Introduction
L’analyse transversale permet sans aucun doute de réaliser la photographie la plus réaliste d’une situation médicale donnée. Néanmoins le problème majeur dans ce mode d’étude est celui de la réelle représentativité de l’échantillon analysé tant sont fréquents les biais de sélection. Nos études antérieures (Clergeau 2 000) [2] avaient montré qu’en ce qui concerne la réfraction nos limites ultimes d’un recrutement de type systématique non orienté se situaient au grand maximum à l’âge de 5 ans. L’objectif de ce travail est d’apporter au travers de 2 nouvelles études plus de précision dans l’interprétation statistique et dans nos résultats chiffrés.
Littérature
La littérature nous était apparue étonnamment pauvre en précision sur les valeurs de la réfraction. Cette situation n’a apparemment guère changé.
- Ingram (1 979) [11] a réalisé une étude sous atropine pour la période de 11 à 13 mois à propos de 1 648 enfants. La moyenne a été de +1,22 ∂ ±1,00 pour l’équivalent sphérique.
- Fabian (1 966) [7] a mené une étude sur 1 200 enfants âgés de 24 mois sous cyclopentolate. En l’absence de précision réelle la moyenne a été évaluée à +1,20 ∂ ±1,60, probablement en équivalent sphérique.
- Kempf (1 928) [12] a réalisé une étude en milieu scolaire sur 333 enfants âgés de 6 à 8 ans, sous cycloplégie. La moyenne a été de +1,06 ∂ ±1,62.
- Zadnik (1 993) [14] donne pour une série de 530 enfants une valeur de l’hypermétropie moyenne de +0,73 ∂ à 5 ans et de +0,50 ∂ à 12 ans.
Il n’existe par ailleurs aucune donnée précise concernant les valeurs de l’astigmatisme, l’ensemble des auteurs (Atkinson [2], Dobson [6], Gwiazda [8], Howland [9], Woodruff [13]) notant seulement que la prévalence des astigmatismes supérieurs à 0,75 ∂ baisse progressivement et nettement, le cylindre moyen absolu étant inférieur à 0,50 ∂ à 5 ans. Par ailleurs l’astigmatisme réel serait majoritairement inverse entre 1 et 4 ans. Ces données seront analysées dans le chapitre épidémiologique.
Les travaux sur l’anisométropie sont encore plus limités. Les rares publications concluent à la stabilité dans le temps, avec moins de 5 % de prévalence. Mais il est de toute façon apparu que l’étude transversale était inadaptée car cette prévalence est un équilibre entre les anisométropies qui disparaissent et celles qui se manifestent secondairement (Abrahamsson 1 990) [1].
Études Personnelles
Étude 1
Protocole et matériel d’étude
Le protocole d’étude reste identique à l’étude antérieure, relevant des données cycloplégiques issues exclusivement du premier examen réalisé chez chacun des enfants concernés.
Dans cette étude transversale stricte, il s’agit en principe uniquement d’examens systématiques, donc de distribution aléatoire. En réalité, au-delà de l’âge de 2 à 3 ans, il existe inévitablement dans la motivation de cet examen une influence sensible des antécédents familiaux comme cela avait été montré dans l’étude précédente.
Le protocole cycloplégique est également inchangé à savoir 3 jours 1/2 d’atropine à 0,30 % jusqu’à 2 ans puis cyclopentolate à 0,50 %. Les mesures sont réalisées au skiascope à fente de Tarlé.
Cette nouvelle étude est surtout caractérisée par l’addition d’une série obtenue par un second opérateur, ce qui amènera à discuter de la possibilité réelle de fusionner ou non l’ensemble des résultats. Le total des observations atteint dans ces nouvelles conditions 5 880 enfants (4 513 pour le groupe A et 1 367 pour le groupe B).
Précisons enfin que cette étude n’a pour objectif que l’étude des paramètres de la réfraction globale c’est-à-dire exprimés en terme de moyenne sans différencier les réfractions physiologiques et non physiologiques.
Analyse des biais statistiques
Avant de pouvoir valider les résultats obtenus pour les divers pa-ra-mètres réfractifs, il est apparu indispensable d’identifier tous les éléments susceptibles d’apporter un biais d’analyse.
