Les facteurs de risques amétropiques
• Les antécédents familiaux
• Facteur de risque réfractif
• Quel protocole, pour quel dépistage ?
Chez l’enfant
• Prévalence
• Hypermétropie
• Myopie
• Astigmatisme
• Anisométropie
Chez l’adulte
• La myope
• L’hypermétropie
• La presbytie
Conclusion
Introduction
Tout examen oculaire débute par l’étude de la réfraction. L’ophtalmologiste doit posséder les connaissances nécessaires concernant l’optique physiologique de l’œil, les anomalies de la réfraction et bien sûr la correction de celles-ci.
La mesure de l’acuité visuelle et de divers paramètres de la vision ne prend, en effet, tout son sens qu’après la correction du facteur optique qui permet à l’image fixée de se faire sur la rétine. Cette mise au point est conditionnée par la puissance optique du dioptre cornéen et de la lentille cristallinienne, par la longueur du globe et accessoirement la profondeur de la chambre antérieure.
Ces trois mesures sont en moyenne respectivement : 51 dioptries, 35 dioptries et 16,08 mm chez le nouveau-né normal et de 40 dioptries, 18.5 dioptries et 23,5 mm chez l’adulte. En effet, l’œil au cours de la croissance va se modifier pour permettre la perception rétinienne d’images nettes. Cette mise au point est conditionnée par la longueur axiale, le pouvoir réfringent de la cornée et le pouvoir réfringent du cristallin. La réfraction va dépendre de l’évolution de ces trois éléments dont la variation va aboutir à la réfraction finale et déterminer le degré d’amétropie. Ces modifications physiologiques, très importantes chez l’enfant, vont évoluer de façon très rapide de la naissance à l’âge de 3 ans et bien plus progressivement à partir de cet âge.
De la naissance à l’âge de 3 ans
La longueur axiale
Mesurable et mesurée par la biométrie donnée par échographie, elle est réduite à la naissance : en effet on note une longueur axiale de 15 mm chez le prématuré, de 16,5 à 18 mm chez le nouveau-né, de 18,5 mm chez le nourrisson de 6 mois, de 22,5 à 23 mm chez l’enfant de 3 ans (15) Ces dernières mesures sont proches de celle de l’adulte qui atteint 24 mm vers l’âge de 13 ans. Cette longueur axiale augmente sur une période beaucoup plus longue par opposition à l’évolution du pouvoir réfringent de la cornée et du cristallin qui est rapidement stable à la fin de la première année. Il est important de signaler qu’une différence de 1 mm de longueur axiale induit environ 5 dioptries d’amétropie en plus ou en moins.
Le pouvoir réfringent de la cornée
Chez le prématuré, il est de 49 à 51 dioptries, de 47 à 47,5 dioptries chez le nouveau-né, de 41 à 43 dioptries chez l’adulte. En effet, du fait de son allongement, la cornée va devenir moins sphérique, son rayon de courbure passe de 6,6 mm à la naissance à 7 mm à l’âge de 1 an, ce qui diminue sa puissance d’environ 5 à 5,5 dioptries, ceci par augmentation du rayon de courbure de la cornée très tôt dans le développement (15).
Le pouvoir réfringent du cristallin
Il est de 38 à 42 dioptries chez le nouveau-né et 18,5 à 22 dioptries chez l’adulte. En effet, le cristallin presque sphérique à la naissance a un pouvoir réfractif important. Il s’aplatit la première année par augmentation du rayon de courbure du cristallin, ce qui diminue également sa puissance.
Au total ces différentes modifications concourent toutes à l’acquisition de l’emmétropie appelée « effet emmétropisant ». Selon Delmarcelle, l’emmétropie est issue d’un rapport harmonieux développé après la naissance entre la longueur axiale et le pouvoir de réfraction de la cornée et du cristallin. En effet, on note une diminution de la puissance de convergence de la cornée et du cristallin par opposition à l’augmentation de la longueur axiale du globe oculaire : le fait que l’œil soit trop court est compensé par un fort pouvoir réfringent du cristallin et de la cornée (environ 24 dioptries de plus que celui de l’adulte). Les facteurs responsables de l’emmétropisation sont inconnus. Chez l’homme, ce processus s’exerce principalement la première année de vie et modérément les deux années suivantes.
