Réfraction de l'Enfant : la réfraction de 1 à 12 mois Guy Clergeau & Mireille Morvan

Introduction


Contrairement à l’étude de la réfraction du nouveau-né qui a suscité de nombreux travaux entre le milieu du XIXe et celui du XXe siècle, la réfraction de l’enfant de 1 à 12 mois n’a fait l’objet que d’un intérêt tardif, avec au demeurant deux orientations préférentielles : l’une vers la mise en évidence des mécanismes conduisant à l’amblyopie et en particulier l’amblyopie méridienne, l’autre vers la délimitation des facteurs de risque pour l’amblyopie et le strabisme. Les publications consacrées à la réfraction elle-même et à son évolution pendant cette première année sont pour leur part en nombre très limité et avec des conclusions discordantes.

Historique


Si l’on élimine les quelques rares études longitudinales menées à partir de la naissance et concernant principalement les prématurés (Santonastaso, Hosaka, Gleiss), les premiers travaux définissant de façon fiable les normes de la réfraction semblent devoir être attribués à Ingram.
  • Ingram (1 979) [17,18 & 19] a réalisé une série de 3 études dont la plus intéressante porte sur 1 648 enfants âgés de 11 à 13 mois examinés en skiascopie sous cycloplégie atropinique entre 1 974 et 1 976. La moyenne de la sphère de base (la moins hypermétrope) est de +1,00  ∂ ±1,00. La valeur de l’astigmatisme n’a pas été précisée, mais il y a 10  % de cylindres > 1,50  ∂. Il a également été relevé 6,5  % d’anisométropies, sachant que 7  % de l’échantillon était amblyope ou strabique. L’efficacité de l’atropine est enfin apparue supérieure à celle du cyclopentolate d’environ 0,50  ∂.
  • Fulton (1 980) [12], s’est essentiellement intéressée à l’astigmatisme et à la comparaison de sa prévalence entre sujets normaux, amblyopes et strabiques. Cette étude s’étend de 0 à 3 ans avec seulement 90 enfants âgés de 0 à 1 an, ne permettant pas une analyse fine de l’évolution. On retiendra seulement que la prévalence de l’astigmatisme > 1  ∂ oscille entre 15 et 25  %.
  • Mohindra (1 981) [21] s’est principalement intéressée au dépistage non cycloplégique par rétinoscopie de proximité. Là encore le nombre de sujets examinés est relativement faible (n = 400) pour une période très large de 0 à 5 ans. La période de la première année, en analyse transversale concerne environ 250 enfants. L’analyse du tableau 1 fait ressortir 3 points :
    • L’existence d’une myopie jusqu’au 6e mois (38  % de 0 à 4 mois).
    • Une déviation standard initialement très élevée qui régresse rapidement.
    • Une prévalence élevée des cylindres > 1  ∂ qui est maximale de 4 à 6 mois.

    Il faut toutefois noter que ces résultats sont exprimés en réfraction manifeste, ne tenant pas compte de l’accommodation tonique. Si l’on apporte le correctif cycloplégique évalué par Tait [25] ou Saunders [23 & 24] (addition 1,25 à 1,75  ∂), la réfraction moyenne en ES est de l’ordre de +1,00  ∂ au cours du 1er mois.
    Tab 1. Évolution de la réfraction selon Mohindra.
    PériodeNombre d’enfantséquivalent-sphériqueécart-type% cylindre > |1 ∂|
    0 à 4 semaines48-0,70  ∂±3,2029 %
    5 à 8 semaines27-0,35  ∂±2,3048 %
    9 à 16 semaines78-0,52  ∂±2,2553 %
    17 à 32 semaines70+0,13  ∂±1,2959 %
    33 à 64 semaines50+0,78  ∂±0,9747 %

    • Clergeau (1 983) [6] a rapporté les préliminaires d’une étude réfractive systématique sous cycloplégie pour 143 enfants âgés de 8 à 13 mois. La moyenne de l’équivalent sphérique était de +0,90  ∂ ±1,26, celle de l’astigmatisme de -0,14  ∂ et celle de l’anisométropie de 0,13  ∂.
    • Atkinson (1 980) [2] a analysé par photoréfraction l’évolution de l’astigmatisme sur un nombre limité de 20 enfants âgés de quelques mois. La quasi-totalité des astigmatismes > 0,75  ∂ avait disparu à 1 an.
    • Atkinson (1 984) [3] s’est ici intéressée à la valeur du dépistage par photoréfraction sous cycloplégie. Cette étude qui porte sur 1 096 enfants âgés de 6 à 9 mois retient essentiellement les niveaux définissant les facteurs de risque (hypermétropie > +3,25  ∂, myopie < -1,00  ∂, anisométropie > 1,00  ∂) mais ne donne aucune indication sur les données de la répartition gaussienne. On retiendra seulement un chiffre de 6  % d’amétropies significatives dans cette population standard.
    • Dobson (1 984) [10] a étudié l’évolution de l’axe d’astigmatisme et du rapport cylindres inverses/cylindres directs. Dans cette étude, réalisée sous rétinoscopie cycloplégique, il a été trouvé 17  % d’astigmatismes > 0,75  ∂ entre 0 et 6 mois avec 100  % d’astigmatismes inverses et 19  % d’astigmatismes entre 6 et 18 mois avec 70  % inverses et 25  % directs. On notera par ailleurs qu’il ne s’agissait pas d’examens véritablement systématiques, le recrutement étant fait dans des cliniques ophtalmologiques.
    • Gwiazda (1 984) [13], dans une étude associée à la précédente, a réalisé la même démarche en rétinoscopie de proximité, mais en l’absence de cycloplégie, sur 1 000 enfants âgés de 0 à 6 ans avec un recrutement direct auprès des familles. 440 enfants ont été vus entre 0 et 6 mois et 81 entre 6 et 12 mois. Les résultats figurent au tableau 2. Outre leur prévalence élevée on retiendra que les astigmatismes inverses restent prédominants jusqu’à l’âge de 4 ans 1/2.
    Tab 2a. Astigmatisme selon Gwiazda.
    Nombre≥ 1 ∂≥ 2 ∂≥ 3 ∂Total
    0 à 6 mois44022,5  %18,1  %11,2  %52  %
    6 à 12 mois8122,5  %13,1  %5  %40,6  %

