Réfraction de l'Enfant : Kératométrie et biométrie Guy Clergeau

Introduction


Si, sur le plan clinique la réfraction exprimée en valeurs dioptriques représente le point de référence et de discussion de la plupart des travaux, les données biométriques sont pour leur part essentielles à la compréhension des éléments constitutifs du résultat optique global. Elles sont en particulier indispensables à connaître dès lors que l’on envisage une quelconque modification chirurgicale du système.

La kératométrie


Exprimée en rayon cornéen ou en puissance dioptrique, la kératométrie constitue un des 2 paramètres essentiels dans l’évolution de la réfraction.

L’ophtalmomètre de Javal


Technique mise au point par Helmholtz (1 854 [12]), l’ophtalmomètre ou kératomètre a été simplifié par Javal (1 880). Cet instrument reste encore parfaitement adapté à la simple réfraction clinique (non chirurgicale). Son utilisation chez le jeune enfant pose néanmoins le problème de tous les appareils fixes avec appui et contention minimale. De plus la fixation de la mire centrale est très aléatoire. Un des aspects intéressants de cette méthode chez l’enfant coopérant est la mise en évidence des variations instantanées de l’astigmatisme au cours de la fixation et leur lien évident avec l’ouverture de la fente palpébrale. La fixation avec resserrement des paupières entraîne un astigmatisme direct artificiel (Tsukamoto [24]). L’ouverture forcée donne un astigmatisme inverse relatif. La question posée est donc finalement celle de l’astigmatisme réel en position naturelle.

Les autoréfractomètres


L’utilisation devenue courante des autoréfractomètres portables avec mesure simultanée de la kératométrie a permis un progrès important dans l’accès à des informations fiables. Certes on sait que la mesure des forts astigmatismes peut donner des erreurs et qu’une manipulation non rigoureuse de l’appareil peut donner une imprécision pour les axes (De Bideran [1], Cordonnier [6]), mais ces problèmes relativement peu fréquents ne retirent rien à l’intérêt de la technique en raison du caractère stimulant de la cible et même si l’astigmatisme peut également être variable à la fixation. La réfraction pratiquée sous cycloplégie limite certainement tous ces risques chez le jeune enfant. Walline et al (1 999 [25]) ont comparé la reproductibilité des mesures de l’astigmatisme entre skiascopie et autoréfractométrie. Cette dernière réalisée sous cycloplégie s’est avérée être la plus performante. Pour Butcher et al (1 991 [4]) la reproductibilité de la kératométrie a été mesurée à 0,05 mm ±0,03.

Autres techniques


D’autres techniques basées sur le principe photographique sont plus particulièrement utilisées dans les pays anglo-saxons.
Jones et al (2 005 [16]) utilisent la photokératoscopie.
Mutti et al (1 992 [20]), Wood et al (1 996 [26]), Cook et al (2 003 [5]), utilisent un videokératophakomètre qui est une adaptation de l’ophtalmophakomètre qui permet de photographier les images cristalliniennes I, III et IV de Purkinje.

La biométrie


La longueur axiale constitue le second élément essentiel dans la valeur réfractive du globe. Deux techniques sont actuellement utilisées pour sa mesure : l’ultrasonographie et la biométrie optique.

L’ultrasonographie


L’ultrasonographie ou échographie est essentiellement réalisée en mode A. Elle est basée sur le principe de mise en évidence des changements de densité entre les différentes structures rencontrées.
L’utilisation des ultrasons pour des mesures oculaires a été appliquée pour la première fois en 1 956 par Mundt et al [19] et en 1 957 par Oksala [22]. La technique a été redécrite par de multiples auteurs : Yamamoto et al (1 961 [27]), Franken (1 962 [7]), Jansson (1 963 [15]), Buschmann (1 963 [3]), Gernet (1 961, 64, 69 [8,9 & 10]).
Les premiers instruments utilisés nécessitaient des correctifs pour tenir compte en particulier d’une vitesse de propagation différente au travers du cristallin. Par la suite ces correctifs ont été directement intégrés dans le biomètre (Humphrey 820). Un second problème est celui de l’indentation réalisée par la pose directe de la sonde sur la cornée. Enfin chez le tout jeune enfant l’accès spontané à la cornée n’est pas évident. En fonction de ces problèmes il faut distinguer 3 types de méthodes.

