La Réfraction : kératométrie et réfractométrie Olivier Malauzat
Introduction

La kératométrie et la réfractométrie sont deux examens liés mais distincts. En effet, la kératométrie consiste en l’étude morphologique des seuls paramètres cornéens intervenants dans la réfraction du sujet, alors que la réfractométrie analyse l’œil dans la globalité.
La réfractométrie, automatisée ou subjective, permet de corriger l’amétropie du sujet par lunettes. La kératométrie, elle, est essentielle pour la prescription de lentilles et pour le bilan pré et postopératoire de la cataracte et en chirurgie réfractive.
La kératométrie a bénéficié d’innovations techniques très importantes ces dernières années et les appareils à disposition sont multiples. Leur informatisation a permis une automatisation et une multiplication des paramètres pris en compte. La complexité de la morphologie de la cornée, connue de longue date, se voit confirmée d’année en année.

Morphologie de la cornée

La cornée est le déterminant majeur du système optique. En effet, le pouvoir dioptrique du cristallin n’est que de 20 dioptries alors que celui de l’interface air - film lacrymal est de 43,6  ∂, (l’interface film lacrymal - épithélium de 5,3  ∂ et l’interface endothélium - humeur aqueuse de -5,8  ∂).
La morphologie de la cornée n’est pas sphérique. Son épaisseur est très variable (de 0,55 au centre à 1,2 mm. en périphérie) en raison de la différence de rayon de courbure de sa face antérieure et de sa face postérieure (respectivement 7,8 mm. et 6,7 mm.). Cette épaisseur est par ailleurs assez variable d’un individu à l’autre, indépendamment des diverses pathologies qui peuvent l’amincir ou au contraire l’épaissir.
On distingue classiquement quatre zones
: centrale (4 mm.), paracentrale (4-7 mm.), périphérique (7-11 mm.) et limbique. En fait, ces limites sont floues et variables, la cornée échappant à toute systématisation simple.

L’astigmatisme cornéen

La morphologie de la cornée est la cause la plus importante d’astigmatisme. La face antérieure donne la quasi-totalité de cet astigmatisme car elle sépare deux milieux très différents: l’air et le tissu cornéen.
On décrit un astigmatisme cornéen dit « physiologique  » conforme de 0,75 dioptrie, compensé par l’astigmatisme cristallinien qui lui est inverse.
L’astigmatisme total associe les différentes composantes. Ainsi est-il
:

• Direct et inférieur à l’astigmatisme cornéen, si celui-ci est direct et important;
• Inverse et supérieur à l’astigmatisme cornéen, si celui-ci est inverse
;
• Nul ou faible, si l’astigmatisme cornéen est « physiologique  »
;
• Inverse, si l’astigmatisme cornéen est nul.

On retrouve souvent cette variation aux alentours de 0,75 dioptrie entre l’astigmatisme cornéen mesuré par kératométrie et l’astigmatisme total mesuré au réfractomètre automatique et confirmé par la réfraction subjective.

La kératométrie manuelle

On en distingue essentiellement trois kératomètres:

• Javal: avec un dédoublement fixe, des mires mobiles,
• Helmholtz
: dédoublement variable, mires fixes projetées à l’infini,
• Sutcliffe
: dédoublement parallactique à mires fixes.

Ces appareils mesurent l’astigmatisme de la face antérieure, déterminant l’axe et la valeur cylindrique des deux méridiens cornéens et leur différence de puissance.
Ils donnent la place des deux focales principales l’une par rapport à l’autre, mais pas leur place par rapport à la rétine.
Ils consistent en la projection de deux mires graduées sur la zone centrale, la plus régulière. On procède alors à l’alignement des lignes de foi et au décompte des marches d’empiétement.
Il convient de les étalonner régulièrement (à l’aide d’une bille de valeur connue, en réglant réticule du + vers le -).
Ils comportent des inconvénients
:

• Facteur « personnel  » de lecture des résultats;
• Durée de l’examen chez l’enfant
;
• Seule la cornée centrale (3 mm.) est prise en compte (soit 6  % seulement de la surface cornéenne)
;
• Ils ne tiennent pas compte de la morphologie de la portion de cornée comprise entre les 2 points de projection des mires (la forme peut être quelconque, à la limite pourrait être inexistante
!);
• Ils ne tiennent pas compte du fait que la cornée est asymétrique et asphérique
;
• Le centrage peut être difficile (patient ne pouvant fixer)
;
• Problème d’ergonomie (par rapport à un kératomètre couplé à un réfractomètre automatique) (place, données à recopier ou à saisir manuellement)
;
• Problème de fiabilité pour les mesures des fortes kératométries
;
• Ils considèrent les axes principaux comme perpendiculaires, ce qui n’est pas toujours le cas.

