Skiascopie : vérification subjective des résultats skiascopiques Alexandre Damanakis
Il ne faut pas aussitôt obtenus les résultats skiascopiques prescrire des lunettes correctrices. Même si l’examinateur a une grande expérience, il est certain qu’une infime correction, de la sphère ou du cylindre, est nécessaire. À l’exception des personnes qui ne collaborent pas (par exemple les nourrissons et les enfants de bas âge) les résultats skiascopiques (ou ceux des réfractomètres automatiques) doivent être suivis par une vérification subjective.
La vérification subjective de la skiascopie comporte :
  • La mesure de l’acuité visuelle ;
  • Le contrôle terminal et le réglage de la puissance et de l’axe du cylindre ;
  • Le contrôle terminal et le réglage de la puissance de la sphère.

Mesure de l’acuité visuelle


Le constat d’une acuité visuelle de 10/10 sur la monture d’essai récompense l’examinateur et confirme la valeur de la skiascopie (ou la précision du réfractomètre automatique), mais ceci ne permet pas la prescription immédiate de lunettes. Le constat d’une acuité visuelle de 10/10 n’exclut pas la surcorrection d’une myopie, la sous-correction d’une hypermétropie ou même des petits écarts quant à la puissance ou l’axe du cylindre. Inversement, une acuité visuelle réduite ne signifie pas une mauvaise skiascopie forcément puisque des lunettes appropriées ne signifient pas une vision physiologique.
Néanmoins, la mesure de l’acuité visuelle constitue l’accomplissement de l’examen réfractif parce qu’elle confirme la précision des mesures objectives, et sert de fondement à toute vérification subjective.

Vérification et réglage de la puissance
et de l’axe du cylindre (« cylindre croisé  »)





Il est préférable de faire précéder le réglage final de la sphère par une vérification subjective et un réglage final du cylindre parce que des modifications du cylindre peuvent influencer la puissance de la sphère, tandis que le contraire ne peut arriver.
Pour le fin réglage de la puissance et de l’axe de l’astigmatisme, la meilleure méthode subjective est celle du « cylindre croisé  ».
Le « cylindre croisé  », de Jackson, est constitué par la combinaison d’une sphère et d’un cylindre aux signes opposés ; le cylindre a une puissance double de celle de la sphère. Les combinaisons les plus utilisées sont :
  • -0,25 ∂ sphérique +0,50 ∂ cylindrique ;
  • -0,50 ∂ sphérique +1,00 ∂ cylindrique.
La dénomination « cylindre croisé  » est due au fait que chaque lentille de ce type peut être considérée comme étant constituée de deux cylindres de valeur égale et de signe opposé, et dont les axes sont posés perpendiculairement (figure n° 1, A).
Une simple expérience peut aider à la meilleure compréhension de la notion de cylindre croisé. Si on prend de la série de lentilles d’essai deux cylindres d’une puissance égale, mais de signes opposés, par exemple celle de +0,50 ∂ cylindrique et de -0,50 ∂ cylindrique, et on les met en contact en ayant leurs axes perpendiculaires, on obtient un cylindre croisé. Si on pose cette combinaison au phacomètre, l’appareil indiquera +0,50/-0,50, ce qui correspond, on le sait bien, à une lentille de +0,50 ∂ sphérique -1,00 ∂ cylindrique, ou à une lentille de -0,50 ∂ sphérique +1,00 ∂ cylindrique.
L’avantage des cylindres croisés est qu’ils ont un équivalent sphérique égal à 0, C’est pourquoi lorsqu’ils sont posés devant l’œil, ils peuvent faire aggraver ou diminuer une anomalie astigmate, sans pour autant influencer la position du cercle de moindre confusion du conoïde de Sturm par rapport à la rétine.
Le cylindre croisé est tenu par un anneau et porte un manche qui se trouve au croisement de l’angle formé par les deux axes. Les axes du cylindre croisé sont marqués soit par les symboles (+) et (-), incisés sur la lentille, soit par des points de couleurs différentes (par exemple deux blancs déterminant l’axe positif et deux rouges le négatif) (figure n° 1, B).
L’utilisation d’un cylindre croisé n’exige pas que l’œil soit en état de brouillard. Les résultats sont meilleurs quand le cercle de moindre diffusion se situe le plus près de la rétine. C’est pourquoi, si à la suite de la skiascopie l’acuité visuelle n’est pas bonne, avant de passer à la procédure du cylindre croisé, on fait augmenter et ou diminuer la sphère en essayant d’obtenir la meilleure acuité visuelle possible de l’œil sous examen.
Le cylindre croisé peut être constitué de cylindres aussi bien positifs que négatifs.

