L’optique de l’œil André Roth

École d’Orthoptique de Lausanne
Directeur
: Médecin-Chef Dr Georges Klainguti M.E.R.
Introduction à l’Optique Médicale
à l’usage des orthoptistes et élèves orthoptistes
Professeur em. A.  ROTH
Genève - 2004
Éditeurs
: A & J Péchereau pour FNRO Éditions

Monographies conseillées

• Castiella JC. La refracción en el niño. McGraw-Hill-Intermedica, Madrid, 1997.
• Ellington AR, Frank HJ, Greaney MJ. Clinical optics. 3rd edit., Blackwell science, Oxford, 1
999.
• Lachenmayr B, Friedburg D, Hartmann E. Auge - Brille - Refraktion. « Begleitschrift zum Schober-Kurs  », 3. Aufl., Thieme, Stuttgart, 2
004.
• Paliaga GP. Die Bestimmung der Sehschärfe. Quintessenz, München, 1
993.
• Paliaga GP. I vizi di refrazione. 3. ediz., Edizione Minerva Medica, Torino, 1
995.
• Pechereau A (éd.). La réfraction. Cahiers de Sensorio-Motricité, FNRO Éditions, Nantes, 2
000.
• The Foundation of the American Academy of Ophthalmology. Optics, Refraction, and Contact Lenses. Section III, San Francisco, 2
001-2002.


Première partie: Bases théoriques
L’optique de l’œil
La réfraction de l’œil
Définition

Le dioptre de l’œil doit donner une image nette sur la rétine d’un objet visuel, sans accommodation surajoutée, lorsque celui-ci est situé à l’infini, ou avec accommodation surajoutée, lorsqu’il est plus rapproché.
La réfraction de l’œil désigne le pouvoir réfractif global de l’ensemble des milieux oculaires. Il est égal à la somme du pouvoir réfractif D des surfaces de transitions entre les milieux d’indices de réfraction différents qui se succèdent dans l’œil, de la surface antérieure de la cornée à la rétine (fig 1-1). D est donné par la formule
:
D = n’ -n/r

• D est le pouvoir réfractif de la surface de transition en dioptries;
• n et n’ sont les indices de réfraction des milieux avant et après la surface de transition
;
• r est le rayon de la surface de transition en mètre (m).

Pour le clinicien, cependant, le terme de « réfraction  » désigne de façon usuelle le rapport entre la réfraction globale et la longueur axiale de l’œil: si les deux grandeurs sont en adéquation, l’œil est emmétrope; si elles ne le sont pas, l’œil est amétrope, hypermétrope ou myope, sans ou avec un astigmatisme surajouté.

La lentille convergente de l’œil

La lentille convergente de l’œil est une lentille épaisse d’une puissance totale d’un peu plus de 60 dioptries (fig 1-2b). Elle est composée de deux lentilles principales:

• La face antérieure de la cornée d’une puissance de 40 à 45 dioptries;
• Le cristallin (une succession de transitions) d’une puissance d’environ 22 dioptries.

Les deux lentilles donnent une image inversée O’ d’un objet O.
L’aberration sphérique (selon laquelle les rayons passant près de l’axe optique sont légèrement moins réfractés que ceux qui passent plus en périphérie. L’aberration positive ne joue qu’un rôle minime. Elle devient un facteur de gêne après une opération de chirurgie réfractive.

L’œil emmétrope et l’œil amétrope

Dans l’œil emmétrope la réfraction globale et la longueur axiale de l’œil sont en adéquation, indépendamment de la dimension du globe oculaire (fig 1-3E, a-b). L’image d’un objet visuel situé à l’infini se forme sur la rétine dans l’œil non accommodant (c’est-à-dire désaccommodant). L’œil emmétrope voit mieux au loin, sans aucune lentille devant l’œil. Il voit plus mal si l’on place une lentille sphérique ne serait-ce que de +0,25  ∂ devant lui.
Dans l’œil myope la réfraction globale est trop forte par rapport à la longueur axiale de l’œil (fig 1-3M). L’image d’un objet visuel situé à l’infini se forme en avant de la rétine, même dans l’œil non accommodant.
Dans l’œil hypermétrope la réfraction globale est trop faible par rapport à la longueur axiale de l’œil (fig 1-3H). L’image d’un objet visuel situé à l’infini se forme en arrière de la rétine dans l’œil non accommodant.
L’optique est « stigmate  », si la réfraction globale est la même selon tous les méridiens. Si, au contraire, la réfraction globale varie progressivement selon les méridiens, en passant d’une valeur minima à une valeur maxima, l’optique est « astigmate  ».

À propos de l’accommodation

L’accommodation et son inverse, la désaccommodation, représentent la capacité des yeux d’augmenter ou de diminuer automatiquement et de façon synchrone leur pouvoir réfractif, de sorte que l’image d’un objet visuel soit en permanence reproduite nette sur la rétine, autrement dit soit vue nette. Cela est possible, à condition que l’objet visuel soit situé entre le punctum remotum de l’œil, c’est-à-dire le point le plus éloigné que l’œil est capable de voir net (à l’infini pour un œil emmétrope, ou pour un œil amétrope corrigé), et le punctum proximum de l’œil, c’est-à-dire le point le plus rapproché que l’œil est capable de voir net. Cette capacité accommodative a été appelée « réfraction dynamique  » par Landolt (1902).
L’accommodation résulte de la contraction du muscle ciliaire, qui entraîne un relâchement des fibres zonulaires
; celui-ci provoque, à son tour, une augmentation des courbures du cristallin, principalement de la courbure antérieure, et de son pouvoir réfractif. La désaccommodation résulte des mécanismes inverses.
La distance du punctum remotum au punctum proximum est appelée « parcours accommodatif  » (mesuré en dioptries, c’est-à-dire l’inverse de la distance). Le parcours accommodatif diminue progressivement avec l’âge (voir la courbe de Duane).
L’accommodation peut être maintenue pendant un temps prolongé aux 2/3 de sa capacité maximale.
L’accommodation et la désaccommodation sont des processus actifs. L’innervation est d’origine parasympathique pour l’accommodation et d’origine sympathique pour la désaccommodation. Entre les deux états se trouve la position de repos accommodatif qui correspond à une myopie d’environ de -1,50 à -2,0 dioptries. L’œil se met en position de repos accommodatif à l’obscurité (c’est pourquoi on parle aussi de myopie nocturne) ou lorsque les objets visuels sont peu contrastés.
L’accommodation n’agit pas de façon isolée. La fixation d’un objet visuel rapproché déclenche une triple réaction
:

• Une augmentation du pouvoir réfractif du cristallin, c’est-à-dire l’accommodation;
• un mouvement de convergence des yeux
;
• Une contraction de la pupille.

C’est ce que l’on appelle la réaction syncinétique au près.

L’évolution de la réfraction au cours des premières années de la vie
L’amétropie sphérique

Cette évolution peut se diviser ainsi:

• Le nouveau-né présente en moyenne une hypermétropie de +3 à 4 dioptries ± 2.
• L’hypermétropie augmente légèrement au cours des deux premiers mois de la vie, puis diminue progressivement.
• L’emmétropie est atteinte entre 6 et 10 ans.
• Dans le cas contraire, il peut persister une hypermétropie ou, au contraire, apparaître une myopie.

Ce schéma est cependant variable selon le degré d’hypermétropie ou de myopie (voir tab 1).

L’astigmatisme

Cette évolution peut se diviser ainsi:

• Il n’est pas rare qu’il existe un astigmatisme au cours de la première année de la vie, souvent contraire à la règle ou oblique;
• Il régresse progressivement jusqu’à la 6e année.
• Un astigmatisme durable ne survient qu’à partir de l’âge de 4 à 8 ans
; il est alors le plus souvent conforme à la règle.
Évolution de la réfraction chez l’enfant






Amétropie sphérique

Âge

Amétropie moyenne

Déviation standard

Prématurité

+1  ∂


1 mois

+3,75  ∂
±1,50

2 mois

+3,85  ∂


3 mois

+3,60  ∂


6 mois

+2,50  ∂


9 mois

+2,0  ∂


10 mois

+1,75  ∂

±1,30

3 ans

+1,25  ∂


10 ans

+0,75  ∂

±1

Les chiffres en italique sont tirés d’une étude [non publiée] de G Clergeau sur 590 enfants.

Tab I. Évolution de la réfraction chez l’enfant.


L’emmétropie

Elle est atteinte entre 6 et 8 ans. Il faut cependant distinguer plusieurs sous-groupes:

• Petite hypermétropie: emmétropie;
• Hypermétropie moyenne
: peut ou peut ne pas diminuer;
• Hypermétropie
: reste ± inchangée;
• Petite myopie
: augmente lentement;
• Myopie forte
: n’augmente pas au cours des 10 premières années de la vie.
L’astigmatisme

À l’âge de:

• 6 mois: chez 42  % des enfants;
• 3 ans
:
¬ ≥ 1  ∂ chez 23  % des enfants (si modéré, souvent oblique),
¬ ≥ 2,5  ∂ chez 3,6  % des enfants, dont 83  % contraires à la règle.

L’astigmatisme diminue de 60  % au cours des 2 années suivantes.

Hérédité & génétique

Les amétropies se transmettent sur le mode autosomal dominant, mais seulement dans 16  % des cas avec une forte pénétrance.

Les amétropies sphériques

La réfraction d’un œil est le résultat de plusieurs composantes, dont les plus importantes sont les courbures de la cornée, la puissance du cristallin et la longueur axiale de l’œil. Chacune d’elles répond à une moyenne biométrique et une certaine variance autour de cette moyenne. De ce fait l’œil n’est pas nécessairement emmétrope. Les amétropies (exception faite des amétropies fortes) ne sont donc pas des états pathologiques, mais des variantes autour d’une moyenne biologique.