    Tab 2b. Astigmatisme selon Gwiazda.
    AstigmatismeDirectInverseOblique
    0 à 6 mois39,4  %45,4  %15,2  %
    6 à 12 mois37,8  %44,0  %18,2  %

    • Howland (1 984) [16], dans un travail également associé aux 2 précédents, a étudié 312 enfants dont 117 âgés de 0 à 1 an. Les examens ont été réalisés sans cycloplégie, dans la majorité des cas par photoréfraction orthogonale et isotropique mais plutôt par rétinoscopie chez les nourrissons. Les résultats figurent au tableau 3.
    Tab 3a. Astigmatisme selon Howland.
    Astigmatisme≥ 1 ∂≥ 2 ∂≥ 3 ∂Total
    0 à 12 mois42,6  %16,1  %4,3  %63  %

    Tab 3b. Astigmatisme selon Howland.
    AstigmatismeDirectInverseOblique
    0 à 12 mois3,6  %53,5  %42,8  %

    • Abrahamsson (1 990) [1] a étudié en skiascopie sous cyclopentolate l’évolution de l’anisométropie dans un groupe de 56 enfants de 1 an, présélectionnés par la présence d’un astigmatisme > 0,75  ∂. Il a été trouvé 11  % d’anisométropies > 0,75  ∂, 5  % > 1,25  ∂ et 2  % > 1,75  ∂.
    • Edwards (1 991) [11] a réalisé une étude partiellement longitudinale chez 153 chinois de Hong-Kong (nés à terme ≥ 2 000 g). Les examens ont été faits sous cyclopentolate par skiascopie. Les résultats figurent au tableau 4.
    En ce qui concerne l’axe, à 10 semaines on trouve 97  % d’astigmatismes directs et 96  % à 40 semaines.
    Tab 4a. Paramètres selon Edwards.
    åge moyenNombreéquivalent sphériqueécart-type
    10,8 semaines153+2,47  ∂±1,61
    19,5 semaines122+1,68  ∂±1,45
    28,1 semaines92+1,24  ∂±1,28
    36,9 semaines50+0,80  ∂±1,19

    Tab 4b. Paramètres selon Edwards.
    CylindreC < 1,00 ∂C = 1 à 1,75  ∂C > 1,75  ∂
    11,3 semaines43,3  %33,3  %23,3  %
    19,6 semaines54,5  %34,5  %11,0  %
    28,4 semaines70,5  %25,0  %3,5  %
    38,8 semaines83,5  %13,8  %2,6  %

    Tab 4c. Paramètres selon Edwards.
    Anisométropieéquivalent sphérique >  1,00 ∂équivalent sphérique >  2,00 ∂Cylindre >  1,00  ∂Cylindre >  2,00  ∂
    11,3 semaines24  %4  %18  %2  %
    19,6 semaines12  %2  %12  %0  %
    28,4 semaines16  %0  %16  %0  %
    36,9 semaines10  %0  %0  %0  %

    • Hopkinson (1 992) [15] a voulu valider la skiascopie sous cyclopentolate pour l’examen du jeune enfant. Il a fait une étude sur 100 nouveau-nés, avec une étude longitudinale (partielle) jusqu’à 1 an. Le terme était défini pour 1 poids ≥ 2 300 g.
    Tab 5. Paramètres selon Hopkinson.
    NombreCylindre > 1 ∂Astigmatisme > 1 ∂équivalent sphérique <  0équivalent sphérique 0 à +2,25 ∂équivalent sphérique +2,5 à +4,0 ∂équivalent sphérique > +4,0 ∂
    Nouveau-nés10010  %9,0  %1  %18  %56  %25  %
    6 semaines5611  %3,5  %10  %43  %36  %11  %
    3 mois6717  %4,5  %4  %57  %30  %9  %
    6 mois5542  %1,8  %4  %75  %15  %6  %
    12 mois5315  %3,8  %4  %88  %5  %3  %

    À 6 mois les 2/3 des astigmatismes sont directs et 1/3 indirects ou obliques. À 1 an il y a 1/3 de directs et 2/3 d’inverses.
    • Wood (1 992 & 1 995) [27 & 28] a réalisé une étude longitudinale (partielle) sous cycloplégie en rétinoscopie et vidéoréfraction sur 110 enfants à partir de la 2e semaine jusqu’à 1 an avec contrôle tous les 3 mois.
      L’anisométropie a été trouvée à 1,3  % et l’astigmatisme moyen est de 0,43  ∂ ±0,85. On notera enfin que 43  % des enfants étudiés présentaient des antécédents notables, mais cette situation n’aurait pas d’influence sur les résultats.