Ainsi, au cours de la croissance, la puissance de convergence de la cornée et du cristallin diminue tandis que la longueur du globe augmente. Comment s’étonner qu’au cours ou à la fin de ces transformations, dans l’ensemble harmonieuses, il se produise parfois quelques erreurs à l’origine de l’hypermétropie, la myopie, ou de l’astigmatisme ?
On peut comprendre que lors de ces modifications réfractives dans l’ensemble harmonieuse, il se produise parfois quelques erreurs à l’origine de l’hypermétropie, de la myopie ou de l’astigmatisme témoignant d’un défaut du processus d’emmétropisation etc..
Après l’âge de 3 ans
Les modifications relatives de ces paramètres interdépendants vont se poursuivre à un rythme beaucoup plus lent : toute anomalie dans l’évolution se traduira par une amétropie de degré plus ou moins élevée dans la genèse de laquelle il est souvent difficile d’incriminer un facteur oculaire particulier. La répartition des amétropies se fait selon une courbe de Gauss : à la fin de la croissance, les troubles de la réfraction se répartissant selon une courbe de Gauss : la courbe montrant une grande majorité d’emmétropie, prend un aspect symétrique pour les hypermétropies et les myopies lorsqu’on a éliminé la myopie maladie.
Nous étudierons successivement la prévalence de ces anomalies chez l’enfant puis chez l’adulte après avoir rappelé leurs facteurs de risque.
Les facteurs de risques amétropiques
L’étude des facteurs de risque amétropiques s’intègre dans une démarche globale comportant un certain nombre d’objectifs. Leur mise en évidence implique un dépistage dont nous préciserons ci-après les objectifs et modalités.
Les antécédents familiaux :
Sous ce terme, la littérature se limite malheureusement aux antécédents de strabisme avec ou sans amblyopie car ils s’accompagnent très souvent de troubles réfractifs.
Un examen plus ou moins précoce de tous les enfants ayant un antécédent de ce type en incluant le 3° degré est à proposer : en effet un antécédent strabique est signalé dans 25 à 30 % des cas.
Plusieurs études réalisées dans ce sens (Ingram et Kramar, Atkinson, Abrahamsson et Sjvostrand) ont abouti aux constatations suivantes :
• La recherche isolée à un âge prédéfini chez un enfant ayant un antécédent strabique est d’un intérêt limité car le diagnostic n’est pratiquement jamais fait au moment de cet examen mais le plus souvent établi par la famille depuis longtemps. Le meilleur moyen de dépistage est donc d’enseigner à la maman les manifestations élémentaires d’un trouble oculomoteur et de lui demander de consulter au moindre doute (étude Sjvöstrand). On peut souligner la réalité des liens statistiques entre le risque strabique, ses antécédents et le risque amétropique.
• Tous les auteurs cités retrouvent que les enfants ésotropes ont au moins un antécédent strabique dans 50 à 60 % des cas.
• Par contre la relation inverse s’avère beaucoup moins évidente : 50 % des strabismes n’ont en conséquence pas d’antécédent strabique, mais surtout le risque de présenter un strabisme pour un enfant ayant un antécédent strabique n’est que de 15 à 20 %. Cette situation est en fait directement liée au caractère multifactoriel de l’hérédité strabique avec entre autre un élément fondamental qui est le trouble réfractif associé. Abrahamsson en conclut d’ailleurs que seuls les enfants d’une fratrie strabique présentant eux-mêmes une amétropie significative ont un réel risque strabique.
Facteur de risque réfractif
En présence d’antécédents : De façon logique et en conséquence des études précédentes, la première approche a été faite à partir des antécédents strabiques et/ou amblyopiques. Un certain nombre de relations statistiques significatives ont été mises en évidence :
Kramar et Ingram (1 973-1 977) ont trouvé pour les enfants avec antécédent strabique ayant été examinés en skiascopie cycloplégique :
• Qu’une hypermétropie de base > 2 ∂ entraînait un risque strabique de 87 %.
