Réfraction de l'Enfant : l'émmétropisation Guy Clergeau
Introduction
L’emm
étropisation chez l’animal
Le statut visuel de lanimal adulte
Les poissons
• Sivak (1978) [25] a étudié l’œil de roussette. Il a été trouvé une hypermétropie d’environ +6, 00 ∂, mais ramenée à +2,00 ∂ en tenant compte de l’artefact du petit œil. Le cristallin est apparu nettement sphérique. Aucune capacité accommodative n’a été relevée.
• Pettigrew et al (2000) [23] ont analysé les grandes aptitudes de prédation du lançon. Outre une grande mobilité de l’œil qui se rapproche de celle du caméléon, ce poisson présente surtout une possibilité d’accommodation rapide et importante qui est liée uniquement à des modifications de la courbure cornéenne. Celle-ci est régie par un muscle cornéen.
Les oiseaux
• Schaeffel et al (1986) [24] ont mesuré une capacité accommodative importante chez le poulet dès les premiers jours, de l’ordre de 17 ∂ et indépendante entre les 2 yeux.
• Howland et al (1992) [6] ont trouvé chez le kiwi une focalisation normale pour la vision de loin. Par contre il n’a pas été mis en évidence d’accommodation.
• Murphy et al (1995) [15] ont vérifié si l’on retrouvait chez les rapaces les mêmes caractéristiques anatomiques que chez tout un ensemble de granivores qui recherchent leur nourriture au sol. Pour cette activité il existe un champ de vision inférieur qui est myopique (poulet, pigeon, caille). Le champ visuel supérieur est par contre destiné au repérage des prédateurs éventuels. Il est apparu que chez l’effraie, le faucon ou la crécerelle, ce champ myopique était absent.
Les mammifères terrestres
• McCourt et al (1984) [10] ont analysé l’état réfractif de l’écureuil de Californie. Il a été trouvé une réfraction proche de l’emmétropie (-0,25 à -0,13 ∂). L’accommodation a été évaluée entre 2,00 et 6,00 ∂.
• Nowak et al (1987) [21] ont étudié la réfraction chez 50 chiens, avec et sans cycloplégie. Il n’a pas été trouvé de différence notable et la moyenne- a été une légère hypermétropie de +0,50 ∂, la présence de myopies moyennes individuelles étant confirmée par rapport aux travaux antérieurs.
• Murphy et al (1992) [14] ont trouvé pour l’éléphant d’Asie une réfraction de repos de +0,23 ∂. L’accommodation a été évaluée à 3,00 ∂.
• Murphy et al (1992) [13] ont étudié la réfraction de nombreux chiens de races différentes. Il a été trouvé dans l’ensemble une petite tendance à la myopie (-0, 27 ∂ ±1,41) et avec des variations sensibles selon les races. Les chiens d’aveugles (Germann Shepard) sont plutôt légèrement hypermétropes: +0,19 ∂ ±0,81. Comme chez l’humain il existe une tendance à la myopisation avec l’âge.
• Mutti et al (1992) [16] ont trouvé chez le rat une extrême variabilité de réfractions, allant de la proche emmétropie à de très fortes hypermétropies (-0,12 à +19,00 ∂). Cette espèce ne présente manifestement aucune tendance à l’emmétropisation et ne représente donc pas un animal de référence pour l’expérimentation.
• Mutti et al (1997) [17] ont également comparé chez le rat les mesures réalisées en skiascopie et en potentiels évoqués visuels. L’artefact de petit œil a été revu nettement à la baisse (et non significatif). La différence de réfraction a été d’environ 2,00 ∂ au lieu de l’évaluation antérieure de 9,00 ∂. La grande variabilité de l’hypermétropie a par ailleurs été confirmée (+4,50 à +18,5 ∂).
• Norton et al (2003) [20] ont comparé chez la musaraigne arboricole les résultats réfractifs obtenus par skiascopie et par PEV. L’œil est apparu approximativement emmétrope. Il a été confirmé qu’il existait un effet de petit œil, la réfraction obtenue en skiascopie donnant une hypermétropie sensible.
• Guggenheim et al (2004) [4] ont confirmé cette absence d’emmétropisation chez le rat et ont noté par ailleurs de grandes difficultés techniques pour l’étude des paramètres réfractifs. Le même constat a été fait chez la souris.
Les espèces amphibies
• Howland et al (1984) [7] ont étudié chez le manchot le problème de la transition entre milieu aérien et milieu aqueux. Le passage dans l’eau entraîne une hypermétropie notable par diminution de la puissance réfractive cornéenne. Cette compensation est assurée par l’accommodation.
• Sivak et al (1987) [26] ont confirmé ce mécanisme pour le manchot de Humbolt. Il existe ainsi une quasi-emmétropie dans l’air et dans l’eau.
• Sivak et al (1989) [27] ont trouvé pour le phoque à capuchon une légère hypermétropie dans l’eau de +2,00 à +3,00 ∂ et une légère myopie dans l’air de -2, 00 à -4,00 ∂. Il n’a pas été trouvé d’astigmatisme significatif et surtout pas d’accommodation. Comme pour le manchot la cornée est plutôt assez plane avec une faible puissance pour la cornée externe (10,00 à 11,00 ∂). Le cristallin est sphérique comme chez le poisson. Il n’a pas été trouvé de mécanisme particulier pour expliquer l’adaptation au changement de milieu.
• Murphy et al (1990) [12] ont étudié la situation de la loutre de mer. La cornée présente ici une grande puissance réfractive (59 ∂) et la focalisation de près se fait par accommodation. Celle-ci est assurée par un complexe iridociliaire et cornéen particulièrement développé.
• Northmore et al (1991) [18] ont étudié 4 espèces de tortues. Il a été trouvé une quasi-emmétropie dans l’air et une forte hypermétropie dans l’eau. Il n’y a pas d’accommodation.
• Katzir et al (2003) [9] ont étudié une autre espèce amphibie: le cormoran. Le changement réfractif au cours de la plongée est essentiellement lié à des changements cristalliniens. Les modifications du diamètre pupillaire qui avaient été évoquées n’ont pas été retrouvées.
Conclusion

Il existe de multiples possibilités d’adaptation en fonction des espèces et qui sont variables même pour des milieux identiques. Toutes les situations semblent en tout cas favoriser de façon optimale la vision, c’est-à-dire le plus souvent une proche emmétropie pour la vision de loin et une accommodation pour les activités de près, généralement nutritionnelles.