    Tab 6. Paramètres selon Wood.
    ågeéquivalent sphériqueécart-typeCylindre > 1 ∂Cylindre directCylindre indirectCylindre oblique
    2 semaines+0,40  ∂±1,5469,0 %47,3 %15,8 %5,9 %
    12 semaines+1,80  ∂±1,3564,0 %46,8 %14,0 %3,2 %
    26 semaines+1,65  ∂±1,1371,4 %60,0 %7,1 %4,3 %
    36 semaines+1,30  ∂±0,8162,3 %52,2 %7,2 %2,9 %
    52 semaines+1,05  ∂±1,0755,0 %44,7 %9,0 %1,3 %

    • Gwiazda (1 993) [14] a étudié l’évolution de la réfraction manifeste chez 72 enfants. La réfraction apparaît négative jusqu’au 4e mois (période où l’écart-type est également le plus élevé) pour atteindre +0,50  ∂ vers 1 an. L’auteur considère que cette évolution non régressive reflète probablement un mauvais contrôle accommodatif. La prévalence de l’astigmatisme est successivement de 65  %, 51  %, 57  % et 42  % au cours des 4 premiers trimestres.
    • Rossignol (1 985) [22] a fait la synthèse d’un nombre important d’examens systématiques (n = 4 982) réalisés à 10 mois en PMI, sous tropicamide. Cette étude conclut à la présence de 30  % d’amétropies, mais ne donne pas les critères définissant ces amétropies.
    • Saunders (1 995) [23 & 24] a publié 2 articles de synthèse des différentes études évolutives pour confirmer le phénomène d’emmétropisation au cours de la 1re année. Son étude personnelle a été réalisée en rétinoscopie de proximité sans cycloplégie. Elle rapporte également le travail de Thompson (1 987) [23]. La prévalence du cylindre a été trouvée à 62  % de 0 à 5 mois et de 38  % de 6 à 11 mois.
    Tab 7. Évolution de la sphère selon Saunders.
    1 mois2,5 mois6 mois9 mois12 mois
    Saunders (sphère méridienne)+3,17  ∂+2 56 ∂+2,30 ∂+2,25 ∂+1,91 ∂
    Thompson (équivalent sphérique)+2,80  ∂+2,20 ∂+1,40 ∂-+0,90  ∂

    Étude personnelle


    Une étude mixte, transversale et longitudinale a été réalisée à partir de 590 enfants recrutés en maternité entre octobre 1 999 et février 2 003, sans aucune sélection et pour lesquels était proposée une étude randomisée de façon à couvrir de manière équilibrée l’ensemble des tranches mensuelles de 1 à 10 mois. Les premiers examens étaient fixés à 1, 2, 3 ou 4 mois, avec contrôle tous les 3 mois, indépendamment des résultats skiascopiques et des antécédents de façon à réduire au maximum les biais statistiques. La limite fixée à 10 mois pour l’étude, est basée sur le risque de désintérêt pour les familles à multiplier les examens d’autant que nous avions déjà de nombreuses données pour la période de l’examen systématique du 9e mois. Sur ces 590 enfants, 462 ont suivi en tout ou en partie le protocole fixé, le nombre total d’examens étant de 1 248. Cette étude comporte ainsi une partie strictement transversale de 1 à 4 mois, une partie mixte de 3 à 5 mois et une partie strictement longitudinale de 6 à 10 mois (tableau 8).
    Tab 8. Matériel d'étude.
    Âge1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m
    Transversal11111610410810421000
    Longitudinal00444417120115119122121
    Total111116148152121122116119122121

    Les comparaisons entre données transversales et longitudinales n’ont pas montré de différence cliniquement significative (< 0,15 ∂) et l’analyse a donc été réalisée sur l’échantillon total mixte (transversal + longitudinal). Seul l’œil droit a été retenu. Tous les examens ont été réalisés en skiascopie à une distance de 50 à 60 cm et le protocole cycloplégique a été modulé en fonction de l’âge : atropine 0,30  %, 1j1/2 de 1 à 4 mois, 2j1/2 de 5 à 7 mois et 3j1/2 à partir de 8 mois.