Le sexe
Une différence statistiquement significative a été évoquée par certains auteurs en ce qui concerne le sexe, les sujets féminins étant susceptibles de présenter une moyenne réfractive plus élevée. Notre étude comparative a été effectuée sur la série la plus homogène, à savoir la tranche de 8 à 10 mois du groupe A. Pour 1 344 filles la moyenne de l’équivalent sphérique est de +1,53 ∂ ±1,45 et pour les garçons elle est de +1,45 ∂ ±1,46. La différence n’est pas significative (p = 0,185 pour test-t séries non appariées).
L'œil étudié
Comme dans la majorité des travaux, seules les valeurs de l’œil droit ont été retenues (sauf anisométropie). Les analyses statistiques ont en effet montré l’identité globale pour l’œil droit et l’œil gauche.
Le secteur géographique d'origine
Le secteur local de Paimpol (40 000 habitants) est de longue date habitué au caractère systématique de l’examen du 9e mois. Par contre le recrutement périphérique est susceptible d’avoir une tendance plus sélective pour des signes d’appel ou des antécédents. Pour 2 316 enfants du secteur de Paimpol, la moyenne est de +1,73 ∂ ±1,45 et pour 367 enfants hors secteur la moyenne est de +1,83 ∂ ±1,54 (sphère méridienne). La différence n’est pas significative (p = 0,222 pour test-t).
Les antécédents
L’étude antérieure avait montré que le résultat global moyen était identique à celui des enfants ne présentant pas d’antécédent. Par contre on retrouvait une nette différence par rapport aux sujets présentant un strabisme, avec pour ces derniers une moyenne supérieure de +0,50 à +0,75 ∂. Les antécédents non strabiques étaient plutôt inférieurs à la moyenne suggérant une influence notable des myopies. La conclusion était donc la nécessité de réaliser une étude dissociant les antécédents myopiques et les antécédents hypermétropiques. En fait toute étude prospective ou rétrospective butte sur l’éternel problème de la difficulté à obtenir des renseignements fiables. En ce qui concerne le strabisme il n’est pas toujours précisé s’il s’agit d’antécédents du 1er, 2e ou 3e degré. La notion de correction optique et surtout celle du degré d’amétropie sont généralement très imprécises. Enfin il n’est pas rare de retrouver à la fois des antécédents myopiques et hypermétropiques. La notion d’hérédité myopique est également mal applicable à l’examen du 9e mois, la plupart des myopies familiales ne s’exprimant que secondairement. Cette étude reste donc jusqu’à nouvel ordre en suspend.
Influence de l'examinateur
Variations « interexaminateurs »
Bien qu’étant actuellement le plus souvent remplacée par l’auto réfractométrie, la skiascopie sous cycloplégie reste l’examen de référence pour le jeune enfant, en dépit d’une part subjective. Les comparaisons effectuées par certains auteurs n’ont pas montré de différence no-table dans l’interprétation des mesures (surtout sous cycloplégie). La compa-rai-son effectuée dans notre série entre le groupe A et le groupe B montre une différence constante et de même sens de 0,50 à 0,75 ∂ en ce qui concerne la sphère (tableau 1a). Cette différence est significative (p < 0,0001). Les valeurs du cylindre sont beaucoup plus proches, à moins de 0,10 ∂ (tableau 1b). Néanmoins cette différence est également significative (p = 0,016).
Tab 1a. Équivalent sphérique OD.
Groupe | 8 à 10 m | 11 à 16 m | 17 à 30 m | 31 à 44 m | 45 à 59 m |
A | +1,74 ∂ ±1,46 | +1,52 ∂ ±1,34 | +1,51 ∂ ±1,28 | +1,40 ∂ ±1,44 | +1,44 ∂ ±0,99 |
B | +1,08 ∂ ±1,30 | +0,96 ∂ ±1,19 | +1,17 ∂ ±1,27 | +0,96 ∂ ±1,28 | +0,90 ∂ ±1,70 |
Tab 1b. Cylindre absolu OD.