Évolution de la réfraction
• Wallman et al (1981) [28] ont étudié l’évolution de la réfraction chez le poulet entre l’éclosion et la 8e semaine. Initialement il existe une très grande variabilité de situations, mais essentiellement dans le sens de l’hypermétropie. Il existe rapidement une convergence vers l’emmétropie.
• Mathis et al (1988) [1] ont analysé l’évolution chez le crapaud américain pendant la période de métamorphose avec le passage du milieu aquatique au milieu terrestre. Les changements ont été évalués à 10 dioptries par heure. Le cristallin qui est initialement sphérique s’aplatit et présente également une hétérogénéité interne de puissance. Chez l’adulte la réfraction apparaît nettement hypermétrope (+8,00 ∂), mais en éliminant l’effet de petit œil il y aurait en fait une emmétropie. La capacité accommodative a été évaluée à 8 dioptries.
• Guyton et al (1989) [5] ont trouvé chez le singe rhésus une réfraction de +4,00 à +8,00 ∂ à la naissance, et une réfraction moyenne de +2,80 ∂ entre 30 et 81 jours.
• Norton et al (1992) [19] ont étudié l’évolution réfractive chez la musaraigne arboricole entre 0 et 75 jours. À l’ouverture des yeux, l’hypermétropie est très marquée (+25,00 ∂) pour chuter à +5, 00 dioptries vers le 15e jour. Cette évolution est liée à une augmentation du rayon de courbure de la cornée, de la profondeur du segment antérieur, de l’épaisseur du cristallin, de la profondeur de la cavité vitréenne. Cette dernière diminue néanmoins à partir du 15e jour en raison de l’augmentation plus importante de l’épaisseur du cristallin. L’évolution est ensuite beaucoup plus lente, ce qui serait la preuve de la mise en route du contrôle par l’activité rétinienne.
• Irving et al (1996) [8] ont étudié l’évolution de l’œil du poussin entre 0 et 14 jours. À l’éclosion, il existe une hypermétropie notable de +6,50 ∂ ±4,00, qui décroît rapidement à +2,00 ∂ ±0,50 au 15e jour. Toutefois la distribution des amétropies à J0 est très large pour se concentrer très nettement à J14 avec une légère déviation myopique. Le rayon de courbure reste inchangé les 4 premiers jours puis augmente comme les différents diamètres oculaires.
Bradley et al (1999) [1] ont trouvé chez le macaque rhésus une réfraction néonatale moyenne de +7,00 ∂ ±2,3, mais avec une étendue de +0,50 à +14,5 ∂. La réfraction moyenne à 1 an est de +2,00 ∂. Il apparaît particulièrement nécessaire de baser les études sur de larges populations.
Graham et al (1999) [3] ont étudié le développement réfractif chez le ouistiti entre la 4e et la 39e semaine. Il existe une hypermétropie initiale qui diminue rapidement pour atteindre une légère myopie à 2 mois. Pendant cette période il y a une augmentation du rayon de courbure cornéen, de la profondeur de la chambre antérieure et de la cavité vitréenne. L’épaisseur cristallinienne croît initialement puis décroît.
• Offri et al (2001) [22] ont étudié entre 0 et 37 jours l’évolution du poussin d’autruche. La situation de cet animal apparaît unique puisqu’il existe une myopie notable à l’éclosion (-4,47 ∂ ±0,15) pour atteindre une légère hypermétropie au 7e jour (+0,42 ∂ ±0,12).
• Zhou et al (2006) [29] ont étudié l’évolution réfractive chez le cochon de Guinée entre 0 et 11 semaines. La réfraction à la naissance est de +5,22 ∂ ±0,23, qui diminue rapidement au cours des 3 semaines suivantes. L’artefact de petit œil a été évalué à 4,00 ∂ à la naissance et à 2,75 ∂ à 11 semaines. L’œil serait donc emmétrope à 3 semaines. L’évolution des paramètres biométriques apparaît identique à celle des espèces précédemment étudiées.
Conclusion

L’étude de l’évolution spontanée de la réfraction, en dehors des contraintes expérimentales, confirme que l’emmétropie fonctionnelle constitue bien un statut commun pour la plupart des espèces.

Lartefact de petit œil

Chez la plupart des petits animaux, a été signalée l’existence d’une sur évaluation de la réfraction dans le sens hypermétropique. Cet artefact dit «du petit œil » est attribué au fait que la réflexion des rayons lumineux utilisés dans la skiascopie ne s’effectuerait pas au niveau du plan des photorécepteurs mais sur la limitante interne qui est plus antérieure. Ce phénomène décrit par Glickstein et Millodot (1970) [2] était quantifié en fonction de la longueur axiale et surtout de la longueur focale du système optique (cf. Technique de réfraction du jeune enfant). Cette situation apparaît d’autant plus évidente que la longueur axiale sera courte, alors que sur le plan microscopique la distance entre rétine interne et rétine externe ne varie pas de façon considérable entre les espèces. La comparaison des mesures skiascopiques aux évaluations utilisant les PEV a la plupart du temps confirmé une mesure plus forte en skiascopie, mais avec un écart beaucoup plus faible que celui proposé par la théorie.

Conclusion
Références
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2. Glickstein M, Millodot M.
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L’emmétropisation chez l’homme
Introduction

Le phénomène d’emmétropisation qui apparaît simple dans sa présentation est en réalité un problème extrêmement complexe qui repose sur des bases cliniques (évolution de la réfraction), des bases anatomiques (évolution des données biométriques et de leur contrôle biologique), et des bases statistiques (répartition gaussienne ou non gaussienne). À partir de ces données, ont été établies plusieurs théories, mais dont aucune ne pouvait initialement prendre en compte tout un ensemble de connaissances plus tardives. Les idées ont donc progressivement évolué avec l’acquisition de nombreux résultats de l’expérimentation animale et plus récemment des études neurobiologiques et génétiques.