• Qu’une anisométropie > 1 ∂ entraînait un risque strabique de 76 %.
• Que la présence d’un astigmatisme n’était pas significative.
• Qu’il existait une relation significative entre l’association d’une hypermétropie, d’une anisométropie et d’une amblyopie.
Aurell quant à lui en 90 retrouvait en skiascopie cycloplégique, 17.6 % de risque d’ésotropies chez des enfants de 6 mois porteur d’une hypermétropie > à 4 ∂ ; à noter la disparition de ce risque si l’hypermétropie diminue spontanément.
Même en l’absence d’antécédent strabique ou amblyopique, la quasi-totalité des travaux est restée orientée vers le risque strabique ou amblyopique. Il est néanmoins logique de concevoir le dépistage et la prévention dans un cadre plus large de l’amétropie en général. Deux démarches dans l’évaluation du risque amétropique furent proposées :
• Une première approche rétrospective déterminant les niveaux de risque à partir des anomalies observées au terme d’un certain suivi.
• Une seconde approche prospective, basée sur un critère statistique de « normalité » en fonction de la répartition des réfractions.
Différentes études (Ingram, Atkinson, Abrahamson et Sjvostrand : rétrospectives et Howland : prospectives) sur le sujet furent conduites donnant apparemment toutes des résultats différents.
Ces différences ne semblent nullement être expliquées par des problèmes de méthodologie car chaque auteur a généralement pris le soin de corréler les résultats avec ou sans cycloplégie. La différence essentielle semble en fait situer dans l’objectif du dépistage réalisé. On aura constaté que la grande majorité des travaux sont uniquement orientés sur les problèmes de strabisme et d’amblyopie.
On comprend que les chiffres présentés soient tout à fait différents lorsqu’on inclut les problèmes visuels isolés :
• Ainsi les bilans PMI suspectent généralement au moins 20 % des enfants de troubles visuels. Malheureusement les résultats réels restent souvent indéterminés par insuffisance de suivi correct.
• Un travail beaucoup plus précis a été publié par la CPAM de Paris en 1 995 sur une série de 15 000 enfants répartis en 3 groupes de 10 m, 2 ans et 4 ans, examinés en skiascopie sous cycloplégique. Pour ces 3 groupes il a été découvert 32 à 39 % d’amétropies.
• Angi en 91 sur une série de 711 enfants de 3-5 ans examinés par auto réfractomètre sans cycloplégie a retrouvé 9 % d’amétropies.
• Cordonnier en 99 pour une série de 1 745 enfants de 6 mois à 6 ans examinés sous auto réfractomètre sans cycloplégie ont trouvé 20 % d’amétropies.
Quel protocole, pour quel dépistage ?
En dehors d’Aurell qui pour des raisons d’économie préconise un dépistage sélectif ; tous les auteurs s’accordent à dire qu’un dépistage de masse est nécessaire.
L’école suédoise considère que le moment optimal du dépistage est l’âge de 4 ans parce que le diagnostic de l’amblyopie est facile et le traitement efficace !
Les écoles anglo-saxonnes apparemment ne partagent pas cet avis et préconisent un dépistage nettement plus précoce, basé sur la réfraction objective : 1 an pour Ingram, 6 à 9 mois pour Atkinson. L’option dès 6 mois paraît prématurée si l’on tient compte de l’évolution réfractive.
Pour Clergeau, l’âge de 9 mois paraît optimal.
Par ailleurs le choix de deux examens comparatifs paraît fondamental puisque le plus souvent c’est le processus évolutif qui est l’aspect le plus caractéristique avec absence d’emmétropisation ou accentuation de l’amétropie initiale ou apparition secondaire d’une anisométropie (Abrahamsson, Saunders…).
La skiascopie sous cycloplégie a longtemps représenté l’examen de référence et reste incontournable chez le très jeune enfant.