Groupe | 8 à 10 m | 11 à 16 m | 17 à 30 m | 31 à 44 m | 45 à 59 m |
A | 0,79 ∂ ±0,78 | 0,69 ∂ ±0,78 | 0,55 ∂ ±0,71 | 0,55 ∂ ±0,79 | 0,37 ∂ ±0,49
|
B | 0,71 ∂ ±0,78 | 0,63 ∂ ±0,70 | 0,51 ∂ ±0,76 | 0,55 ∂ ±0,83 | 0,62 ∂ ±1,03 |
Tab 1c. Cylindre réel OD.
Groupe | 8 à 10 m | 11 à 16 m | 17 à 30 m | 31 à 44 m | 45 à 59 m |
A | +0,22 ∂ ±1,09 | -0,06 ∂ ±1,04 | -0,12 ∂ ±0,89 | +0,03 ∂ ±0,96 | -0,01 ∂ ±0,61 |
B | +0,26 ∂ ±1,21 | +0,27 ∂ ±0,90 | +0,14 ∂ ±0,91 | +0,12 ∂ ±0,99 | +0,19 ∂ ±1,19 |
Le cylindre réel présente lui aussi une différence modérée avec une tendance à l’astigmatisme direct pour le groupe B qui résulte probablement d’une petite sous évaluation du méridien vertical (tableau 1c).
Les variations « intra-examinateur »
Comme précédemment, quelques études prospectives ont pu noter des variations modérées pour les résultats d’un même enfant à 2 examens différents peu éloignés dans le temps. Nous avions déjà trouvé antérieurement une différence sensible dans la moyenne de nos échantillons pour différentes périodes d’examen (dans des groupes a priori compa-rables). Le nouveau contrôle effectué sur l’équivalent sphérique a donné les résultats suivants : +1,42 ∂ de 1 980 à 1 889, +1,74 ∂ de 1 990 à 1 997 et +1,80 ∂ de 1 998 à 2 004. L’analyse statistique (test-t séries non appariées) montre une différence significative entre le groupe 1 et les séries 2 et 3 (p < 0,0001) mais pas de différence entre 2 et 3 (p = 0,34). En ce qui concerne le cylindre absolu, on constate une différence globale entre les 3 séries : 0,92 ∂, 0,81 ∂, 0,67 ∂. Ces différences sont significatives (p < 0,0001 pour 1-3 et 2-3 et p = 0,0054 pour 1-2). Ces variations pourraient être liées à la recherche d’une plus grande précision et à une diminution probable de la distance d’examen sans modification du correctif de -1,50 ∂.
Si elles sont significatives, ces variations portent en fait essentiellement sur la sphère. Pour harmoniser les résultats il a été choisi un correctif arbitraire consistant à remonter les réfractions du groupe B de +0,25 ∂ et à abaisser les réfractions du groupe A de la même puissance. Ceci permet surtout de limiter l’étalement artificiel des résultats. Il faut toutefois noter qu’une comparaison des réfractions du groupe A en skiascopie et en réfraction subjective sous cycloplégie ne montrait aucune différence significative (Clergeau [3]). Les résultats exprimés dans ce travail représentent donc un « résultat skiascopique standard » permettant la meilleure comparaison possible avec la littérature, mais qui est donc sensiblement inférieur à la réfraction maximale réelle.
Influence de l'échantillonnage
La discussion consacrée à la validité statistique a montré que l’importance des échantillons pouvait avoir une influence non négligeable sur la précision des paramètres. Nous avons donc rapporté ici le détail de la distribution des examens en fonction des tranches d’âge et du groupe A et B.
Répartition selon les tranches d’âge
Le tableau 2 a montre de toute évidence des différences importantes dans le contingent de chacune des tranches qui ne seront donc pas forcément comparables. Ces différences illustrent surtout la difficulté à réaliser une étude transversale rigoureuse avec un recrutement équilibré.
Tab 2 a. Répartition selon les tranches d'âge.
Groupe | 8 à 10 m | 11 à 16 m | 17 à 30 m | 31 à 44 m | 45 à 59 m |
A | 59,60 % | 16,70 % | 12,30 % | 7,70 % | 3,70 % |
B | 48,30 % | 19,70 % | 13,00 % | 12,70 % | 6,20 % |
A+ B | 57,00 % | 17,40 % | 12,50 % | 8,80 % | 4,30 % |
Répartition selon les groupes A et B
Le tableau 2 b montre une différence nette dans la répartition des 2 groupes selon les tranches d’âge, ce qui est un facteur supplémentaire d’incertitude dès lors que les paramètres des 2 groupes présentent eux-mêmes des différences significatives. Dans le cas présent, les moyennes sont plutôt tirées vers le haut pour les âges les plus faibles et vers le bas pour les âges les plus élevés.