Les descriptions de lemmétropisation
Description clinique

Ce thème qui devrait être en principe une base essentielle pour les descriptions et les théories a été en réalité l’aspect le moins étudié du problème et par là même le moins consensuel.
Les premières études approximativement longitudinales permettant de décrire une évolution précise de la réfraction sont attribuées à Brown (1
929 à 1938) [1,2,3] et à Slataper (1950) [25]. Nous avons présenté et discuté ces résultats dans les chapitres précédents (page109). Leur conclusion était que la réfraction qui est initialement moyennement hypermétrope chez le nouveau-né, va progressivement augmenter jusqu’à l’âge de 7 ans (avec un gain d’environ 1 dioptrie), pour décroître ensuite lentement jusqu’à l’adolescence et aboutir à une hypermétropie modérée, dite fonctionnelle, de l’ordre de +0,50 à +0,75 dioptrie.
Hirsch (1
955 à 1967) [14 à 18] a mené une étude longitudinale entre les âges de 6 et 14 ans (Ojai Study), et a confirmé l’existence de l’emmétropisation pour les différents paramètres. Mais il a également signalé que toutes les réfractions ne suivaient pas le même schéma. Les fortes hypermétropies avaient tendance à persister ou à s’accentuer alors que les réfractions plus faibles avaient tendance à évoluer vers la myopie.
En ce qui concerne la situation de départ, nous avons vu dans le chapitre concernant le nouveau-né qu’il existait une grande disparité d’opinions, certains considérants que ce nouveau-né était plutôt légèrement myope, d’autres concluant qu’il était nettement hypermétrope. À partir de ces conclusions, les descriptions de la réfraction dans les premiers mois de la vie seront inéluctablement contradictoires. Pour les uns, les premiers mois seront caractérisés par une augmentation plus ou moins marquée de l’hypermétropie. Pour les autres, le phénomène d’emmétropisation débute très rapidement. En réalité aucun travail dans la littérature ne permet de trancher le débat car seuls les tenants de la myopie initiale ont réellement étudié l’évolution entre 0 et 3 mois.
La confusion dans ces résultats a été nettement accentuée par l’utilisation de protocoles différents. Par exemple les résultats obtenus en réfraction manifeste non cycloplégique ont amené Mohindra (1
981) [22] et Gwiazda (1993) [13] à décrire une augmentation progressive de l’hypermétropie jusqu’à l’âge de 12 à 15 mois. Cette situation paradoxale n’est évidemment pas expliquée uniquement par l’absence de correctif cycloplégique mais démontre tout simplement que le protocole est aléatoire.
Parmi les auteurs décrivant un phénomène d’emmétropisation ample et évident, on peut citer Saunders (1
995) [23]. Le seul problème est que la démonstration repose sur la description de quelques cas particulièrement sélectionnés qui prouvent seulement que l’emmétropisation est d’autant plus importante et manifeste que l’amétropie initiale est plus importante. Ceci ne prouve nullement que l’emmétropisation soit systématique.
Au total, lorsque l’on confronte les données de la littérature, on fait surtout le constat d’un complet désaccord sur l’évolution de la réfraction entre 0 et 7 ans. Nous avons exposé dans les chapitres concernant le nouveau-né (page
63), le nourrisson (page78) puis l’enfant de 1 à 7 ans (page109) les arguments permettant de cerner un certain nombre d’erreurs méthodologiques et qui permettent d’extraire de cette confusion le schéma évolutif qui nous paraît le plus probable et le plus cohérent. L’emmétropisation peut en définitive se décrire en 3 étapes.

Lemmétropisation précoce

La sphère
La réfraction à la naissance est manifestement hypermétrope, entre +3,00 et +4,00 ∂. Cette marge d’incertitude non négligeable n’est pas obligatoirement liée à des problèmes de méthodologie, mais peut être le reflet d’éléments génétiques propres à des populations. Il est par exemple habituel d’opposer les réfractions caucasiennes et les réfractions asiatiques. Mais on est surpris de constater que les descriptions réfractives des pays nordiques font état de moyennes réfractives faiblement hypermétropes malgré l’utilisation des cycloplégiques. Un certain nombre de variations peuvent également être liées à la période où ont été réalisées les études, la mutation myopique observée en de nombreux lieux n’étant pas encore uniforme (page203).
L’appréciation de la période de 0 à 3 mois reste dans une certaine incertitude. Si l’état moyen de myopie est certainement un artefact, nous n’avons pas exclu formellement une légère augmentation de l’hypermétropie pendant cette période. L’hypothèse d’une libération insuffisante de l’hypermétropie réelle nous paraît néanmoins la plus probable.
Il n’y a par contre aucune contestation possible sur l’existence d’une diminution rapide de la moyenne hypermétropique entre 3 et 9 mois, la phase la plus rapide se situant entre 3 et 6 mois.
Entre 9 et 12 mois le phénomène d’emmétropisation précoce est pratiquement terminé. L’hypermétropie est ainsi passée de +3,75
 ∂ à +1,60 ∂ environ (tableau1).

m

m

m

m

m

m

m

 ∂













m

m

m

m

m

m

 ∂











Îge

0123456
Eq Sph

+3,75+3,54+3,50+3,18+2,70+2,70+2,13
Îge


7

89101112
Eq Sph


+2,09

+1,93+1,82+1,75+1,66+1,58
Tab1. €volution de l'Žquivalent sphŽrique.


Le cylindre
L’existence d’un astigmatisme, son importance et son axe ont fait l’objet de nombreux travaux dont les conclusions sont là encore nettement contradictoires. Le seul véritable accord porte sur le fait que le cylindre moyen maximal est observé entre 4 et 5 mois et que la plupart des cylindres vont devenir non significatifs dès la fin de la première année (tableau2) (page80).

m

m

m

m

m

m

 ∂











 ∂











m

m

m

m

m

m

 ∂











 ∂











Îge

123456
|C|

0,380,730,791,020,910,80
C réel

+0,38+0,71+0,76+1,00+0,86+0,70
Îge

789101112
|C|

0,780,810,790,710,700,63
C réel

+0,50+0,21+0,25+0,13-0,04-0,10
Tab2. €volution du cylindre absolu et rŽel.


D’une manière générale, le cylindre influe donc peu sur la description de la réfraction sphérique. On rappellera par ailleurs que la prédominance des astigmatismes inverses n’apparaît qu’à partir du 11e mois et reste statistiquement modérée.
L’anisométropie
Elle est caractérisée par sa rareté statistique et son évolution le plus souvent favorable au cours de la première année (tableau3).

m

m

m

m

m

m

 ∂











m

m

m

m

m

m

 ∂











Îge

123456
Anisométropie

0,030,110,190,150,200,21
Îge

789101112
Anisométropie

0,250,290,270,260,270,23
Tab3. €volution de l'anisomŽtropie.


