Le cas général
Introduction
Littérature
• Brown (1 938) [4] a trouvé dans une importante étude longitudinale une augmentation progressive de l’hypermétropie chez le strabique jusqu’à l’âge de 7 ans. Ce constat avait déjà été fait par le même auteur en 1 929 [3] ainsi que par Bothman en 1 932 [2]. Pour les 1 203 sujets étudiés sous cycloplégie atropinique les variations annuelles moyennes ont été respectivement de : +0,41 ∂, +0,43 ∂, +0,27 ∂, +0,21 ∂, +0,13 ∂ et 0,02 ∂. Le total pour cette période est de +1,08 ∂. À partir de l’âge de 8 ans, a été observée une régression : -0,10 ∂, -0,19 ∂, -0,27 ∂, -0,27 ∂, -0,28 ∂ et -0,29 ∂. Le total est de -1,38 ∂ pour ces 6 années. Ainsi la réfraction à 14 ans apparaît légèrement inférieure à la réfraction initiale. On notera que dans cette étude Brown n’a trouvé aucune différence évolutive entre sujets strabiques et non strabiques.
• Slataper (1 950) [12] a trouvé des résultats identiques avec une progression annuelle moyenne de +0,28 ∂ jusqu’à l’âge de 7 ans. Entre 7 et 13 ans la baisse moyenne annuelle est de -0,18 ∂. Là encore les sujets strabiques et non strabiques sont mélangés mais sans possibilité de les différencier. Par ailleurs une partie des examens a été réalisée sous tropicamide.
• Raab (1 984) [10] a analysé chez 68 sujets le changement réfractif annuel moyen jusqu’à l’âge de 7 ans. L’augmentation moyenne a été de +0,19 ∂ ±0,36. Cette augmentation n’est pas considérée comme une détérioration du strabisme.
• Raulet (1 987) [11] dans sa thèse a étudié l’évolution réfractive de 347 ésotropies. Il confirme l’augmentation progressive de la réfraction entre 1 an et 6 ans : +2,31 ∂, +2,90 ∂, +3,27 ∂, +3,36 ∂, +3,49 ∂ et +4,06 ∂ respectivement. La suite de l’évolution se fait dans la régression avec une valeur de +2,19 ∂ à 9 ans. Malheureusement à partir de l’âge de 6 ans, les réfractions ont été réalisées de manière subjective. L’évolution n’est pas uniforme pour tous les sujets : 44 % ont une progression supérieure à 1 dioptrie et 17 % en ont une inférieure à cette valeur.
• Badoche (1 981) [1] a étendu cette même étude à 600 strabismes en comparaison au même nombre de sujets non strabiques. Elle confirme que l’hypermétropie moyenne du strabique est nettement supérieure à celle des sujets non strabiques à âge égal. Par ailleurs les hypermétropies les plus importantes ont tendance à persister à l’adolescence contrairement aux hypermétropies plus modérées. La myopie est exceptionnelle et l’anisométropie peu fréquente i-ni-tia-lement.
• Clergeau (1 993) [5] a étudié les éléments réfractifs de 326 ésotropies. Après décompensation de l’hypermétropie latente, 75 % des patients avaient une amétropie significative. Celle-ci comporte une anomalie sphérique dans 91 % des cas, un astigmatisme significatif dans 53 % des cas et une anisométropie dans 51 % des cas. En conséquence les anomalies sont souvent associées. Pour les fortes hypermétropies la fréquence du strabisme est apparue multipliée par 2 par rapport aux amétropies non strabiques.
• Vladutiu (1 996) [14] a étudié la réfraction de 250 strabiques âgés de moins de 3 ans. Il a trouvé 5,9 % d’hypermétropies inférieures à 3 ∂ et 23,3 % entre 3 ∂ et 6 ∂. Il n’a pas été noté de prépondérance de l’étiologie réfractive.