L’hypermétropie
Définition

Un œil est hypermétrope lorsque le pouvoir du dioptre oculaire est trop faible par rapport à la longueur axiale de l’œil, ou inversement, lorsque l’œil est trop court par rapport au pouvoir dioptrique de l’œil.
L’hypermétropie se décompense en (fig 1-4)
:

• Hypermétropie obligatoire qui représente la part de l’hypermétropie qui doit être corrigée pour que l’œil voie 1,0 (plus précisément, de façon maximum) de loin; cette part augmente avec l’âge au fur et à mesure que la capacité de compensation de l’hypermétropie par l’accommodation diminue; c’est pourquoi il existe le plus souvent une hypermétropie obligatoire chez les sujets de plus de 40 ans;
• L’hypermétropie manifeste qui représente l’hypermétropie maximale pouvant être constatée
; mais est-elle l’hypermétropie totale? Le doute persiste toujours, en particulier chez l’enfant strabique convergent;
• Hypermétropie facultative qui représente la différence entre l’hypermétropie manifeste et l’hypermétropie obligatoire
;
• Hypermétropie latente
: chez l’enfant, l’adolescent et jusqu’à l’âge de 50 ans, et plus spécialement chez les sujets ésotropes, la question d’une éventuelle hypermétropie latente, non reconnue, se pose toujours.
La vision de l’œil hypermétrope

L’œil hypermétrope voit au loin parce qu’il est en mesure de compenser son hypermétropie par une accommodation équivalente, dans la limite de d’hypermétropie facultative. Pour la vision de près, il est obligé d’accroître son effort accommodatif d’autant. Cette sursollicitation permanente de l’accommodation peut provoquer des spasmes accommodatifs et entraîner des troubles asthénopiques. Le punctum proximum sans correction est plus éloigné que normalement.
L’image rétinienne est agrandie par la correction par verre de lunettes, et cela d’autant plus que le verre est plus puissant et placé plus loin de l’œil. La taille de l’image rétinienne n’est pas sensiblement modifiée par la correction par lentille de contact.
L’œil hypermétrope corrigé par un verre de lunettes doit accommoder davantage que l’œil emmétrope pour fixer, à distance égale, un objet rapproché
: en effet, ce que l’œil voit à travers le verre de lunettes est l’image de l’objet, qui est rapprochée par l’effet du verre, et non l’objet lui-même; la lentille positive correctrice ajoutée à l’optique oculaire insuffisante de l’œil hypermétrope constitue en quelque sorte une lunette de Galilée; celle-ci rapproche l’image de l’objet visuel fixé (fig 1-5).
Ce surcroît d’accommodation prend de l’importance en cas d’hypermétropie bilatérale > +4,0  ∂ ou unilatérale en cas d’anisométropie.
Le verre de lunettes a un effet prismatique circulaire, base au centre du verre. De ce fait le champ de vision vu à travers le verre est rétréci
; cela n’est pas gênant pour les verres de puissance faible ou moyenne; ce n’est qu’avec les verres de forte puissance, comme les verres d’aphakes, qu’il existe un scotome circulaire gênant entre le champ de vision vu net à travers le verre et le champ de vision périphérique vu flou au-delà du verre.

L’évolution de l’hypermétropie

L’hypermétropie tend à augmenter à partir de la 4e décennie en raison de l’homogénéisation optique progressive du cristallin qui de vient de ce fait moins réfringent; la presbytie vient ensuite s’ajouter à cette augmentation.

La correction de l’hypermétropie

La correction optique totale de l’hypermétropie correspond à la lentille convergente la plus puissante qui permet la vision maximale de loin.
Le port de la correction de l’hypermétropie est nécessaire si, sans elle:

• Le sujet n’atteint pas l’acuité visuelle maximale de loin;
• S’il ressent une gêne (fatigue visuelle, douleurs oculaires et péri-oculaires à la lecture, rougeur oculaire)
;
• S’il présente un déséquilibre binoculaire (ésophorie ou ésotropie ou exophorie ou exotropie).

Dans les deux derniers cas, la correction optique totale est nécessaire.
En l’absence de strabisme et lorsque le patient ne ressent aucune gêne visuelle le port de la correction optique de l’hypermétropie, totale ou non, n’est pas indispensable.
En cas de strabisme convergent, le port de la correction optique totale est la règle.
Chez un enfant non strabique, mais avec une anamnèse familiale de strabisme convergent, le risque de survenue du strabisme est à prendre en considération (voir plus loin sous réfraction du sujet strabique).
En cas d’exotropie, une hypermétropie de +2 dioptries ou plus, doit être entièrement corrigée.

La myopie
Définition

Un œil est myope lorsque le pouvoir du dioptre oculaire est trop fort par rapport à la longueur axiale de l’œil, ou inversement, lorsque l’œil est trop long par rapport au pouvoir dioptrique de l’œil (fig 1-6.).

La vision de l’œil myope

Sans correction, l’œil myope ne voit pas net au loin; son punctum remotum est rapproché, à une distance correspondant à l’inverse de la valeur de sa myopie; cela signifie qu’il ne voit pas de façon maximum au-delà du punctum remotum. Ainsi par exemple pour une myopie de -2,0 dioptries, il voit 1,0, sans correction, jusqu’à 0,50 m. Son punctum proximum est situé dans la même proportion plus près de lui, ce qui facilite la vision rapprochée.
L’image rétinienne est diminuée par la correction par verre de lunettes et ce d’autant plus que le verre est plus puissant et qu’il est placé plus loin de l’œil. La correction par lentille de contact ne modifie pas sensiblement la taille de l’image rétinienne.
Le verre de lunettes a un effet prismatique circulaire, base périphérique. Il en résulte un chevauchement du champ de vision vu net à travers le verre et le champ de vision vu flou au-delà des limites du verre
; ce chevauchement n’est en fait pas gênant.

L’évolution de la myopie

À partir de la 4e décennie, la myopie tend à diminuer légèrement du fait de l’homogénéisation optique progressive du cristallin qui devient moins réfringent.

La correction de la myopie

La correction optique totale de la myopie correspond à la lentille divergente la plus faible qui permet la vision maximale de loin.
Le port des verres correcteurs ou le non-port de ceux-ci ne modifie pas le devenir ultérieur de la myopie faible. Il va de soi que les sujets atteints de myopie moyenne portent leur correction.
Un spasme d’accommodation chez l’enfant et l’adolescent peut donner le change pour une myopie. La myopie scolaire ou pseudo-myopie, qui survient en général entre 6 et 10 ans, est due à un spasme d’accommodation chez de petits hypermétropes
; la skiascopie redresse le diagnostic. Dans ce cas il convient de prescrire la correction de la petite hypermétropie; elle est à porter pour le travail et les devoirs scolaires (voir « Hypermétropie latente et spasmes d’accommodation  »).
La myopie forte doit être corrigée le plus précocement et le plus exactement possible dans la vie des enfants pour éviter une amblyopie ex-anopsia (due à une vision floue permanente). Il est remarquable que cette myopie forte n’augmente en général pas au cours de l’enfance (voir 2e partie).

L’astigmatisme
Définitions

L’astigmatisme caractérise un système optique dont la puissance varie selon les méridiens entre un minimum et un maximum. Les méridiens correspondants au minimum et au maximum, sont appelés les axes de l’astigmatisme. Dans un tel système optique, un point objet donne deux lignes focales image, perpendiculaires l’une par rapport à l’autre, l’une plus près de l’optique et perpendiculaire au méridien optique le plus puissant, l’autre plus éloignée de l’optique et perpendiculaire au méridien optique le moins puissant (fig 1-7). L’astigmatisme est, en général, dû à une courbure inégale de la face antérieure de la cornée.
Lorsque l’astigmatisme est régulier, la réfraction varie régulièrement entre les deux axes principaux.
Si:

• La courbure verticale de la face antérieure cornée est plus forte que la courbure horizontale, on parle d’un astigmatisme conforme à la règle (en fait conforme à l’astigmatisme de 0,25 à 1,0 dioptrie dû au poids de la paupière supérieure [appelé astigmatisme physiologique] et qui est compensé par un astigmatisme de sens inverse de la face postérieure de la cornée, de sorte qu’il ne résulte habituellement pas d’astigmatisme);
• Au contraire, si la courbure verticale est plus faible que la courbure horizontale, on parle d’un astigmatisme contraire à la règle ou inverse.
Si les axes de l’astigmatisme sont perpendiculaires entre eux
:
¬ Si l’un des axes est emmétrope et l’autre hypermétrope ou myope, l’astigmatisme est dit simple,
¬ Si les deux axes sont hypermétropes ou les deux myopes, l’astigmatisme est dit composer,
¬ Si l’un des axes est hypermétrope et l’autre myope, l’astigmatisme est dit mixte.

Pour les valeurs suivantes de l’axe, l’astigmatisme (cylindre exprimé en valeurs positives) est dit:

• Conforme pour un axe à 90° ±20;
• Inverse pour un axe à 0° ±20 ou 180 ±20
;
• Oblique pour un axe à 45° ±25 ou à 135° ±45.

Les axes peuvent être vertical et horizontal, ou obliques, mais ils sont perpendiculaires entre eux.
Si les axes ne sont pas perpendiculaires l’un par rapport à l’autre, l’astigmatisme est dit bi-oblique.
Lorsque la surface cornéenne ou l’épaisseur de la cornée sont irrégulières, l’astigmatisme est dit irrégulier.

La vision de l’œil astigmate

L’œil astigmate voit net soit les lignes verticales, soit les lignes horizontales, mais pas les deux à la fois. Il met préférentiellement au point sur les lignes verticales, s’il le peut, parce qu’elles sont plus informatives sur le monde environnant que les horizontales.

• En cas d’astigmatisme léger (ou en cas d’astigmatisme plus fort, mais incomplètement corrigé) le patient se plaint de douleurs oculaires, de céphalées, d’asthénopie, de brûlures et de rougeur oculaire.
• En cas d’astigmatisme
plus fort le patient ne voit pas bien, mais n’éprouve pas d’autre gêne.
La correction de l’astigmatisme

Pour la correction totale de l’astigmatisme, prescrire le cylindre le plus faible qui permet la meilleure acuité visuelle.
L’astigmatisme doit être corrigé en totalité dès le plus jeune âge, pour éviter une amblyopie méridienne. Il le sera de façon progressive chez l’adulte (voir 2e partie).

L’anisométropie

Les deux yeux d’un sujet ont le souvent la même réfraction, c’est-à-dire qu’ils sont soit les deux emmétropes, soit amétropes de façon égale; c’est une situation d’isométropie. Il arrive cependant que ce ne soit pas le cas. La réfraction des deux yeux peut différer, c’est-à-dire que l’amétropie peut être différente. C’est une situation d’anisométropie.

Définition de l’anisométropie

À partir de quelle différence entre les deux yeux considère-t-on qu’il y a une anisométropie, de 1 à 1,5, 2,0 ou 2,5  ∂? On admet de façon générale qu’il y a une anisométropie chaque fois que la différence est:

• ≥ 1  ∂ pour l’amétropie sphérique;
• ≥ 
0,75  ∂ pour l’amétropie astigmate;
• Et/ou s’il y a une différence significative d’axe d’astigmatisme
;
Et en pratique, lorsque l’anisométropie est la cause de troubles visuels ou de céphalées.
Les types d’anisométropie

On distingue:

• L’anisométropie axile, c’est-à-dire due à une différence de longueur axiale des yeux (p. ex. une myopie unilatérale);
• L’anisométropie d’indice, c’est-à-dire due à une différence de puissance du dioptre oculaire (p. ex. une aphakie unilatérale).

La fréquence de l’anisométropie est de ≈ 4  %; elle est d’autant plus fréquente que l’amétropie est plus élevée.

