Les substances chimiques
Nous avons retenu deux études :
• La première rapporte les effets de l’apomorphine sur la longueur axiale du globe de jeunes singes dont les yeux sont mis en conditions favorables pour devenir myopes (vision rendue floue monoculairement par des verres de contact). On instille à un groupe de singes des gouttes d’apomorphine et l’on constate que dans ce groupe la croissance excessive du globe, donc la myopie axile, est retardée.
• La seconde étude est effectuée sur des poulets chez lesquels on a créé une myopie par déprivation. Dans leur rétine on constate que la dopamine et ses métabolites sont en quantité réduite par rapport au groupe contrôle. En administrant localement des antagonistes de la dopamine on constate que la croissance axiale du globe est réduite, mais pas la croissance équatoriale dont le mécanisme reste inconnu.
Aucune étude de ce type n’a été réalisée chez l’homme.
La vie scolaire et ses contraintes
Plusieurs études accusent la surutilisation de la vision de près et l’éclairage non approprié dans la survenue de la myopie ou son accentuation chez les enfants en période scolaire. Le stress est également accusé. Mais les avis divergent parfois :
• Une étude japonaise (3) portant sur des enfants de 11-12 ans trouve que leur myopie est plus en rapport avec la myopie parentale et l’âge des parents à la naissance des enfants (> 30 ans) qu’avec l’environnement.
À l’inverse un éclairage inadéquat provoquerait une fatigabilité de l’œil favorisant le développement de la myopie (4).
• Dans une étude danoise (5) le facteur accommodatif est minimisé par des verres bifocaux et l’instillation de timolol, la différence avec le groupe témoins n’est pas significative sur la réduction de l’évolution de la myopie. En fait les auteurs considèrent que le facteur le plus important est le « stress oculaire » engendré par les conditions contraignantes d’apprentissage scolaire.
Utilisation intensive de vision de près
Les études citant l’utilisation intensive de la vision de près comme facteurs favorisant l’installation et l’accroissement de la myopie ne sont pas toujours très explicites sur la détermination de cette dernière.
Une étude norvégienne (6), dans laquelle la myopie est vérifiée sous cycloplégie, conclut que le travail prolongé en vision de près peut induire une myopie ou favoriser sa progression chez de jeunes adultes.
Vie professionnelle et conditions de travail
De plusieurs études de pays divers il ressort que la vision précise, donc faisant appel à l’accommodation intensive, est l’accusée principale dans la survenue ou l’accentuation de la myopie :
• Une étude norvégienne (7) chez des ouvrières du textile travaillant en permanence en vision à 30 cm montre la survenue d’une myopie de - 2,56 dioptries en moyenne (contrôle sous cycloplégie) alors qu’avant 20 ans elles ne présentaient pas ou peu d’amétropie. Le groupe contrôle, quant à lui, ne présente pas de myopie et reste à + 1,19 dioptrie en moyenne.
• Une étude galloise (8) trouve la même prévalence myopique chez des sujets travaillant sous microscope et constate que leur myopie s’accompagne d’un allongement de la cavité vitréenne.
• Enfin dans une étude russe (9) il est constaté une augmentation de la myopie chez des femmes triant des pierres précieuses par rapport à un groupe témoins.
Les avis divergent quant aux écrans vidéos, dans une étude malaise (10) aucune différence significative n’est retrouvée sur l’incidence de la myopie entre le groupe travaillant sur écran et celui qui dans le même bureau n’y travaille pas. Dans l’étude italienne (11) il est question de « myopisation » après un travail prolongé sur écran vidéo mais la cycloplégie ne semble pas avoir été utilisée et l’on peut penser qu’il s’agit de spasmes myopiques.
Psychisme et stress
Une étude italienne (12) faite chez 57 étudiants suggère que le stress certes ne provoque pas la survenue de la myopie mais semble accélérer sa progression et ce d’autant plus qu’une sous-correction optique existe.
Niveau d’éducation
Par le rôle prépondérant donné à la vision de près il est impliqué dans les variations réfractives. Une étude finlandaise (13) de 466 sujets de 26 et 46 ans retrouve plus de myopie chez les jeunes de 26 ans que dans le groupe des 46 ans et le taux de myopie est significativement plus élevé chez les sujets ayant eu une éducation plus poussée.
Nutrition
• Des auteurs de Hong-Kong (14) comparent les apports nutritifs et vitaminés (et oligoéléments) de 2 groupes d’enfants : dans un groupe la myopie est survenue entre 7 et 10 ans et dans l’autre elle n’est pas présente à 10 ans : ils constatent qu’existe une différence significative entre les apports énergétiques de chaque groupe, dans le groupe des myopes les apports énergétiques sont plus faibles, les différences ne se manifestent pas sur le développement corporel de ces enfants.
• Une étude anglaise (15) suggère que l’hyperglycémie favoriserait l’hypermétropie mais cette étude porte sur un petit nombre de patients adultes.