    La sphère


    L’analyse du tableau 9 montre sans ambiguïté que plus la skiascopie est réalisée précocement plus l’hypermétropie est élevée à l’exception apparente du 1er mois. En fait, il semble s’agir du même artefact que celui observé chez le nouveau-né et qui pourrait être lié à une relaxation insuffisante de l’accommodation. On s’aperçoit d’ailleurs que cette sous-estimation probable diminue nettement en intensité et en fréquence en fonction de l’âge (cf. discussion). L’application des correctifs appropriés montre une diminution progressive cohérente de l’hypermétropie moyenne qui est pratiquement divisée par 2 en 9 mois (+3,75 ∂ à +1,77  ∂ pour la sphère méridienne). Il existe néanmoins des exceptions individuelles au principe d’emmétropisation comme en témoignent l’élargissement de l’étendue des données vers les fortes hypermétropies mais aussi l’apparition de myopies. Pendant la période de suivi aucune prescription optique, susceptible de décompenser l’hypermétropie latente, n’a été réalisée.
    Tab 9. Évolution de l'hypermétropie.
    ÂgeNombreÉquivalent sphérique brutSphère méridienne bruteLimites de la sphère méridienneSphère méridienne corrigée
    1 mois111+3,25 ∂+3,44 ∂+7,00 à -0,50 ∂+3,73 ∂
    2 mois116+3,42 ∂+3,79 ∂+7,25 à 0,00 ∂+3,86 ∂
    3 mois148+3,16 ∂+3,55 ∂+8,75 à -0.25 ∂+3,58 ∂
    4 mois152+2,68 ∂+3,19 ∂+8,50 à 0,00 ∂+3,20 ∂
    5 mois121+2,71 ∂+3,16 ∂+8,25 à +0,25 ∂+3,16 ∂
    6 mois122+2,13 ∂+2,53 ∂+7,75 à -1,00 ∂+2,53 ∂
    7 mois116+2,05 ∂+2,45 ∂+9,00 à -1,00 ∂+2,45 ∂
    8 mois119+2,02 ∂+2,35 ∂+8,75 à -0,75 ∂+2,35 ∂
    9 mois122+1,66 ∂+1,96 ∂+8,00 à -1,25 ∂+1,96 ∂
    10 mois121+1,48 ∂+1,77 ∂+6,25 à -1,50 ∂+1,77 ∂

    Le cylindre


    Prévalence globale


    La prévalence globale (tableau 10) des astigmatismes absolus (|C|) supérieurs à 0,75  ∂ présente une évolution en 2 phases :
    • On note tout d’abord une croissance de 1 à 5 mois, la prévalence passant de 25 à 50  %, puis une régression de 50 à 25  % de 6 à 10 mois.
    • Inversement on peut définir une absence d’astigmatisme (0  ∂ ±0,25), qui suit logiquement une courbe complémentaire et atteint 50  % à 10 mois.
    Tab 10. Évolution de l'astigmatisme |C|.
    0 ±0,25 ∂T < 1,00 ∂1 à 1,75d2 à 2,75d> 2,75 ∂T > 0,75 ∂|C| moyen
    1m55,90 %76,30 %21,90 %1,80 %0 %23,70 %0,38 ∂
    2m33,60 %57,70 %36,20 %6,90 %0 %43,10 %0,73 ∂
    3m32,40 %58,80 %33,80 %6,70 %0,70 %41,20 %0,79 ∂
    4m21,00 %49,30 %37,50 %11,30 %1,90 %50,70 %1,02 ∂
    5m33,00 %56,10 %40,40 %8,30 %0,80 %49,50 %0,91 ∂
    6m26,20 %58,20 %34,40 %7,40 %0 %41,80 %0,80 ∂
    7m34,50 %65,50 %23,20 %8,60 %2,60 %34,40 %0,78 ∂
    8m38,60 %68,90 %26,90 %4,20 %0 %31,10 %0,64 ∂
    9m40,20 %77,90 %14,70 %6,60 %0 %21,30 %0,59 ∂
    10m50,80 %74,60 %20,50 %3,30 %1,60 %25,40 %0,58 ∂

    Valeur de l’astigmatisme


    La valeur moyenne de l’astigmatisme absolu (tableau 10) ne dépasse pas 1  ∂, avec un maximum entre 4 à 5 mois. Les forts astigmatismes apparaissent peu fréquents : 10  % au plus pour les cylindres de 2 à 2,75  ∂ et 2  % pour les cylindres > 2,75  ∂.

    Axes d’astigmatisme


    Le tableau 11 montre une extrême prédominance des astigmatismes directs pendant toute la période étudiée :
    • Le rapport astigmatismes directs/astigmatismes indirects varie de 100 à 95  % pour les astigmatismes définis comme significatifs jusqu’à 7 mois.
    • À partir du 8e mois s’amorce le processus d’inversion qui sera effectif à partir du 11e mois (< 50%), les astigmatismes directs redevenant prédominants à partir de 4 ans.
    Cette situation est reflétée par l’astigmatisme réel (AR), dont la valeur moyenne reste toujours positive pendant cette première période. Le maximum se situe à 4 mois et tend vers 0 à partir du 10e mois.
    Les axes obliques apparaissent peu fréquents : < 2  %, même en incluant les valeurs de 30, 60, 120 et 150°.
    Tab 11. Évolution des axes.
    0 ∂ ±0,25%% Direct% Inverse% Oblique% D/IAstigmatisme réel moyen
    1m55,80 %44,20 %0 %0 %100 %+0,38 ∂
    2m33,60 %65,50 %0,90 %0 %98,70 %+0,71 ∂
    3m32,40 %58,10 %1,30 %1,30 %97,70 %+0,76 ∂
    4m21,00 %77,00 %1,30 %0,70 %98,30 %+1,00 ∂
    5m21,30 %71,10 %0,80 %0,80 %98,80 %+0,86 ∂
    6m26,20 %68,00 %4,10 %1,70 %94,30 %+0,70 ∂
    7m34,50 %60,30 %3,50 %1,70 %94,60 %+0,73 ∂
    8m35,70 %54,60 %5,00 %1,70 %91,50 %+0,54 ∂
    9m40,20 %46,70 %11,50 %1,60 %80,30 %+0,35 ∂
    10m50,80 %35,20 %23,20 %0,80 %72,90 %+0,31 ∂