• Lambert & al (2 006) [8] ont réalisé une étude longitudinale de la réfraction chez 126 enfants corrigés pour ésotropie accommodative sur une période moyenne de 4 ans 1/2. Les examens ont été réalisés sous autoréfraction cycloplégique. Les enfants ont été séparés en 3 groupes selon l’âge de prescription. Il est apparu que l’amétropie initiale est dépendante de l’âge : +5,1 ∂ ±1,9 à moins de 2 ans, +4,2 ∂ ±1,9 entre 2 et 4 ans et +3,8 ∂ ±1,7 entre 4 et 8 ans. Dans tous les groupes il a été trouvé une augmentation initiale de l’hypermétropie puis une régression. L’amétropie est maximale après 1 an de traitement dans le groupe 3 contre 6 ans dans le groupe 1. La plus grande régression est observée chez les sujets les plus âgés
ѓtudes Personnelles
Un travail semi-prospectif a été entrepris, d’abord en 2 000 [9] puis en 2 003 [6] en collaboration entre la clinique ophtalmologique kurtosis et notre cabinet libéral de Paimpol, réunissant 700 dossiers qui sont, dans la mesure du possible, toujours en suivi.
L’étude préliminaire avait montré qu’il n’existait pour la plupart des paramètres aucune différence significative entre les 2 groupes, en dehors d’une réfraction moyenne supérieure de 0,90 ∂ pour les patients de Paimpol (et de 0,75 ∂ en éliminant les fortes amétropies). La seule conséquence était que la prévalence des réfractions > +2,75 ∂ était de 74,3 % pour Paimpol et de 62,7 % pour Nantes, sans qu’il y ait d’explication manifeste. Par contre les évolutions constatées pour les 2 groupes étaient strictement identiques (+1,00 ∂).
Les résultats présentés ici poursuivent l’actualisation de ce dossier.
Méthodologie
Nous avons conservé les critères de classement selon les tranches d’âge et selon la réfraction maximale (tableaux 1 et 2).
Âge 1
8 | à 19 mois
Groupe 1
| > +6,00 | ∂
Âge 2
20 | à 39 mois
Groupe 2
+4.50 |
à +5,75 ∂
Âge 3
40 | à 69 mois
Groupe 3
+3,00 | à +4,25 ∂
Âge 4
70 | à 99 mois
Groupe 4
0 | à +2,75 ∂
Âge 5
100 | à 139 mois
Groupe 5
-1.25 | à -0,25 ∂
Âge 6
140 | à 179 mois
Groupe 6
-3,00 | à -1,50 ∂
Âge 7
180 | à 239 mois
Groupe 7
| < -3,25 | ∂
Âge 8
| ≥ | 240 mois
Tab 1 et 2. Classification des observations.
|
Situation actuelle des contrфles
La tranche de référence reste celle de l’âge 4 dans laquelle se situent la majorité des réfractions maximales et comporte par définition 100 % des dossiers. Le tableau 3 montre qu’au moins 50 % des sujets ont actuellement été suivis jusqu’à l’âge de 15 ans.
Tranche
| Nombre |
%
| Âge 1
22 | 4
31,6 | %
| Âge 2
42 |
8
61,1 | %
| Âge 3
64 |
5
92,1 | %
| Âge 4
7 |
00
100 | %
| Âge 5
64 |
1
91,6 | %
| Âge 6
52 |
9
75,6 | %
| Âge 7
36 |
9
52,7 | %
| Âge 8
15 |
3
21,9 %
Tab 3. Pourcentage de dossiers suivis.