Lemmétropisation secondaire

Sous cette appellation nous décrivons la seconde phase qui va de 1 à 7 ans.
La sphère
Nous avons vu que la non-emmétropisation décrite par certains auteurs avant l’âge de 7 ans était manifestement liée à un biais de recrutement vers les réfractions les plus pathologiques (essentiellement hypermétropiques). En réalité cette seconde phase est une continuité dans l’emmétropisation, mais qui contrairement à la phase précédente se déroule lentement, mais pas forcément de façon rectiligne (tableau4).
En effet, entre l’âge de 1 à 2 ans et celui de 5 ans, on observe la quasi-absence de variation interprétable. Un phénomène annexe est néanmoins signalé par Ingram (1
979) [19] et confirmé par nos observations. Il s’agit d’une légère augmentation de l’hypermétropie (exprimée en équivalent sphérique) entre 2 ans et 3 ans 1/2, qui est liée à la réduction de l’astigmatisme avec augmentation de réfraction de la sphère de base, la sphère méridienne restant inchangée.
En dehors de cette variation minime, on peut dire que la réfraction moyenne est statistiquement inchangée entre 2 et 5 ans. Par contre on constate une évolution manifestement significative entre 5 et 7 ans, l’hypermétropie moyenne passant de +1,25
 ∂ à +0,75 ∂. Cette variation peut dans une première intention être qualifiée d’emmétropisation, logique sur le plan de la nécessité fonctionnelle. Mais ce résultat est probablement en partie biaisé par un nouveau phénomène parfaitement identifié, et décrit par plusieurs auteurs comme étant un état de prémyopie. Autrement dit, les sujets qui vont devenir myopes assez précocement (7 à 8 ans) présentent avant l’apparition de leur myopie des modifications réfractives (et anatomiques). En conséquence, dans cette période se confondent l’emmétropisation de sujets normaux et la prémyopisation de futurs myopes. Cela revient à dire qu’à partir de l’âge de 5 à 6 ans on ne peut plus véritablement décrire l’emmétropisation physiologique sur une population totale, à moins de considérer que la myopisation est une expression statistiquement naturelle de cette emmétropisation. L’étude de l’épidémiologie, et de son évolution actuelle, (page203) n’est pas en faveur d’une telle interprétation. En conséquence, l’étude stricte de l’emmétropisation ne peut être réalisée qu’après analyse rétrospective ayant éliminé les sujets devenus myopes (cette stratégie a été largement décrite page126).

m

m

m

m

m

m

 ∂









∂ (?)

 ∂









∂(?)

 ∂









∂ (?)

 ∂









∂ (?)

 ∂









Îge

8 š 1011 š 1314 š 2930 š 4445 š 5960 š 76
Sphère base

+1,42+1,28+1,34+1,27+1,40+0,96
Sphère méridienne

+2,18+1,94+1,90+1,76+1,75+1,54
|C| absolu moyen

0,760,660,550,490,350,48
C réel moyen

0,21-0,02-0,12+0,02+0,03-0, 12
Anisométropie

0,160,270,280,350,27-

Tab4


Le cylindre
Le cylindre moyen reste à un niveau stable et faible. À partir de 4 ans le cylindre physiologique est au maximum de 0,50 ∂. Pendant cette période le cylindre moyen réel est légèrement inverse ou proche de 0,00 ∂. La valeur négative retrouvée à 7 ans est probablement liée au biais de sélection myopique largement souligné.
L’anisométropie
L’anisométropie physiologique est également au maximum de 0,50 ∂. Au-delà de cette valeur la vision binoculaire est altérée. Les anisométropies qui apparaissent secondairement traduisent généralement des réfractions pathologiques. L’anisométropie générale moyenne reste nettement en deçà de ces normes.

Lemmétropisation tardive

Elle correspond à l’évolution entre 7 et 20 ans. En conséquence de ce qui a été dit précédemment cette phase reste obligatoirement la moins précise car il n’existe à notre connaissance aucune étude objective de la réfraction portant sur des échantillons suffisamment conséquents et non biaisés et encore moins exclusivement consacrés aux sujets emmétropes. La plupart des études portent plutôt sur des populations à prédominance myopique, ou des études longitudinales ayant perdu en cours de route une partie conséquente du recrutement initial. On peut seulement situer approximativement les limites de la zone d’emmétropie à l’intérieur de laquelle il resterait à définir une moyenne.
Les données moyennes dont nous disposons comportant des sujets considérés comme emmétropes expriment une moyenne de +0,50
 ∂ à 6 ans et de 0,00 ∂ à 14 ans. Nos données personnelles proviennent de l’étude de la réfraction physiologique. La moyenne exprimée en équivalent sphérique passe de +0,88 ∂ à 7 ans à +0,65 ∂ à 11 ans.
Le cylindre pour sa part est normalement inexistant (cylindre total), car de nombreux sujets présentent des signes fonctionnels avec un cylindre de seulement 0,25
 ∂. Le cylindre physiologique moyen est d’environ 0,15 ∂.
L’anisométropie reste également faible comme dans la phase précédente.

Conclusion

L’essentiel de l’emmétropisation clinique survient entre 3 et 9 mois. L’ajustement fonctionnel se poursuit lentement jusqu’entre 6 à 7 ans et encore plus discrètement jusqu’entre 15 à 20 ans. La survenue des myopies précoces perturbe de façon notable l’interprétation de cette évolution et conduit nécessairement à plusieurs types de description selon que l’on veut ou non prendre en compte cette dérive myopique. Cette constatation est apparemment partagée par plusieurs auteurs qui au cours de ces dernières années ont réalisé des analyses différentielles en fonction des réfractions initiales et des modalités évolutives qui leur sont propres (Jones 2005 [20], Zadnik 2004 [44]).

Description statistique

Elle a constitué un élément aussi important que la réfraction elle-même dans l’élaboration du concept d’emmétropisation.

Distribution gaussienne et non gaussienne

Cette idée est en effet principalement liée au constat que la répartition des réfractions ne suivrait pas l’évolution prévue à partir de leur distribution initiale. Chez l’enfant il avait été montré que cette distribution était de nature gaussienne, même si la courbe présentait quelques déviations par rapport à une gaussienne pure. Par contre, chez l’adulte et probablement dès la fin de l’enfance, cette courbe présentait un aspect qualifié de leptocurtique, c’est-à-dire caractérisé par son profil pointu et élancé. Ce pic se situe dans la zone de faible hypermétropie, regroupant une proportion anormalement élevée de réfractions physiologiques. Ce constat impliquait qu’il devait exister un phénomène qui tendait à conduire de façon non aléatoire les amétropies vers la normalisation (Straub (1909) [32], Gernet (1968) [10], Delmarcelle (1974) [7]).

Évolution de l’écart-type

Le second critère statistique invoqué pour confirmer le phénomène d’emmétropisation est l’évolution de l’écart-type (Saunders 1995 [24]). L’écart-type (et ses multiples) permet de définir les limites de dispersion par rapport à la moyenne dans le cadre d’une distribution gaussienne (page47). Évalué à environ 2,50 dioptries à la naissance (3,00 ∂ pour Cook [6], 2,20 ∂ pour Goldschmidt- [11]) l’écart-type chuterait à 1,60 ∂ à 2 ans (Fabian [8]) et à 1,14 ∂ chez l’adolescent (Strömberg [33]).
Nous avons montré dans les chapitres concernés que ces valeurs initiales élevées étaient probablement des artefacts liés à des biais de recrutement. Nos résultats personnels ont en tout cas apporté une nette pondération dans cette évolution. L’écart-type à la naissance est relativement peu élevé avec 1,60
 ∂, pour atteindre 1,30 ∂ à 9 mois et rester pratiquement stable jusqu’à 5 ans (tableaux5 & 6). On ne retrouve donc pas chez l’être humain l’extrême dispersion néonatale observée chez certains animaux.
À partir de l’âge de 7 ans, nous retrouvons le problème lié à la myopisation qui peut à la fois contribuer à augmenter l’écart-type par dispersion des réfractions et à le réduire par accentuation de la concentration des réfractions physiologiques autour de la moyenne. Là encore se pose donc la question de savoir s’il faut réaliser une analyse par rapport à la population totale ou s’il faut étudier séparément le devenir des hypermétropes et celui des myopes. Les 2 options ne sont pas contradictoires et constitueraient 2 faciès de la même problématique.

m

m

m

m

m

m

m

m

m

m

m


 ∂





















Îge

012345678910
Écart-type
1,601,491,461,621,541,651,531,631,641,571,32
Tab5. €volution de l'Žcart-type de 0 š 10 mois.