Anisométropie et aniséïconie

Une anisométropie axile de 0,25  ∂ provoque une aniséïconie de 0,5  %, c’est-à-dire une différence de taille de l’image rétinienne. Une aniséïconie peut être tolérée jusqu’à 5  %, ce qui correspond à une anisométropie de 2,5  ∂.
La dimension d’un objet, telle qu’un sujet la perçoit, est en réalité le résultat d’un processus plus complexe
: l’apparence n’est pas la réalité!
L’iséïconie ou l’aniséïconie dépend
:

• De l’optique géométrique oculaire, par iso ou anisométropie de transmission;
• De la densité des photorécepteurs rétiniens, par iso ou anisométropie de perception
;
• De la perception subjective de la dimension de l’image, par iso ou anisométropie d’intégration.

Ainsi, p. ex., la moindre densité des cônes rétiniens peut-elle compenser une image rétinienne plus grande. De même, les centres de la perception peuvent-ils corriger une inégalité des images perçues?

Les conséquences de l’anisométropie

Elles dépendent (fig 1-8):

• Du degré d’anisométropie;
• De l’âge du sujet lors de l’apparition de l’anisométropie.

Les anisométropies congénitales ne provoquent aucune gêne subjective, donc aucune plainte; le sujet peut y être parfaitement bien adapté et compenser l’aniséïconie qui en résulte. La gêne ne survient alors, que lorsqu’on modifie ou supprime l’anisométropie par la suite! Ailleurs, elles peuvent avoir des conséquences visuelles.
L’anisométropie provoque la rupture de la vision binoculaire
:

Du fait de l’anisométropie l’image rétinienne est floue/moins nette d’un côté, ce qui entraîne un affaiblissement et, à un degré de plus, la rupture de la vision binoculaire avec:
¬ Alternance (p. ex. en cas de myopie modérée unilatérale),
¬ Neutralisation permanente de l’œil le plus amétrope,
¬ Ce qui peut conduire à l’amblyopie de l’œil le plus amétrope (fig 1-9). Celle-ci peut être profonde lorsque l’anisométropie est élevée.
• Les lunettes asymétriques corrigeant l’anisométropie entraînent
:
¬ Une anisophorie (horizontale et verticale) dans les regards latéraux et verticaux,
¬ Une modification de l’aniséïconie,
¬ Une différence d’acuité visuelle de près, c’est-à-dire d’efficacité accommodative.

L’anisomyopie a moins de conséquences que l’anisohypermétropie et l’anisoastigmatisme.

La place de la réfraction en orthoptique

Pourquoi la réfraction occupe-t-elle une place aussi centrale en Strabologie et en Orthoptique, au point de représenter 50  % du temps de pratique? Parce que la correction des amétropies est la condition incontournable d’un bon résultat sensoriel et moteur.

L’amétropie chez l’enfant strabique

En cas de strabisme convergent:

• Les ésotropies précoces: l’hypermétropie est en moyenne analogue à celle des enfants non strabiques;
• Les ésotropies tardives
: l’hypermétropie est en moyenne plus élevée, avec ou sans amblyopie;
• L’astigmatisme est en moyenne plus élevé
;
• L’anisométropie est plus fréquente, surtout dans les cas avec amblyopie.

Points importants:

L’amétropie de l’œil dominé est supérieure ou au moins égale à celle de l’œil dominant.
• Il n’y a pas de relation nécessaire entre le degré d’amétropie et l’importance de la déviation strabique.
• La réduction de l’hypermétropie moyenne est plus tardive, et ne survient, si elle le fait, qu’après l’âge de 10 ans.

En cas de strabisme divergent, il peut exister une corrélation entre la myopie et l’exotropie.

La mesure de la réfraction chez le jeune enfant

Elle doit obligatoirement se faire sous cycloplégie.
Les méthodes
classiques:

• La skiascopie sous cycloplégie, déjà chez le nourrisson;
• La vérification skiascopique de l’axe de l’astigmatisme
;
• La réfractométrie automatique
;
• La kératométrie (axe et valeur de l’astigmatisme) dès l’âge de 3 à 4 ans
;
• La vérification subjective de l’amétropie sphérique dès l’âge de 4 à 5 ans.

Les méthodes telles que la photoréfraction (à deux flashs) ou vidéoréfractométrie, ne sont pas des méthodes de routine clinique.
La mesure de la réfraction fait partie du diagnostic dans toutes les formes de strabisme.

La correction optique (CO): quand et dans quels cas?
Quand prescrire la correction optique totale?

Elle doit être prescrite si elle est déterminante pour:

• L’acuité visuelle;
• L’angle strabique
;
• La vision binoculaire.

Ou comme support pour une:

• Occlusion, occlusion partielle;
• Compensation prismatique.
Quand et dans quels cas la CO totale est-elle nécessaire, oui ou non?
Oui ou non en cas de fixation croisée:
¬
Non, lorsque l’amétropie est faible,
¬
Oui, en cas d’amétropie plus importante, d’astigmatisme et/ou d’anisométropie,
¬ Ou comme support d’occlusion,
Oui en cas d’amétropie forte > 3: elle est bien acceptée;
Oui en cas de strabisme intermittent, même si l’amétropie est faible et s’il s’agit d’un nourrisson;
Oui en cas de strabisme normosensoriel, intermittent ou non;
Oui en cas de strabisme accommodatif, déjà chez le nourrisson;
Oui, ou CO partielle, ou non, en cas d’amétropie sans strabisme dans une famille d’ésotropes, à discuter avec les parents.
Sur ou sous-corrections
Quand est-ce qu’une surcorrection est utile?
• Des verres bifocaux sont à prescrire en cas d’incomitance loin-près:
¬ Lorsque les yeux sont alignés de loin (soit sans correction en cas d’emmétropie, soit avec la correction optique totale en cas d’hypermétropie), mais qu’il existe une ésotropie de près et que celle-ci est corrigée par une addition de +3,0  ∂ (strabisme accommodatif avec excès de convergence ou hypo-accommodation),
¬ Chez le myope présentant une ésophorie gênante de près lorsqu’il porte sa correction.
• Pénalisation unilatérale de loin, alternante ou non (sur la base de la correction optique totale), de manière à pénaliser la vision de loin de l’œil dominant au cours d’un traitement d’amblyopie ou pour entretenir l’alternance.
• Des verres négatifs parfois en cas d’exotropie, pour renforcer la convergence par le biais de la convergence accommodative.
Quand est-ce qu’une sous-correction peut être utile?

Elle peut être utile en cas d’XT consécutive chez un hypermétrope, mais le plus souvent de façon tout à fait passagère.

Que faire immédiatement après une opération?
Oui, la correction reste nécessaire;
• Sauf pour supprimer une pénalisation, des bifocaux, ou une compensation prismatique
;
• Pas de changement de verres avant deux mois.

La prescription de la correction est le premier pas du traitement du strabisme.
La monture des lunettes doit être adaptée à la conformation du visage de l’enfant: en particulier, le pont doit être à la mi-hauteur des verres, de manière à ce que l’ouverture orbitaire soit entièrement couverte.

La correction optique totale des amétropies et des anisométropies

Elle est indispensable pour:

• La pleine acuité visuelle;
• Le traitement de l’amblyopie
;
• Éliminer l’excès de convergence lié à l’accommodation en cas d’ésotropie ou l’insuffisance de convergence due à la myopie non corrigée.

En cas de strabisme normosensoriel, elle est indispensable pour maintenir l’alignement des axes visuels:

• En cas de strabisme normosensoriel tardif qu’il soit intermittent ou non;
• En cas de strabisme accommodatif
;
• Avec, si besoin, une compensation prismatique ou des verres bifocaux.
Conclusion
• La mesure de la réfraction est la 2e étape diagnostique, après le diagnostic étiologique du strabisme.
• Le port de la correction optique est indispensable pour neutraliser le rôle de l’amétropie, cofacteur du strabisme. La mesure de la réfraction et la prescription de la CO sont donc le 1er geste thérapeutique.
En cas d’ésotropie, le spasme d’accommodation et l’excès de convergence se majorent réciproquement. Le seul moyen de sortir de ce cercle vicieux est de
faire porter la correction totale de l’amétropie.
La réfraction est à vérifier tous les 6 mois jusqu’à 3 ans, ensuite tous les ans.

Deuxième partie: La mesure de la réfraction
La mesure objective de la réfraction
La skiascopie

La skiascopie est un procédé de mesure de la réfraction de l’œil. Il a été inventé par Cuignet, ophtalmologiste militaire français en poste à Lille en 1873. « Skia  » (σκια) signifie « ombre  » en grec; le même terme est utilisé en allemand, alors qu’en anglais on parle de « retinoscopy  ».

Comprendre le principe de la skiascopie
Le skiascope

La source lumineuse « L  » (l’ampoule), contenue dans le manche de l’instrument (fig 2-1), produit un faisceau lumineux; celui-ci est réfléchi par un miroir semi-transparent situé dans la tête de l’instrument pour venir se confondre avec l’axe visuel de l’œil de l’examinateur (comme s’il sortait de l’œil de l’examinateur) et être dirigé en direction de l’œil à examiner; la source lumineuse est virtuellement reportée en « L’  ».
Selon la position du condenseur, situé entre la source L et le miroir, le faisceau lumineux sera:

• Soit divergent (condenseur plus près de l’ampoule);
• Soit
parallèle (condenseur en position intermédiaire);
Dans les deux cas, la source L’ se trouve reportée derrière l’examinateur et se déplace en sens opposé au mouvement du skiascope (fig 2-2 et 2-3),
• Soit
convergent (condenseur plus éloigné de l’ampoule).
La source L’ se trouve devant l’examinateur et se déplace dans le sens du mouvement du skiascope (fig 2- 4 et 2-5).
Du faisceau lumineux à l’image rétinienne

Le faisceau lumineux éclaire la rétine de l’œil examiné; celle-ci réfléchit la lumière et devient ainsi la source lumineuse L":

• L" se déplace sur la rétine en sens opposé au déplacement de L’ (la ligne L’ - L" est comme un bras de levier dont le point d’appui est la pupille de l’œil examiné);
• Cela signifie que L"
:
¬ Se déplace dans le même sens que le mouvement du skiascope lorsque le faisceau lumineux est divergent ou parallèle (fig 2-2 et 2-3),
¬ Se déplace en sens contraire du mouvement du skiascope lorsque le faisceau lumineux est convergent (fig 2-4 et 2-5),

Et cela indépendamment de la réfraction de l’œil examiné.

Ce que l’examinateur voit

Ce que l’examinateur voit, en éclairant la pupille de l’œil examiné et en faisant pivoter le skiascope sur l’axe de son manche n’est pas L", mais l’image I(L") de L" et le déplacement de celle-ci vu à travers l’optique convergente de l’œil examiné (cornée et cristallin) (fig 2-2 à 2-5).

