La Réfraction : réfraction objective et subjective Béatrice Roussat
Introduction

La correction des troubles réfractifs a un but essentiel: celui de permettre au sujet de bien voir, en vision monoculaire comme en vision binoculaire. Il faut que le sujet ait une sensation de confort dans la vision à toutes les distances.
Dans certains cas, cette correction n’a pas seulement ce rôle fonctionnel, mais peut représenter un traitement étiologique, par exemple dans le strabisme totalement ou partiellement accommodatif.
La décision thérapeutique est variable selon l’âge du sujet et selon ses symptômes.

Chez l’enfant d’âge préverbal

C’est-à-dire entre la naissance et deux ans et demi.

Généralités

À cet âge, l’examen de la réfraction a lieu à la demande des parents, en raison d’antécédents familiaux (troubles réfractifs ou autres anomalie oculaire) ou parce que l’enfant a un strabisme, un ptôsis ou des symptômes irritatifs (frottement oculaire, conjonctivites ou kératites à répétition).
Dans tous les cas, la réfraction est obligatoirement faite sous cycloplégique, et la prescription optique tient compte uniquement des données objectives
: l’âge de l’enfant interdit une appréciation subjective.
Lorsqu’elle est nécessaire, la correction optique gagne à être prescrite le plus tôt possible
: un enfant supporte d’autant mieux la totalité de sa correction qu’il a été corrigé tôt.

En fonction des symptômes
En l’absence de tout signe fonctionnel, par exemple lors d’un examen systématique

Il est fréquent qu’on constate une hypermétropie d’une ou deux dioptries. Avant de prendre une décision thérapeutique, il convient de répéter l’examen à distance de quelques mois, en vérifiant la qualité de la cycloplégie.
Sachant, comme cela l’a été démontré par Mäntyjärvi (1
985), que l’hypermétropie des enfants évolue vers une amélioration spontanée de 0,12 dioptrie par an, on tend à négliger toute hypermétropie inférieure à une dioptrie. Au-delà de cette limite, on traite l’anomalie, mais en la sous-corrigeant d’une demi-dioptrie.
La vérification de cette hypermétropie doit se faire tous les ans.
Il est plus rare qu’on dépiste à cet âge une myopie. Celle-ci doit être considérée comme pathologique et corrigée avec exactitude.

En cas de strabisme

Lorsqu’il existe un strabisme, toute anomalie réfractive doit faire l’objet d’une correction optique.
Lorsque l’importance de l’amétropie conduirait à une intolérance de l’appareillage, on est amené à prescrire une « correction en deux temps  »
: la prescription initiale est choisie pour corriger approximativement la moitié du désordre réfractif.
Ce premier appareillage est contrôlé au bout de deux mois et remplacé par la correction définitive. Ce protocole est très utile pour faire accepter l’appareillage optique aux petits enfants.
Il est indispensable de décrire aux parents l’intérêt et les modalités de cette procédure.
L’ordonnance initiale doit comporter clairement l’indication de cet « appareillage en deux temps  », pour permettre l’acceptation de son remboursement.

En cas de ptôsis ou de symptômes irritatifs, mais en l’absence de strabisme

On doit suivre la même démarche que s’il existait un strabisme, et tendre à une correction optimale, avec les mêmes remarques techniques.

Chez l’enfant entre 3 et 5 ans

Entre 3 et 5 ans, il est rare qu’un enfant réponde de façon satisfaisante lors de l’évaluation subjective de son acuité visuelle. On peut éventuellement parvenir à une estimation du résultat en s’appuyant sur les réactions de rejet lors de l’examen ou sur le refus ultérieur du port des lunettes.
La démarche thérapeutique est similaire à celle de la période précédente. En cas d’hypermétropie inférieure à deux dioptries, on se contentera d’une surveillance sans correction optique, sous réserve d’une absence de signe fonctionnel ou de mal vision.
Quand on examine un enfant qui porte déjà des lunettes et qui semble avoir une correction satisfaisante lors de l’examen subjectif, on constate parfois une discordance avec la réfraction objective. Tout se passe comme si l’enfant s’était habitué à une correction erronée. Il a du mal à perdre cette habitude au profit d’une correction objectivement idéale. La même situation existe chez l’adulte. Il faut pourtant revenir à la correction optimale. Si la discordance est très marquée, il faut la rectifier par étapes successives.