Cependant l’apparition de l’autoréfractométrie (portable) semble être la solution d’avenir.
Formes de l’enfant
Prévalence
À la naissance
Le nouveau-né présente une hypermétropie physiologique de 1,5 à 2 dioptries. On dénombre de 4 à 6 % de myopes et environ 6 % de forts hypermétropes. Le nombre d’astigmates dans les premiers mois de la vie est très élevé atteignant pour Abramhson 13,5 % (299 cas sur 2 200 sujets). La grande majorité présente un astigmatisme inverse.
Au cours de la croissance
• Les hypermétropies physiologiques diminuent pour se situer entre 0.5 dioptries et l’emmétropie vers 14 à 15 ans. Les fortes hypermétropies précoces restent stationnaires ou augmentent légèrement.
• Les astigmatismes disparaissent dans la plupart des cas pour atteindre le pourcentage observé chez l’adulte, au cours des deux premières années pour Atkinson, entre 1 et 4 ans pour Abrahamsson, pas avant 6 ans pour Gwiazda. La puissance de ceux qui persistent diminue considérablement mais l’axe ne change pas. Les astigmatismes conformes et les astigmatismes obliques nécessitent une surveillance prolongée car ils disparaissent moins souvent. À l’âge scolaire, le nombre d’astigmatismes conformes est plus important.
• Parmi les myopies : les myopies congénitales, disparaissent en majorité pendant la première année ; seul un petit nombre persiste. Parmi celles-ci, certaines restent stables, d’autres progressent, et revêtent les caractères des myopies pathologiques. La plupart des myopies acquises apparaissent entre 5 et 12 ans. Plus elles surviennent tôt, plus elles risquent de progresser. Celles qui apparaissent après 9 à 10 ans demeurent limitées.
À la fin de la croissance
Curtin rapporte plusieurs statistiques mondiales montrant que les troubles de la réfraction se répartissent suivant une courbe de Gauss avec une très forte majorité d’emmétropes mais une quantité de myopes supérieures à celles des hypermétropes. La courbe prend un aspect symétrique si on soustrait de la statistique les sujets myopes présentant à l’examen du fond d’œil un croissant myopique, signe témoignant en pratique d’une myopie pathologique.
Hypermétropie
L’hypermétropie est liée à une brièveté du globe et/ou une insuffisance du pouvoir convergent de la cornée et du cristallin. En l’absence d’accommodation, l’image de l’objet fixé à l’infini se fait théoriquement en arrière de la rétine. Celle-ci reçoit donc une image floue. L’accommodation est ainsi constamment sollicitée pour parfaire la netteté de l’image, moyennant quoi l’enfant hypermétrope, en l’absence de cycloplégique, a une excellente acuité visuelle.
On sépare désormais l’hypermétropie faible < 3,5 dioptries de l’hypermétropie forte > 3,5 dioptries. L’hypermétropie faible n’entraîne en général aucun trouble fonctionnel car l’enfant a une énorme réserve accommodative. Mais plus l’hypermétropie est élevée, plus l’accommodation constante est susceptible d’entraîner des petits troubles subjectifs : picotements oculaires, maux de tête, asthénopie de fixation. 2 cas se présentent selon la présence ou non de symptômes (asthénopie, gène oculaire, céphalées, irritations conjonctivales, prurit vespéral) et selon la présence ou non d’antécédents de troubles oculomoteurs, d’amblyopie.
L’hypermétropie forte est l’anomalie réfractive la plus fréquente (6 %) retrouvée lors des dépistages de masse à l’âge de 1 an.
L’étude d’Atkinson a montré que, lorsqu’il existe une hypermétropie supérieure à 3,5 dioptries, les enfants âgés de 7 à 9 mois ont un risque de strabisme augmenté de 13 fois, et un risque d’amblyopie de 6 fois jusqu’à l’âge de 4 ans. Si elle est traitée par une sous-correction d’une dioptrie, il existe alors 4 fois moins de risque de strabisme et 2,5 fois moins de risque d’amblyopie. Cette sous-correction n’entrave pas le processus d’emmétropisation qui entraîne une diminution de l’hypermétropie forte d’un équivalent sphérique de -0,6 dioptries à l’âge de 3 ans.