La méthode directe


La méthode directe, qualifiée de méthode par aplanation est la technique princeps qui consiste à poser la sonde directement sur la cornée après anesthésie de surface (Gernet [8], Gordon [11], Isenberg [14], Cook [5]). La difficulté est de contrôler que la sonde est bien dans l’axe optique. Par son indentation, la technique peut réduire sensiblement la profondeur de la chambre antérieure et donc la longueur axiale. Cette différence par rapport à la technique non-contact a été évaluée à -0,24 mm (Shammas [23]). Cette technique ne permet pas par ailleurs de mesurer l’épaisseur cornéenne en l’absence de mise en évidence nette des 2 faces cornéennes.

La méthode indirecte


La méthode indirecte est basée sur l’absence de contact direct avec la cornée. Elle utilise un cône identique à un verre 3M qui est vide et rempli d’une solution saline ou à base de méthylcellulose diluée. La sonde est posée à la surface du liquide (Jansson [15], Blomdhal [2], Luyckx [18]). La tête de la sonde se trouve alors à environ 15 mm de la surface cornéenne.

La méthode transpalpébrale


La méthode transpalpébrale est utilisée très préférentiellement pour les prématurés (Kent 2 000 [17], Mutti 2 005 [21]). Elle comporte certainement le plus d’imprécision par rapport à l’axe optique.
L’ultrasonographie permet donc de mesurer la profondeur de la chambre antérieure, l’épaisseur du cristallin, la profondeur de la cavité vitréenne et la longueur axiale totale. L’inconvénient de la méthode est de nécessiter un minimum de coopération. Son avantage est d’être réalisable même en présence de milieux non transparents. Pour Butcher [4] la reproductibilité de la biométrie a été évaluée à 0,15 mm ±0,05 (ce qui représente une imprécision statistiquement significative).

La biométrie optique


Elle a été développée par la firme Zeiss [13] sous le nom de « IOLMaster®  ». Elle est basée sur le principe d’interférométrie à cohérence partielle et utilise un faisceau infrarouge. Elle permet de mesurer la profondeur de la chambre antérieure, le rayon de courbure cornéen et la longueur axiale.
L’avantage de cette technique est de mesurer simultanément les 2 principaux paramètres de la réfraction. Le contrôle de la fixation par méthode du reflet est plus précis que dans l’échobiométrie. Elle est surtout parfaitement réalisable chez l’enfant et nettement rapide.

Autres techniques


L’étude des caractéristiques optiques du cristallin nécessite pour certains paramètres une technologie particulière utilisée dans divers types de phacomètres. Nous avons cité précédemment la videophakométrie utilisée par Mutti [20 & 21] et par Wood [26]. Ces mesures ont surtout un intérêt lorsque l’on veut mettre en évidence la part du cristallin dans l’évolution de la puissance dioptrique chez l’enfant.

Conclusion


La biométrie optique a un intérêt majeur par son application simple dès le jeune âge. Son objectif principal est de bien différencier les amétropies de puissance et les amétropies axiles, l’implication étant surtout de définir les possibilités chirurgicales éventuelles.
L’ultrasonographie reste par contre incontournable lorsque l’on veut mettre en évidence l’évolution des différentes composantes optiques de l’oeil, en particulier dans l’étude de l’emmétropisation et des amétropies.
Références
  1. De Bideran M. Intérêt du réfractomètre portable chez l’enfant de 0 à 3 ans. Bull Soc Ophtalmol Fr. 1 998 ; 98 : 65-68.
  2. Blomdahl S. Ultrasonic measurements of the eye in the newborn infant. Acta Ophthalmol (Copenh). 1 979 ; 57 : 1 048-56.
  3. Buschmann W. Ein neues optisch-akustiches Untersuchangsverfaren. Klin Mbl Augenheilk. 1 963 ; 142 : 170-76.
  4. Butcher JM, O’Brien C. The reproductibility of biometry and keratometry measurements. Eye. 1 991 ; 5 : 708-711.
  5. Cook A, White S, Batterbury M, Clark D. Ocular growth and refractive error development in premature infants without retinopathy of prematurity. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2 003 ; 44 : 953-60.
  6. Cordonnier M, Dramaix M. Screening for refractive errors in children : accuracy of the hand-held refractor Retinomax to screen for astigmatism. Br J Ophthalmol. 1 999 ; 83 : 157-61.
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  8. Gernet H. Zur Längenmessung des Auges am Lebenden. Graëfes Arch Ophthalmol. 1 963 ; 166 : 402-11.
  9. Gernet H. Ueber Achsenlänge und Brechkraft emmetroper lebender Augen. Graëfes Arch Ophthalmol. 1 964 ; 166 : 424-31.
  10. Gernet H. Achsenlänge und Refraction lebender Augen von Neugeborenen-. Graëfes Arch Ophthalmol. 1 964 ; 166 : 530-36.
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Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010