Tab 2 b. Répartition selon les groupes.
Groupe | 8 à 10 m | 11 à 16 m | 17 à 30 m | 31 à 44 m | 45 à 59 m |
A | 80,30 % | 73,60 % | 75,80 % | 66,50 % | 66,10 % |
B | 19,70 % | 26,40 % | 24,20 % | 33,50 % | 33,90 % |
Choix des tranches d'âge
L’analyse par tranche de 1 mois n’a pas montré d’écarts notables à l’intérieur des séries arbitrairement choisies, hormis le groupe de 8 à 10 mois où l’on note une évolution négative modérée (-0,25 ∂) mais probablement significative. Cependant le contingent du 9e mois est très nettement prédominant et ses moyennes sont identiques à celles de la totalité du groupe.
Validité gaussienne
Le chapitre statistique a confirmé une corrélation étroite entre la distribution de nos résultats et celle d’une gaussienne normale pour la période de 8 à 10 mois. Ce constat est apparu plus limite voire absent dans les autres tranches d’âge. Cette analyse a également confirmé qu’il était préférable d’exclure les myopies supérieures à -4,00 ∂. C’est donc dans ce protocole qu’ont été analysés les paramètres réfractifs habituels.
Résultats
Ils concernent donc la totalité des groupes A et B après le correctif de ±0,25 ∂ explicité précédemment et l’exclusion des myopies également définies.
Paramètres réfractifs
L’évolution des différents paramètres réfractifs figure aux tableaux 3, 4 et 5.
Tab 3. Évolution des moyennes.
Âge | Sphère base | S méridienne | Eq sphérique | Cylindre abs | Cyl réel |
8 à 10 mois | +1,07 ∂ | +1,85 ∂ | +1,46 ∂ | 0,77 ∂ | +0,23 ∂ |
11 à 16 mois | +0,92 ∂ | +1,60 ∂ | +1,26 ∂ | 0,68 ∂ | +0,02 ∂ |
17 à 30 mois | +1,06 ∂ | +1,60 ∂ | +1,33 ∂ | 0,54 ∂ | - 0,05 ∂ |
31 à 44 mois | +0,98 ∂ | +1,52 ∂ | +1,25 ∂ | 0,55 ∂ | +0,06 ∂ |
45 à 59 mois | +0,95 ∂ | +1,40 ∂ | +1,18 ∂ | 0,46 ∂ | +0,06 ∂ |
Tab 4. Évolution du rapport sphère/cylindre.
Âge | Sphère > Cylindre | Sphère = Cylindre | Sphère < Cylindre |
8 à 10 mois | 72,20 % | 3,70 % | 24,10 % |
11 à 16 mois | 71,40 % | 5,20 % | 23,40 % |
17 à 30 mois | 79,70 % | 3,40 % | 16,90 % |
31 à 44 mois | 79,60 % | 4,40 % | 16,00 % |
45 à 59 mois | 80,50 % | 4,80 % | 14,70 % |
Tab 5. Évolution des anisométropies.
Âge | Sphère base | S méridienne | Cylindre réel | Aniso maximale |
8 à 10 mois | 0,18 ∂ | 0,19 ∂ | 0,18 ∂ | 0,28 ∂ |
11 à 16 mois | 0,17 ∂ | 0,18 ∂ | 0,18 ∂ | 0,27 ∂ |
17 à 30 mois | 0,20 ∂ | 0,19 ∂ | 0,19 ∂ | 0,29 ∂ |
31 à 44 mois | 0,22 ∂ | 0,21 ∂ | 0,23 ∂ | 0,33 ∂ |
45 à 59 mois | 0,34 ∂ | 0,32 ∂ | 0,28 ∂ | 0,47 ∂ |
En ce qui concerne la sphère on constate selon le paramètre pris en compte une régression moyenne de l’ordre 0,25 à 0,50 dioptrie. Cette variation est presque progressive. On note toutefois des valeurs plus basses dans le groupe des 11 à 16 mois, ce qui pourrait évoquer un artefact de recrutement. En réalité nous avions déjà constaté ce fait dans toutes nos analyses antérieures et ceci apparaît également dans les études d’Ingram [10]. L’explication n’apparaît pas univoque, mais nous retenons plutôt l’hypothèse d’une relative résistance cycloplégique qui tendrait à se relâcher par la suite comme on le constate nettement dans l’évolution des réfractions non physiologiques.