|
Résultats
Analyse globale
L’évolution de la moyenne des différents paramètres figure au tableau 4 (graphique 9)
åge 1
| åge 2
| åge 3
| åge 4
| åge 5
| åge 6
| åge 7
| åge 8
S | phère base
+2,06 ∂
| +2,24 ∂
| +2,53 ∂
| +2,52 ∂
| +2,16 ∂
| +1,81 ∂
| +1,45 |
∂
+1,12 ∂
Sphèr | e maximale
+2,78 ∂
| +3,05 ∂
| +3,48 ∂
| +3,55 ∂
| +3,23 ∂
| +2,90 ∂
| +2,57 |
∂
+2,22 ∂
| | Cylindre |
0,72 ∂
| 0,81 ∂
| 0,95 ∂
| 1,03 ∂
| 1,07 ∂
| 1,09 ∂
| 1,12 |
∂
1,19 ∂
Anisométropi | e maximale
0,44 ∂
| 0,66 ∂
| 0,75 ∂
| 0,76 ∂
| 0,89 ∂
| 0,92 ∂
| 1,06 |
∂
1,14 ∂
|
Tab 4
La variation а court terme
La sphère
L’âge moyen du premier examen est de 3 ans ±2 et l’âge moyen de la réfraction maximale est de 6 ans ±3. Il faut donc en moyenne 3 ans de traitement optique optimal pour obtenir la décompensation de l’hypermétropie latente. Cette durée n’est toutefois qu’une moyenne et il existe une certaine dispersion des situations (16,4 % avant 40 mois et 18,2 % après 100 mois) [6].
Le tableau 4 montre que pendant cette période, la progression sphérique est plutôt modérée, inférieure à la dioptrie, selon le méridien pris en compte la sphère méridienne atteignant +3,50 ∂. Mais il existe là aussi une nette variété de situations, avec en particulier des dé-compen-sa-tions hypermétropiques beaucoup plus importantes (tableau 5), et qui surtout sont imprévisibles. Il apparaît toutefois que ce sont les réfractions initiales les plus faibles qui risquent de masquer l’hypermétropie latente (tableau 6).
Variation réf | ractive
%
Réfraction | initiale
% | ⎧
| ⎧ moyenne
< +0,50 ∂ ou ⎩
33,0 | %
< 0 ∂
| 53,3 %
+1, |
63 ∂ ±0,84
+0,50 | à +0,75 ∂
18,6 %
0 | à +1,75 ∂
74,6 %
+1, |
48 ∂ ±1,05
+1,00 | à +1,75 ∂
28,6 %
+2,00 | à +3,75 ∂
74,7 %
+1, |
53 ∂ ±1,00
+2,00 | à +2,75 ∂
14,6 %
+4,00 | à +5,75 ∂
67,6 %
+1, |
22 ∂ ±0,75
> +2,7 | 5 ∂
5,0 %
| > +5,75 ∂
| 65,7 %
+1, | 03 ∂ ±0,60
Tab 5 & 6. Variations réfractives brutes et relatives à la réfraction initiale.
|
Le cylindre
L’étude antérieure [9] avait montré que d’une manière générale l’astigmatisme variait peu pendant cette période. Nous retrouvons donc ici une valeur identique avec un accroissement d’environ 0,30 ∂. Une variation supérieure est retrouvée dans seulement 17 % des cas, essentiellement en augmentation qui peut atteindre +3,50 ∂. Les quelques régressions ne dépassent pas -1,50 ∂.
Si l’on prend comme critère la notion d’astigmatisme significatif (1,50 ∂), cette situation est retrouvée dans 21,4 % des cas au 1er examen et dans 31,9 % des cas au maximum réfractif.
L’anisométropie
Comme pour le cylindre, on retrouve une tendance sensible à l’augmentation progressive qui fait que rapidement l’anisométropie ne se trouve plus dans les normes physiologiques.
évolution а moyen et long terme
La sphère
À partir de l’âge 4 toutes les données sphériques sont en régression notable d’environ 0,30 ∂ par tranche d’âge. La réfraction finale apparaît nettement inférieure à la réfraction de départ. Toutefois la sphère méridienne reste en dehors de la zone physiologique.
Le cylindre
Le cylindre ne se modifie que peu mais la tendance est plutôt à l’augmentation avec une valeur finale qui est le double de sa limite physiologique.
L’anisométropie
Comme le cylindre, l’anisométropie continue à s’accentuer lentement avec des valeurs nettement significatives.
Analyse différentielle
évolution de la sphиre
Sur la totalité du groupe nous avons étudié la sphère de base pour éviter la redondance éventuelle avec le cylindre. Nous rappellerons que la valeur sphérique de référence est celle du maximum supposé c’est-à-dire pour l’âge 4.