Si l’œil examiné est hypermétrope

La rétine de celui-ci se trouve entre son optique (cornée et cristallin) et le foyer de cette optique (aucune lentille n’étant placée devant l’œil): l’image I(L") est une image droite, virtuelle et plus éloignée (fig 2- 6A).
Par conséquent, l’image I(L") se déplace dans l
e même sens que la source rétinienne L", et par conséquent aussi dans le même sens que le skiascope, lorsque le faisceau lumineux est divergent ou parallèle (fig 2-2).

Si l’œil examiné est myope

La rétine est plus éloignée que le foyer de l’optique de l’œil examiné (aucune lentille n’étant placée devant l’œil): l’image I(L") est une image inversée, réelle et située devant l’œil examiné (fig 2-6B).
Par conséquent, l’image I(L") se déplace
en sens inverse de la source rétinienne L", et par conséquent aussi en sens inverse du skiascope, lorsque le faisceau lumineux est divergent ou parallèle (fig 2-3).
Lorsque le faisceau lumineux est convergent, les déplacements de I(L") sont inversés par rapport à ce qui est décrit ci-dessus (fig 2-4 et 2-5).

Si l’œil est emmétrope

La rétine est au foyer de l’optique oculaire et l’image I(L") est à l’infini et paraît immobile: la pupille de l’œil examiné s’illumine en totalité lorsque le faisceau lumineux éclaire la rétine (illumination) ou s’obscurcit lorsque le faisceau lumineux tombe sur l’iris (extinction) (fig 2-7). Parfois on observe à la place de l’extinction - illumination un mouvement en ciseaux (fig 2-8).

Si l’œil examiné n’est pas emmétrope

Si l’œil examiné n’est pas emmétrope, on place des lentilles de puissance croissante devant l’œil examiné jusqu’à obtenir le phénomène de l’extinction-illumination. Ce que l’examinateur recherche par l’addition de lentilles devant l’œil examiné, c’est l’apparition du phénomène d’extinction - illumination de la pupille.
Dans les faits, afin d’être sûr d’avoir bien déterminé le point d’extinction - illumination, on commence par dépasser celui-ci avec des lentilles de puissance plus forte, puis on revient en arrière jusqu’à l’avoir atteint.

L’examinateur se tient à la distance de 1 m, ou moins, du sujet examiné

L’examinateur ne se tient cependant pas à l’infini, mais à la distance de 1 m, ou moins, du sujet examiné.
L’examinateur voit l’extinction - illumination lorsque son œil se trouve au foyer image donnée par l’optique de l’œil examiné plus la lentille placée devant celui-ci de « l’image I(L")  »; autrement dit, l’examinateur voit l’extinction - illumination lorsque l’œil examiné plus la lentille placée devant celui-ci sera emmétropisée par rapport à la position de l’examinateur. Ainsi l’examinateur placé à 1 mètre, verra apparaître l’extinction - illumination, sans placer aucune lentille devant l’œil examiné, pour une myopie de -1  ∂ (en étant au punctum remotum de l’œil examiné soit la pseudo-emmétropie).
Par conséquent, pour une myopie < 1  ∂, l’image de « l’image I(L")  » se trouve encore derrière l’examinateur et se déplace comme si l’œil était hypermétrope, avec un faisceau parallèle ou divergent.
Ce n’est que lorsque la myopie est > 1  ∂, que l’image de « l’image I(L")  » se trouve entre l’examinateur et l’œil examiné et se déplace en sens inverse.
C’est la raison pour laquelle il faut ajouter algébriquement -1 (soustraire 1 en cas de mesure positive ou ajouter 1 en cas de mesure négative ou davantage, voir plus loin), à la valeur brute.

Pratiquer de la skiascopie

Le skiascope est tourné autour de l’axe de son manche dans le sens de la largeur de la fente lumineuse, c’est-à-dire de la plus petite dimension de celle-ci (fig 2-9).

Première orientation, sans placer de lentille devant l’œil examiné

On observe, de préférence avec un skiascope à fente et un faisceau parallèle:

• L’orientation de l’image I(L"), à 90°, 0° ou oblique, selon le cas,
• La largeur l’image I(L") (fig 2-10),
• Le sens et la vitesse du déplacement de l’image I(L").

Dès ce stade, on peut apprécier l’importance de l’amétropie:

• Si l’image rétinienne apparaît étroite et mobile (fig 2-10A), sur un fond relativement clair, on se trouve près du point d’extinction,
• Si l’image rétinienne apparaît large et peu mobile (fig 2-10B), sur un fond sombre, on se trouve loin du point d’extinction.
Détermination de l’amétropie sphérique

On oriente la fente du skiascope selon l’image I(L"), c’est-à-dire selon l’un ou l’autre axe (perpendiculaires entre eux) de l’optique de l’œil examiné:

• On place des lentilles positives ou négatives de puissance croissante devant l’œil examiné;
• En progressant suivant la stratégie de la fourchette
;
• Jusqu’à avoir déterminé l’amétropie.
Détermination de l’astigmatisme

Si l’amétropie n’est pas la même dans les deux axes, on note l’amétrope de l’axe le moins amétrope:

• On poursuit la skiascopie dans l’axe le plus amétrope (perpendiculaire au précédant), avec des lentilles soit sphériques, soit cylindriques‡.
• On détermine avec précision l’axe de l’astigmatisme
:
¬ Avec la compensation de l’amétropie la plus faible (il apparaît alors le plus distinctement),
¬ En faisant porter une monture d’essai et en y lisant l’axe sur un demi-cercle gradué affiché derrière le sujet (fig 2-11),
¬ En vérifiant la coïncidence entre l’axe de l’image I(L") et l’axe du cylindre (fig 2-12) ‡.
Déduction selon la distance de l’examinateur

Voir le tableau II.
Les résultats de la mesure sont notés après de la déduction correspondant à la distance de l’examinateur en regard de chaque axe sur un graphique xy (fig 2-13).

Sources d’erreurs:
• Skiascopie décentrée (non axiale);
• Fente du skiascope mal orientée (non parallèle à l’image rétinienne)
;
• Erreur sur la distance de l’examinateur
;
• Lentilles tenues trop loin de l’œil examiné ou mal centrées
;
• Cycloplégie incomplète (valeurs trouvées fluctuantes)
;
• Mesure de la réfraction périphérique [périphérie de l’image I(L")] au lieu de la réfraction centrale (fig 2-14)
;
• Enfants non-coopérants, hurlants.

Concernant l’amétropie de l’examinateur: l’examinateur doit voir la pupille de l’œil examiné nette; à défaut, il sera trompé par de faux mouvements apparents:

S’il est hypermétrope il verra des mouvements de même sens;
S’il est myope des mouvements de sens opposé au déplacement de la fente lumineuse du skiascope.
Précision de la skiascopie

Si on skiascope avec des intervalles de lentilles de 0,50  ∂: la précision est de ± 0,25  ∂ pour chacun des axes (fig 2-15)
Ainsi par exemple
:

• Si nous avons mesuré +2,0  ∂ dans l’un des axes, la valeur exacte peut être de +1,75  ∂, +2,0  ∂ ou +2,25  ∂;
• Et si nous avons mesuré +4,0  ∂ dans l’autre axe, la valeur exacte peut être de +3,75  ∂, +4,0  ∂ ou +4,25  ∂.

En conséquence, la différence entre les deux axes, c’est-à-dire l’astigmatisme, peut être de 1,50  ∂, 1,75  ∂, 2,0 ∂, 2,25 ∂ ou 2,50  ∂.

Quelles valeurs prescrire

Quelles valeurs prescrire lorsqu’on ne dispose que des valeurs de la skiascopie?

Correction de l’amétropie sphérique
Pour le sujet non strabique

La correction totale correspond, pour le sujet non strabique au résultat de la mesure, après déduction correspondant à la distance de l’examinateur, moins 0,25  ∂, pour éviter de surcorriger, compte tenu de l’imprécision de la mesure:
Par exemple, si nous avons trouvé +2,0  ∂, après déduction, nous prescrirons +1,75  ∂
; si nous avons trouvé -2,0  ∂, nous prescrirons -2,25  ∂.

Pour l’enfant ésotrope

Pour l’enfant ésotrope, la correction totale correspond à la valeur trouvée. En effet la probabilité d’une hypermétropie latente est grande. En outre, l’enfant utilise surtout sa vision rapprochée et intermédiaire, de sorte qu’une éventuelle légère surcorrection ne le gênera pas.
Dès que l’enfant aura atteint l’âge de 4 ans, il sera le plus souvent possible de vérifier subjectivement la valeur de l’amétropie sphérique avec une précision de ±0,25  ∂.

Correction de l’astigmatisme

Il convient de prescrire 0,50  ∂ de moins que la différence mesurée (Bangerter, 1953, 1955) pour tenir compte de l’imprécision des mesures et du fait qu’une surcorrection de l’astigmatisme est mal tolérée, ce qui revient à prescrire la valeur inférieure probable.

Auto-évaluation des connaissances
Que pouvez-vous conclure pour l’œil que vous examinez en skiascopie?

Que pouvez-vous conclure pour l’œil que vous examinez en skiascopie, si, en utilisant un faisceau parallèle et en ayant placé une lentille sphérique de +3  ∂ devant cet œil, vous constatez que l’image de la fente lumineuse se déplace dans les deux méridiens principaux dans le sens du mouvement du skiascope?

Quelle est la valeur de l’amétropie?

Quelle est la valeur de l’amétropie, lorsque l’extinction apparaît sans que vous ayez besoin de placer une lentille devant l’œil que vous examinez et lorsque vous vous tenez à 1 m du sujet?

Comment vérifiez-vous la valeur de l’amétropie sphérique?

Comment vérifiez-vous chez un enfant de 4 à 5 ans la valeur de l’amétropie sphérique que vous avez trouvée à la skiascopie?

Vous avez mesuré une amétropie de -1,0  ∂ à 100° et de +3,0  ∂ à 10°

Vous avez mesuré une amétropie de -1,0  ∂ à 100° et de +3,0  ∂ à 10° (après la déduction correspondant à la distance à laquelle vous avez effectué la skiascopie). Écrivez l’ordonnance pour la correction optique totale.

La kératométrie selon Javal
Le principe de la kératométrie

La face antérieure de la cornée est utilisée comme un miroir convexe (fig 2-16).
Elle donne une image droite et rapetissée de l’objet qui se réfléchit sur elle. Celle-ci est d’autant plus petite que le rayon de courbure du miroir est court ou, en d’autres termes, que la courbure est prononcée.

Le kératomètre de Javal

L’objet est constitué par l’ensemble des deux boîtiers, vert et rouge, et du point de fixation central (dans la lunette d’observation) de l’instrument. Son image est dédoublée transversalement par un bi-prisme incorporé dans le kératomètre et apparaît dédoublée à l’examinateur regardant à travers la lunette d’observation. Seules les parties centrales des deux images sont prises en considération pour la mesure kératométrique (fig 2-17.).