Contrôle de l’axe de l’astigmatisme


Afin d’effectuer le contrôle et le réglage final de l’axe du cylindre correcteur on poursuit la procédure suivante : sur la monture d’essai, on pose la sphère et le cylindre qu’on a déjà déterminés soit par l’examen skiascopique soit par l’utilisation du réfractomètre automatique ou encore ceux des anciennes lunettes du patient. Le patient observe la ligne d’optotype contenant les plus petits signes que celui-ci puisse reconnaître, ou bien la ligne immédiatement supérieure. Le praticien tient le cylindre croisé du manche, entre l’index et le pouce de sa main, et il le porte devant le cylindre d’essai de sorte que le manche devienne l’extension de l’axe du cylindre d’essai (figure n° 2). De cette manière, puisque le manche se situe entre les deux axes principaux du cylindre croisé, une action cylindrique positive et une autre négative sont provoquées à distance égale de l’un et l’autre côté de l’axe du cylindre d’essai.
Ensuite, le cylindre d’essai ainsi que l’action cylindrique des deux côtés de l’axe du cylindre d’essai, sont inversés par la rotation du manche.
Si le patient dit que sa vision est identique que le cylindre croisé, soit dans l’une ou dans l’autre position, alors l’axe du cylindre d’essai est bien placé.
Si la vision du patient est meilleure lorsque le cylindre croisé est dans l’une des deux positions, l’axe du cylindre d’essai doit être réglé. Quand le patient affirme qu’il voit mieux quand les axes du cylindre croisé ont été disposés de la manière suivante : axe positif se trouvant d’un côté du cylindre d’essai et axe négatif de l’autre, le réglage s’effectue de la façon suivante en fonction du type de cylindre utilisé :
  • Si un cylindre d’essai positif a été utilisé, son axe tourne vers la direction de l’axe positif du cylindre croisé.
  • Si un cylindre d’essai négatif a été utilisé, son axe tourne vers la direction de l’axe négatif du cylindre croisé.
Cette procédure est répétée jusqu’à ce que le patient ne constate aucune différence de vision entre les deux positions du cylindre croisé. Chaque réglage de l’axe ne doit pas dépasser les 5° à 10°. Cela n’a aucun rapport avec la puissance du cylindre croisé qu’on utilise.
Ayant déterminé avec précision l’axe du cylindre d’essai, on procède au contrôle et au réglage de sa puissance. Cet ordre s’impose parce que la position de l’axe ne dépend pas de la puissance du cylindre d’essai, tandis que sa puissance dépend de la position de l’axe.

Contrôle de la puissance du cylindre d’essai


La procédure de contrôle et de réglage final de la puissance du cylindre correspond à celle de détermination de l’axe, à la différence que le cylindre croisé est maintenant placé de telle manière que l’un de ses axes soit parallèle à l’axe du cylindre d’essai (figure n° 3). Si, de cette position, le cylindre croisé est inversé, la position de ses axes s’inverse aussi. C’est ainsi que l’axe du cylindre d’essai est parallèle à celui du cylindre positif du cylindre croisé dans une position et parallèle à l’axe du cylindre négatif dans l’autre.
Si la vision du patient est identique lorsque le cylindre croisé se trouve dans l’une ou dans l’autre position, alors la puissance du cylindre d’essai est la puissance appropriée.
Si le patient exprime une préférence pour l’une des deux positions, alors la puissance du cylindre doit être augmentée ou diminuée. Si le patient préfère la position dans laquelle l’axe du cylindre d’essai est parallèle à l’axe du cylindre croisé ayant le même signe, alors on doit faire augmenter la puissance. Si le patient préfère la position dans laquelle l’axe du cylindre d’essai est parallèle à l’axe du cylindre croisé ayant le signe opposé, alors la puissance doit être diminuée.
Cette procédure se répète et la puissance du cylindre d’essai se règle jusqu’à ce que le patient n’observe plus de différence entre les deux positions du cylindre croisé.
La modification de la puissance du cylindre d’essai se fait à chaque fois par le degré le moindre possible, c’est-à-dire 0,25 ∂. Le degré de modification ne dépend ni du degré d’astigmatisme ni de la puissance du cylindre croisé.
Le cylindre croisé, à la différence d’un simple cylindre, ne modifie pas la position du cercle de moindre diffusion.
Néanmoins, une modification importante de la puissance du cylindre d’essai se produit si pendant la procédure, le cercle de moindre diffusion se déplace, ce qui est aux dépens de la précision de la méthode 4.
Pour cette raison, si la modification du cylindre est importante, on soustrait algébriquement à la sphère la moitié de la modification de la puissance du cylindre. Par exemple : supposons qu’une sphère de +3,00 ∂ et un cylindre de +2,00 ∂ aient été posés sur la monture d’essai au début de la procédure. On a déjà constaté, que le cylindre croisé requiert une plus grande puissance cylindrique et qu’en faisant augmenter le cylindre progressivement on arrive à +3,00 ∂. Alors, il faut faire diminuer la sphère de +0,50 ∂ (la moitié de la modification du cylindre) avant de poursuivre la procédure afin que la position du cercle de moindre diffusion soit maintenue sur la rétine.