Conclusion
Il paraît indispensable de corriger l’hypermétropie forte chez l’enfant de 1 an avec ou sans strabisme. Par contre l’hypermétropie faible ne nécessite pas de correction s’il n’existe pas de signes fonctionnels. Celle-ci survient parfois devant une forte hypermétropie, supérieure à 5 dioptries au moins, très fréquente aussi en cas d’astigmatisme associé.
Myopie
Contrairement à l’hypermétropie et l’astigmatisme, qui varient peu après 4 ou 5 ans et qui demeurent des anomalies à conséquences purement optiques, la myopie est une affection qui, au moins dans ses formes importantes, histologiques et physiologiques du globe suivies de conséquences éventuellement graves.
Dans une statistique parisienne portant sur 400 enfants aveugles, la myopie isolée est cause de cécité légale dans 1,75 % des cas.
Entre la myopie physiologique et forte, Curtin estime que la séparation n’est pas tranchée et qu’il existe une tranche intermédiaire. Dans cette frange on trouve des myopies physiologiques de 5 dioptries et des myopies pathologiques de 4 dioptries ayant déjà des caractères de myopies pathologiques.
On distingue environ 82 % de myopie faible (< 3 ∂), 12 % de myopie intermédiaire (< 6 ∂) et 6 % de myopie forte (> 6 ∂).
La myopie faible
Elle apparaît entre 7 et 12 ans, mais le plus souvent après 9 ans. Bien qu’elle puisse être stationnaire dans la moitié des cas environ, dans les autres elle progresse surtout entre 8 et 13 ans d’environ 0,25 dioptrie par an. La progression se ralentit ensuite et peut durer jusqu’à 20 ans. La longueur du globe ne dépasse pas 25,5 mm. L’acuité visuelle corrigée demeure maximale. Il n’y a pas d’altération du segment antérieur ni du fond d’œil. Une insuffisance de convergence et une exophorie sont parfois notées. Les travaux d’Atkinson ont montré que la myopie < 3,5 ∂ à l’âge de 9 mois à 1 an évoluait vers l’emmétropisation avec tendance à l’hypermétropie faible à l’âge de trois ans.
La myopie intermédiaire
Elle débute souvent un peu plus tôt dès l’âge de 5 ans. L’évolution est d’emblée plus rapide et peut déborder sur la troisième décennie de la vie. La longueur du globe peut atteindre voire dépasser 27 mm et le fond d’œil est souvent marqué par l’apparition d’un conus myopique sans staphylome postérieur, apanage des myopies pathologiques. Bien que 35 % de ces myopies soient stables, une surveillance régulière du fond d’œil est justifiée pour entreprendre en temps voulu un traitement préventif devant un trou ou une déchirure.
Les myopies acquises faibles ou moyennes, même si elles ne présentent pas de risque de gravité au fond d’œil, peuvent au cours de la vie présenter des signes de dégénérescence périphérique conduisant à des complications.
Les myopies fortes
Elles sont en général détectées précocement, souvent au cours de la première année, et pratiquement toujours avant l’âge scolaire. Il existe souvent un myope parmi les parents et leur attention est attirée par le désintérêt de leur enfant pour son environnement éloigné, tandis qu’il approche exagérément de ses yeux les objets qu’il manipule.
La fréquence est basse, pour Atkinson 0,5 % sur une population de 3 000 enfants.
La myopie forte permet une vision nette mais pas au-delà de 30 centimètres. Elle n’a pas de tendance à la diminution justifiant la correction optique totale. Angi démontre sur 42 enfants que la meilleure focalisation des images sur la rétine est obtenue en donnant la correction optique totale que cela entraîne une réduction voire un arrêt de la myopie.
L’interrogatoire précise les antécédents familiaux, l’éventualité de désordres pré et périnataux ainsi que d’affections connues pouvant s’accompagner de retentissement oculaire.