• On recherche d’abord un plan principal, en faisant pivoter l’instrument jusqu’à ce que les lignes moyennes des deux demi-figures soient alignées.
• On fait coïncider ensuite le bord interne des deux demi-figures, puis on fait pivoter l’instrument de 90°
:
¬ Si les demi-figures se chevauchent alors, il existe un astigmatisme de la face antérieure de la cornée, dont la valeur se lit directement (1 marche correspond à une dioptrie). La fig 2-18 montre l’astigmatisme physiologique de la face antérieure de la cornée
;
¬ Si, au contraire, les demi-figures s’écartent, on les ramène au contact l’une de l’autre
; puis on fait pivoter l’instrument de 90° en sens contraire et on lit directement la valeur du chevauchement.
Autres types de kératomètres

D’autres kératomètres comportent des figures différentes. Dans l’exemple de la fig 2-20, on mesure la puissance réfractive (lue sur l’échelle de l’instrument) de chacun des deux axes, en faisant coïncider chaque fois les deux demi-figures; la différence calculée entre les deux valeurs indique la valeur de l’astigmatisme de la face antérieure de la cornée.

Pratiquer la kératométrie
Les avantages de la méthode
• Elle indique l’ordre de grandeur de l’astigmatisme;
• Elle indique l’axe de l’astigmatisme
;
• Elle constitue une deuxième mesure objective (avec la skiascopie)
;
• Elle facilite la réfraction subjective.
Les limites de la méthode
• L’astigmatisme mesuré est celui d’une zone péricentrale, à 1,25 mm du centre, et non centrale de la cornée;
• L’astigmatisme mesuré n’est que celui de la face antérieure de la cornée
;
• La mesure est difficile chez le jeune enfant.
La notation du résultat:

La valeur du chevauchement et l’axe de ce chevauchement sont notés (qui correspond à l’axe du cylindre positif éventuellement à prescrire), par exemple 2,25  ∂ à 80°. Plus rarement il est d’usage, dans certaines cliniques, de noter l’axe du cylindre négatif.

La réfractométrie
La réfractométrie manuelle
• La réfractométrie par focalisation (Rodenstock);
• La réfractométrie par coïncidence (Zeiss).
La réfractométrie automatique
• Elle utilise les mêmes principes généraux que la réfractométrie manuelle (leurs détails sont tenus secrets par les fabricants);
• Elle mesure la défocalisation de l’image sur la rétine (en infrarouge)
;
• Les essais de photoréfraction n’ont pas encore abouti.

La réfractométrie manuelle et automatique, la skiascopie et la kératométrie, ne sont qu’une base pour la réfraction subjective dès que celle-ci est possible. Il n’est jamais sûr que les valeurs indiquées soient parfaitement exactes.

Recommandations pratiques

Aussi longtemps qu’il n’est pas possible d’effectuer une détermination subjective de la réfraction, la prescription des lunettes se base uniquement chez l’enfant sur les données fournies par les mesures objectives de la réfraction, sur la skiascopie d’abord et avant tout, un peu plus tard sur la réfractométrie automatique et aussi, à partir de l’âge de 3 ans, sur la kératométrie.
À cause du jeune âge des enfants, il existe toujours un risque d’imprécision pour chacune des mesures. Les différents procédés se complètent de ce fait utilement. Ainsi par exemple, si la skiascopie indique une différence de 3  ∂ entre les deux axes, on prescrira un cylindre de 2,50  ∂
; mais si la kératométrie n’indique qu’une différence de 2,50  ∂, on prescrira plutôt un cylindre de 2  ∂ seulement, etc. Il est donc utile d’utiliser le maximum possible de méthodes de mesure.

Vérification subjective des valeurs mesurées chez les enfants

Dès l’âge de 4 à 5 ans, les mesures objectives peuvent être facilement vérifiées subjectivement, immédiatement après la skiascopie ou la réfractométrie:

• L’amétropie sphérique, avec une précision de 0,25  ∂ (voir skiascopie):
¬ En cas d’hypermétropie
:
◊ Immédiatement après la skiascopie, faire lire à distance (avec une monture d’essai),
◊ Débuter avec une surcorrection de +0,50 ou +0,75  ∂,
◊ Diminuer la correction de +0,25 en +0,25  ∂ jusqu’à avoir atteint la lentille la plus puissante qui permet l’acuité visuelle maximale,
◊ Avec une lentille encore plus faible, l’enfant voit à nouveau moins bien
; ses réponses sont d’une précision étonnante;
¬ En cas de myopie
:
◊ Débuter avec une sous-correction,
◊ Augmenter la correction jusqu’à avoir atteint la lentille la moins puissante qui permet l’acuité visuelle maximale
;
• En cas d’
astigmatisme composé:
¬ Placer la correction de l’astigmatisme que l’on compte prescrire sur la monture d’essai (voir ci-dessus);
¬ Vérifier l’amétropie sphérique comme indiqué ci-dessus.
• La vérification de l’amétropie astigmate est plus difficile. Elle est possible à un âge plus avancé
:
¬ Placer sur la monture la correction sphérique optimale
;
¬ Faire lire avec un cylindre plus fort de 0,50  ∂ et un cylindre plus faible de 0,50  ∂ (en compensant par -0,25  ∂, puis +0,25  ∂ sphérique, voir ci-dessous).
Vérification objective des valeurs mesurées chez les enfants

L’axe d’astigmatisme peut être évalué:

• À l’aide d’une monture d’essai ou d’un schéma affiché au mur;
• Par la vérification de la coïncidence entre l’axe du cylindre et l’axe du reflet pupillaire (voir plus loin).
Vérification des lunettes chez les enfants

Chaque contrôle orthoptique commence par une vérification des lunettes. Elle s’effectue comme ci-dessus, avec des lentilles tenues devant les lunettes ou, mieux, avec la correction placée sur une monture d’essai. Les verres sont-ils bien adaptés, ou y a-t-il une sous-correction? Une surcorrection ou un spasme d’accommodation donnant le change pour une surcorrection?

La détermination subjective de la réfraction
Lignes directrices générales de la détermination subjective de la réfraction

La mesure objective de la réfraction doit être complétée dans tous les cas, dès lors que l’âge du patient le permet, par une détermination subjective de la réfraction.

Première étape

La mesure de l’acuité visuelle brute
L’examen débute par la détermination de l’acuité visuelle brute. Celle-ci donne une première indication, pour autant qu’il n’y ait pas de cause organique expliquant un éventuel déficit (tableau III).

Deuxième étape

La mesure objective de la réfraction

La skiascopie sous cycloplégie
• Chez l’enfant;
• Chez l’adolescent et l’adulte si nécessaire
;
• Et, si nécessaire, sous cycloplégie.
La kératométrie

Elle sera toujours réalisée et à tout âge, sauf chez le jeune enfant où elle n’est pas possible (économise du temps).

La réfractométrie

Toujours en cycloplégie chez l’enfant.
Les valeurs mesurées seront le point de départ de la détermination subjective de la réfraction.

Troisième étape

La détermination subjective de la réfraction

Quatrième étape

La prescription de la correction

Les amétropies sphériques
La détermination de la sphère
La méthode ascendante

Commencer par tester la vision de loin (% ou 6 m). Toujours débuter en plaçant une lentille de +0,50  ∂ devant l’œil:

• Si le sujet voit autant ou mieux, il est hypermétrope; poursuivre avec des lentilles positives de puissance croissante jusqu’à ce que, puis aussi longtemps que le sujet voit de façon maximum; toujours dépasser cette limite, puis revenir en arrière pour s’assurer que la limite a été bien atteinte; mais il faut se souvenir que le sujet ne réalise en général qu’il voit moins qu’au deuxième échelon au-delà de la limite;
L’hypermétropie d’un sujet déterminée de façon objective par la skiascopie ou la réfractométrie sous cycloplégie et/ou de façon subjective par la recherche de la lentille convexe la plus puissante qui permet l’acuité visuelle maximale de loin, est l’hypermétropie manifeste. Il n’est cependant jamais certain que l’hypermétropie manifeste que nous parvenons à saisir ainsi corresponde à l’hypermétropie totale, même sous cycloplégie. Un spasme de l’accommodation peut masquer partiellement l’hypermétropie. En d’autres termes, il peut rester une hypermétropie latente non diagnostiquée (voir « Hypermétropie latente et spasmes d’accommodation  »).
• Si le sujet voit moins bien, il est
myope. Il faut poursuivre en plaçant des lentilles négatives de puissance croissante jusqu’à ce que le sujet voit de façon maximum.
Après avoir corrigé la myopie de chaque œil, il faut tester la vision de près en vision binoculaire pour s’assurer que la correction est bien tolérée en vision rapprochée
:
¬ Si la lecture est confortable, la correction peut être prescrite
;
¬ Si, au contraire, elle n’est pas confortable, diminuer la correction de 0,25 des deux côtés
; si la lecture est alors confortable, prescrire cette correction légèrement réduite; avec elle, le sujet verra de loin, en vision binoculaire, aussi bien qu’il voyait en vision monoculaire avec la correction plus forte.

Il faut toujours penser à vérifier l’équilibre binoculaire avec correction de loin et de près, aussi bien chez l’hypermétrope que chez le myope.

La méthode du brouillard (méthode descendante)

La méthode du brouillard a pour but de lever un éventuel spasme d’accommodation. Elle consiste, en cas d’hypermétropie, à placer devant l’œil une lentille d’environ +2,50  ∂ plus forte que la lentille limite trouvée par la méthode ascendante, puis à réduire progressivement sa puissance jusqu’à avoir atteint la vision maxima.
De petits spasmes d’accommodation (p. ex. celui provoqué par une lecture prolongée en salle d’attente ou par le travail d’une journée) peuvent être levés de cette manière. Elle est insuffisante, si l’on suspecte un spasme plus intense
; il faut alors pratiquer une skiascopie ou une réfractométrie sous cycloplégie.