Chez l’enfant plus âgé (après 5 ans) et chez l’adulte
Généralités

À partir de 5 ans, la coopération de l’enfant devient possible. On obtient une réponse subjective fiable lors des essais de verres. Cette participation va devenir de plus en plus utilisable, sauf en cas d’affection neurologique ou psychologique.
Il s’agit donc du cas habituellement rencontré chez l’adulte, où l’on dispose des deux méthodes d’appréciation. On notera néanmoins que l’examen objectif devrait être effectué systématiquement sous cycloplégie. Même chez l’adulte, la persistance d’une accommodation fausse l’analyse du réfracteur automatique.
De plus, il faudrait attendre la dissipation de cette cycloplégie pour vérifier subjectivement la tolérance de la correction optimale ainsi définie. Lors d’une première correction, il est fréquent que le patient ne tolère qu’une partie de cette correction optimale.
Dans certains cas (essentiellement chez les adultes) il y a une différence de tolérance entre le résultat œil par œil et le résultat obtenu après correction binoculaire. Lorsqu’il s’agit d’une première correction, on doit donner la valeur minimale qui donne une bonne vision avec les deux yeux ouverts, puis augmenter progressivement la correction.

En fonction des symptômes
Hypermétropie

Les hypermétropes sont les plus difficiles à corriger, car ils utilisent leur accommodation pour continuer à voir net. Lors des premiers essais de lunettes en vision de loin, ils ont tendance à se plaindre de « voir flou  » si on leur met d’emblée leur correction optique maximale. C’est la raison pour laquelle on peut moduler la correction donnée par la méthode objective, en la sous-corrigeant d’une demi-dioptrie, voire davantage.
En revanche, il faut obtenir que le malade porte ses lunettes en permanence, pour s’habituer à cette première correction et pouvoir dans un deuxième temps passer à la correction complète (quelques mois plus tard).
Quand il existe des signes fonctionnels, l’utilisation de cette méthode progressive permet une meilleure tolérance de la correction finale, indispensable à la disparition de la gêne.

Myopie

Les myopes posent moins de problèmes et tolèrent tout de suite leur correction. À la rigueur, ils vont « oublier  » de mettre leurs lunettes et se débrouiller comme avant, en tentant de plisser les yeux, pour voir grâce au phénomène du trou sténopéïque.
Comme ils sont faciles à appareiller, ils peuvent tolérer une correction supérieure à leur correction optimale. Il faut éviter de les suivre sur ce terrain en les surcorrigeant. Cela est particulièrement possible chez l’enfant atteint de « spasmes accommodatifs  » en rapport avec les efforts de lecture (approximativement vers 7 à 8 ans).
L’utilisation des données objectives est indispensable, même si la méthode subjective donne des résultats rapides et satisfaisants.
En effet, un patient peut s’adapter à une correction différente de celle dont il a strictement besoin. Ce phénomène peut être suspecté chez certains sujets qui viennent consulter avec une correction optique différente de celle calculée par la méthode objective. La différence porte surtout sur l’axe de la correction cylindrique.
Dans la myopie forte, il peut être nécessaire dans certains cas de recourir à une correction « en deux temps  », améliorant la vision de loin tout en gardant une bonne vision de près.

Presbytie

La perte d’accommodation est globalement proportionnelle à l’âge, mais la correction œil par œil est souvent supérieure par rapport à celle demandée pour la vision avec les deux yeux ouverts. Il faut préférer cette dernière.

Chez le sujet pithiatique

Quel que soit l’âge, la prise en charge d’une baisse d’acuité visuelle non organique ne peut s’envisager qu’après avoir réalisé une étude objective de la réfraction sous cycloplégie.

Conclusion

Dans l’idéal, la correction optimale devrait être fondée sur la mesure objective sous cycloplégie, avec vérification ultérieure de la tolérance de cette correction, par la méthode subjective, mais hors cycloplégie.
En pratique, ce protocole est rarement utilisé pour la prescription de lunettes correctrices d’une amétropie simple. Il est indispensable chez l’enfant, en particulier en cas de strabisme ou de symptôme irritatif. Il faut l’introduire systématiquement chez l’adulte présentant les mêmes symptômes, même si cela semble compliquer la prise en charge (informations préalables, nécessité d’un examen plus long ou d’une consultation complémentaire).

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010