Correction optique totale
De nombreux modèles expérimentaux de myopie sont obtenus en induisant chez divers animaux un flou visuel. On est en droit d’en déduire que la correction optique totale (COT) de la myopie infantile est capitale pour en ralentir sa progression, plus l’image est nette moins la myopie est stimulée, cela rejoint la constatation, déjà ancienne, que les lentilles ralentissent la progression de la myopie puisqu’elles assurent une meilleure définition de l’image.
Effets favorables de l’environnement
Nous avons vu tous les effets néfastes de l’environnement sur l’amétropie, en modifiant cet environnement nous pouvons peut-être limiter ses effets négatifs.
Nous avons cité l’effet du stress comme pouvant favoriser l’installation de la myopie, les techniques visant à diminuer le stress seront donc les bienvenues. Deux études italiennes (16) (17) utilisant le biofeedback training constatent non pas une diminution de la myopie mais une diminution de la gêne due à cette myopie.
Parmi les techniques antistress nous pourrons citer le yoga et la sophrologie qui auront les mêmes effets.
Conclusion
Nous retiendrons de cette revue bibliographique le rôle prépondérant de la vision de près dans la survenue ou l’accentuation de la myopie, vision de près excessivement sollicitée dans un contexte de stress aussi bien chez l’enfant d’âge scolaire qu’au cours de la vie professionnelle.
Références
1 Iuvone PM, Tigges M, Stone RA, Lambert S, Laties AM. Effects of apomorphine, a dopamine receptor agonist, on ocular refraction and axial elongation in a primate model of myopia, Invest Ophtthalmol Vis Sci 1 991 Apr ; 32 (5) : 1 674-7.
2 Stone RA, Lin T, Laties AM, Iuvone PM. Retinal dopamine and form-deprivation myopia, Proc Natl Acad Sci U S A 1 989 Janv ; 86 (2) : 704-6.
3 Nishi M, Miyake H, Shikai T, Takeuchi M, Minagawa N, Morimoto Y, Wada M. Factors influencing the visual acuity of primary school pupils, J Epidemiol 2 000 May ; 10 (3) : 179-82.
4 Zhilov YD. Light and myopic refraction in children, J Hyg Epidemiol Microbiol Immunol 1 977 ; 21 (3) : 234-41.
5 Goldschmidt E. Myopia in humans : can progression be arrested ? Ciba Found Symp 1 990 ; 155 : 222-9 ; discussion 230-4.
6 Kinge B, Midelfart A, Jacobson G, Rystad J. The influence of near-work on development of myopia among university students. A three-year longitudinal study among engineering students in Norway, Acta Ophthalmol Scand 2 000 Feb ; 78 (1) : 26-9.
7 Simensen B, Thorud LO. Adult-onset myopia and occupation, Acta Ophthalmol (Copenh) 1 994 Aug ; 72 (4) : 469-71.
8 McBrien NA, Adams DW. Alongitudinal investigation of adult-onset and adult-progressive myopia in an occupational group. Refractive and biometric findings, Invest Ophthalmol Vis Sci 1 997 Feb ; 38 (2) : 321-33.
9 Feigin AA, Korniushina TA, Rozenblium IuZ. Opthalmopathy caused by precision work of sorters of precious stones, Vestn Oftalmol 1 992 May-Jun ; 108 (3) : 50-1.
10 Yeow PT, Taylor SP. Effects of short-term VDT usage on visual functions, Optom Vis Sci 1 989 Jul ; 66 (7) : 459-66.
11 Gobba FM, Broglia A, Sarti R, Luberto F, Cavalleri A. Visual fatigue in video display terminal operators : objective measure and relation to environmental conditions, Int Arch Occup Environ Health 1 998 ; 60 (2) : 81-7.
12 Anfi M, Rupolo G, de Bertolini C, Bisantis C. Personality, psychophysical stress and myopia progression. Prospective study on 57 university students : Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 1 993 Mar ; 231 (3) : 136-40.
13 Parssinen TO. Relation between refraction, education, occupation, and age 26- and 46-year-old Finns, Am J Optom Physiol Opt 1 987 Feb ; 64 (2) : 136-43.
14 Edwards MH. Do variations in normal nutrition pay a role in the development of the myopia, Optom Vis Sci 1 996 Oct ; 73 (10) : 638-43.
15 Eva PR, Pascoe PT, Vaughan DG. Refractive change in hypermetropia : hyperopia, not myopia, Br J Ophthalmol 1 982 Aug ; 66 (8) : 500-5.
16 Rupolo G, Angi M, Sabbadin E, Caucci S, Pilotto E and coll. Treating myopia with acoustic biofeedback : a prospective study of the evolution of visual acuity and psychological distress. Psychosom Med 1 997 May-Jun ; 59 (3) : 313-7.
17 Angi M, Caucci S, Pilotto E, Racano E, Rupolo G, Sabbadin E. Changes in myopia, visual acuity, and psychological distress biofeedback visual training, Optom Vis Sci 1 996 Janv ; 73 (1) : 35-42.
Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010