Le test rouge-vert

L’amétropie d’un œil ne correspond pas nécessairement exactement aux échelons des verres d’essais. Par exemple, la myopie d’un œil peut être de -2,12  ∂. Faut-il, dans ce cas, prescrire plutôt -2,0  ∂ ou plutôt -2,25  ∂?
Le test rouge-vert permet de savoir si l’œil est sur ou sous-corrigé. Le patient doit fixer les signes sur fond vert et ne jeter que de courts coups d’œil sur ceux sur fond rouge (afin de ne pas solliciter l’accommodation). Il doit juger sur lequel des fonds les caractères lui paraissent le
plus noirs (Lachenmayr et al.):

• Si les signes lui paraissent plus noirs sur le fond vert, l’œil hypermétrope est légèrement sous-corrigé ou l’œil myope surcorrigé;
• Si les signes lui paraissent plus noirs sur le fond rouge, l’œil hypermétrope est légèrement surcorrigé ou l’œil myope sous-corrigé
;
• Si les signes lui paraissent également noirs sur les deux fonds, l’œil est bien corrigé.
Le cas particulier de la correction de la myopie forte

En cas de myopie forte, l’acuité visuelle peut être réduite du fait:

• De la réduction de la taille de l’image rétinienne par la correction par lunettes;
• D’un astigmatisme cornéen notable associé, souvent bi-oblique
;
• De la moindre densité des cônes rétiniens
;
• D’un astigmatisme rétinien
;
• D’une amblyopie réfractive (correction trop tardive).
La mesure de la réfraction

Elle se fait au moyen de:

• La skiascopie avec faisceau parallèle:
¬
Sans lentille négative devant l’œil: on voit une lueur pupillaire homogène, mais relativement sombre, donnant l’impression de suivre le mouvement du skiascope, ce qui est perturbant pour l’examinateur,
¬ La myopie est facilement surévaluée,
¬ Plus facile par-dessus les lunettes, si le patient en porte déjà.
• Kératométrie selon Javal ou kératométrie topographique
;
• Réfractométrie automatique, souvent prise ici en défaut
;
• Détermination subjective de la réfraction
;
Que prescrire en cas de myopie forte?

La correction optique totale sera prescrite dès le plus jeune âge.

• Les lunettes ont des désavantages:
¬ L’acuité visuelle sera moindre,
¬ Le champ de vision sera déformé dans les regards latéraux,
¬ En périphérie il y a un chevauchement annulaire du champ de vision vu à travers les verres et de celui vu au-delà des verres,
¬ Les lunettes sont inconfortables, lourdes et peu esthétiques.
• Les lentilles de contact ont de multiples avantages
:
¬ L’image rétinienne est plus grande, l’acuité visuelle par conséquent meilleure,
¬ La correction optique nécessaire est plus faible,
¬ L’illumination rétinienne est meilleure,
¬ Le champ visuel est le champ de vison,
¬ Elles ont un effet psychologique positif en raison d’un meilleur confort, d’une meilleure qualité optique, d’une plus grande liberté de mouvements, de l’esthétique.
L’astigmatisme
Technique de la réfraction subjective
Chez l’enfant

La mesure de la réfraction se fait nécessairement sous cycloplégie (voir: « contrôle subjectif des valeurs mesurées  »)
Sans cycloplégie, lorsque la réfraction sous cycloplégie est déjà connue, pour le contrôle des lunettes en début de contrôle orthoptique, dès l’âge de 3 à 4 ans (voir plus haut).

Chez l’adolescent et l’adulte sans cycloplégie

Il y a trois situations de départ:

Un astigmatisme physiologique

Si la kératométrie indique un chevauchement entre 0 et 1,25  ∂ à 90°, ou la réfractométrie, un astigmatisme entre 0 et 0,75  ∂ à 90°, c’est-à-dire un astigmatisme physiologique de la face antérieure de la cornée, quelle est la probabilité pour qu’il n’y ait au total pas d’astigmatisme, ou, au contraire, qu’il existe malgré tout un léger astigmatisme conforme ou inverse (fig 2-21) La probabilité la plus grande est que l’optique de l’œil soit stigmate. Mais un astigmatisme n’est pas exclu, soit conforme (et ce d’autant plus que le chevauchement est plus important), soit inverse (et ce d’autant plus que le chevauchement est moins important).
Comment procéder?

• Placer +0,50  ∂ sphérique, si le sujet voit:
¬ Mieux
: poursuivre avec des lentilles positives de puissance croissante aussi longtemps que l’acuité visuelle reste maximale à 5 m,
¬ Moins bien
: placer des lentilles négatives de -0,50  ∂ ou davantage, selon l’acuité visuelle brute, jusqu’à l’acuité visuelle maximale.
• Vérifier ensuite s’il y a ou non un astigmatisme (voir la méthode de Jackson)
:
¬ Avec le cylindre de Jackson,
¬ Mieux, selon la technique de Jackson, on place un cylindre de +0,50  ∂ selon l’axe du chevauchement à la kératométrie, en réduisant la correction sphérique de la moitié de la valeur du cylindre,
¬ Puis tourner le cylindre de 90°
:
◊ S’il n’y a pas de différence, il n’y a pas d’astigmatisme
◊ Si c’est moins bien dans l’une des positions, il y a un astigmatisme
:
ø Il convient alors de vérifier la puissance cylindrique nécessaire (+0,25, +0,50 ou +0,75  ∂),
ø Un petit astigmatisme de 0,25  ∂, s’il se confirme, doit être corrigé, car il est gênant (vision pas tout à fait nette, rougeurs oculaires, brûlures oculaires, etc.).
Un astigmatisme modéré

La kératométrie indique un petit astigmatisme (entre 1,25 et 2,0  ∂ à 90° ou 0° et 0,50  ∂ à 0°), ou la réfractométrie un astigmatisme entre 1,0 et 1,75  ∂ à 90° ou entre 0 et 0,50  ∂ à 0°.
Comment procéder
?

• Corriger d’abord aussi bien que possible l’amétropie sphérique (voir ci-dessus);
• Puis corriger l’astigmatisme
;
• Enfin, corriger avec précision l’amétropie sphérique.
Un fort astigmatisme

La kératométrie indique un fort astigmatisme (≥ 2 ∂ à 90° ou ≥ 0,50  ∂ à 0°), ou la réfractométrie, un astigmatisme ≥ 2,0  ∂ à 90° ou ≥ 0,75  ∂ à 0°.
Comment procéder
?

• D’abord corriger approximativement l’astigmatisme (avec un cylindre positif d’abord et, si l’acuité visuelle est moins bonne, avec un cylindre négatif). Par exemple, si la kératométrie indique un chevauchement de 3,0  ∂ à 90°, placer un cylindre de +2,50  ∂ à 90°, ou, si avec ce cylindre la vision est moins bonne, un cylindre de -2,50  ∂ à 0°.
• Puis déterminer l’amétropie sphérique
;
• Ensuite vérifier avec précision l’axe de l’astigmatisme
;
• Ensuite affiner la correction de l’astigmatisme
;
• Enfin affiner la correction de l’amétropie sphérique.

NB. L’équivalent sphérique d’un cylindre est égal à la moitié de la puissance du cylindre. Par exemple, l’équivalent sphérique d’un cylindre de +3,0  ∂ est de +1,50  ∂ sphérique.

Vérification objective de l’axe d’un astigmatisme

À l’aide du skiascope:

• Lire l’axe de l’astigmatisme sur la monture d’essai ou sur un schéma affiché au mur;
• Par la vérification de la coïncidence entre l’axe du cylindre et l’axe du reflet pupillaire, à l’aide de l’axe de la fente du skiascope (fig 2-22).
La première correction d’un astigmatisme

Chez l’enfant et l’adolescent, la correction optique totale est immédiate. Il en est de même pour un astigmatisme léger chez l’adulte.
Chez
l’adulte ayant un fort astigmatisme la correction totale sera prescrite par étapes; il faut:

• Prescrire la correction partielle de l’astigmatisme, mais jamais moins que la moitié de la correction totale de l’astigmatisme;
• Corriger complètement la focale verticale de manière qu’elle puisse être vue nettement. La sous-correction de l’astigmatisme doit être compensée par son équivalent sphérique
:
¬ En cas d’astigmatisme conforme, ne compenser que la moitié de l’astigmatisme non corrigé
;
¬ En cas d’astigmatisme inverse, compenser la totalité de l’astigmatisme non corrigé.
• Un astigmatisme inverse peut être corrigé complètement plus rapidement qu’un astigmatisme conforme
;
• En cas d’astigmatisme oblique, progresser plutôt plus lentement.
La méthode du cylindre croisé de Jackson

Un léger astigmatisme non corrigé est source d’inconfort visuel, d’irritation oculaire et de céphalées orbito-frontales. Sa correction est donc essentielle. Comment le reconnaître et le corriger au mieux? La méthode du cylindre croisé, plus que le cylindre de Jackson en lui-même, constitue la technique de base d’une correction minutieuse.
Son but est de reconnaître un léger astigmatisme (éventuellement un astigmatisme résiduel, en cours de correction) et vérifier l’utilité de sa correction.

Son principe

La méthode du cylindre croisé est une méthode de réfraction subjective, c’est-à-dire qu’elle requiert la participation du sujet examiné.
Elle consiste à ajouter une correction cylindrique de 0,50  ∂ sans modifier l’équivalent sphérique de la correction en place. Cela s’obtient en ajoutant un cylindre de 0,50  ∂ de même signe que la correction sphérique en place et en réduisant en même temps celle-ci de 0,25  ∂, c’est-à-dire de la moitié de la valeur du cylindre.
Le « cylindre de Jackson  » est une lentille d’une puissance sphérique de -0,25  ∂ et cylindrique de +0,50  ∂ (ou, ce qui revient au même, de +0,25  ∂ sphérique et de -0,50  ∂ cylindrique), d’
équivalent sphérique = 0  ∂ (fig 2-23). Il réalise donc en une seule lentille ce qui est énoncé ci-dessus. Si on le place devant la correction portée ou sur la monture d’essai, il ne modifie pas l’équivalent sphérique de la correction déjà en place. Le manche fixé au cylindre selon la bissectrice des axes permet de faire pivoter le cylindre de 90°.

Son utilité

Pour un œil présentant un astigmatisme conforme à la règle « physiologique  » (chevauchement entre 0 et 1,25  ∂ à 90° au kératomètre de Javal) (fig 2-18), la plus grande probabilité est qu’il ne soit pas astigmate. Mais rien n’exclut qu’il le soit; la probabilité est certes plus faible, mais elle est réelle. Celle pour qu’il soit astigmate conforme est d’autant plus grande que l’astigmatisme conforme antérieur de la cornée est plus proche de 1,25  ∂ et celle pour qu’il soit astigmate inverse, d’autant plus grande que l’astigmatisme conforme antérieur de la cornée est plus proche de 0  ∂ (fig 2-18).
Plus l’axe de l’astigmatisme antérieur de la cornée, dans le même ordre de grandeur, est oblique, plus la correction d’un léger astigmatisme s’avère souvent nécessaire. L’astigmatisme est sûrement à corriger, si l’astigmatisme antérieur de la cornée est conforme et supérieur à 1,25  ∂ ou s’il est inverse.

La méthode
Placer l’axe du cylindre
• D’abord selon l’axe indiqué par la kératométrie ou la réfractométrie;
• Le placer ensuite perpendiculairement à cet axe (fig 2-24).
Selon la réponse du sujet
:
• S’il ne perçoit pas de différence d’une position du cylindre à l’autre, il n’y a pas d’astigmatisme à corriger
;
• S’il perçoit une différence, sa vision étant meilleure dans l’une des positions du cylindre, il existe un astigmatisme
; il devra être corrigé.
Pourquoi utiliser un cylindre de 0,50  ∂?