åge 4
|
| Nombre
|
| m1
| m2
| m3
| m4
| m5
| m6
m7
m8
| > +7,25 ∂
| 16
| +6,75 ∂
| +6,75 ∂
| +7,72 ∂
| +8,05 ∂
| +7,88 ∂
| +7,72 ∂
|
|
+6,95 ∂
-
+6,00 | à +7,25 ∂
37
| +5,04 ∂
| +5,83 ∂
| +6,09 ∂
| +6,45 ∂
| +6,13 ∂
| +5,91 ∂
| +5,65 |
∂
+5,21 ∂
+4,50 | à +5,75 ∂
87
| +3,88 ∂
| +4,28 ∂
| +4,75 ∂
| +4,96 ∂
| +4,73 ∂
| +4,56 ∂
| +4,29 |
∂
+4,44 ∂
+3,00 | à +4,25 ∂
179
| +2,53 ∂
| +2,93 ∂
| +3,41 ∂
| +3,55 ∂
| +3,25 ∂
| +2,99 ∂
| +2,72 |
∂
+2,59 ∂
+1,50 | à +2,75 ∂
188
| +1,69 ∂
| +1,79 ∂
| +2,08 ∂
| +2,09 ∂
| +1,63 ∂
| +1,17 ∂
| +0,80 |
∂
+0,12 ∂
0 | à +1,25 ∂
123
| +0,63 ∂
| +0,80 ∂
| +0,94 ∂
| +0,66 ∂
| +0,53 ∂
| +0,31 ∂
| +0,07 |
∂
+0,14 ∂
-0,25 | à -1,50 ∂
35
| -0,08 ∂
| -0,70 ∂
| -0,32 ∂
| -0,76 ∂
| -1,06 ∂
| -1,76 ∂
| -2,29 |
∂
-3,39 ∂
-1,75 | à -3,00 ∂
19
| -2,24 ∂
| -1,35 ∂
| -1,97 ∂
| -2,24 ∂
| -2,43 ∂
| -3,10 ∂
| -3,54 |
∂
-3,85 ∂
-3,25 | à -4,50 ∂
10
| -2,50 ∂
| -3,21 ∂
| -3,56 ∂
| -3,70 ∂
| -3,48 ∂
| -4,48 ∂
|
|
-4,35 ∂
-
| < -4,50 ∂
| 6
-
| -6,75 ∂
| -7,67 ∂
| -6,80 ∂
| -7,96 ∂
|
| -8, |
50 ∂
-
-
Tab 7. évolution différentielle des réfractions sphériques.
|
Il apparaît dans le tableau 7 (graphique 10) que les évolutions sont nettement différentes selon les tranches réfractives. En première approximation, on peut reconnaître 3 schémas évolutifs : augmentation ou stabilisation de la réfraction initiale pour les hypermétropies importantes (> +4,25 ∂), emmétropisation apparente des hypermétropies modérées et accentuation progressive et nette des myopies.
évolution du cylindre
L’évolution du cylindre a été analysée en fonction de la sphère de base associée (tableau 8, graphique 11).
| m1
| m2
| m3
| m4
| m5
m6
m7
| > +4,25 ∂
| 0,64 ∂
| 0,82 ∂
| 0,88 ∂
| 0,98 ∂
| 1,06 ∂
| 1,10 |
∂
1,17 ∂
0 | à +4,25 ∂
0,73 ∂
| 0,76 ∂
| 0,89 ∂
| 0,98 ∂
| 1,02 ∂
| 1,02 |
∂
1,03 ∂
-0,25 | à -3,00 ∂
0,46 ∂
| 1,21 ∂
| 1,48 ∂
| 1,49 ∂
| 1,49 ∂
| 1,39 |
∂
1,53 ∂
| < -3,00 ∂
|
| -
1,11 ∂
| 1,66 ∂
| 1,69 ∂
| 1,70 ∂
| 1,77 |
∂
1,75 ∂
Tab 8. évolution du cylindre.