    L'anisométropie


    Le tableau 12 confirme que l’anisométropie moyenne est peu significative, inférieure à 0,25  ∂.
    L’anisométropie peut être considérée comme significative à partir de 1,00  ∂. La prévalence par tranches d’âge présente des variations sensibles en rapport avec le nombre relativement limité d’observations, la moyenne oscillant de 2,5 à 5  % et paraissant globalement stable.
    Tab 12. Évolution de l'anisométropie.
    0 à 0,75 ∂1 à 1,75 ∂2 à 2,75 ∂>2,75 ∂Moyenne de l'anisométropie méridienneMoyenne de l'anisométropie cylindriqueMoyenne de l'anisométropie maximale
    1m91,10 %0 %0,90 %0 %0,03 ∂0,05 ∂0,03 ∂
    2m97,40 %2,60 %0 %0 %0,09 ∂0,07 ∂0,11 ∂
    3m95,10 %3,40 %0,70 %0 %0,14 ∂0,10 ∂0,19 ∂
    4m97,30 %2,00 %0 %0 %0,12 ∂0,10 ∂0,15 ∂
    5m92,40 %5,80 %0,80 %0 %0,17 ∂0,13 ∂0,20 ∂
    6m95,10 %4,90 %0 %0 %0,15 ∂0,13 ∂0,21 ∂
    7m94,90 %5,20 %0 %0 %0,12 ∂0,12 ∂0,17 ∂
    8m94,10 %3,30 %0,80 %1,60 %0,21 ∂0,10 ∂0,25 ∂
    9m94,20 %4,90 %0 %0,80 %0,21 ∂0,13 ∂0,25 ∂
    10m95,10 %4,10 %0 %0 %0,12 ∂0,12 ∂0,19 ∂

    Discussion


    Évolution de la sphère


    Comme il a été indiqué la multiplicité des protocoles, la disparité des résultats et le nombre finalement très limité d’études transversales ou longitudinales permettent difficilement d’établir un réel repère. On peut le constater dans le tableau 14 où toutes les valeurs ont été transformées en équivalent sphérique, paramètre le plus souvent exprimé, même s’il n’est pas fonctionnellement le plus significatif.
    Tab 14. Synthèse de la sphère (Équivalent sphérique en dioptries).
    Réf1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m11m12m
    18-+1,25
    21+1,00+1,40+1,25+1,90+2,45
    8-+0,90
    11-+2,47-+1,68-+1,24+0,80-
    28+0,40-+1,80-+1,65-+1,30-+1,05
    23+3,17-+2,56-+2,30-+2,25-+1,91
    26+2,80-+2,20-+1,40-+0,90
    CM+3,54+3,50+3,18+2,70+2,71+2,13+2,05+2,02+1,66+1,48+1,54+1,48
    C1-+1,91+1,74+1,66+1,54+1,52

    Sur 5 études concernant le premier mois les chiffres vont de +0,40 à +3,50  ∂. Une telle variation est en fait liée au fait que plusieurs auteurs ont trouvé que la réfraction n’était pas maximale au premier mois. Ceci est le cas pour Mohindra et Gwiazda en utilisant la réfraction manifeste. Mais on retrouve également cette situation chez Wood malgré la cycloplégie sous cyclopentolate. Nous avons montré qu’il s’agissait très probablement d’un artefact lié à l’insuffisance de neutralisation de l’accommodation, phénomène qui semble maximal dans les premières semaines. Nous avions ainsi trouvé une augmentation secondaire de la réfraction obtenue chez le nouveau-né dans 38,8  % des cas avec une sous-estimation réfractive moyenne de 1,55  ∂. Toutefois le protocole utilisant homatropine + tropicamide n’était pas optimal. À 1 mois cette situation n’est plus que de 23  % avec une augmentation moyenne de 1,14  ∂, à 2 mois 10,8  % et une moyenne de 0,82  ∂, à 3 mois 5,4  % et 0,75  ∂ et enfin à 4 mois 4,4  % et 0,63  ∂. On voit donc que le même protocole utilisant cette fois 3 gouttes d’atropine à 0,30  %, semble devenir progressivement de plus en plus efficace. En apportant un correctif correspondant aux valeurs réfractives brutes nous constatons que nos résultats semblent conforter l’idée que la réfraction globale est principalement en accord avec l’évolution de la longueur axiale. L’évolution est approximativement linéaire, les quelques irrégularités constatées semblant essentiellement liées à un échantillonnage encore trop limité compte tenu de la très large dispersion des données réfractives. On pourra noter l’existence de ces variations en comparant la présente étude à une autre série en cours d’analyse (C1) pour la période 8 à 12 mois et qui porte sur plus de 3 000 examens transversaux. Il existe également une certaine divergence entre les divers auteurs pour la situation du 9e mois, avec des valeurs assez éloignées entre la population chinoise d’Edwards (+0,80  ∂) et les chiffres surprenants de Mohindra obtenus en réfraction manifeste (+2,45  ∂ au-delà de 1 an). On peut certainement retenir une valeur moyenne de +1,75  ∂ en équivalent sphérique et +2,00  ∂ en sphère méridienne.