Le test ne serait pas assez sensible avec un cylindre de 0,25  ∂; un cylindre plus fort fausserait la réponse du sujet par surcorrection en cas d’astigmatisme minime. Le cylindre de 0,50  ∂ est donc l’optimum pour que le test fournisse une réponse significative; mais cela ne signifie nullement qu’il faille ensuite prescrire un cylindre de 0,50  ∂!
Il reste en effet à déterminer la puissance de la correction cylindrique qui est nécessaire (la plus faible donnant la meilleure acuité visuelle) et à préciser l’axe du cylindre (voir exemple ci-dessous).
Pour déterminer avec précision l’axe selon lequel il convient de positionner le cylindre (en partant des indications de la kératométrie ou de la réfractométrie), utiliser le skiascope pour le test de la triple concordance (fente lumineuse du skiascope - axe du cylindre - lueur pupillaire) (fig 2-22).
Exemple:
Si pour un œil, la correction sphérique optimale est de +2,0  ∂ et que la kératométrie a indiqué un astigmatisme de 1,0  ∂ à 80° (axe correspondant au chevauchement des images au Javal), il convient:

• D’essayer +1,75  ∂ (+0,50  ∂)80° ;
• Puis +1,75  ∂ (+0,50  ∂)170° (axe perpendiculaire)
:
¬ Si le patient ne voit pas de différence selon l’une ou l’autre position du cylindre, il n’y a pas d’astigmatisme à corriger
;
¬ Si, au contraire, il voit mieux lorsque le cylindre est placé dans l’un des deux axes plutôt que dans l’autre, par exemple à 80°, il conviendra de rechercher et prescrire la correction optimale, en vérifiant si, en définitive, le sujet voit mieux avec
:
◊ +1,75  ∂ (+0,5  ∂)80° ou +2,0  ∂ (+0,50  ∂)80° ?
◊ +1,75 ∂ (+0,25 ∂)80° ou +2,0  ∂ (+0,25  ∂)80° ?
◊ +1,75 ∂ (+0,75 ∂)80° ou +1,50  ∂ (+0,75  ∂)80° ou +2,0  ∂ (+0,50  ∂)80°(moins probable dans l’exemple choisi)
?
¬ Et si l’axe optimum est à 80°ou à ± 5, 10, 15° de 80°(axe mesuré)
?

La méthode du cylindre de Jackson est l’un des principes fondamentaux de la réfraction subjective, que l’on se serve du cylindre de Monsieur Jackson ou que l’on préfère changer la correction placée sur la monture d’essai ou introduite dans le phoroptère (les réponses sont souvent plus fiables avec le changement de la correction sur la monture ou dans le phoroptère; si l’on se sert du cylindre de Jackson, il faut veiller à ce qu’il soit bien centré et placé dans le bon plan et non plus ou moins incliné).

Comment corriger l’anisométropie, pourquoi, quand?

Des lunettes asymétriques corrigeant totalement l’anisométropie ont pour effet:

• Une anisophorie dans les regards latéraux et verticaux;
• Une aniséïconie
;
• Une demande accommodative différente entre les deux yeux.

Il est cependant possible de prescrire d’emblée la correction optique totale aux enfants et aux adolescents en raison de leur grande capacité d’adaptation.

Petite ou moyenne anisométropie ou anisoastigmatisme
Chez les enfants non strabiques:

L’anisométropie est souvent reconnue tardivement, avec un diagnostic tardif de l’amblyopie, souvent relative.
Toujours prescrire la correction optique totale immédiatement:

• Bonne adaptation;
• Souvent amélioration spontanée de l’amblyopie
;
• Amélioration de la binocularité.
Chez les enfants strabiques:
• En cas de microstrabisme, l’anisométropie est souvent reconnue tardivement;
• Diagnostic tardif de l’amblyopie, plus profonde
;
• Le résultat de la rééducation de celle-ci peut de ce fait rester limité.

Toujours prescrire la correction optique totale immédiatement.

Chez les adultes:

On procédera de manière progressive:

• Correction par étapes jusqu’à la correction totale:
¬ Correction partielle d’abord, puis augmenter après port d’essai,
¬ Parfois correction de près différente,
¬ Lentilles aniséiconiques dans de rares cas (fig 2-25).
• Chez le sujet aniso-hypermétrope et presbyte, l’addition pour le près doit parfois être de +0,25  ∂ plus forte pour l’œil le plus hypermétrope
;
• Parfois ne pas corriger l’anisométropie, si le bénéfice en est négligeable.

Les adultes dont l’anisométropie est ou n’est pas corrigée, sont adaptés à leur aniséïconie. Le risque est de créer une gêne en modifiant celle-ci:

• En prescrivant la correction;
• En passant des lunettes aux lentilles de contact, ou inversement
;
• Par la chirurgie réfractive
;
• Par une opération de la cataracte.

Il est donc nécessaire de prendre toutes les précautions (essais préalables par lentilles de contact).

Anisométropie ou anisoastigmatisme fort

(Par exemple, la myopie forte unilatérale)
Selon les possibilités visuelles de l’œil le plus amétrope
:

• Chez l’enfant: correction optique totale par:
¬ Lentille de contact, plutôt que par lunettes,
¬ Rien, si l’œil présente une amblyopie organique non améliorable et, de façon générale, en l’absence de bénéfice visuel.
• Chez l’adulte
: idem.
L’anisométropie provoquée

La « monovision  » (ou monofixation provoquée) est-elle bénéfique? Elle est anti-physiologique chez le sujet ayant toujours eu une vision binoculaire normale.
C’est une mode de vouloir se passer à tout prix de lunettes
:

• Par lentille de contact unilatéral pour la vision de près sur l’œil non dominant chez le presbyte; la tolérance est bonne jusqu’à une myopisation de 2  ∂;
• Par myopisation unilatérale chez le pseudophake ayant toujours été isométrope.

Ne jamais oublier que la vision binoculaire est constitutive de la fonction visuelle.

L’égalisation binoculaire
La première étape

Il faut souligner que la première étape de l’égalisation binoculaire réside dans la détermination précise de la réfraction de chaque œil et que cette démarche est le plus souvent suffisante.
Il convient de prescrire la correction optique totale chez les sujets isométropes ou légèrement anisométropes. Lorsque l’anisométropie est plus importante, il est souvent nécessaire de sous-corriger l’œil le plus amétrope de 0,25 ou 0,50 pour des raisons de tolérance.

L’équilibre binoculaire

Il peut être testé et ajusté de plusieurs manières:

• Des prismes verticaux dissociants;
• Des tests polarisés
;
• Un test rouge-vert double polarisé
;
• Un test rouge-vert polarisé associé à la méthode du brouillard selon Friedburg.

Un test de tolérance peut être utile, à la condition que les verres soient bien centrés sur la monture d’essai.

Examen des phories de loin et de près

Une ésophorie persistante en vision rapprochée, aussi bien chez l’hypermétrope que chez le myope, équipée de la correction optique totale, peut nécessiter la prescription de verres bifocaux ou progressifs, même chez le sujet jeune.

La compensation de la presbytie

Le pouvoir d’accommodation diminue progressivement dès l’adolescence, selon la courbe de Duane. Le parcours accommodatif devient insuffisant pour la vision rapprochée vers 45 ans chez le sujet emmétrope ou amétrope corrigé.
Il faut alors ajouter à la correction pour le loin une addition pour la vision de près. La valeur de cette addition pour compenser la presbytie est
strictement dépendante de l’âge du sujet. Elle est, sur la base de la correction totale pour le loin, précisée sur le tableau IV.

Âge en années

Addition en  ∂


45 ans

+1,25  ∂

Nécessaire selon la profession

47 ans

+1,75  ∂

Souvent la première addition portée

50 ans

+2,0  ∂


53 ans

+2,25  ∂


56 ans

+2,50  ∂


60 ans

+2,75  ∂


70 ans

+3,0  ∂


Aphaque

+3,50  ∂

= moyenne ± 0,25  ∂

Pseudophaque

+3,25  ∂

Parfois moins

Tableau IV.


L’addition peut être réalisée sous la forme de lunettes pour le près, de verres bifocaux ou trifocaux, ou de verres progressifs, ou encore de lentilles de contact multifocales.
Une addition supplémentaire de +0,25  ∂ est nécessaire en cas de:

• Vision monoculaire;
• Myopie moyenne ou élevée (+0,25 ou +0,50  ∂)
;
• Hypermétropie élevée
;
• Acuité visuelle ≤ 0,8
;
• Professions nécessitant une vision très rapprochée.

La prescription d’un verre trifocal ne se justifie que lorsque l’addition est > +2,0  ∂, c’est-à-dire lorsqu’il existe un hiatus de vision nette entre le foyer supérieur pour le loin et le foyer inférieur pour le près.
Les sujets jeunes peuvent avoir besoin de verres bifocaux ou progressifs en cas d’hétérophorie non compensée ou strabisme accommodatif avec excès de convergence ou hypo-accommodation.


Annexe I: Hypermétropie latente et spasmes d’accommodation (spasmes ciliaires)

Le spasme d’accommodation est un phénomène fréquent chez les sujets jeunes et jusqu’au-delà de la cinquantaine, même chez les sujets phoriques. Son effet myopisant peut se manifester de façon très différente. Aussi faut-il constamment penser à le rechercher. Les patients se plaignent de vision inconfortable et/ou de troubles asthénopiques.
Il faut cependant différencier le spasme d’accommodation proprement dit du dérèglement de la convergence accommodative en cas d’amétropie non corrigée. Ce dérèglement provoque une ésophorie chez l’hypermétrope, une exophorie chez le myope, ou un dérèglement inverse au moment où l’on fait porter la correction, lorsque le rapport CA/A est normal. Il faut également le différencier de la convergence accommodative qu’un sujet peut utiliser pour suppléer une insuffisance de la vergence tonique et rendre latente son exotropie (le besoin de binocularité l’emportant sur le besoin de vision nette)
; du fait de l’accommodation vergentielle, l’acuité visuelle binoculaire de loin de ce sujet sera inférieure à son acuité visuelle monoculaire. Ces dérèglements cependant peuvent être à l’origine des mêmes troubles fonctionnels que le spasme d’accommodation proprement dit.
Le tonus accommodatif de repos varie selon l’activité accommodative que vient d’avoir le sujet en raison du phénomène d’hystérèse, dont l’origine est innervationnelle, dépendante du système autonome sympathique/parasympathique. Ces variations, non pathologiques, du tonus accommodatif de repos sont normalement asymptomatiques. Le spasme d’accommodation se surajoute à l’hystérèse. Il peut être plus ou moins passager ou durable, voire permanent et d’intensité variable. Plus rarement, c’est l’hystérèse elle-même qui est exagérée. Le spasme d’accommodation est à l’origine de troubles visuels, de céphalées péri-orbitaires et frontales et d’irritations oculaires. Le tableau clinique varie avec l’âge.

