La Réfraction : optique des amétropies Charles Rémy
Introduction

La Nature a conçu l’œil humain pour voir de loin sans artifice. Malheureusement chez un grand nombre de personnes, il n’en va pas ainsi et une correction optique est nécessaire pour recouvrer des conditions de vision normale: il s’agit des amétropies dont les caractères feront l’objet de cet exposé.

Plan
• Définition
• Lentilles minces et lentilles épaisses
• La dioptrique oculaire, les éléments cardinaux de l’œil emmétrope
• Les différentes amétropies
: myopie, hypermétropie, astigmatisme
• Les principes et modalités de correction.
Définitions
Emmétropie

L’œil emmétrope (eu - metron: bonne mesure) voit de loin sans effort accommodatif; l’image d’un objet à l’infini se focalise sur la rétine.
Comme il n’existe pas de standard de longueur oculaire, de rayon de courbure cornéen ni de puissance cristallinienne, un processus d’emmétropisation conduit à une harmonie entre ces trois paramètres
; la nature exacte de ce processus est inconnue (rôle de la rétine?).

Amétropie

(a - metron: qui n’a pas la bonne mesure).
Elle traduit un défaut de mise au point rétinienne de l’image d’un objet situé à l’infini
; ses causes sont multiples ainsi que ses effets.
On définit classiquement les amétropies axiles, défaut de focalisation lié à la longueur de l’œil, et les amétropies de puissance liées à des modifications de la vergence optique.
Selon la qualité de la défocalisation, nous définirons des amétropies stigmates (stigma
: le point), où un point objet donne un point image, et les amétropies astigmates ou un point objet donnent deux focales images.
Selon la position de la focalisation se définiront les amétropies myopiques en avant de la rétine [muein (muein)
: cligner, opsis (opsis): la vue], ou hypermétropique en arrière de la rétine.

Lentilles minces - Lentilles épaisses
• Les lentilles minces sont caractérisées par un centre optique séparé d’un foyer image et objet par une distance focale. Leur combinaison résulte d’une addition algébrique simple.
• L’étude des lentilles épaisses est plus complexe
: le centre optique est remplacé par les plans principaux et les points nodaux séparés par une distance focale avant et arrière des foyers, leur addition suit la loi de Gullstrand: P = P1 + P2 - (e*P1*P2)/n, avec e distance entre les lentilles et n indice du milieu.
La dioptrique oculaire

L’œil humain est formé de différents dioptres; leur nombre est considérable, aussi afin de simplifier les calculs on recourt à l’œil réduit essentiellement composé de la cornée et du cristallin ayant chacun leurs plans principaux.
Les éléments cardinaux de l’œil résultent de la combinaison selon la loi de Gullstrand de ces différents éléments
: les plans principaux sont situés à 1,6 - 1,9 mm en arrière de la cornée, le rayon cornéen moyen est de 7,8 mm et la longueur axile moyenne de 22 mm, distance focale postérieure de 20 mm.
Rappelons qu’une acuité visuelle de dix-dixièmes est sous-tendue par un angle d’une minute et correspond à une distance de 5 microns sur la rétine et de 0,5 micron sur la cornée.
Le point de vision nette éloigné est le punctum remotum (PR) décrivant dans l’espace la sphère du remotum.
Le point de vision nette le plus rapproché est le punctum proximum (punctum proximum) séparé du remotum par le parcours accommodatif diminuant avec l’âge (presbytie).

Les différentes amétropies
La myopie

Définition: dans l’œil myope, l’image d’un objet situé à l’infini se forme en avant de la rétine; la myopie peut être axile si l’œil est trop long, cas le plus fréquent, avec en particulier une chambre antérieure profonde, ou de puissance lorsque la vergence de l’œil augmente liée soit à la puissance du cristallin (cataracte débutante, microsphérophakie) soit à une cornée trop bombée (microcornée, kératocône).
Le punctum remotum est réel situé en avant de l’œil à une distance finie dont la métrie définit l’importance dioptrique de la myopie. Le punctum proximum est beaucoup plus proche et facilite la vision de près (magnification des images).
Le parcours accommodatif serait théoriquement le même que celui de l’œil emmétrope mais l’absence de sollicitation de l’accommodation en vision de près lorsque la correction n’est pas portée, diminue la réserve accommodative avec un risque de divergence.

L’hypermétropie

Définition: l’image d’un objet situé à l’infini se fait en arrière de la rétine dans l’œil hypermétrope; on définit encore les hypermétropies axiles, œil trop court, ou de puissance par manque de pouvoir dioptrique (aphaque).
Le punctum remotum est donc virtuel situé derrière l’œil et le punctum proximum est plus éloigné de l’œil que la normale.
La réserve accommodative d’un œil hypermétrope non corrigé est importante car le muscle ciliaire est sollicité en permanence à la différence des myopes. La convergence peut s’en trouver déréglée avec ésodéviation.

L’astigmatisme

Il a été défini par Whewell en 1871 comme la focalisation d’un point objet en deux lignes décrivant la célèbre conoïde de Sturm.
Il existe différents types d’astigmatisme selon la position et l’orientation des focales
:

• Myopique ou hypermétropique;
• Simple
: une focale sur la rétine;
• Composé
: deux focales d’un même coté de la rétine;
• Mixte
: une focale de part et d’autre de la rétine;
• Direct et conforme ou inverse, ou oblique
;
• Régulier si les axes sont perpendiculaires ou irréguliers (kératocône).

