Nous avons vu dans notre chapitre des généralités l’importance de définir de façon précise l’ensemble des paramètres réfractifs, condition indispensable pour pouvoir comparer les différents travaux, ce qui malheureusement n’est pas souvent le cas.
La connaissance des différentes technologies diagnostiques, avec leurs avantages et leurs inconvénients, est également essentielle. Elle permet en effet de mieux comprendre des différences parfois importantes entre les divers résultats, et en particulier en ce qui concerne l’épidémiologie des amétropies.
L’outil statistique est un argument incontournable pour valider ou non les différentes expérimentations. Il peut néanmoins constituer un piège dans la mesure où le seul traitement mathématique des données n’apporte aucune réflexion sur la pertinence des données analysées qui peuvent dès le départ perdre une grande partie de leur valeur lorsqu’il manque un paramètre tel que le contexte héréditaire ou certaines situations néonatales.
L’exposé de nos résultats dans des domaines très divers tels que la réfraction du nouveau-né, les rapports de la sphère et du cylindre ou encore la réfraction des strabiques a souvent montré des désaccords sensibles avec des notions a priori considérées comme bien établies. Notre objectif n’a pas été d’apporter systématiquement une vérité nouvelle, mais bien de souligner que dans la plupart des domaines il existe sous la même étiquette des situations radicalement différentes manifestement liées à des recrutements différents.
La plupart des séries analysées, en particulier en matière de pathologie, sont en effet biaisées dans le sens des anomalies. Ceci est particulièrement vrai pour tout ce qui touche à la néonatalité et à ses complications précoces ou tardives. La quasi-totalité des publications sur les prématurés et les strabismes précoces est issue de milieux universitaires ou nettement spécialisés et cumule logiquement les cas les plus défavorables. Cette situation est inversement minorée dans les structures libérales de base, qui au demeurant ne s’aventurent guère dans le domaine de la littérature. Ces mêmes structures de base ne sont pas totalement épargnées par les biais de recrutement car au fil des années les enfants qui consultent ont préférentiellement des motifs de le faire. L’analyse de l’évolution de la réfraction dans son aspect épidémiologique devient donc rapidement une gageure.
Un des thèmes majeurs de l’évolution réfractive est celui de l’emmétropisation. Si ce phénomène est parfaitement confirmé dans son concept global, son déroulement et son explication s’avèrent beaucoup plus subtiles et surtout plus aléatoires chez l’homme que chez l’animal. Les influences opposées ou associées des facteurs innés, d’espèce ou de race, et des facteurs environnementaux conduisent à des combinaisons parfois difficiles à expliquer. Il est en tout cas certain que dans un concept d’individus, l’emmétropisation comporte de nombreuses défaillances et l’exemple le plus flagrant est celui d’une véritable mutation myopique dans les pays de l’est asiatique. Dans ces conditions il s’ajoute aux imprécisions relatives concernant l’épidémiologie un facteur temporel évolutif qui fait que la comparaison de données espacées dans le temps risque de conduire à des interprétations erronées.
Même en l’absence de données précises sur l’épidémiologie actuelle des amétropies, il est évident que les problèmes visuels présentent un impact important dans le fonctionnement de la société, par ses implications sociales et économiques.
Le problème du dépistage des troubles visuels ou de leur cause est une préoccupation à part entière et qui doit en France à l’instar d’autres pays être mieux précisé, c’est-à-dire comportant des choix reposant sur des critères parfaitement définis et non sur un statut quo d’ignorance, au moins partielle.
En dehors du programme général de dépistage tel qu’il existe actuellement, il reste à renforcer les consignes visant à exercer une surveillance particulière sur les sujets à haut risque.
La démarche d’un dépistage précoce sérié et limité n’apparaît pas pour autant totalement justifiée sur un plan de probabilité statistique, mais il n’est pas actuellement envisageable, au moins sur le plan de l’organisation, de réaliser un dépistage systématique précoce des anomalies réfractives. Ceci n’exclut heureusement pas les actions individuelles au niveau des différentes structures et la priorité sanitaire est probablement de faire savoir qu’un enfant est parfaitement examinable… avant de savoir lire !
Quelles que soient les voies choisies, l’évolution est de toute façon celle d’une accentuation prévisible des indications à une correction optique et dont la précocité croissance est déjà parfaitement établie sur le plan de la myopie dans certaines ethnies.
Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010