Les spasmes de l’accommodation de l’enfant phorique (non strabique)

Le travail scolaire sollicite l’accommodation de l’enfant probablement au-delà de ce que prévoit le programme du développement physiologique normal et peut conduire à la pseudo-myopie scolaire. Celle-ci apparaît le plus souvent à l’âge de l’école primaire, entre 6 et 8 ans. L’enfant se plaint de ne pas voir au tableau. Lorsque nous l’examinons, l’acuité visuelle sans correction de chacun de ses yeux ne dépasse pas 0,4 ou 0,5. Si nous plaçons une lentille de +0,50  ∂ devant l’œil examiné, l’enfant voit moins encore. Avec des lentilles négatives, sa vision s’améliore, mais ne dépasse guère 0,8 ou 0,9, même en augmentant la correction au-delà de -1,0  ∂ (qui devrait largement suffire compte tenu de l’acuité sans correction). La skiascopie obligatoirement sous cycloplégie révèle en fait une légère hypermétropie de l’ordre de +0,50 à +1,0  ∂. L’essai subjectif de lecture de loin sous cycloplégie le confirme.
Cette hypermétropie légère, lorsqu’elle n’est pas corrigée, exige de l’enfant un effort accommodatif accru et provoque un spasme d’accommodation qui se traduit par la pseudo-myopie. Le traitement consiste par conséquent à prescrire la correction optique totale pour le travail scolaire. L’enfant la portera pendant 2 à 3 ans, puis pourra le plus souvent s’en passer. L’erreur consisterait à prescrire des verres négatifs, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation.

Les spasmes de l’accommodation de l’adolescent et de l’adulte phorique

La persistance d’un excès de tonus accommodatif après un effort prolongé en vision de près, de lecture, de travail à l’ordinateur, etc. s’observe bien au-delà de l’enfance. Elle se traduit par des spasmes d’accommodation passagers. Ainsi, il n’est pas rare de constater que certains sujets sont, en apparence, moins hypermétropes le soir après le travail que le matin, du fait d’un spasme d’accommodation rémanent. Ce phénomène s’observe même en cas d’emmétropie ou d’amétropie totalement corrigée. Mais il est plus fréquent lorsque la correction d’une hypermétropie, même légère, (ou d’un astigmatisme hypermétropique) est incomplète ou n’est pas portée. Il suffit en général, pour que le spasme se relâche, de faire lire les optotypes à 5 m en débutant par les caractères les plus grands. Si un doute persiste, on essayera de lever le spasme par la méthode du brouillard, ou au besoin par un examen sous cycloplégie.
Il est également fréquent de découvrir un spasme d’accommodation chez le sujet presbyte débutant. En recherchant l’hypermétropie totale, base de l’addition pour le près, on s’aperçoit que l’on peut augmenter la puissance du verre convexe au-delà de la limite indiquée de prime abord par le sujet et que la véritable limite se trouve en réalité une demie ou une dioptrie au-delà. La lecture en salle d’attente suffit à provoquer ce spasme par le jeu de l’hystérèse accommodative, et cela d’autant plus que le sujet est plus hypermétrope. Il accommode plus que l’emmétrope pour des raisons optiques
:

Sans correction, il rapproche les objets en raison de la réduction de la taille de l’image rétinienne;
Avec correction par lunettes, les objets paraissent optiquement plus proches en raison de l’effet de lunette de Galilée.

Plus l’hypermétropie est importante, plus il faut être attentif et se méfier de fluctuations ou d’un spasme de l’accommodation survenant au cours des essais de réfraction subjective, même chez des sujets déjà presbytes.
Ces spasmes d’accommodation que l’on peut qualifier d’ordinaires sont source d’inconfort visuel. Les sujets sont nettement améliorés par la
correction optique totale, immédiatement ou éventuellement après une courte période d’adaptation.
L’
inertie accommodative, également appelée viscosité accommodative, désigne une lenteur anormale de l’accommodation et de la désaccommodation en dépit de conditions de luminosité et de contraste suffisant. Elle constitue une gêne visuelle majeure. La correction totale est ici indispensable, même si elle n’est pas toujours suffisante; des verres progressifs sont souvent nécessaires (avec l’addition minima nécessaire chez le sujet non presbyte).
Le sujet qui, jusqu’à un âge avancé, n’aura pas porté la correction totale de son hypermétropie et aura compensé l’hypermétropie facultative par un effort accommodatif accru permanent, pourra en fin de compte être incapable de relâcher cette accommodation compensatrice. Cette situation aura été parfaitement supportable jusqu’au jour où, bien avant l’âge de la presbytie, le pouvoir d’accommodation du sujet sera devenu insuffisant pour compenser l’hypermétropie facultative et en outre accommoder pour le près. Dès lors, malgré le port de la correction optique apparemment totale de son hypermétropie moyenne ou forte, il aura besoin d’une addition pour le près
! La skiascopie montrera qu’en réalité son hypermétropie est supérieure à la correction portée; celle-ci n’était donc pas la correction totale. La logique voudrait que l’on prescrive celle-ci; mais, bien qu’elle lui convienne pour la vision de près, il ne la supporte pas en vision de loin! Faut-il cependant la prescrire, en l’aidant d’un cycloplégique? Il se peut que cela suffise à faire lâcher petit à petit le spasme d’accommodation; mais, le plus souvent, le patient sera gêné de près par la cycloplégie ou retrouvera sa gêne de loin dès que l’effet de celle-ci sera dissipé. La seule solution est de prescrire la correction maxima acceptée de loin et l’addition minima nécessaire pour le près. En effet un tel sujet est devenu incapable de relâcher son accommodation en vision de loin et est devenu incapable de suraccommoder suffisamment en vision de près. Son accommodation/désaccommodation est comme figée. Ce tableau clinique est celui d’une « rigidité accommodative  »; elle représente la situation extrême du spasme d’accommodation.
Le spasme d’accommodation peut être pharmacogénique
:

• Il est majeur sous pilocarpine qui provoque une myopisation de plusieurs dioptries chez l’adulte jeune;
• L’instillation de timolol peut provoquer une myopisation de 0,85  ∂.
Les spasmes de l’accommodation des sujets strabiques

Selon la théorie de Donders, l’hypermétropie ne constitue pas la cause des ésotropies, mais un facteur déclenchant possible. L’hypermétropie facultative peut en effet être compensée par un surcroît d’accommodation sans rompre l’équilibre binoculaire; dans d’autres cas cependant, cette compensation provoque la rupture de cet équilibre. Donders parle alors d’hypermétropie relative. S’il en est ainsi, le spasme d’accommodation et l’excès de convergence se majorent réciproquement. Tous les cas de figure d’ésotropie peuvent s’observer depuis le strabisme accommodatif réfractif jusqu’au strabisme sans excès de convergence (fig 3-1).

Le strabisme accommodatif

C’est-à-dire le strabisme accommodatif basé sur une vision binoculaire normale ou anormale.
Le strabisme accommodatif
réfractif ou pur (anciennement dit typique) est un dérèglement isolé du rapport CA/A, resté normal, par une hypermétropie non corrigée; il ne comporte pas d’excès de convergence. Le port de la correction totale rétablit l’alignement des axes visuels pour toutes les distances de fixation. Une hypermétropie latente peut cependant rester masquée; elle ne se révélera qu’au cours des skiascopies ou réfractométries répétées sous cycloplégie. Le spasme d’accommodation qui en résulte explique certainement la réapparition fréquente de la déviation en dépit de la correction portée. Celle-ci devra impérativement être réajustée au fur et à mesure, pour toujours corriger toute l’hypermétropie manifeste. Cette forme de strabisme peut apparaître très tôt dans la vie; c’est pourquoi il faut déjà y penser lorsqu’un nourrisson présente une ésotropie intermittente.
En cas de strabisme accommodatif par
excès de convergence (anciennement dit atypique), vrai ou dû à une hypo-accommodation, le rapport CA/A est augmenté. L’excès de convergence est isolé en cas d’orthophorie ou de légère éso ou exophorie en vision de loin et d’ésotropie en vision de près. Le strabisme accommodatif est dit mixte lorsqu’il comporte une part réfractive, corrigée par la correction optique totale, et une part d’excès de convergence par rapport CA/A augmenté. L’excès de convergence ne peut être éliminé qu’en réduisant la demande accommodative par une addition pour le près. La part réfractive de base est le plus souvent une ésotropie, intermittente ou non, en cas d’hypermétropie, plus rarement une exotropie intermittente en cas de myopie (exotropie intermittente avec excès de convergence, anciennement dit par excès vrai de divergence). Le diagnostic d’excès de convergence se vérifie dans la plupart des cas; mais il faut toujours se demander, si celui-ci n’est pas dû, en partie ou en totalité, à un spasme d’accommodation lié à une hypermétropie latente.

Les ésotropies concomitantes précoces et tardives

Le spasme d’accommodation joue un rôle essentiel dans les ésotropies concomitantes à cause de son lien avec l’excès de convergence. Le spasme d’accommodation entretient l’excès de convergence et inversement, l’excès de convergence entretient le spasme d’accommodation.
La déviation de l’œil strabique varie à chaque instant selon la distance de fixation, la direction du regard et/ou le degré d’attention du sujet. Les facteurs de variation sont de trois ordres
:

• Les mouvements compensatoires de Bielschowsky qui tendent à diminuer la déviation. Ils y parviennent totalement lorsque le strabisme est intermittent, mais sont négligeables en cas d’ésotropie précoce;
• Les mouvements qui augmentent la déviation, les uns indépendants de l’accommodation
;
• Les autres liés à l’accommodation (fig 3-2). Ces derniers constituent « l’élément accommodatif  » du strabisme, variable d’un sujet strabique à l’autre. Lorsque l’élément accommodatif est marqué, on parle aussi bien de strabisme partiellement accommodatif que de strabisme à composante accommodative. Ces deux termes sont synonymes.

L’élément accommodatif n’est pas surajouté au dérèglement moteur, mais en fait indissociablement partie. Il est majoré en cas d’hypermétropie; la part réfractive de la déviation est plus ou moins proportionnelle à celle-ci. L’hypermétropie latente est ici particulièrement tenace et difficile à révéler du fait de son lien avec l’excès de convergence; cela ne fait qu’ajouter à la nécessité de la rechercher impérativement par des skiascopies ou des réfractométries répétées sous cycloplégie. En effet, le seul moyen dont nous disposons pour sortir du cercle vicieux accommodation-convergence est de faire porter la correction optique totale. Celle-ci va réduire l’excès de convergence, qui, à son tour, va réduire le spasme d’accommodation. Cela permettra d’augmenter la correction portée, qui, à nouveau, réduira l’excès de convergence, etc. La correction optique est donc un temps essentiel du traitement médical préopératoire des ésotropies. Elle l’est tout autant au cours du suivi postopératoire, surtout en cas d’ésotropie résiduelle, même s’il ne persiste qu’une micro-ésotropie.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010