 ∂













Îge

1 an

2 ans

3 ans

4 ans

5 ans

6 ans

7 ans

Écart-type

1,291,151,131,281,281,601,60
Tab6. €volution de l'Žcart-type de 1 š 7 ans.


Conclusion

La preuve statistique de l’emmétropisation repose avant tout sur des données partiellement erronées. Le premier obstacle est certainement celui de recrutement biaisé comme le montrent des valeurs très différentes d’une étude à l’autre. L’introduction de populations myopes ou à tendance génétique myopique accentue probablement ces dérives. Mais on constate également que sur des populations homogènes et a priori représentatives comme celle qui a fait l’objet de nos études, il existe des biais de sélection favorisant les réfractions non physiologiques, tant en étude transversale que longitudinale. Il est finalement apparu qu’à partir de l’âge de 3 ans le risque d’erreur lié à ces biais était au minimum du même ordre que la variation que l’on cherche à mesurer (page87). L’élévation notable de l’écart-type constatée à partir de 6 ans est typiquement liée à la sélection des myopies débutantes (tableau6).

Description biométrique

Cette dernière a été un des instruments essentiels pour établir plusieurs théories de l’emmétropisation. Paradoxalement l’état de la distribution des différents paramètres biométriques a été mieux établi que celle des réfractions cliniques. Une synthèse de ces données a été réalisée par Brown (1999) [4] et dont nous résumerons ici les principaux éléments.

La cornée

Steiger (1913) [30] a le premier montré que la puissance cornéenne avait une distribution gaussienne allant de 39 à 48 ∂. Cette donnée est variable dans le temps.
Il existe une évolution différente de la puissance cornéenne entre myopes et hypermétropes. Les myopes présentent une pente évolutive relativement constante. Les emmétropes persistants ont une courbe progressivement négative avec l’âge. Les hypermétropes devenant emmétropes ont une courbe plutôt en légère augmentation (Jones 2
005) [20].
En rapport avec ces modifications, la puissance cornéenne diminue légèrement de 43 à 42,7
 ∂ (Sorsby 1961) [27].

Le cristallin

Il a été considéré comme un de premiers facteurs d’emmétropisation par Straub (1909) [32].
Ce paramètre présente la plus large distribution gaussienne, ce qui a été confirmé par Tron (1
934) [35], Stenström (1946) [31] et Sorsby (1961) [27].
Le cristallin grandit significativement avec le temps. Zadnik (1
995) [43] a montré que l’épaisseur du cristallin est en diminution pendant l’enfance. Il s’amincit entre 6 et 10 ans puis reste inchangé jusqu’à 14 ans. Ceci s’explique parce qu’il existe dans le même temps un processus d’expansion équatoriale et de condensation corticale. Cette augmentation du diamètre équatorial peut être liée à la traction consécutive à l’augmentation du diamètre équatorial du globe. Ce processus serait terminé pour l’œil emmétrope dès l’âge de 6 ans.
Ces modifications anatomiques de croissance s’accompagnent d’une diminution relativement rapide de la puissance, de 23,0
 ∂ à 3 ans à 20,0 ∂ à 14 ans (Sorsby 1961).

La chambre antérieure

Elle présente également une distribution gaussienne qui s’étend de 2,8 à 4,6mm (Stenström). L’évolution de la profondeur de la chambre antérieure est essentiellement liée aux modifications d’épaisseur cornéenne. Pour Jones (2005) les emmétropes persistants ont un ap-pro-fon-dis-sement plus précoce que les hypermétropes persistants.

La cavité vitréenne

La chambre postérieure augmente plus chez les myopes que chez les emmétropes après l’âge de 10 ans.

La longueur axiale

Elle constitue le paramètre le mieux analysé et en apparence le plus représentatif de la notion de croissance oculaire. Ce paramètre présente également une distribution gaussienne. Pour Sorsby, la longueur axiale serait de 18mm à la naissance pour atteindre 23mm à l’âge de 3 ans. Après l’âge de 3 ans, le taux de croissance est nettement ralenti. Entre 3 et 14 ans ce taux de croissance serait de 0,1mm par an (Sorsby 1961 [27], Flédélius 1982 [9], Zadnik 1997 [44]). Pour Flédélius cette croissance se poursuit en fait jusqu’à 18 ans (0,4mm entre 10 et 18 ans).
Gordon et Donzis (1
985) [12] ont également donné l’évolution de ces paramètres entre les âges de 0 et 30 ans (tableau7). Le nombre de sujets examinés par tranches d’âge est toutefois faible et les valeurs données s’écartent sensiblement de celles évoquées précédemment, les réfractions étant par ailleurs plutôt faibles.

mm

 ∂ ±1,1

 ∂ ±2,3

 ∂ ±1,5

mm

 ∂ ±1,3

 ∂ ±1,0

 ∂ ±0,9

mm

 ∂ ±0,9

 ∂ ±0,6

 ∂ ±0,6

mm

 ∂ ±0,3

 ∂ ±0,4

 ∂ ±0,6

mm

 ∂ ±0,5

 ∂ ±0,4

 ∂ ±0,2

mm

 ∂ ±0,7

 ∂ ±0,6

 ∂ ±0,6

mm

 ∂ ±0,9

 ∂ ±0,5

 ∂ ±1,5

mm

 ∂ ±0,6

 ∂ ±0,9

 ∂ ±1,1

mm

 ∂ ±1,6

 ∂ ±0,7

 ∂ ±1,8

mm

 ∂ ±0,7

 ∂ ±0,6

 ∂ ±0,9

mm

 ∂ ±1,1

 ∂ ±0,8

 ∂ ±1,0

Îge

Longueur axiale

KŽratomŽtrie

Puissance cornŽenne

RŽfraction moyenne

NN

16,8 ±0, 651,234,4+0,4
0 à 1 an

19,2 ±0,745,238,7+0,9
1 à 2 ans

20,2 ±0,344,926,4+0,3
2 à 3 ans

21,4 ±0,144,123,0+0,5
3 à 4 ans

21,8 ±0,443,722,1+0,6
4 à 5 ans

22,3 ±0,243,220,9+0,7
5 à 6 ans

22,7 ±0,943,719,5+0,9
6 à 7 ans

22,9 ±0,443,418,7+1,0
7 à 9 ans

22,6 ±1,244,219,3+0,6
10 à 15 ans

23,8 ±0,743,518,9-0,8
15 à 20 ans

23,8 ±0,543,518,6-0,6
Tab7


Les théories de lemmétropisation

Les premiers schémas de l’emmétropisation ont donc été élaborés avant même que soit acquise la connaissance de la situation statistique ou biométrique de l’ensemble des paramètres concernés.
Le point de départ des différentes hypothèses a néanmoins été le constat de l’évolution vers un aspect non gaussien de la distribution des réfractions en opposition à la distribution gaussienne d’un certain nombre de paramètres impliqués.
Nous reprendrons pour ce chapitre l’excellente revue présentée par McBrien (1
984) [21], qui a rassemblé les diverses données en 3 entités théoriques.