L’évolution du cylindre apparaît pour sa part conforme aux données de la littérature. Le passage à l’astigmatisme moyen inverse est relativement peu marqué. Il est cependant plus évident lorsque l’on prend uniquement en compte les réfractions du groupe A, dont les valeurs sont décalées négativement d’environ 0,25 dioptrie.
L’analyse globale de la réfraction ne tient généralement pas compte du rapport entre l’importance de la sphère et celle du cylindre. Le tableau 4 montre une diminution significative des réfractions à prédominance cylindrique, ce qui confirme l’évolution statistiquement plus favorable de cette amétropie.
Les paramètres statistiques
L’écart-type
Tab 6. Évolution des écart-types.
Âge | Eq sphérique | Cylindre absolu | Cylindre réel | Anisométropie |
8 à 10 mois | 1,41 ∂ | 0,78 ∂ | 1,07 ∂ | 0,44 ∂ |
11 à 16 mois | 1,29 ∂ | 0,75 ∂ | 1,01 ∂ | 0,48 ∂ |
17 à 30 mois | 1,15 ∂ | 0,72 ∂ | 0,90 ∂ | 0,49 ∂ |
31 à 44 mois | 1,13 ∂ | 0,80 ∂ | 0,96 ∂ | 0,55 ∂ |
45 à 59 mois | 1,28 ∂ | 0,73 ∂ | 0,86 ∂ | 0,90 ∂ |
Nous avons vu dans le chapitre statistique que le biais d’échantillonnage était du même ordre de grandeur que l’évolution du paramètre analysé et qu’il était finalement impossible d’apporter une grande précision à cette mesure. Il semble néanmoins probable que la régression constatée dans la dispersion des valeurs soit réelle et modérée de l’ordre de 0,30 dioptrie pour la sphère, ce qui devrait conduire à l’âge de 7 ans à une valeur proche de celle proposée dans la littérature (1,00 ∂).
L’écart-type est plus stable et modéré pour les paramètres cy-lin-driques.
La dispersion semble par contre augmenter pour l’anisométropie. Toutefois la valeur élevée entre 44 et 59 mois est probablement un artefact de recrutement.
Les autres paramètres
Tab 7. Paramètres de l'équivalent sphérique.
Âge | médiane | kurtosis | skewness | p (χ2) |
8 à 10 mois | +1,37 ∂ | +1,83 | +0,63 | < 0,0001 |
11 à 16 mois | +1,25 ∂ | +3,27 | +0,58 | 0,030 |
17 à 30 mois | +1,25 ∂ | +1,99 | +0,31 | 0,039 |
31 à 44 mois | +1,25 ∂ | +3,40 | -0,12 | 0,043 |
45 à 59 mois | +1,00 ∂ | +2,58 | +0,46 | 0,328 |
Tab 8. Paramètres de l'astigmatisme réel.
Âge | médiane | kurtosis | skewness | p (χ2) |
8 à 10 mois | 0 ∂ | +1,63 | -0,25 | < 0,0001 |
11 à 16 mois | 0 ∂ | +3,11 | -0,38 | < 0,0001 |
17 à 30 mois | 0 ∂ | +4,32 | +0,04 | < 0,0001 |
31 à 44 mois | 0 ∂ | +5,15 | +0,75 | < 0,0001 |
45 à 59 mois | 0 ∂ | +9,36 | +1,34 | < 0,0001 |
Les autres paramètres n’ont qu’une valeur indicative compte tenu de l’influence significative des biais de recrutement précédemment soulignée.