La cornée est responsable de 95  % de l’astigmatisme; Young a auto-décrit l’astigmatisme cristallinien après immersion de sa tête dans l’eau.
La notation des astigmatismes comprend une donnée sphérique et cylindrique caractérisée par son axe
; par exemple: Amétropie = S (C à X°) où Sphère et Cylindre sont en dioptries positives ou négatives; la formule peut s’inverser et devient: A = S + C (- C à X° + 90°) en contre-axe avec changement de signe du cylindre.
L’addition des cylindres est algébrique et simple en cas d’axes perpendiculaires
; en cas d’axes obliques elle suit la règle du parallélogramme dont les côtés sont représentés par chaque cylindre, la diagonale étant le cylindre résultant, l’angle au sommet étant égal au double de celui des deux cylindres (cf. indicatrices de Dupin).
À noter qu’un faisceau optique circulaire abordant obliquement un verre sphérique subit une focalisation astigmate
: on parle d’astigmatisme induit des faisceaux obliques.
Enfin, les puissances astigmates subissent une rotation de 90° à chaque fois qu’on passe des verres correcteurs, aux méridiens de la cornée puis aux axes de la skiascopie.

Correction des amétropies

Le principe de la correction des amétropies consiste à replacer le punctum remotum à l’infini: le foyer image de la lentille sera donc placé au punctum remotum de l’œil amétrope. Il s’en suit une variation de position du punctum proximum translaté d’une quantité dioptrique équivalente à la correction.
Le degré d’amétropie est apprécié par des méthodes
:

• Subjectives basées sur les réponses du patient: boîtes de verres d’essai, brouillard…
• Ou objectives
: cycloplégie + skiascopie manuelle ou automatique.

La correction se fait par des verres sphériques dont l’usage remonte au XIVe siècle, pour les amétropies simples et par des verres cylindriques introduits par Galland et Chamblant en 1813, ou toriques apparus à la fin du XIXe.
La correction par verres a pour avantage sa simplicité, mais provoque une déformation de l’espace image (cf. plus loin « distance verre/œil  »).
C’est pourquoi d’autres méthodes ont été proposées comme
:

• Les lentilles de contact ramenant les plans principaux au sommet de la cornée;
• Ou la chirurgie réfractive et l’implantologie dont les modalités toujours objet de controverse ne cessent d’évoluer.
La distance verre/œil

La distance entre le verre correcteur et le sommet de la cornée est responsable d’un certain nombre d’effets parmi lesquels:

• Les effets statiques (œil immobile derrière le verre):
¬ Le grandissement de l’image
: négatif chez le myope, positif chez l’hypermétrope avec péjoration ou optimisation des acuités visuelles.
¬ L’effet prismatique est additif (myope) ou négatif (hypermétrope et scotome annulaire) et suit la règle de Prentice (une dioptrie prismatique par dioptrie métrique et par cm d’écart au centre optique)
; il induit une hétérophorie en cas de décentrement des verres, d’où l’importance du fameux « centrage  » toujours nécessaire en cas de CRN.
¬ La baisse de puissance par décentrement
: lorsqu’un rayon ne passe pas par le centre optique du verre, la puissance algébrique de la correction augmente, ce qui explique la sous-correction des myopes ne regardant pas par le milieu de leur verre (intérêt d’une monture centrée).
¬ La puissance dioptrique augmente également algébriquement lorsque le verre s’éloigne de l’œil d’une quantité P*d où P est la puissance du verre en dioptries et d la distance en mètre. Ainsi la correction par lentille nécessite une puissance plus faible en valeur absolue chez le myope et plus importante chez l’hypermétrope (sauf modification due au ménisque de larmes)
; il était commun de voir des aphaques mettre leurs lunettes de loin au bout de leur nez pour lire de près.
¬ La position du punctum proximum est également influencée par la mode de correction
; le punctum proximum s’éloigne chez le myope corrigé par lentilles, inversement chez l’hypermétrope; cela est dû au déplacement en avant des plans principaux (cf. aniséïconie).
¬ Baisse de la luminosité par diminution de la pupille de sortie chez le myope.
• Les effets dynamiques (œil bougeant derrière le verre)
:
¬ La mouvance spatiale (directe des verres concaves ou inverse des verres convexes) explique les inconforts ressentis par certains patients en particulier dans les corrections par verres progressifs changeant de signe entre vision de loin et de près.
¬ Le déplacement apparent est une impression de mouvement plus important chez le myope (cf. rapetissement) qui voit bouger les objets davantage et plus petit chez l’hypermétrope ou l’aphaque dont le scotome annulaire explique le phénomène du « diable sortant de sa boîte  ».
¬ L’astigmatisme des faisceaux obliques explique que certains myopes sous-corrigés inclinent leur monture afin d’augmenter la puissance de leurs verres.
Conclusion

D’ordre général sur:

• L’avenir de la réfraction dans l’ophtalmologie de demain;
• La place de la réfraction, ainsi que celle de la rééducation monoculaire et binoculaire
;
• La cycloplégie, indispensable à une réfraction précise, restera-t-elle un acte médical
?
Références

1. Optique Physiologique d’Yves Legrand.
2. Cahiers d’Optique Essilor.
3. Optique d’André Moussa et Paul Ponsonnet.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010