La théorie «biologie statistique »

Cette théorie repose sur le constat que l’ensemble des amétropies peuvent être décrites par toutes les combinaisons possibles entre les différents composants. Cette idée a été émise en premier par Steiger (1913) puis approfondie par Sorsby (1957) [26] qui a mis en exergue 2 associations plus particulières: association courbure cornéenne-longueur axiale et association puissance cristallinienne-longueur axiale. A l’augmentation de la longueur axiale doivent être corrélés un aplatissement cornéen et un aplatissement cristallinien (et inversement) (Sorsby 1967) [29]. Ce mécanisme apparaissait automatique, les auteurs pensant par ailleurs que la rétine était à l’origine de ces modifications.
Il apparaissait également que dans l’intervalle de +6,00 à -4,00
 ∂, les valeurs des composantes individuelles se trouvaient dans la même gamme que celle rencontrée pour les sujets emmétropes. Toutefois les associations n’apparaissaient pas libres comme l’avait suggéré Steiger.
Sorsby et al concluaient finalement que les amétropies étaient expliquées par une anomalie dans les corrélations entre les paramètres et non dans les composants eux-mêmes, définissant ainsi une «
amétropie de corrélation ». Inversement dans la gamme des amétropies, Sorsby a trouvé qu’une composante se trouvait en général hors des valeurs rencontrées chez les emmétropes, à savoir essentiellement la longueur axiale et beaucoup plus rarement le cristallin et la cornée. Le degré d’amétropie était alors proportionnel à l’anomalie de la longueur axiale et a donc proposé le terme «d’amétropie de composante ».
Sorsby et al (1
961) en étudiant l’évolution de la réfraction concluaient que la tendance ne se faisait pas vers la myopie mais plutôt vers un certain degré de perte d’hypermétropie. Les aplatissements cornéen et cristallinien sont sensiblement inférieurs à l’élongation axiale, ce qui conduit à une réduction de l’hypermétropie d’environ 3 dioptries.
L’amétropie serait ainsi une compensation insuffisante de modifications anormales de la longueur axiale. Une interaction avec l’hérédité a également été mise en évidence.
Au total, le concept «
biologie statistique » de Sorsby pour décrire les amétropies repose sur le constat d’une forte corrélation de mécanismes avec interaction de 4 composantes variant elles-mêmes normalement. Les écarts importants à cet équilibre sont liés à des composantes anormales, le plus souvent la longueur axiale. Par ailleurs ces données apparaissent pour Sorsby génétiquement déterminées, mais par contre l’intervention de facteurs environnementaux n’était pas reconnue.

La théorie «utilisation/excès »

Cette théorie essaie d’expliquer le début de la myopie par l’utilisation abusive du système visuel dans le travail prolongé de près.
La première idée de cette théorie a été attribuée à Cohn (1
886) [5]. Cette théorie a ensuite été défendue par Tscherning (1883) [36] et surtout par Young dans ses nombreux travaux (1961 à 1981) [38 à 42].
Pour Young, parmi tous les facteurs corporels personnels pouvant intervenir, seul le temps de lecture était apparu corrélé à l’évolution myopique. Young a été le premier à rechercher chez l’animal les conséquences du conditionnement environnemental et en particulier dans le déclenchement de la myopie.
L’origine de la myopie a été attribuée à l’installation d’un état chronique d’accommodation entraînant une modification de l’épaisseur du cristallin, suivie par l’augmentation de la taille de la cavité vitréenne. La cause de la myopie serait donc chez l’enfant liée à une incapacité de relaxer l’accommodation. La conséquence en serait une augmentation de la longueur axiale, avec plus particulièrement l’agrandissement de la cavité vitréenne, liée à l’augmentation de la pression oculaire. L’atropinisation limitant la myopisation, la convergence ne semblait pas impliquée.
Young considérait donc que l’association de l’accommodation et de l’augmentation de la pression vitréenne correspondait au mécanisme d’emmétropisation. Il reconnaissait néanmoins que l’environnement n’expliquait probablement pas l’ensemble des évolutions constatées mais constituait l’essentiel dans l’évolution des petits hypermétropes vers l’emmétropie et vers les myopies jusqu’à une valeur de -8
 ∂.

La théorie de «l’emmétropisation »

Cette théorie doit cette dénomination à la prédominance accordée au cristallin dans l’emmétropisation. C’est la théorie proposée par Straub en 1909 et qui a été principalement reprise par Van Alphen (1961) [37].
Pour Van Alphen, il existait une dizaine de corrélations optiques, qui pouvaient toutes être expliquées par 3 facteurs indépendants
:

• Facteur de taille =courbure cornéenne +longueur axiale;
• Facteur d’élongation =
profondeur de chambre antérieure +puissance cristallinienne;
• Facteur de «
déraillement », pouvant toucher tous les paramètres et aboutissant à un allongement incorrect de la longueur axiale.

Le facteur de taille est apparu en lui-même sans réelle importance sur l’obtention de l’emmétropie.
La pression intravitréenne était significative pour l’évolution de la courbure cornéenne, mais en relation avec la tonicité sclérale et l’action du muscle ciliaire. Tous les éléments étaient déterminants dans l’élongation axiale.
Le tonus ciliaire apparaissait un élément clé à la plupart des modifications associées à l’élongation axiale et en relation avec le système nerveux autonome. Le rôle de la rétine était à l’origine de correctifs par l’intermédiaire d’oscillations cristalliniennes.
Un excès d’innervation parasympathique pendant la croissance conduirait à une hypermétropie et sa sous-activité ou un excès du système sympathique produirait une myopie.
L’hypermétropie néonatale serait liée à une suractivité parasympathique dont seraient témoins le myosis et les habitudes de sommeil.
Tout ce qui pourrait intervenir sur le système autonome pourrait interférer avec les processus de contrôle de la longueur axiale (stress, anxiété, à l’origine de la myopie scolaire).
Au total, l’évolution de la réfraction serait liée à une auto-adaptation. L’emmétropie est produite par un contrôle cortical et subcortical du tonus ciliaire et les amétropies par les facteurs interférents avec ce mécanisme.