L’acuité visuelle même corrigée atteint rarement 10/10 et se réduit le plus souvent à 5 à 6/10.
Le fond d’œil montre parfois déjà un staphylome myopique ainsi qu’une hypoplasie de l’épithélium pigmentaire au pôle postérieur permettant de voir le réseau choroïdien.
L’évolution d’une myopie est imprévisible de façon précise ; en règle plus elle apparaît tôt, plus elle évolue vite. La période qui semble la plus critique se situe entre 9 et 13 ans. La longueur du globe mesurée grâce à l’échographie est parallèlement au chiffre de myopie un bon moyen de suivre l’évolution de cette dernière.
Les complications à type d’hémorragies choroïdiennes, de taches de Fuchs, d’atrophie chorio-rétinienne dans cette région ne s’observent pas chez l’enfant mais sont des menaces pour l’avenir. De plus, plus la myopie est forte, plus le risque de décollement est grand. Dans une statistique de 164 décollements non traumatiques consécutifs chez des enfants de moins de 15 ans, 33 cas soit 20 % étaient liés à une myopie isolée. Parmi ces 33 cas, 29 soit plus de 80 %, présentaient une myopie forte (moyenne 13 ∂).
Les myopies fortes allient au risque de dégénérescence du pôle postérieur, conduisant à l’altération grave de la vision, celui de la dégénérescence de la périphérie rétinienne.
Conclusion
Il ne semble pas utile de corriger la myopie forte avant l’âge de 1 an car cette anomalie n’est amblyogène, la vision de près étant nette et l’évolution se faisant dans la majorité des cas vers l’amélioration. Mais après l’âge de 1 an il faudra corriger. En âge préscolaire la correction permet une meilleure activité psychomotrice et la réduction ou l’arrêt de l’évolution.
Astigmatisme
L’astigmatisme est considéré lorsqu’il est > 1 dioptrie. Il est fréquent chez l’enfant : en effet il est présent chez 50 % des enfants de l’âge de 1 an. C’est un astigmatisme cornéen qui diminue par aplatissement de la cornée lors de la croissance. Il résulte de la modification torique d’une optique normalement sphérique : la cornée. De ce fait les images des points situés sur deux axes orthogonaux de l’objet ne se font pas sur le même plan.
Au cours d’un astigmatisme myopique pur inverse (90° -2), l’image de l’axe horizontal se trouve dans le plan rétinien et celle de l’axe vertical en avant de celui-ci. Toute l’image est donc déformée, et un tel astigmatisme s’il est important peut être à l’origine d’une amblyopie.
D’autre part, étant donné la grande variation dans le temps des astigmatismes avant l’âge de 4 ans, il semble que la correction puisse être différée. En effet, il disparaît au cours des premières années. À l’âge scolaire la fréquence rejoint celle de la population d’adulte 8 %.
L’astigmatisme est amblyogène par amblyopie méridionale si l’astigmatisme persiste après l’âge de 1 an et qu’il est associé à Hypermétropie forte (Atkinson 1 996).
Pour Friedburg (1 996), l’astigmatisme est amblyogène s’il est associé à un strabisme, à une hypermétropie et à une correction d’astigmatisme avant 2,5 ans. Après cet âge la non-correction entraîne une acuité visuelle inférieure à 10/10.
• Si l’astigmatisme est < 1,5 ∂ sans amétropie sphérique, une surveillance rapprochée est de mise.
• Si l’astigmatisme est > 1,5 ∂ après l’âge de 18 mois à 2 ans, la correction semble justifiée pour éviter l’installation d’une éventuelle amblyopie.
• En conclusion, la correction d’un astigmatisme > 1,5 dioptrie chez un enfant de deux ans permet une vision nette de près et de loin nécessaire pour son bon développement visuel et psychomoteur.
Anisométropie
La fréquence varie en fonction de l’âge. Chez le nourrisson elle est de 25 % et diminue à 3-6 % chez les enfants d’âge scolaire et préscolaire.