On notera néanmoins que ces résultats semblent un bon reflet de la réalité en ce qui concerne l’astigmatisme réel. L’augmentation du coefficient d’aplatissement (kurtosis) est une bonne traduction de la régression de la majorité des astigmatismes. L’augmentation du coefficient de symétrie (skewness) traduit probablement le fait que la régression cylindrique porte plus sur les astigmatismes inverses que sur les astigmatismes directs. Contrairement à la sphère il n’est pas apparu de valeur extrême à exclure.
Conclusions
En dépit d’un nombre conséquent d’observations, les problèmes d’inégalité de recrutement en fonction des tranches d’âge associée à l’insuffisance quantitative lorsque l’âge augmente, nous ont conduits au constat qu’il était impossible d’obtenir une grande précision sur l’évolution globale de la réfraction. L’obstacle principal vient du recrutement aléatoire des fortes amétropies dont la prévalence naturelle est très faible mais dont l’incidence est significative sur la description statistique de la réfraction. Il est évident qu’aucun travail de la littérature n’a pu s’affranchir de ces contraintes.
Pour améliorer notre performance d’analyse nous avons essayé d’apporter un correctif au déséquilibre de recrutement en partant de 2 hypothèses :
- La distribution des fortes amétropies la plus proche possible de la réalité est apportée par l’échantillon de 8 à 10 mois et devrait se retrouver approximativement similaire dans les autres tranches d’âge.
- Bien que les tranches d’âge les plus élevées soient quantitativement assez limitées, on peut espérer qu’elles soient néanmoins représentatives de la distribution une fois exclues les fortes amétropies.
À partir de ces 2 a priori nous avons conservé l’ensemble des réfractions comprises entre -4,00 ∂ et +7,00 ∂ et nous avons multiplié d’un facteur approprié chaque tranche d’âge pour obtenir des échantillons quantitativement comparables. Nous y avons adjoint un « copier-coller » des fortes amétropies prises en référence. Les résultats de ces échantillons artificiels figurent au tableau 9.
Tab 9. Paramètres modifiés de l'équivalent sphérique.
Âge | moyenne | Écart-type | kurtosis | skewness | p (χ2) | Nb théorique |
8 à 10 mois | +1,49 ∂ | 1,42 ∂ | +1,56 | +0,54 | < 0,0001 | 3 347 |
11 à 16 mois | +1,27 ∂ | 1,29 ∂ | +2,70 | +0,42 | < 0,0001 | 3 061 |
17 à 30 mois | +1,38 ∂ | 1,18 ∂ | +3,56 | +0,65 | < 0,0001 | 2 938 |
31 à 44 mois | +1,31 ∂ | 1,16 ∂ | +4,66 | +0,22 | < 0,0001 | 3 083 |
44 à 59 mois | +1,23 ∂ | 1,34 ∂ | +3,53 | +0,71 | < 0,0001 | 3 022 |
Le premier élément remarquable de ce nouvel échantillonnage artificiel est que dans les 4 tranches modifiées le p du χ2 est devenu extrêmement significatif de similitude avec une gaussienne normale, alors que cette situation n’était auparavant évidente que pour la tranche des 8 à 10 mois.
On notera néanmoins que ce constat n’est pas suffisant pour considérer que les nouvelles valeurs qui en résultent sont plus fiables. Il n’y a en effet aucune obligation pour que les distributions réfractives soient systématiquement similaires à une gaussienne normale.
Il n’en reste pas moins que dans cette nouvelle formulation l’évolution des paramètres semble plus satisfaisante par rapport aux résultats attendus. Il persiste 2 anomalies apparentes :
- L’existence confirmée d’une moyenne plus faible entre 11 et 16 mois (mais qui a été commentée antérieurement).
- La remontée de l’écart-type et du coefficient de symétrie entre 45 et 59 mois qui n’est pas obligatoirement un artefact car avec le temps elle peut s’expliquer par l’absence de régression ou l’augmentation de certaines hypermétropies limites, les myopies n’étant pas encore entrées dans leur phase évolutive.
Au total ce travail retrouve globalement nos résultats antérieurs à savoir une évolution très modérée des différents paramètres sphériques entre le 9e et le 59e mois qui est une diminution de l’ordre de 0,25 à 0,50 dioptrie pour la moyenne et 0,30 dioptrie pour l’écart-type. Ces résultats ne semblent pas devoir être remis en cause par les restrictions formulées pour l’interprétation statistique. Paradoxalement l’incertitude la plus grande concerne plutôt les moyennes en fonction des habitudes techniques des différents auteurs. La moyenne de l’équivalent sphérique à 9 mois peut être située entre +1,00 ∂ et +1,75 ∂. L’écart-type pour sa part se situe probablement entre 1,50 et 1,25 dioptrie.