    Evolution de l'astigmatisme


    Une fréquence élevée des astigmatismes significatifs


    La littérature évoque dans la quasi-totalité des travaux une fréquence élevée des astigmatismes significatifs, régressant rapidement avant l’âge de 2 ans. Nos résultats concordent dans une certaine mesure avec ce constat en retrouvant de façon transitoire une prévalence d’au moins 50  % (Réf CM1). On notera néanmoins que les comparaisons restent délicates dans la mesure où la plupart des travaux couvrent des périodes très larges ne permettant pas le plus souvent de nuancer l’évolution réelle (tableau 15). De plus, tous les auteurs n’ont pas adopté le même critère : > 0,75  ∂ pour [12,16,13,10,21, 2 & CM1] et > 1,00  ∂ pour [11,28,23 & 15].
    Tab 15. Synthèse de la prévalence du |C| > 0,75 ∂ et > 1,00 ∂*.
    Réf1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m11m12m
    12-25 %23,50 %
    1653 %-
    1351,80 %40,60 %
    1017 %19,50 %
    2145 %
    2-> 50 %-
    11*56,60 %45,50 %23 %-
    28*64 %-70 %62 %
    23*-62 %-38 %
    15*-10 %-11,00 %-42,00 %-15,00 %
    CM123,7 %43,1 %41,2 %50,7 %49,5 %41,8 %34,4 %31,1 %21,3 %25,4 %36,4 %27,6 %
    CM27,2 %17,2 %20,9 %28,3 %25,6 %18,0 %18,9 %12,6 %7,3 %12,3 %20,7 %17,3 %

    Il faut en outre souligner que le critère de 1 dioptrie reste parfaitement arbitraire et sans fondement à la fois sur le plan statistique et sur le plan physiologique. Sur le plan statistique, le calcul d’une déviation standard donne en effet une valeur d’environ 1,50  ∂. Cette valeur correspond par hasard à la limite physiologique fonctionnelle de cette amétropie. Les études de la fonction visuelle en regard préférentiel, en estimant une acuité maximale équivalente à 0,4 à 1 an, laissent à penser que les astigmatismes n’ont en fait aucune incidence jusqu’à cette valeur pour la période étudiée. On rappellera en outre que c’est également la valeur de 1,50  ∂ qui est généralement reconnue comme facteur de risque. Avec ce nouveau critère, les astigmatismes > 1,25  ∂ ne représentent plus en moyenne que 10 à 25  % de notre échantillon total (Réf CM2), les astigmatismes supérieurs à 2,00  ∂ variant eux-mêmes selon la tranche d’âge de 4 à 12  % (tableaux 16, 17 & 18).
    Tab 16. Prévalence des cylindres de 1 à 1,75 ∂.
    1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m
    Gwiazda22,50 %22,50 %
    Howland42,60 %
    Fulton20 %6,90 %9,20 %18,40 %
    Edwards--33,30 %-34,50 %-34,50 %-25 %-
    Clergeau21,90 %36,20 %33,80 %37,50 %40,40 %34,40 %23,20 %26,90 %11,70 %20,50 %

    Tab 17. Prévalence des cylindres de 2 à 2,75 ∂.
    1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m
    Gwiazda18,10 %13,10 %
    Howland16,10 %
    Edwards--23,30 %-11,00 %-3,50 %-2,60 %-
    Clergeau1,80 %6,90 %6,70 %11,30 %8,30 %7,40 %8,60 %8,60 %6,60 %3,30 %

    Tab 18. Prévalence des cylindres > 2,75 ∂.
    1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m
    Gwiazda11,20 %5 %
    Howland4,30 %
    Clergeau0 %0 %0,70 %1,90 %0,80 %0 %2,60 %0 %0 %1,60 %

    Le pic de la valeur moyenne


    Comme nous l’avons vu le pic de la valeur moyenne se situe de 4 à 5 mois. Ce constat ne présente pas d’explication évidente, les rapports présumés entre la pression palpébrale, la tonicité des muscles extra-oculaires et la tonicité sclérale pouvant conforter des hypothèses totalement opposées quant à leurs conséquences. Sans que l’on puisse tirer de conclusion définitive, on remarquera que peu d’auteurs signalent un astigmatisme notable dans les réfractions néonatales. La difficulté éventuelle de l’examen skiascopique ou de la photoréfraction semble insuffisante pour expliquer ce constat. D’une manière générale ceci soulève le caractère en partie fonctionnel de l’astigmatisme et donc sa variabilité potentielle au cours de sa mesure, sachant que la composante anatomique cornéenne est soumise à la dynamique du support orbito-palpébral.

    La prévalence des axes


    Cette situation complexe se retrouve également dans la prévalence des axes. En effet, il apparaît très manifestement deux conclusions totalement opposées (tableau 19). La moitié des auteurs (Dobson, Atkinson, Howland, Gwiazda) trouve une large prédominance voire une quasi-exclusivité des astigmatismes inverses pour toute la période étudiée ; l’autre moitié (Clergeau, Morvan, Edwards, Hopkinson, Wood) fait le constat inverse. Il est évident que l’on ne peut faire appel aux seules- considérations anatomo-physiologiques pour expliquer de telles différences. L’orientation serait plutôt celle d’un problème méthodologique, sachant que les tenants de la première hypothèse ont surtout utilisé (mais pas exclusivement) les techniques de photoréfraction et les seconds essentiellement la skiascopie. Tous les travaux ont par contre montré que l’utilisation ou non de la cycloplégie ne modifiait pas les paramètres cylindriques. Jusqu’à preuve du contraire nous considérons comme une quasi-certitude la très grande prédominance initiale des astigmatismes directs, les astigmatismes inverses devenant prédominants entre 11 et 48 mois, une nouvelle inversion apparaissant à partir de 4 ans.
    Tab 19. Évolution du rapport C directs/C inverses.
    Réf1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m11m12m
    100 %26,30 %
    1346,50 %46,20 %
    166,30 %
    15-66 %-33 %
    10-97 %-96 %-
    CM100 %98,7 %97,7 %98,3 %98,8 %94,3 %94,6 %91,5 %80,3 %72,9 %48,6 %49,5 %