L’anisométropie est souvent associée à un astigmatisme
D’après Sjostrand et Abrahamsson même si elle importante à l’âge de 1 an elle peut disparaître à l’âge de 4 ans. Inversement elle peut apparaître plus tard.
L’anisométropie peut être isolée, on parlera d’anisométropie primaire ou secondaire à un strabisme, on parlera d’anisométropie secondaire.
L’anisométropie est amblyogène dans 25 % des cas.
Mais l’amblyopie peut entraîner l’anisométropie (amblyopie strabique) et l’anisométropie peut entraîner lorsqu’il n’y a pas de strabisme une amblyopie, qui corrigée s’accompagne d’une remontée de l’acuité visuelle.
Conclusion
Lorsqu’une anisométropie est supérieure à 1, 2 dioptries, on corrige si l’enfant à plus de deux ans et a fortiori si elle est associée à un strabisme.
Chez l’adulte
La myopie
La myopie n’est pas l’amétropie la plus répandue.
L’hypermétropie
La première place revient à l’hypermétropie. Mais nombre d’hypermétropes s’ignorent et compensent avec plus ou moins de facilité leur amétropie latente par un effort d’accommodation. La myopie ne possède pas ce privilège et même à faible puissance elle constitue un handicap visuel. Elle représente de ce fait l’amétropie la plus corrigée.
La presbytie
La presbytie est le trouble le plus répandu dans notre pays, environ 20 millions de Français en sont atteints et on estime à 600 000 nouveaux cas chaque année en France.
Chez l’hypermétrope non corrigé, la presbytie se fait sentir plus tôt que chez l’emmétrope car une partie de son accommodation restante sert pour obtenir une vision nette de loin. C’est d’autant moins qu’il ne reste pour l’accommodation en vision de près.
Par contre la presbytie apparaîtra plus tard chez le myope non corrigé car pour lire à 33 cm, ce dernier mettra en jeu une accommodation inférieure à celle de l’emmétrope (< 3 ∂).
Pour une myopie supérieure à 3 ∂, celui-ci lira sans accommodation à une distance normale ; la presbytie sans verres n’apparaîtra pas. Il en sera de même pour une myopie plus forte, à la seule différence qu’il devra se rapprocher pour lire.
Conclusion
L’emmétropisation apparaît tout de même statistiquement le schéma normal le schéma normal de l’évolution réfractive. On peut cependant remarquer qu’un certain nombre de cas échappent manifestement à ce processus. Nous rappellerons tout d’abord qu’il existe des éléments génétiques et raciaux pour prédisposer à certaines amétropies et en particulier la myopie. Si l’on s’en tient uniquement à l’importance de l’amétropie initiale, il apparaît de toute évidence la nécessité d’étudier l’évolution réfractive de façon différentielle :
Pour le paramètre sphérique, on peut distinguer :
• Les hypermétropes forts et très forts chez qui l’amétropie reste le plus souvent inchangée.
• Les hypermétropes modérés qui évoluent le plus souvent vers une hypermétropie physiologique qui définit l’emmétropie fonctionnelle.
• Les petits myopes dont une bonne partie rejoint rapidement l’emmétropie. Mais un contingent important de ce groupe repart dans un processus myopique vers l’âge de 7-8 ans.
• Quant aux myopes forts, ils ont la réputation d’avoir une amétropie particulièrement évolutive. Il semble en fait que ces amétropies soient stables au moins jusqu’à 10 ans.
• Les astigmatismes quant à eux ne semblent pas avoir toujours le même potentiel évolutif. Les forts astigmatismes ont un risque notable de persister et ce risque n’est pas dépendant de l’axe, les astigmatismes directs semblant plus défavorables.
Dépistage
Quant au dépistage nous avons déjà exposé l’intérêt limité de faire un dépistage dans les familles à antécédents que ce soit pour le strabisme et/ou l’amblyopie, où les 15 à 20 % des strabismes apparaissent dans une population totale. C’est surtout la prise en charge précoce et correcte du strabisme qui règle le problème de l’amblyopie et non sa prévision.