Étude 2
Cette étude plus récente qui regroupe 5 127 enfants de 8 à 59 mois, reprend à nouveau les données d’un seul examinateur afin d’éliminer les disparités de recrutement et d’interprétation de la skiascopie.
Évolution de 8 а 13 mois
Cette série comportant un nombre conséquent d’observations entre le 8e et le 13e mois (3 678 enfants) a permis de détailler plus particulièrement cette période (tableaux 10a et 10b). Les résultats sont exprimés uniquement pour l’œil droit, l’identité statistique entre œil droit et œil gauche étant à nouveau confirmée.
Bien que les variations soient modérées le phénomène d’emmétropisation apparaît manifeste sur cette courte période. La baisse de l’hypermétropie moyenne s’effectue majoritairement sur la sphère méridienne (~0,50 ∂) par rapport à la sphère de base (~0,25 ∂), ce qui correspond naturellement à la régression du cylindre absolu. Parallèlement- l’astigmatisme direct disparaît au profit de l’astigmatisme inverse, la régression réfractive s’effectuant préférentiellement sur le méridien horizontal. L’anisométropie maximale par rapport aux sphères et au cylindre reste faible, de l’ordre de 0,25 ∂. L’interprétation des écart-types reste difficile dans la mesure où les observations sont réparties de façon notablement inégale.
Tab 10a. Évolution des paramètres de 8 à 13 mois.
Âge | Nombre | Sphère base | Sph. méridienne | Eq. sphérique |
8 mois | 362 | +1,52 ∂ ±1,59 | +2,33 ∂ ±1,57 | +1,93 ∂ |
9 mois | 1 666 | +1,42 ∂ ±1,51 | +2,21 ∂ ±1,47 | +1,82 ∂ |
10 mois | 975 | +1,39 ∂ ±1,53 | +2,10 ∂ ±1,48 | +1,75 ∂ |
11 mois | 342 | +1,31 ∂ ±1,43 | +2,01 ∂ ±1,34 | +1,66 ∂ |
12 mois | 196 | +1,26 ∂ ±1,54 | +1,89 ∂ ±1,46 | +1,58 ∂ |
13 mois | 136 | +1,25 ∂ ±1,29 | +1,83 ∂ ±1,29 | +1,54 ∂ |
Tab 10b. Évolution des paramètres de 8 à 13 mois.
Âge | Cylindre absolu | Cylindre réel | Anisométropie Max |
8 mois | 0,81 ∂ ±0,75 | +0,21 ∂ ±1,08 | 0,29 ∂ ±0,51 |
9 mois | 0,79 ∂ ±0,75 | +0,25 ∂ ±1,08 | 0,27 ∂ ±0,40 |
10 mois | 0,71 ∂ ±0,75 | +0,13 ∂ ±1,13 | 0,26 ∂ ±0,41 |
11 mois | 0,70 ∂ ±0,80 | - 0,04 ∂ ±1,06 | 0,27 ∂ ±0,49 |
12 mois | 0,63 ∂ ±0,71 | +0,07 ∂ ±0,94 | 0,23 ∂ ±0,39 |
13 mois | 0,58 ∂ ±0,73 | - 0,11 ∂ ±0,93 | 0,33 ∂ ±0,58 |
Évolution de 8 à 59 mois
La première remarque que l’on peut faire à partir des tableaux 11a et 11b est la diminution inversement exponentielle du nombre dossiers lorsque l’on avance en âge. L’objectif de l’examen systématique oriente de façon de plus en plus marquée la concentration des observations avant la première année. Il n’y a de ce fait aucun espoir d’équilibrer quantitativement les différentes tranches d’âge proposées, sauf dans un protocole randomisé. Mais dans cette hypothèse la fiabilité des résultats par rapport à la quantité de données s’affaiblit notablement.
Tab 11a. Évolution des paramètres de 8 à 59 mois.
