Skiascopie : la formule skiascopique Alain Péchereau

Introduction


La formule skiascopique permet une représentation graphique simple du défaut optique de l’œil. En effet, l’objectif de la skiascopie est de déterminer la puissance du verre correcteur emmétropisant sur chaque axe (Prf Roth). Son utilisation permet la transformation des résultats de la skiascopie en une formule optique utilisable par l’opticien. Si son usage de base est la skiascopie, cette représentation graphique peut être utilisée avec toutes les techniques de mesure du défaut optique global de l’œil. Elle est l’outil qui permet de passer de la skiascopie au frontofocomètre, au réfractomètre automatique à la correction portée ou à la correction prescrite en passant par le réfracteur, etc. Elle est le véritable couteau suisse de la réfraction.
Pour des raisons physiologiques, mathématiques et optiques, elle a été limitée à deux axes orthogonaux représentant les défauts optiques de l’œil au voisinage de l’axe visuel.

La distance verre-œil


Lors de la skiascopie, l’observateur recherche l’ombre en masse ou l’inversion. Celle-ci est obtenue lorsque la valeur optique de l’œil étudié et du verre utilisé est égale à l’emmétropie. Le verre utilisé indique donc le verre correcteur nécessaire pour obtenir l’emmétropie (valeur skiascopique brute).
Cette hypothèse théorique repose sur la situation d’un observateur à l’infini. Dans le monde réel, cette situation est impossible. La valeur du verre correcteur de l’amétropie doit être modifiée pour obtenir la valeur du verre corrigeant le défaut optique en cas de vision à l’infini. Cette correction (valeur skiascopique corrigée, celle qui doit être marquée sur le dossier) est liée à la distance (d) œil du sujet : œil de l’observateur. La valeur inverse de cette valeur (1/d) donne le correctif nécessaire qu’il faudra soustraire à la valeur trouvée précédemment.
Il est essentiel de bien comprendre que nous raisonnerons avec des valeurs algébriques tout au long de ce chapitre et que, de ce fait, le signe - est inférieur au signe +.

La sphère


La valeur correctrice du défaut optique de l’œil est uniforme quel que soit l’axe étudié. La valeur du verre correcteur est donc sphérique. Il est obtenu de façon simple en retirant à la valeur du verre nécessaire pour obtenir l’ombre en masse la valeur correctrice liée à la distance verre-œil :
  • +6 ∂ avec une distance verre-œil de 66 cm (1,5 ∂) donnera +4,5 ∂ (6 ∂ -1,5 ∂) ;
  • -5 ∂ à la même distance donnera -6,5 ∂ (-5 ∂ -1,5 ∂) ;
  • +1 ∂ à la même distance donnera -0,5 ∂ (+1 ∂ -1,5 ∂).

Le cylindre


Principes généraux


La valeur correctrice du défaut optique de l’œil n’est pas uniforme quel que soit l’axe étudié. Deux valeurs sont retrouvées, l’une correspondant au défaut optique minimum, l’autre au défaut optique maximum. La puissance de la correction suivant ces deux axes définit le défaut optique de l’œil. Classiquement, ces deux axes sont perpendiculaires (« Un lieu commun est répandu au sujet de l’astigmatisme irrégulier. Beaucoup de personnes estiment que, lorsqu’il est présent, les deux méridiens principaux ne sont pas à 90° l’un de l’autre. C’est faux. Mathématiquement, c’est impossible. N’importe quelle surface torique, peu importe son irrégularité, a toujours ses deux méridiens principaux normaux (à 90 degrés). Si la kératométrie ou la réfraction suggèrent qu’il en est différemment, ceci est lié au fait que deux zones différentes de la cornée ou de l’aire pupillaire ont été testées [1].  »)
La correction du défaut optique comprend donc deux éléments :
  • Un élément sphérique qui peut être nul et qui correspond à l’élément précédent (voir supra) ;
  • Un élément astigmate composé de deux éléments : l’axe et la puissance du cylindre correcteur.
L’axe peut être défini soit par la valeur la plus proche du 1° soit par la plus proche de 180°. La puissance peut être positive ou négative.
Il va de soi que le choix de l’axe va influer sur le signe de la puissance et vice versa. De même, le signe de la puissance va influer sur la valeur de la sphère.