|
Dans toutes les tranches réfractives la valeur du cylindre s’accentue. Mais c’est dans le contexte de myopie que cette évolution est la plus marquée avec des valeurs finales nettement élevées. (Les variations à la tranche 8 n’ont pas été retenues compte tenu du nombre limité d’observations. La tendance serait à la poursuite de l’augmentation)
évolution de l’anisométropie
Elle a également été étudiée en fonction de la sphère (tableau 9, graphique 12).
| m1
| m2
| m3
| m4
| m5
m6
m7
| > +4,25 ∂
| 0,60 ∂
| 0,81 ∂
| 0,78 ∂
| 0,84 ∂
| 0,96 ∂
| 1,00 |
∂
1,14 ∂
0 | à +4,25 ∂
0,39 ∂
| 0,56 ∂
| 0,68 ∂
| 0,69 ∂
| 0,81 ∂
| 0,95 |
∂
1,06 ∂
-0,25 | à -3,00 ∂
0,38 ∂
| 1,03 ∂
| 1,00 ∂
| 1,02 ∂
| 1,20 ∂
| 1,30 |
∂
1,31 ∂
| < -3,00 ∂
|
| -
1,16 ∂
| 1,52 ∂
| 1,47 ∂
| 1,56 ∂
| 1,71 |
∂
1,66 ∂
Tab 9. évolution de l’anisométropie.
|
L’évolution observée apparaît très proche de celle du cylindre, probablement parce qu’elle lui est intimement liée.
Discussion
Strabisme et emmétropisation
Le concept d’emmétropisation apparu au début du XXe siècle et exprimé par Straub, Steiger et bien d’autres, implique que l’hypermétropie significative présente dans les premiers mois de la vie, régresse de façon notable, d’abord rapidement puis progressivement jusqu’à environ l’âge de 7 ans, pour se poursuivre lentement au moins jusqu’à l’adolescence.
Le profil évolutif retrouvé par tous les auteurs cités ici s’écarte donc notablement de ce processus physiologique. Et si Brown et Slataper n’ont pas trouvé de différence d’évolution entre hypermétropes stra-biques et non strabiques, c’est qu’il existe manifestement un biais no-table de recrutement en faveur de réfractions nettement pathologiques.
Il existe donc une concordance entre tous les résultats des différents auteurs sur l’évolution de la réfraction strabique en 3 phases.
La réfraction initiale, entre 1 et 3 ans, est en moyenne franchement hypermétropique mais dans des degrés divers. Bien que ce chiffre ne soit pas toujours précisé, on peut situer la réfraction de départ à environ +2,50 ∂, ce qui nous situe au-dessus de la valeur moyenne du sujet non strabique à âge égal. Le maximum réfractif est atteint la plupart du temps vers l’âge de 6 à 7 ans par libération de l’hypermétropie latente, avec une valeur moyenne de +3,50 ∂. Comme nous l’avons signalé, cette date est néanmoins variable en fonction de plusieurs facteurs : réfraction de départ, qualité et suivi du traitement optique, importance du spasme accommodatif. Sur ce dernier critère il convient de se méfier des strabismes à grand-angle et des exotropies. La quantité d’hypermétropie latente moyenne varie selon les travaux de 0,75 à 1,50 dioptrie, mais nous avons vu que de nombreuses observations dépassent largement ces valeurs. Seules les cycloplégies répétées et surtout la correction optique totale permanente permettent sa libération totale.
La seconde phase qui amène à environ 14 ans, est marquée par une régression générale des réfractions quel que soit le niveau atteint. La quantité de régression est approximativement identique à la quantité d’hypermétropie latente, ce qui nous ramène pratiquement à la réfraction de départ.
Enfin la troisième phase nous amène vers la vingtième année, et l’examen des courbes moyennes laisse à penser que pour un nombre conséquent de strabiques la situation s’est nettement améliorée, et pourrait parfaitement conduire à l’arrêt de la correction optique.
Or c’est à ce niveau d’interprétation qu’intervient tout l’intérêt de l’analyse différentielle par tranches réfractives. Plusieurs indications avaient déjà été données dans ce sens (Badoche, Clergeau, Raulet) où il apparaissait que les hypermétropies importantes ne suivaient pas le schéma global.