Conclusion

Dans son analyse, McBrien réfute toute une partie des différents arguments apportés par les 3 théories, mais sur une base faussée puisque l’auteur se rallie à l’évolution générale de la réfraction telle qu’elle a été décrite par Brown [3], et dont nous avons expliqué précédemment qu’elle relevait d’un artefact.
En fait, ces 3 théories sont un mélange de suppositions, certaines vérifiables et d’autres non, mais surtout aucune n’arrive à prendre réellement en compte l’ensemble des constats
: la clinique, la statistique, l’hérédité et l’environnement.

Emmétropisation passive et emmétropisation active

Pour concilier l’ensemble des processus intervenants, Troïlo (1992) [34] a proposé l’association fonctionnelle de 2 mécanismes: l’emmétropisation passive et l’emmétropisation active.

L’emmétropisation passive

Elle correspond approximativement à la théorie biologique statistique avec prise en compte des éléments héréditaires. On retrouve ici l’idée des différentes combinaisons possibles entre les composants oculaires. Les déviations constatées portent principalement sur la longueur axiale et semblent avoir pour principale cause une origine génétique. La difficulté d’analyse est néanmoins liée au caractère manifestement polygénique de cette hérédité, comportant en particulier une expression phénotypique largement liée aux conditions environnementales.
En ce qui concerne plus précisément l’emmétropisation, une partie de la normalisation pourrait tout simplement être liée à l’agrandissement du globe. Le premier exemple en serait la disparition de l’artefact du petit œil. En fait celui-ci ne concerne probablement que les espèces comportant des yeux nettement petits. Dans le cas de l’enfant, l’amétropie produite par l’association allongement axial et augmentation de la longueur focale conduirait à une amétropie plus faible, mais ceci reste insuffisant pour expliquer une emmétropie véritable.
Le phénomène physique le plus important semble surtout être celui de la diminution de puissance des différentes composantes optiques en compensation de l’allongement du globe. Le cristallin semble en première ligne, en relation probable avec l’élargissement équatorial.

L’emmétropisation active

La notion d’emmétropisation active est principalement née de l’expérimentation animale. Les différentes modalités de perturbation des informations visuelles laissent à penser que des messages insuffisamment élaborés parvenant à la rétine entraînent des perturbations plus ou moins caractérisées de la croissance oculaire.
La principale question qui se pose à partir de ce constat est évidemment celle du mécanisme et des voies neurobiologiques qui en sont le support.
La notion d’emmétropisation active permet par ailleurs d’évoquer un concept plus élargi du terme d’emmétropisation. En effet ce terme qui évoque la tendance vers le statu quo optique, n’est plus forcément applicable à certaines espèces animales chez lesquelles vont être privilégiées certaines situations visuelles particulières.

Conclusion
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Une bibliographie plus complète sera trouvée dans: Brown NP [4], McBrien NA [21] et Troilo D [34].

Accommodation et emmétropisation
Introduction

L’existence d’une accommodation chez le tout jeune enfant est connue de longue date. Deux situations en permettent une première approche: de manière indirecte les accès de convergence du nourrisson dans ses tentatives de fixation et de manière directe par les variations réfractives observées lors de la skiascopie ou l’ophtalmoscopie en l’absence de cycloplégie.
Nous envisagerons ici la mise en évidence d’une capacité accommodative et son caractère plus ou moins adapté puis nous décrirons le mécanisme du déclenchement accommodatif dans un contexte physiologique.

Littérature
Développement de la capacité accommodative

Les premiers travaux sur ce sujet semblent devoir être attribués à Haynes- [17], qui en utilisant la rétinoscopie dynamique (étude des variations réfractives loin-près en l’absence de cycloplégie) a analysé l’accommodation comme fonction de la fixation sur une cible à des distances variées, en l’occurrence de 8 à 100cm. La courbe corrélant l’accommodation à cette distance permet de définir une pente accommodative. La pente idéale a une valeur de 1,00 avec une accommodation strictement adaptée à la distance de la cible. Une pente nulle ou faible montre une absence d’accommodation ou une sous-accommodation, une pente supérieure à 1,00 une sur accommodation.
Dans ces expériences, Haynes avait trouvé une pente nulle avant l’âge de 1 mois, les performances s’améliorant entre 1 et 4 mois. Ces résultats ont par la suite été remis en cause en raison des limites possibles de l’acuité à cet âge et surtout du choix inadapté des cibles.
Ces recherches ont donc été reprises par plusieurs auteurs entre
1977 et1990.
Atkinson
[3] et Banks [4] ont essayé d’améliorer le caractère stimulant de la fixation. Pour ces auteurs, jusqu’à la 7e semaine, il n’est pas apparu de corrélation entre accommodation et distance de fixation. Une amélioration apparaît à partir de la 9e semaine. Il persiste néanmoins une incertitude en l’absence de donnée précise sur la réfraction sphé-rique et cylindrique, à un âge où la réfraction est en pleine évolution. Il n’est toutefois pas apparu de variation d’amplitude d’accommodation entre les différents enfants. En tenant compte de ces incertitudes, il a été mis en évidence une pente positive à partir de 3 à 5 semaines, cette pente augmentant nettement avec l’âge.
Howland
[19] et Braddick [8] ont appliqué la technique de photoréfraction. Des enfants âgés de 1 à 12 mois ont été testés pour 2 distances de 75 et 150cm. Pour réduire l’incertitude sur la bonne focalisation, les mesures ont été répétées, permettant d’identifier 2 groupes en fonction de la bonne cohérence des réponses. Il est ainsi apparu que:

• Pour les enfants de 1 à 9 jours on obtenait une focalisation essentiellement pour la cible de 75cm avec des résultats cohérents dans 85% des cas, alors que des réponses cohérentes n’étaient obtenues que dans 28% des cas pour la distance de 150cm.
• Les enfants plus âgés répondaient presque tous de façon cohérente aux 2 distances.