    L’évaluation précise des axes obliques reste nettement difficile par la méthode skiascopique, probablement en rapport avec des aberrations optiques favorisées par la petite taille du globe et la sphéricité du cristallin, en particulier pour les fortes hypermétropies. Les critères variables pour définir leurs limites amplifient l’ambiguïté. On rappellera que toutes les études anglo-saxonnes définissent l’obliquité à partir de 15 et 75°. Borish (1 970) [5] et nous-même avons préconisé l’utilisation des axes à 30 et 60°. Cette seule différence explique probablement des variations notables dans la prévalence entre moins de 2  % en ce qui nous concerne et jusqu’à 40  % pour certains.

    Evolution de l'anisométropie


    Peu d’auteurs ont donné une indication précise sur la prévalence de l’anisométropie. Abrahamsson rapporte le chiffre de 11  % au départ d’une étude longitudinale mais sur une série limitée et sélectionnée d’enfants de 1 an ayant déjà un astigmatisme d’au moins 1 dioptrie, ce qui est un indice potentiel d’amblyopie. Toujours pour la période de 1 an, Ingram trouve seulement 6,5  % d’anisométropie, son recrutement comportant des amblyopies et des strabismes. Edwards signale également des valeurs nettement élevées chez le tout jeune enfant. Tous les autres auteurs sont en dessous des 10  % dans la période qui nous intéresse (tableau 20). Même si l’on retient le constat vérifié par certains auteurs que les résultats de l’œil gauche sont sensiblement influencés par ceux de l’œil droit, on peut penser que l’absence d’anisométropie est une caractéristique remarquable du nourrisson. La plupart de ces anisométropies vont effectivement disparaître mais il en persiste un certain nombre. Inversement nous avons pu constater l’apparition précoce, dès l’âge de 6 mois, d’anisométropies initialement absentes. De toute façon une interprétation judicieuse de l’anisométropie ne peut se faire qu’à long terme et sur un nombre conséquent d’observations. Deux remarques permettent d’illustrer ce constat. D’une part, même si la valeur de 1 dioptrie est apparue statistiquement significative (> 1 écart-type), on peut en fait considérer que compte tenu du risque d’erreur de mesure il s’agit plus d’un signe d’appel que d’une donnée franchement pathologique. Or en prenant comme nouvelle référence la valeur A > 1 dioptrie la prévalence moyenne passe de 7,4  % (34/462) à 3,9  % (16/462) [Clergeau2*]. D’autre part, on constate que ces anisométropies n’ont été confirmées à au moins 2 examens successifs, dont l’un au-delà de l’âge de 1 an, que dans la moitié de ces cas, 6/16 pour A > 1,25 et 2/18 pour A > 1,00, soit au total seulement 1,7  % de nos 462 enfants.
    Tab 20. Prévalence de l'anisométropie > 0,75 ∂ et > 1,00 ∂*.
    1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m
    Hopkinson1,30 %
    Edwards24 %12 %16 %10 %
    Clergeau 12,40 %4,10 %3,50 %
    Clergeau 2*0,90 %1,70 %1,50 %

    Évolution de l'écart-type


    La régression importante et progressive de la déviation standard à partir de valeurs nettement élevées est classiquement le second critère important pour décrire le processus d’emmétropisation (Saunders [15]). Un écart-type proche de celui de l’adulte est en principe atteint vers l’âge de 6 à 7 ans. Nous avions montré pour la réfraction du nouveau-né qu’en fait ces valeurs initiales classiquement élevées étaient prin-ci-pa-lement liées à des anomalies de recrutement. Nos résultats ne confirment donc pas ce profil. On note au contraire une remarquable stabilité des valeurs aussi bien pour la sphère (tableau 21) que pour le cylindre.
    Tab 21. Évolution de l'écart-type (Sphère).
    Réf1m2m3m4m5m6m7m8m9m10m11m12m
    18-1,00
    213,202,302,251,290,97
    11-1,61-1,45-1,28-1,19-
    281,54-1,35-1,13-0,81-1,07
    CM31,491,461,621,541,651,531,631,641,571,50--
    CM21,491,591,631,591,601,531,591,861,491,63--
    CM1-1,531,441,451,321,52

    Nous avons néanmoins retrouvé des variations notables par rapport à des séries personnelles d’examens qualifiés de systématiques mais en réalité orientés par des antécédents familiaux. À l’intérieur même de la présente étude on note des variations sensibles entre le bilan réalisé provisoirement sur 672 mesures (CM2 [9]) et le bilan final portant sur 1 248 mesures (CM3). Les valeurs obtenues sur des séries beaucoup plus importantes (CM1) (3 069 mesures transversales) entre 8 et 12 mois montrent également des variations non négligeables. La seule conclusion que l’on puisse finalement établir est que la quantité d’évolution de l’écart-type au cours de la première année est du même ordre que l’incertitude de mesure liée à l’échantillonnage, soit de 0,10 à 0,20  ∂.