Contrôle final et réglage de la sphère


À la fin de chaque examen skiascopique il est conseillé d’effectuer un contrôle de la sphère. Le fait que la vision du patient a atteint 10/10, ne veut pas dire forcément que la correction est tout à fait exacte. Surtout si le patient est jeune et s’il dispose d’une forte accommodation, il est très facile de faire une surcorrection de la myopie ou une sous-correction de l’hypermétropie.
Pour le contrôle final de la sphère, la meilleure méthode subjective est celle du brouillard.
Par la technique du brouillard, on essaie de rendre myope l’œil (quelle que soit son anomalie réfractive). La focale, ou les focales, (en cas d’astigmatisme) seront transposées devant la rétine et un trouble de l’image rétinienne va se produire. De cette manière l’accommodation devient impossible parce que n’importe quelle activation de celle-ci déplacerait la focale encore plus en avant et rendrait l’image rétinienne encore plus trouble.
La provocation d’une myopie artificielle à l’œil sous examen est obtenue par l’augmentation de la sphère positive ou la diminution de la négative.
Si on a déjà pratiqué une skiascopie à l’œil sous examen, on laisse sur la monture d’essai les résultats de celle-ci, qui ont porté l’œil au point neutre. Puisque l’équivalent dioptrique de la distance de travail n’est pas encore soustrait algébriquement à la sphère, l’œil est myope. Ceci est un niveau satisfaisant de trouble pour qu’on entreprenne la procédure de la « sortie du brouillard  ».
Quand on est certain que le trouble de l’image est suffisant, et que l’accommodation est relâchée, on commence à faire diminuer progressivement la sphère positive ou à faire augmenter la négative. Le changement progressif de sphère, d’habitude par 0,25 ∂, doit être accompagné d’une amélioration progressive de l’acuité visuelle.
Tant qu’on observe une amélioration réelle de l’acuité visuelle, on continue à modifier la sphère, en essayant de trouver la sphère la plus positive ou la sphère la moins négative qui permet d’obtenir la meilleure acuité visuelle possible. S’il n’y a pas d’astigmatisme, ou s’il y en a un, et le cylindre correctif est le bon, l’acuité visuelle doit atteindre les 10/10. Si elle n’atteint pas les 10/10, et que la procédure précitée a été suivie scrupuleusement, il est évident qu’une pathologie quelconque est responsable de la baisse de l’acuité visuelle.
En appliquant la procédure précitée dans tous les cas, il faut avoir en tête qu’en prescrivant cette correction au patient, on provoque une petite sous-correction de la myopie ou une petite surcorrection de l’hypermétropie. Ceci est dû à trois raisons :
  • À la profondeur de champ, la tolérance à un déplacement de l’optotype par rapport au patient ;
  • À une petite tolérance de l’œil à un trouble de l’image ;
  • Au fait que l’optotype n’est pas placé à l’infini mais à une distance finie de l’œil, c’est-à-dire le punctum remotum déterminé par l’examinateur. Si la distance est de 6 m, cette erreur est minime (1/6 ∂), mais si elle est plus courte l’erreur est considérable. Par exemple à 4 m l’erreur est de 1/4 ∂ = 0,25 ∂.
Malgré tout cela l’erreur totale est petite et, d’habitude, elle ne pose pas de problème. Cependant, on ne doit pas être surpris, si un patient, ayant des exigences particulières concernant la vision de loin, se plaint qu’il ne voit pas bien de loin, alors que son acuité visuelle est de 10/10. On peut résoudre le problème de ce patient par une légère augmentation de la sphère négative ou par une légère diminution de la sphère positive de ses lunettes.

Date de création du contenu de la page : Juin 2010 / date de dernière révision : Décembre 2010