Par contre, ils permettent d’avoir la perception d’anomalies morphologiques, sans pouvoir les chiffrer (non-affrontement des mires dans les kératocônes, les astigmatismes irréguliers, les taies paracentrales).

La kératométrie automatique

Les kératomètres se sont généralisés et ont pour avantage d’être:

• Couplés au réfractomètre automatique (ergonomie, informatisation);
• « Objectif  »
;
• Centrés de façon plus certaine (cataracte blanche)
;
• Reproductible
;
• Précis (360 mesures sur 3 mm)
;
• Rapides
: temps de mesure = 0,1 sec (intérêt chez l’enfant);
• Fiables en valeur de kératométrie et d’axe
;
• Portables éventuellement.

Le réfractomètre automatique, à la différence du kératomètre automatique, projette le test sur la rétine, déterminant l’astigmatisme total. Les valeurs d’astigmatisme servent ici plus à la prescription lunettes.

La vidéokératoscopie

Les vidéokératoscopes sont basés sur le principe du disque de Placido, consistant en la projection sur la cornée d’un certain nombre de cercles (de 20 à 34), jusqu’à 8000 points étant analysés.
Leur intérêt réside dans le fait qu’ils analysent la cornée sur une zone beaucoup plus vaste, bien au-delà des 3 mm centraux.
Ils sont d’autant précis que le cercle central d’analyse est petit car il n’y a pas d’information à l’intérieur du premier cercle central (problème de la détection des îlots centraux en chirurgie réfractive).
Ils ont l’avantage d’être informatisés, archivables, exportables sur la fiche informatique du patient, comparables dans le temps (cône, chirurgie réfractive).
Ils se révèlent indispensables au diagnostic des astigmatismes irréguliers (prédominant sur un méridien, ou avec deux hémiméridiens d’axe non parallèles), des kératocônes, en contactologie (simulation fluo) en chirurgie réfractive (bilan préopératoire, analyse postopératoire). En fin, ils sont d’une aide précieuse pour les expertises médico-légales (taies cornéennes).
Cependant, ils n’analysent que l’astigmatisme cornéen antérieur.
La vidéokératoscopie a permis de classer les différentes formes de la cornée
:

• Ronde = 22,6  %;
• Ovale = 21  %
;
• Nœud papillon symétrique = 17  %
;
• Nœud papillon asymétrique = 32  %
;
• Irrégulière = 7,4  %.
Perspectives d’avenir

En fait, surtout du fait des avancées de la chirurgie réfractive, de nouvelles exigences sont apparues. En effet, la topographie cornéenne classique n’explore que les 9 mm centraux de la cornée antérieure.
L’Orbscan est un nouvel appareillage qui consiste en un balayage d’une double fente lumineuse sur l’ensemble de la cornée.
Il donne deux profilométries distinctes, l’une antérieure et l’autre postérieure. Le différentiel de ces deux profilométries permet d’établir une cartographie pachymétrique précise.
Il permet donc d’évaluer à la fois l’astigmatisme antérieur et postérieur.
Les cartes kératométriques classiques en dioptries ne donnent qu’une idée intuitive de la forme de la cornée. Au contraire, cette topographie d’élévation donne une image réelle du relief cornéen en affectant à chaque point une hauteur (en micron) par rapport à une sphère de référence.
Enfin, le couplage de l’appareil au logiciel d’ablation du laser Excimer est en cours d’évaluation, afin d’optimiser la photo ablation, en personnalisant au maximum celle-ci.
Mais l’astigmatisme n’est pas que cornéen…
Faisant la synthèse entre les avancées les plus récentes de la kératométrie informatisée et la réfractométrie, l’Aberromètre se propose de mesurer l’ensemble des aberrations optiques de l’œil en tant que système optique global.
Une source lumineuse artificielle créée au niveau macula sort de l’œil avec des distorsions propres à chaque œil. L’analyse informatique des données recueillies donne des profils d’ablation qui sont différents de ceux qui résultent de la seule géométrie cornéenne.
La photo ablation deviendrait alors le calque négatif du profil aberrométrique.
Certains auteurs s’enthousiasment tant de l’arrivée de ces nouveaux appareils qu’ils évoquent des notions de performances visuelles postopératoires « supra normales  », Partants du principe que le pouvoir discriminatif théorique serait de 20/10, ils n’hésitent pas à le fixer comme objectif…

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010