Le problème du dépistage des amétropies est beaucoup plus simple parce que plus fiable :
• Si l’on s’intéresse seulement au strabisme et à l’amblyopie la conclusion générale est qu’il faut retenir moins de 10 % d’amétropies significatives. Dans le contexte économique médical actuel on peut être tenté de revenir au modèle suédois.
• Si l’on considère au contraire que les seuls problèmes visuels autres que l’amblyopie caractérisée constituent un réel problème de santé, et sous réserve de confirmer les 20 à 30 % d’amétropies significatives signalés par plusieurs auteurs.
Il apparaît logique de proposer une organisation de dépistage précoce qui ne doit pas être confondu avec les examens PMI qui révèlent typiquement les problèmes de l’examen subjectif précoce.
La question des facteurs de risque se pose donc comme un véritable problème de santé publique dont l’impact médical et économique n’est pas encore bien paramétré.
Références
1. Abrahamsson M, Fabian G, Sjostrand J. Changes in astigmatism between the ages of 1 and 4 years : a longitudinal study. Br J Ophthalmol, 1 988 ; 72 (2) : 145-149.
2. Atkinson J, Braddick O, French J. Infant astigmatism : its disappearance with âge. Vision Res, 1 980 ; 20 (11) : 891-893.
3. Banks MS. Infant refraction and accommodation. Int Ophthalmol Clin 1 980 ; 20 (1) : 205-232.
4. Catros A, et al. La réfraction occulaire. Encyl. Med. Chir, 1 984. 21 070 A10 : p. 30.
5. Clergeau G. Les facteurs de risques amétropiques, in D.U. strabologie. 1999 : Nantes. p. 7.
6. Clergeau G. Evolution de la réfraction chez l’enfant, in D.U. Strabologie. 1999 : Nantes. p. 5.
7. Dobson V, et al., Cycloplegic refractions of premature infants. Am J Ophthalmol 1 981 ; 91 (4) : 490-5.
8. Dobson, V, Fulton AB, Sebris SL. Cycloplegic refractions of infants and young children : the axis of astigmatism. Invest Ophthalmol Vis Sci 1 984 ; 25 (1) : 83-87.
9. Ellis GS, Frey T, Gouterman RZ. Myelinated nerve fibers, axial myopia, and refractory amblyopia : an organic disease. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 1 987 ; 24 (3) : 111-119.
10. Fulton AB, Hansen RM, Petersen RA The relation of myopia and astigmatism in developing eyes. Ophthalmology 1 982 ; 89 (4) : 298-302.
11. Goddé-Jolly D, Dufier JL. Ophtalmologie pédiatrique. 1992 : Masson.
12. Gordon RA, Donzis PB. Refractive development of the human eye. Arch Ophthalmol, 1 985 ; 103 (6) : 785-789.
13. Gwiazda J, et al. Infant astigmatism and meridional amblyopia. Vision Res 1 985 ; 25 (9) : 1269-1276.
14. Hittner HM, JAntoszyk JH. Unilateral peripapillary myelinated nerve fibers with myopia and/or amblyopia. Arch Ophthalmol 1 987 ; 105 (7) : 943-948.
15. Ingram RM, Barr A. Changes in refraction between the ages of 1 and 3 1/2 years. Br J Ophthalmol 1 979 ; 63 (5) : 339-342.
16. Lumbroso P. Correction des amétropies par lentille de contact. Encyl. Med. Chir, 1 993. 21-070-B-10 : p. 11.
17. Parssinen O, Hemminki E, Klemetti A. Effect of spectacle use and accommodation on myopic progression : final results of a three-year randomised clinical trial among schoolchildren. Br J Ophthalmol 1 989 ; 73 (7) : 547-51.
18. Pietrini D. Chrirurgie de l’amétropie. Réalités ophtalmologiques, 1 999 ; 64 : 8-17.
19. Pietrini D. Chirurgie de la presbytie. Réalités ophtalmologiques, 2 000 ; 71 : 16-22.
Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010