L’analyse du tableau 7 a parfaitement montré qu’il existe approximativement 3 types d’évolutions pour 3 groupes réfractifs initiaux (> +4,25 ∂, 0 à +4,25 ∂, < 0 ∂). Toutefois cette présentation ne traduit pas l’aspect quantitatif de chaque groupe.
Myopie et strabisme
La prévalence myopique est généralement considérée comme faible chez le strabique. Ce chiffre atteint toutefois 7,7 % entre 6 et 8 ans dans notre série contre 7,6 % chez le non strabique. Il n’existe donc pas sur ce point de différence manifeste.
La prise en compte de l’influence des réfractions myopiques sur la courbe générale constitue en effet un élément clé dans l’interprétation de l’évolution réfractive globale. Cette situation était déjà apparue manifeste dans le travail initial par analyse rétrospective à partir de la réfraction finale (Péchereau) [9]. Elle a été amplement confirmée par l’étude longitudinale prolongée (Clergeau) [6] et par les données les plus récentes.
Nous avons donc tout d’abord repris les éléments du tableau 7 en éliminant l’ensemble des sujets présentant une myopie initiale ou ayant présenté secondairement une myopie. Ces conditions nous limitent à la tranche de 0 à +4,25 ∂ étant donné qu’aucune hypermétropie supérieure n’a évolué vers la myopie (tableau 10).
åge 4
|
| %M
| m1
| m2
| m3
| m4
| m5
| m6
m7
m8
+3,00 | à +4,25 ∂
4,5 %
| +2,54 ∂
| +2,92 ∂
| +3,41 ∂
| +3,55 ∂
| +3,33 ∂
| +3,16 ∂
| +2,96 |
∂
+2,93 ∂
+1,50 | à +2,75 ∂
17,6 %
| +1,72 ∂
| +1,75 ∂
| +2,06 ∂
| +2,11 ∂
| +1,90 ∂
| +1,64 ∂
| +1,54 |
∂
+1,19 ∂
0 | à +1,25 ∂
28,5 %
| +0,79 ∂
| +0,90 ∂
| +0,96 ∂
| +0,78 ∂
| +0,80 ∂
| +0,75 ∂
| +0,80 |
∂
+0,97 ∂
Tab 10. évolution hypermétropie (hors myopies).
|
Le rôle de la myopie apparaît déjà ici manifeste. La diminution hypermétropique est réduite par rapport à l’étude totale de 0,34 ∂, 1,07 ∂ et 0,83 ∂ respectivement. On s’aperçoit que finalement, en moyenne, les hypermétropies supérieures à 3,00 dioptries ne régressent pas et que les hypermétropies plus modérées ont un défaut sensible d’emmétropisation complète.
On remarquera par ailleurs que le taux de myopisation augmente de façon importante avec la diminution du degré d’hypermétropie initiale. Ceci n’est probablement pas très différent de ce qui est observé chez les hypermétropes non strabiques.
0 à +4,25 ¶
|
| m1
| m2
| m3
| m4
| m5
| m6
m7
m8
Ho | rs myopies
+1,81 ∂
| +2,06 ∂
| +2,38 ∂
| +2,42 ∂
| +2,27 ∂
| +2,18 ∂
| +2,09 |
∂
+2,1 | 4 ∂
Total
| +1,70 ∂
| +1,96 ∂
| +2,28 ∂
| +2,26 ∂
| +1,95 ∂
| +1,68 ∂
| +1,39 |
∂
+1,26 ∂
Tab 11. évolution hypermétropie avec et hors myopies.
|
L’impact sur l’ensemble du groupe de 0 à +4,25 ∂ figure au tableau 11. Il existe une différence finale sensible de 0,88 ∂.
Enfin dans le tableau 12 est présentée la comparaison de l’évolution moyenne totale pour les dossiers entre +7,25 ∂ et -4,50 ∂, avec les sujets restés hypermétropes et ceux présentant une myopie. Il apparaît que les sujets hypermétropes ont au terme de l’évolution une réfraction non physiologique c’est-à-dire nettement supérieure au plafond physiologique. D’autre part il est fait le même constat que pour les sujets non strabiques, à savoir que les myopies proviennent en majorité d’un groupe présentant une hypermétropie moyenne non négligeable à peine inférieure à la moyenne physiologique du 9e mois.