Le calcul de la correction optique


Première étape


Sur les valeurs brutes, on retire la distance verre-œil évidemment pour les deux axes.

Deuxième étape : puissance d’astigmatisme positif


  • La valeur algébrique la plus faible (en valeur algébrique) permet d’obtenir la sphère ;
  • L’axe du cylindre est à la sphère choisie ;
  • La puissance du cylindre est obtenue par la formule suivante : valeur algébrique la plus forte - valeur algébrique la plus faible (ou valeur positive de la valeur absolue de la différence entre les deux valeurs).
Rappelons que la puissance optique d’un cylindre (verre correcteur de l’astigmatisme) s’exerce à 90° de son axe (voir infra).

Troisième étape : puissance d’astigmatisme négatif


  • La valeur algébrique la plus forte (en valeur algébrique) permet d’obtenir la sphère ;
  • L’axe du cylindre est à la sphère choisie ;
  • La puissance du cylindre est obtenue par la formule suivante : valeur algébrique la plus faible - valeur algébrique la plus forte (ou valeur négative de la valeur absolue de la différence entre les deux valeurs).

Intérêts de la formule skiascopique


Formule de base de tous les éléments de la réfraction


Comme nous l’avons déjà dit, la formule skiascopique est le couteau suisse de la réfraction. Elle permet d’unifier tous les éléments permettant une connaissance des défauts optiques de la partie centrale de l’optique de l’œil : frontofocométrie, kératométrie, vidéotopographie, skiascopie, réfractométrie automatique, aberrométrie, réfraction subjective, verres correcteurs, lentilles de contact, chirurgie réfractive, etc..

Équivalence entre les formules positives et négatives


Les quelques exemples que nous venons de montrer illustrent bien le fait qu’il n’y a aucune différence entre la représentation positive ou négative d’une même amétropie. Cependant, il suffit d’ouvrir un livre de réfraction ou d’entendre discuter de ce sujet pour entendre les avis les plus divers. Ceci s’explique pour différentes raisons :

Des raisons historiques


Dans le passé, la réalisation d’un verre positif et d’un verre négatif ne suivait pas les mêmes principes, ce qui entraînait de légères différences suivant que l’on utilisait une formule positive ou négative.

Des raisons de prix et de remboursement


Le cylindre positif permet d’augmenter la myopie sphérique ; le cylindre négatif l’hypermétropie sphérique. Les conséquences sur la facturation et le remboursement sont simples à comprendre.

Des raisons mécaniques


Dans les réfracteurs, il semble que la recherche d’une diminution de l’épaisseur au centre des verres qui a l’avantage de réduire les contraintes mécaniques, ait été la raison du choix des cylindres négatifs.

Des raisons méthodologiques


L’utilisation de la méthode du brouillard qui, en fait, correspond à myopiser l’œil rend l’addition d’un verre cylindre myopique comme étant la solution la plus simple. Mais nous venons de voir que le résultat serait le même avec l’addition d’un cylindre positif et d’une sphère négative égale à la puissance de l’astigmatisme. Tout ceci n’est qu’une question de convenance dans un système équivalent.

Conclusion


Si la formule skiascopique peut paraître un outil désuet à certains, elle reste un outil simple et efficace dans la compréhension du désordre réfractif et de sa correction quelle qu’elle soit. Elle reste un outil d’unité entre toutes les méthodes utilisées. Il faut encourager tous ceux qui débutent en réfraction (et les autres) à la maîtriser parfaitement.
Références
  1. MacInnis BJ. Optics & refraction. Ed. Mosby, St Louis, 1994, p59.
  2. Toulemont PJ, Serdarevic ON. Modèles vectoriels pour l’analyse des variations de l’astigmatisme cornéen antérieur. J Fr Ophtalmol. 1 993 ; 16 (8-9) : 472-81.
  3. Toulemont PJ. Multivariate analysis versus vector analysis to assess surgically induced astigmatism. J Cataract Refract Surg. 1 996 Sep ; 22 (7) : 977-82.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010