Pour Banks [5] la pente d’accommodation obtenue à 3 mois 1/2 est de 0,51, alors qu’il n’y a pas de signe d’accommodation avant 1 mois.
Pour Brookman
[9], l’accommodation serait particulièrement précise chez le nouveau-né, régressant entre 2 et 8 semaines pour s’améliorer ensuite et devenir totalement performante entre 16 et 20 semaines.
Pour Howland
[21], en étude videoréfractive les pentes accomodatives ne présenteraient pas de différence significative (0,54 à 0,66) entre 2 et 9 mois et selon la distance de fixation de 25 à 100cm.
Enfin, Aslin
[2] a comparé des résultats skiascopiques et autoréfractifs sur plusieurs groupes d’enfants à des distances variant de 25 à 100cm. Entre 9 et 19 semaines la pente accommodative était de 0,61. Pour un autre groupe de 10 semaines, elle était de 0,82 alors qu’à 5 semaines elle était de 0,90. Par rapport à la réfraction de base a été calculée une erreur d’accommodation. Pour les 2 premiers groupes l’erreur était une sous-accommodation de -0,44 et -0,35 ∂, tandis qu’à 5 semaines on constatait une suraccommodation de +2,16 ∂.
Plus récemment en 1
997, Currie et al [12] ont repris des expérimentations similaires à celles de Banks, mais en prenant en compte le fait de l’interaction habituelle d’au moins 3 types de stimuli dans le déclenchement du réflexe accommodatif: le flou visuel, la convergence et la sensation de proximité. Il est ainsi apparu que la seule qualité de l’image liée éventuellement à la distance de fixation, était insuffisante pour entraîner une accommodation adaptée donc variable. Ces travaux confirment l’existence d’une accommodation très précoce (1 mois1/2) lors de la fixation à 25cm, mais cette accommodation n’est pas modulée avec la distance ni avec un flou visuel artificiellement induit. La conclusion des auteurs est que l’accommodation est systématiquement liée à la convergence et à l’univers de proximité naturel du nourrisson. Il est également apparu que les enfants forts hypermétropes réagissaient anormalement, avec une sous-accommodation paradoxale à 1 mois 1/2 et une suraccommodation à 3 mois.
L’étude par vidéophotoréfraction des changements de fixation sur des cibles- de distance alternant de 25 à 100
cm, nécessitant une accommodation d’environ 1,50 ∂, a permis d’évaluer la vitesse minimale de ce changement accommodatif à 4,6 dioptries par seconde (Howland [21]). Ces résultats concordent- avec ceux donnés par Campbell [10] et Charman [11], avec respectivement 4 et 6 ∂/sec., soit des valeurs proches de celles de l’adulte.

Modalités du déclenchement accommodatif

Les études précédentes ont permis de mettre en évidence la réalité de l’accommodation sur différentes cibles à des distances variées et cela de façon plus ou moins cohérente à partir du 3e mois. Il reste à préciser comment s’effectue la fixation par rapport aux différentes caractéristiques des cibles.
Les premiers travaux de référence pour déterminer l’acuité de résolution ont été réalisés avec des réseaux verticaux. Ce n’est que secondairement que l’on s’est intéressé à une éventuelle différence visuelle entre différentes orientations spatiales, c’est-à-dire les réseaux d’axes principaux (H et V) et entre ces derniers et les réseaux obliques. Les études réalisées chez l’enfant ne présentant pas d’astigmatisme significatif (<
1∂) ont montré qu’il n’existait de différence ni dans la préférence ni dans l’acuité entre les réseaux horizontaux et verticaux. Une légère différence semble exister chez l’adulte en faveur des réseaux verticaux et qui serait acquise, d’origine culturelle et écologique (Mayer [22]).
Par contre la confrontation des réseaux d’axes principaux et des réseaux d’axes obliques (45° et 135°) fait apparaître une différence significative qualifiée d’effet oblique. La mise en évidence de cette anisotropie en faveur des réseaux d’axes principaux, semble nettement tributaire de la méthodologie employée et en particulier de la fréquence des réseaux. Cet effet se manifeste préférentiellement pour la fréquence de contraste la plus proche possible du seuil visuel, ce dernier augmentant avec l’âge. En respectant ces conditions, il apparaît que l’effet oblique serait présent dès les premiers mois (Held
[19]). Cet effet est modéré, estimé à 0,2-0,3 octaves d’acuité et se modifie peu avec l’âge et persiste au moins jusqu’à 5 ans (Mitchell [23]), (Held [18]), (Gwiazda [14 & 15]) et probablement aussi chez l’adulte (Birch [7]).

Commentaires

Toutes les études signalées précédemment nécessitent un environnement de laboratoire et les résultats obtenus sont très largement tributaires de nombreux détails techniques qui doivent toujours faire accepter avec prudence les valeurs rapportées. Ainsi en fonction des conditions expérimentales les résultats apparaissent éventuellement contra-dic-toires, certains auteurs trouvant une accommodation manifeste dans les premières semaines, d’autres aucune. Il existe par contre un accord sur les performances médiocres jusqu’à l’âge de 2 à 3 mois, lesquelles s’améliorent rapidement ensuite.
Le constat de mauvais contrôle accommodatif au cours des pre-mières semaines a été imputé aux conditions particulières de profondeur focale, liée à l’association «
miosis et petit œil » qui caractérise le nourrisson (Green [13]). La grande profondeur de champ (1,3 à 1,0 ∂) a pour effet de ne pas solliciter de façon précise l’accommodation puisque la notion de flou visuel n’existe pas à l’intérieur de cet espace (dead zone) qui couvre la quasi-totalité de la zone expérimentale. Cette configuration permettrait également d’apporter un démenti probable aux hypothèses de Campbell [10], reprises par Howland [20], qui suggéraient que l’accommodation se développerait à partir de la recherche de la correction de l’image rétinienne. Toutes les expériences précédentes tendent donc au contraire à montrer que la fonction accommodative serait présente de façon extrêmement précoce, dès les premiers jours de la vie, mais qu’en l’absence de repère optique de qualité suffisante cette accommodation est inadaptée et inefficace pendant les 2 premiers mois (Powers 1982 [24]).
Le caractère immature de l’accommodation se manifeste également par une dissociation d’avec la fonction de convergence, l’accommodation étant généralement en déficit (Aslin)
[1]. L’inadaptation dans la réponse accommodative s’accentue avec la distance d’examen (Hainline- [16]) avec en particulier une difficulté du relâchement de l’accommodation d’où une sur-accommodation a priori paradoxale pour les cibles les plus éloignées. À partir du 2 à 3e mois la régression rapide de la profondeur focale par modification de la taille pupillaire et de la taille du globe permet à l’accommodation de s’exercer normalement (Braddick 1979 [8]).
Les travaux de Currie apportent un éclaircissement intéressant à toutes ces données. Pour l’auteur il existerait une sorte de préprogrammation de l’accommodation en rapport avec l’univers de proximité caractéristique du nourrisson et le mécanisme serait donc initialement moteur. Cette situation favoriserait la bonne focalisation rétinienne à cette distance permettant progressivement l’acquisition de la notion de profondeur de champ, donc du mécanisme sensoriel pour l’accommodation. L’existence d’amétropies importantes paraît perturber pré-co-cement ce développement et justifie donc des corrections rapides.

Conclusion
Références
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