-4,50 à +7,25 ¶
|
| m1
| m2
| m3
| m4
| m5
| m6
m7
| m8
Total
| +1,97 ∂
| +2,21 ∂
| +2,46 ∂
| +2,47 ∂
| +2,14 ∂
| +1,81 ∂
| +1,45 |
∂
+1,20 ∂
Hype | rmétropies
+2,08 ∂
| +2,30 ∂
| +2,55 ∂
| +2,60 ∂
| +2,39 ∂
| +2,15 ∂
| +1,93 |
∂
+1,78 | ∂
Myopies
| +1,29 ∂
| +1,39 ∂
| +1,76 ∂
| +1,42 ∂
| +0,43 ∂
| -0,32 ∂
| -1,29 |
∂
-1,73 ∂
Tab 12. évolution moyenne des hypermétropes et des myopes (réfraction finale).
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Réfraction et angle de déviation
Il est parfaitement connu qu’il n’y a aucun lien proportionnel entre l’importance de l’hypermétropie et l’angle de déviation, avec ou sans correction. Pendant longtemps on a eu tendance à considérer que l’hypermétropie n’était pas un élément marquant des exotropies. La confusion a de surcroît été entretenue par l’utilisation volontaire de sous-corrections pour neutraliser l’angle. Actuellement tous les auteurs sont d’accord pour considérer que la grande majorité des exotropies présentent des hypermétropies nettement significatives. Dans notre série la moyenne réfractive a été de +3,41 ∂ ±2,98 pour les exotropies contre +4,06 ∂ ±2,28 pour les ésotropies. On note seulement une proportion un peu plus élevée de myopies.
Conclusion
Sur le plan de la prévision de l’évolution de la réfraction strabique et entre autres de la nécessité éventuelle de conserver à vie une correction optique ou son équivalent, il existe à la fois des éléments clairs et des éléments ambigus.
ѓvolution de la sphère
• Les hypermétropes > +4,25 ∂ ne modifieront pas leur réfraction de façon significative.
• Les myopes partageront le sort des myopes non strabiques.
• Le groupe de 0 à +4,25 ∂ a un avenir nettement plus hétérogène. La majeure partie restera plus ou moins hypermétrope. Un contingent notable deviendra myope.
Dans la majeure partie de toutes ces situations il y aura en principe une indication à garder ou à reprendre une correction optique. Dans notre série et à l’âge de 15 ans, 93 % des sujets se trouvent dans cette situation.
ѓvolution du cylindre
La littérature ne présente pratiquement aucune donnée sur le cylindre en dehors de ses liens éventuels avec l’anisométropie. L’étude réalisée en 2 000 concluait à une quasi-stabilité de l’astigmatisme avec une valeur moyenne quand même significative de 1,30 ∂. L’augmentation du nombre de dossiers vers le long terme montre dans cette nouvelle étude une accentuation progressive notable mais qui apparaît en partie imputable à l’évolution myopique. Il est difficile d’affirmer si cette situation est propre au strabisme ou reflète une tendance plus générale de l’ensemble des réfractions myopiques et de leur association au cylindre qui a été exposée dans le chapitre précédent.
ѓvolution de lХanisométropie
Nous avons vu que l’anisométropie suivait un parcours parallèle à celui de l’astigmatisme. Cette situation est parfaitement connue. Elle est la conséquence d’une évolution souvent différente entre l’œil dominant et l’œil dominé ou a fortiori amblyope. En règle générale l’œil dominant est susceptible de réduire son hypermétropie et le cas échéant à passer en myopie. L’œil dominé a nettement tendance à conserver son hypermétropie. On rappellera par ailleurs qu’en cas d’anisométropie cylindrique, l’œil dominé est plutôt l’œil astigmate même avec un équivalent sphérique plus faible.
Conclusion
Références
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Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010