Âge | Nombre | Sphère base | Sph. méridienne | Equiv. sphérique |
8 à 10 mois | 3 003 | +1,42 ∂ ±1,53 | +2,18 ∂ ±1,49 | +1,80 ∂ |
11 à 13 mois | 675 | +1,28 ∂ ±1,43 | +1,94 ∂ ±1,34 | +1,61 ∂ |
14 à 29 mois | 784 | +1,34 ∂ ±1,29 | +1,90 ∂ ±1,23 | +1,62 ∂ |
30 à 44 mois | 451 | +1,27 ∂ ±1,44 | +1,76 ∂ ±1,43 | +1,52 ∂ |
45 à 59 mois | 214 | +1,40 ∂ ±0,95 | +1,75 ∂ ±1,05 | +1,58 ∂ |
Tab 11b. Évolution des paramètres de 8 à 59 mois.
Âge moyen | Cylindre absolu | Cylindre réel | Anisométropie max |
9,2 mois | 0,76 ∂ ±0,77 | +0,21 ∂ ±1,10 | 0,16 ∂ ±0,30 |
11,7 mois | 0,66 ∂ ±0,80 | -0,02 ∂ ±1,10 | 0,27 ∂ ±0,48 |
21,0 mois | 0,55 ∂ ±0,71 | -0,12 ∂ ±0,89 | 0,28 ∂ ±0,54 |
36,4 mois | 0,49 ∂ ±0,73 | +0,02 ∂ ±0,88 | 0,35 ∂ ±0,66 |
51,6 mois | 0,35 ∂ ±0,55 | +0,03 ∂ ±0,65 | 0,27 ∂ ±0,51 |
L’analyse des tableaux 11a et 11b confirme la poursuite de l’emmétropisation. Seule la remontée inattendue de l’hypermétropie dans la dernière tranche pose la question d’un biais lié aux recrutements tardifs. Le comportement du cylindre est conforme aux données de la littérature et aux nécessités physiologiques. L’existence d’un astigmatisme inverse à nul est confirmée jusqu’à l’âge de 4 à 5 ans. L’anisométropie respecte également la marge physiologique, tout au moins jusqu’à l’âge de 2 ans. Par la suite, la valeur d’un écart-type se situe dans une zone critique supérieure à la demi-dioptrie requise.
Une fois de plus la donnée la plus difficile à interpréter reste l’écart-type qui ne varie pas de façon univoque entre le 9e mois et l’âge de 3 ans 1/2. Surtout la baisse brutale de ce paramètre entre 4 et 5 ans reste sujette à caution même si elle peut annoncer la valeur habituellement admise à partir de 7 ans.
Discussion
L’absence dans la littérature de tout travail mené de façon systématique pour un nombre significatif de tranches d’âge, par les mêmes auteurs et avec les mêmes protocoles limite considérablement les possibilités d’une confrontation de résultats. Or en dépit d’un consensus apparent, la distribution des diverses réfractions entre 3 et 5 ans présente des incertitudes en particulier en ce qui concerne l’évolution de l’écart-type ainsi que la période à laquelle la distribution réfractive perd son caractère gaussien. Il est bien évident que devant ces insuffisances, il n’existe à notre connaissance aucune étude transversale valide au-delà de l’âge de 5 ans. Au-delà de cette période, en effet, les valeurs réfractives moyennes que l’on peut trouver dans divers articles sont très certainement influencées par l’apparition des myopies, par l’absence fréquente de cycloplégie de référence et surtout par l’absence de certitude de la réelle représentativité des échantillons. Ces données ne concernent donc en réalité que des données épidémiologiques approximatives mais n’apportent pas une description utilisable de la répartition des réfractions.
Conclusion
Malgré leur apparence de simplicité les analyses transversales n’ont apporté à ce jour des données fiables et précises que pour les premières années de la vie. Au-delà de la 4e année l’absence d’échantillons quantitativement suffisants, l’absence fréquente de cycloplégie et le choix de tranches d’âge beaucoup trop larges, ne permettent plus une analyse correcte de la réfraction dans une période ou les variations sont souvent faibles chez les hypermétropes. L’apparition des myopies à partir de 7 ans amène des modifications radicales encore très mal explorées.
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Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010