    Emmétropisation


    Nous avons vu que si l’évolution de l’écart-type ne pouvait être re-connue comme un critère significatif du processus d’emmétropisation, par contre la régression nette et rapide de l’hypermétropie moyenne conforte largement cette théorie. Nous avons voulu vérifier si une analyse longitudinale stricte confirmait les données de l’analyse mixte. Afin de limiter les difficultés de la multiplicité des tranches d’âge nous avons regroupé ces dernières en 3 périodes : A = 1 à 4 mois, B = 5 à 7 mois et C = w mois. Sur les 462 enfants contrôlés, 395 ont effectivement été revus à un minimum de 2 contrôles, dont les résultats figurent au tableau 22.
    Tab 22. Étude longitudinale.
    NombreMoyenne sphère méridienneMoyenne |C|
    A379+3,54 ∂ ±1,610,74 ∂ ±0,71
    B366+2,72 ∂ ±1,620,85 ∂ ±0,73
    C368+2,01 ∂ ±1,570,61 ∂ ±0,63

    On constate donc que pratiquement la moitié de l’hypermétropie a disparu avant l’âge de 1 an, ce qui laisse une hypermétropie de l’ordre +1,50 à +2,00  ∂. Pendant cette période l’astigmatisme moyen varie peu. Il n’y a donc aucune ambiguïté quant à la réalité de l’emmétropisation sphérique.
    Toutefois sur un plan pratique et clinique il est surtout intéressant de savoir quel pourcentage d’enfants va réellement se trouver dans une situation réfractive physiologique à l’âge de 8 à 10 mois. Nos études précédentes (Clergeau [7]) avaient montré qu’en se basant sur les li-mites d’une déviation standard, on pouvait estimer à au moins 35  % le nombre d’amétropies lors de l’examen systématique du 9e mois. Cette estimation définissait cependant une situation purement anatomique. Un abord plus fonctionnel, tel que nous l’avons déjà évoqué, tenant compte de la capacité visuelle à ce même âge avait également montré que l’on pouvait pratiquement identifier ces limites physiologiques aux facteurs de risque d’amblyopie et de strabisme définis par plusieurs auteurs (Atkinson, Ingram, Abrahamsson). Dans cette condition, la prévalence des amétropies significatives était évaluée à environ 25  % (Clergeau [8]). En choisissant les valeurs indiscutables de : sphère méridienne > +3,50  ∂, cylindre absolu > 1,50  ∂ et anisométropie > 1,00  ∂, nous avons analysé l’évolution réelle de notre échantillon. Sur les 368 enfants examinés de 8 à 10 mois, 70 se trouvaient dans la zone d’anomalie, soit 19  % des cas. Il apparaît donc évident que les valeurs trouvées dans nos précédents travaux correspondaient bien à une réalité épidémiologique et non à un artefact de recrutement en dépit d’échantillons conséquents. Nous avions par ailleurs trouvé que l’explication de cette prévalence amétropique a priori surprenante, provenait du fait que l’emmétropisation n’agit pas de façon uniforme par rapport aux différentes amétropies. Il était apparu que plus l’hypermétropie initiale était élevée et moins celle-ci régressait. Nous avons donc appliqué la même étude à notre échantillon qui a été subdivisé en tranches de 2 en 2 dioptries (tableau 23).
    La faille dans l’emmétropisation différentielle se trouve donc confir-mée dans l’évolution réfractive précoce. Elle touche également les cylindres puisque 21  % des cylindres > 1,50  ∂ ne se sont pas encore normalisés.
    Tab 23. Emmétropisation différentielle.
    Sphère méridienneNombrem SM1 → m SM3
    -0,50 à +1,75 ∂47+1,05 ∂ → +0,45 ∂0,70 ∂
    +2,00 à +3,75 ∂146+2,84 ∂ → +1,54 ∂1,30 ∂
    +4,00 à +5,75 ∂131+4,65 ∂ → +2,57 ∂2,08 ∂
    > +5,75 ∂28+6,65 ∂ → +4,29 ∂2,36 ∂

    Un bilan plus détaillé de ces situations non physiologiques a également montré que l’anomalie réfractive résiduelle était une hypermétropie dans 50  % des cas, un astigmatisme pour 27  %, un astigmatisme combi-né à une hypermétropie dans 16  % des cas. La myopie n’est présente que dans 2,8  % des cas et l’anisométropie dans 4,2  %.

    Conclusion


    Ce travail a donc permis de confirmer l’existence d’une emmétropisation nette et rapide portant essentiellement sur la régression de l’hypermétropie, le cylindre ayant globalement assez peu d’évolution. Il apparaît tout aussi nettement que cette emmétropisation n’est que partielle laissant pour compte un nombre relativement élevé de fortes hypermétropies mais aussi de cylindres. Le second point important est que contrairement à certaines affirmations l’écart-type diminue faiblement pendant cette période. Comme nous l’avons signalé pour le nouveau-né il persiste une petite incertitude sur la période exacte d’hypermétropie maximale. Les facteurs anatomiques et accommodatifs sont incriminés et sont peut-être en partie associés. L’analyse de l’évolution ultérieure montre que le processus d’emmétropisation n’est pas totalement accompli au terme de cette première période qu’il s’agisse des réfractions physiologiques ou des amétropies résiduelles.
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